CA Caen, 1re ch. civ., 2 juillet 2024, n° 22/02513
CAEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
R
Défendeur :
Z
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guiguesson
Conseillers :
Mme Velmans, Mme Delaubier
Avocats :
Me Marin, Me Cantois
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 16 novembre 2019, Mme [W] [Z] a fait l'acquisition auprès de M. [V] [R] d'un véhicule d'occasion Land Rover immatriculé [Immatriculation 4] affichant au compteur 265 300 kilomètres moyennant un prix de 7 800 euros.
Le 18 novembre 2019, soit deux jours après l'achat du véhicule, Mme [Z] a constaté que le voyant 'défaut système moteur' s'était allumé. Trois semaines plus tard, le voyant s'est à nouveau allumé et la puissance du moteur ayant immédiatement chuté, le véhicule a été immobilisé.
Mme [Z] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Coutances qui, par ordonnance du 25 juin 2020, a ordonné une expertise judiciaire, désignant M. [X] [U] en qualité d'expert.
L'expert a rendu son rapport le 5 janvier 2021.
Par acte du 2 mars 2021, Mme [Z] a fait assigner M. [R] devant le tribunal judiciaire de Coutances pour obtenir principalement la résolution de la vente intervenue le 16 novembre 2019 sur le fondement de la garantie des vices cachés, avec pour conséquence la restitution du prix de vente soit la somme de 7 800 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 janvier 2020 et jusqu'à parfait paiement. Elle sollicitait en outre l'indemnisation de l'ensemble des préjudices subis.
Par jugement du 30 août 2022 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal judiciaire de Coutances a :
- constaté l'existence de vices cachés affectant le véhicule Land Rover objet de la vente intervenue entre M. [R] et Mme [Z] ;
- dit y avoir lieu en conséquence à résolution de cette vente intervenue le 16 novembre 2019 ;
- condamné M. [R] à restituer à Mme [Z] le prix d'achat soit 7 800 euros ;
- condamné M. [R] à restituer à Mme [Z] le coût de la carte grise soit 469,52 euros ;
- débouté Mme [Z] de ses demandes financières relatives aux frais de gardiennage, de remorquage, d'assurance du véhicule objet du litige ;
- débouté Mme [Z] de sa demande de prise en charge par M. [R] de la somme de 1 268,26 euros correspondant à des frais de réparation effectuées en cours d'expertise ;
- débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [R] aux dépens de l'instance, comprenant les frais d'expertise.
Par déclaration du 29 septembre 2022, M. [R] a formé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 décembre 2022, M. [R] demande à la cour, au visa des articles 1641 du code civil et 175 du code de procédure civile, de :
- réformer en sa totalité le jugement rendu le 30 août 2022 en ce qu'il :
* a constaté l'existence de vices cachés affectant le véhicule Land Rover objet de la vente intervenue entre lui et Mme [Z] ;
* a dit y avoir lieu en conséquence à résolution de cette vente intervenue le 16 novembre 2019 ;
* l'a condamné à restituer à Mme [Z] le prix d'achat soit 7 800 euros ;
* l'a condamné à restituer à Mme [Z] le coût de la carte grise soit 469,52 euros ;
En conséquence,
- constater la nullité du rapport d'expertise de M. [U] pour non-respect du contradictoire ;
- rejeter la demande de résolution de la vente intervenue le 16 novembre 2019 ;
- débouter Mme [Z] de l'intégralité de ses demandes fondées sur la garantie des vices cachés ;
- débouter Mme [Z] de l'intégralité de ses demandes indemnitaires ;
- la condamner à payer une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
- la condamner également aux entiers dépens dont droit de recouvrement direct au profit de Me
Marin sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 7 juin 2023, Mme [Z] demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du véhicule Land Rover
immatriculé [Immatriculation 4] intervenue le 16 novembre 2019 entre M. [R] et elle, condamné M. [R] à lui payer la somme de 7 800 euros au titre de la restitution du prix de vente et de 469,52 euros au titre des frais d'établissement de la carte grise et condamné M. [R] aux dépens ;
- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts ainsi que de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
- condamner M. [R] à lui verser les sommes suivantes en réparation de ses préjudices :
* 3 552 euros au titre des frais de gardiennage ;
* 285,60 euros au titre des frais de remorquage du véhicule ;
* 810,28 euros au titre des cotisations d'assurance, sans préjudice des cotisations postérieures jusqu'à restitution du véhicule ;
* 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;
* 1 268,26 euros au titre de la facture réglée en cours d'expertise dans le cas où la cour n'estimerait pas cette somme comprise dans les dépens ;
- dire que la facture de 1 268,26 euros émise par le garage Land Rover et réglée par elle en cours d'expertise est comprise dans les dépens de première instance ;
- condamner M. [R] à lui verser, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 2 000 euros pour la procédure de première instance et de 2 000 euros pour la procédure d'appel ;
- condamner M. [R] aux entiers dépens de la procédure d'appel.
L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 20 mars 2024.
Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
- Sur la nullité du rapport d'expertise :
M. [R] demande à la cour de prononcer la nullité du rapport d'expertise sur le fondement de l'article 175 du code de procédure civile dans la mesure où l'expert n'a pas respecté le principe du contradictoire ce, à plusieurs reprises. Il affirme que M. [U] a accompli des investigations hors la présence des parties et sans y avoir été autorisé, et a procédé au changement des deux vannes EGR et non d'une seule tel qu'annoncé, alors que l'une d'entre elles venait d'être changée à son initiative en 2019. Il relève au surplus que postérieurement au dépôt du rapport, la société JFC procédera aussi au changement d'une bielle actionneur de turbo compresseur, effectuera un contrôle de l'alimentation du turbo et réalisera un essai sur route ce, sur la base d'un ordre de réparation de 30 septembre 2020, soit antérieurement à la note aux parties n°1, et avec une facture émise le 23 décembre 2020 soit postérieurement à l'établissement de la note aux parties n°2. Il estime qu'en réalité, l'expert n'est jamais intervenu le 22 octobre 2020 ainsi qu'il le prétend.
Mme [Z] soutient au contraire que le rapport d'expertise n'est pas entaché de nullité dès lors que l'expert, après avoir procédé au remplacement des deux vannes défectueuses, a adressé une note aux parties afin de recueillir leurs éventuelles observations, que M. [R] n'a adressé aucune observation en réponse et ne justifie d'aucun grief. A titre subsidiaire, Mme [Z] demande qu'une nouvelle expertise soit ordonnée ou à tout le moins un complément d'expertise.
Sur ce,
Aux termes de l'article 175 du code de procédure civile, la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.
En application de l'article 114 du même code, auquel renvoie l'article précédent, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Il appartient à celui qui invoque la violation d'une formalité substantielle sanctionnée par une nullité pour vice de forme de prouver l'existence d'un grief causé par cette irrégularité.
Il est constant que l'expert peut procéder à des investigations techniques hors la présence des parties et ne viole pas le principe du contradictoire dès lors qu'il soumet les résultats aux parties avant le dépôt de son rapport afin de permettre aux parties d'en débattre.
Il est admis qu'il n'y a pas lieu à prononcer la nullité des relevés de mesure purement techniques opérés hors la présence des parties dès lors qu'elles ont été mises à même de les discuter.
Le tribunal judiciaire de Coutances a considéré que M. [R] justifiait effectivement d'un grief au motif qu'il a été procédé au remplacement des deux pièces défectueuses alors que l'une de ses pièces avait été changée récemment par lui-même, l'expert mettant ainsi indirectement en évidence une négligence dans l'entretien du véhicule par son propriétaire. Le juge a néanmoins considéré que le principe du contradictoire avait été respecté au motif que les parties avaient pu faire valoir leurs observations, qu'il ressortait des pièces produites que l'expert avait tenté d'obtenir la présence de M. [R] ou de son avocat lors des réunions et que dès lors, aucune irrégularité ne pouvait être retenue.
De fait, l'examen du rapport d'expertise rendu par M. [U] et des pièces annexées permet de retenir que :
- une réunion s'est tenue en présence des parties le 28 septembre 2020 ;
- l'expert judiciaire, à cette occasion, a informé les parties 'qu'à titre de recherche de panne, [il] souhaitait faire remplacer la vanne EGR afin de poser un diagnostic définitif' (compte-rendu de réunion du 28 septembre 2020, note n° 1 du 9 octobre 2020), ce qui est confirmé par le compte-rendu de cette même réunion établi le 5 octobre 2020 par M. [Y] [T], de la société Alliance expertise automobile, adressé à M. [R] (conclusion de ce compte-rendu p5/5) ;
- M. [U] a informé les parties dans sa note n° 2 du 22 décembre 2020 qu'afin de poursuivre le diagnostic, il avait été indispensable de procéder également au remplacement de l'EGR B, laquelle est également apparue défectueuse, communiquant alors, dans la suite de sa note, les éléments de son diagnostic ;
- la note n° 2 n'a fait l'objet d'aucun dire ni critique de la part de M. [R] en particulier concernant le changement de vannes effectué.
Il résulte de ces éléments, qu'afin de rechercher les causes de la panne du véhicule et établir un diagnostic, l'expert judiciaire a fait procéder au changement des vannes EGR A et EGR B, hors la présence des parties, mais en les ayant tenues informées, préalablement s'agissant de la vanne EGR A et, dans les deux cas postérieurement, en leur communiquant au surplus les éléments de diagnostic que ces mesures techniques avaient permis d'établir, invitant alors les parties à faire valoir leurs observations.
Aucun dire n'a été adressé par M. [R] de sorte que l'expert a clôturé son rapport le 5 janvier 2021.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le principe du contradictoire a bien été respecté alors que M. [R] a été informé tant des investigations techniques auxquelles l'expert judiciaire a fait procéder que des résultats auxquels il était parvenu à la suite de ces mesures et ce, avant le 5 janvier 2021, date du dépôt du rapport d'expertise.
L'émission de la facture JFC le 23 décembre 2020 visant les réparations effectuées au cours des mesures d'expertise (remplacement des vannes EGR) est sans incidence sur la validité du rapport en ce qu'elle vise bien des travaux réalisés en cours d'expertise tels que mentionnés et analysés par M. [U] dans sa note n°2. L'expert avait seulement indiqué aux parties dans sa note n°1, que le remplacement de l'EGR était 'programmé' le 22 octobre 2020 et qu'il en informerait les parties 'quand les travaux seraient réalisés' (p6/6 de la note n°1) sans manifester aucune intention de les convoquer aux fins d'assister aux dits travaux. Les éléments du rapport d'expertise judiciaire attestent que le changement a bien été exécuté avant la rédaction de la note n°2 de l'expert, et que les parties ont été informées de leurs résultats et des conclusions que l'expert en tirait dans le respect du contradictoire.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande présentée par M. [R] en annulation du rapport d'expertise.
- Sur la demande de résolution de la vente fondée sur la garantie des vices cachés :
M. [R] soutient que Mme [Z] ne rapporte pas la preuve de l'antériorité du vice, alors que le véhicule vendu en parfait état, immobilisé depuis le mois de décembre 2019 sur le parking extérieur du garagiste concessionnaire, portait des traces de griffures et de rayures constatées sur l'angle gauche du bouclier arrière ainsi que de profondes rayures et un enjoliveur de la poignée d'ouverture de porte avant gauche autour manquant, désordres apparus postérieurement à la vente.
Pour soutenir qu'il n'est nullement établi que la panne qui affecte aujourd'hui le véhicule était en germe au moment de la cession, il s'appuie sur le compte-rendu du 5 octobre 2020 de la société Alliance expertise automobile annexé à la note n°1 de l'expert, ainsi que sur le caractère incomplet des investigations menées par l'expert judiciaire de sorte que ses conclusions sont inexploitables et en tout cas contestables.
Il estime qu'en réalité, les vices relevés par l'expert judiciaire résultent de l'usage du véhicule par Mme [Z] qui avait parcouru 1 700 kilomètres depuis la vente intervenue le 16 novembre 2019, tout en rappelant que celui-ci avait fait l'objet de sa part d'un suivi rigoureux par le professionnel auquel il avait confié son entretien périodique ainsi qu'il l'établit.
Il ajoute que l'intimée, en achetant un véhicule de plus de 15 ans d'âge au kilométrage de 265 000 kilomètres, devait s'attendre à être exposée à des frais de réparation et d'entretien importants et à un usage qui ne serait pas celui d'une voiture neuve ou moins usagée.
L'appelant considère en définitive, qu'à défaut pour Mme [Z] de rapporter la preuve de l'existence, lors de la vente, d'une anomalie affectant le véhicule et le rendant inutilisable, le jugement doit être infirmé et l'intimée déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Mme [Z] demande au contraire la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a considéré que les conditions de la résolution de la vente pour vices cachés étaient réunies.
Elle assure ainsi que l'antériorité du vice est caractérisée puisqu'elle a rencontré des difficultés seulement deux jours après la prise de possession du véhicule, qu'il ne s'est écoulé qu'un bref délai entre la vente et la panne, qu'elle a peu roulé dans cet intervalle et que l'expertise n'a pas révélé une quelconque faute d'utilisation de sa part.
Mme [Z] ajoute que lors de l'essai préalable à la vente, le véhicule fonctionnait normalement aucun voyant ne s'étant allumé, qu'elle n'est pas une professionnelle de l'automobile et que dès lors, elle ne pouvait pas déceler les vices mis en évidence. Elle fait valoir que le prix élevé du véhicule, malgré son ancienneté et son kilométrage en était justifié par le fait que celui-ci paraissait en très bon état et semblait avoir fait l'objet d'un entretien adéquat.
Enfin, l'intimée assure que si elle avait eu connaissance des dysfonctionnements moteur et de l'état réel du véhicule, elle n'en aurait pas fait l'acquisition ou, à tout le moins, l'aurait acheté à un moindre prix.
Sur ce,
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
L'article 1643 précise que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
L'article 1644 ajoute que dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
Il incombe à l'acquéreur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères. Il doit ainsi établir que la chose vendue est atteinte d'un vice:
- inhérent à la chose et constituant la cause technique des défectuosités,
- présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l'usage attendu de la chose,
- existant antérieurement à la vente, au moins en l'état de germe,
- n'étant, au moment de la vente, ni apparent ni connu de lui, le vendeur n'étant pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même conformément à l'article 1642 du code civil.
En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que :
- le 16 novembre 2019, M. [R] a vendu à Mme [Z] un véhicule de marque Range Rover immatriculé [Immatriculation 4] avec un kilométrage de 265 300 km moyennant le prix de 7 800 euros, cette acquisition ayant été précédée d'un essai routier qui n'a révélé aucun dysfonctionnement du véhicule ;
- le 18 novembre 2019, soit seulement deux jours après l'achat du véhicule, Mme [Z] a constaté que le voyant 'défaut système moteur' s'était allumé, ce dont elle a informé M. [R] le jour même, ainsi que l'établissent les échanges de courriels entre les parties versés aux débats ;
- le même voyant s'étant allumé de nouveau trois semaines plus tard, et la puissance ayant immédiatement chuté, le véhicule a été immobilisé au garage JFC Automobile qui a identifié, suivant devis, une défaillance au niveau de la pompe haute pression, les frais de remplacement ont été estimés à 3 654, 35 euros.
Aux termes de son rapport, l'expert a relevé que le véhicule litigieux, de très haute gamme et de haute technologie, présentait un aspect et un état d'ensemble fatigué et qu'il semblait que son entretien et sa maintenance n'avaient pas été au niveau du véhicule durant toute son utilisation. Il a relevé que M. [R] avait réalisé d'importants frais de remise en état qui ne constituaient pas des améliorations de l'existant. L'expert a indiqué que le relevé d'information fourni par la compagnie d'assurance de Mme [Z] attestait que durant sa période de possession le véhicule n'avait subi aucun dommage qui aurait été indemnisé.
Sur l'utilisation faite par Mme [Z], l'expert a relevé que cette dernière avait utilisé le véhicule 41 jours, soit selon la loi de roulage qu'elle a déclaré (30km/jr)+-1200km. M. [U] a indiqué que cette estimation semblait confirmée par le kilométrage relevé le 30 septembre 2019 sur le contrôle technique réalisé par M. [R] soit 500 km avant la vente.
S'agissant de l'état mécanique du véhicule au jour de la vente, ainsi que son état physique, notamment au regard des désordres évoqués, M. [U] a relevé un kilométrage total de 266 440 km qui, sans être exceptionnellement élevé, était conséquent, notant cependant que celui-ci avait été parcouru par de multiples propriétaires (x5). L'expert a précisé qu'il ne disposait d'aucune preuve d'un entretien régulier du véhicule, que cette absence d'entretien était préoccupante car si les véhicules de type Range Rover sont connus pour leurs qualités de confort et leurs aptitudes au tout terrain, ils le sont également pour leur relative fragilité ou plus exactement pour leurs multiples caprices qui imposent un suivi très rigoureux pour ne pas en subir les désagréments, et un entretien complexe, lourd et coûteux. Pour ces raisons, l'expert a considéré que ce véhicule avait très certainement connu un suivi rigoureux durant une période de son existence, mais que cette période remontait à loin lorsque Mme [Z] en a fait l'acquisition. Que cette affirmation était confortée par la somme des travaux (7 369,64 euros) entrepris par M. [R] durant sa courte période de possession (+ - 10 mois) et le faible kilométrage qu'il a parcouru durant celle-ci (4 724 km), ces travaux, visant en grande majorité la poursuite de l'utilisation et non l'amélioration et ont été malgré leurs montants élevés, réalisés à l'économie. L'expert a précisé que Mme [Z] a acheté un véhicule présentant bien, mais que celui-ci manquait cruellement de suivi et, depuis longtemps, que les désordres et les dysfonctionnement survenus suite à son achat étaient en devenir.
Enfin, l'expert a mis en évidence que le remplacement des 2 EGR (dysfonctionnement massif de la vanne EGR A, et ERG défectueuse) a permis de rendre possible une accélération brutale 'qui a permis d'incriminer également le turbo, et plus précisément son mécanisme de géométrie variable'.
Suite à ses constatations, recherches, mesures d'investigation techniques et essais, et aux termes de ses explications détaillées, l'expert a ainsi conclu s'agissant des désordres, de leur importance et de l'origine que :
- les désordres sont multiples, atteignent la dépolution, (EGR) et la suralimentation (turbo) ;
- leur importance est critique, puisque sans remplacement de l'ensemble de ces éléments, le véhicule est inutilisable ;
- leur origine est liée au vieillissement dans de mauvaises conditions (sans suivi rigoureux) ;
- l'application d'une note interne (pièce 20203221 de son rapport) éditée par Land Rover en 2006 et 'qui traite d'une pathologie similaire à celle du véhicule aujourd'hui' aurait évité les pannes à répétition dont était visiblement affecté le véhicule et subies par ses deux derniers propriétaires ;
- le coût des travaux de réparations (remplacement du turbo) s'élève dans l'immédiat à la somme de 2875,18 euros alors que le remplacement de la pompe HP serait à prévoir par la suite pour un montant de 3 351,94 euros ;
- ces désordres n'étaient pas décelables physiquement lors de la vente mais, l'absence de preuve d'entretien aurait pu/du alerter l'acheteuse ; la présence de factures d'un montant global important (7 369,64 euros) pouvait laisser à penser que le véhicule avait fait l'objet d'un suivi rigoureux, alors qu'une lecture attentive de celles-ci aurait pu montrer que malgré leur montant, il ne s'agissait que de réparations effectuées a minima.
L'ensemble de ces éléments ne sont pas utilement remis en cause par M. [R] alors que le seul compte-rendu de la réunion d'expertise réalisé par M. [T] (société Alliance expertise automobile) fait état d'un avis émis en tout début d'expertise et non à l'issue des investigations techniques, et aucun autre avis technique n'est produit permettant de douter de la pertinence des conclusions expertales précitées.
Du tout, il doit être considéré que le véhicule acquis par Mme [Z] était affecté lors de la vente de vices d'importance liés de manière évidente à un entretien défectueux au regard des caractéristiques du dit véhicule exigeant un suivi 'lourd, complexe et coûteux'.
Il ne peut être retenu que ces vices résultent du seul usage et de la vétusté ainsi que le prétend M. [R].
En outre, il n'est nullement contesté que Mme [Z] n'est pas une professionnelle de l'automobile de sorte qu'elle ne pouvait connaître les vices constatés par l'expert au seul examen approfondi des factures communiquées, dont le montant total donnait au contraire l'apparence d'un suivi adapté et régulier pour un profane tel que l'intimée.
Il est donc établi que les dysfonctionnements relevés par l'expert constituent un défaut existant au moment de la vente, et rendant inutilisable le véhicule en raison des dommages affectant le moteur et du coût des réparations.
Aussi, Mme [Z] est fondée à obtenir la résolution de la vente pour vice caché, le véhicule litigieux étant impropre à son usage ne pouvant plus circuler.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce que la résolution de la vente a été prononcée et M. [R] condamné à restituer le prix de vente reçu soit la somme de 7800 euros.
- Sur les autres demandes indemnitaires :
Mme [Z] fait grief au jugement entrepris de l'avoir déboutée de sa demande de dommages et intérêts au motif que M. [R] n'avait pas connaissance des vices affectant le véhicule.
Elle prétend au contraire que la preuve est rapportée que le vendeur a été défaillant dans son entretien, que celui-ci connaissait le caractère défectueux des vannes EGR alors que le véhicule avait déjà rencontré des désordres du même ordre en 2018 et qu'il avait fait le choix de remplacer une seule de deux vannes EGR. Elle ajoute que le véhicule est tombé en panne peu après la vente, que celui-ci présentait nécessairement des signes de faiblesse avant la transaction, autant d'éléments manifestant la connaissance par M. [R] des vices mis au jour. Enfin, Mme [Z] ajoute que M. [R] a été de mauvaise foi tout au long de la procédure en refusant de fournir à l'expert les éléments nécessaires à l'accomplissement de sa mission.
Sur ce,
L'article 1645 du code civil dispose que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
L'article 1646 du même code précise que si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente.
En l'espèce, le tribunal a débouté Mme [Z] de l'ensemble de ses prétentions indemnitaires au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve que M. [R] avait connaissance des vices du véhicule avant de le vendre.
En cause d'appel, Mme [Z] ne rapporte pas de nouveaux éléments au soutien de ses allégations.
En effet, il est établi que le vendeur, profane en la matière, avait fait procéder à un entretien régulier de son véhicule auprès de professionnels pour des sommes non négligeables, même si l'expert a établi que celui-ci n'était pas suffisant au regard de des caractéristiques de la voiture et de ses fragilités. Toutefois, il n'est pas démontré que M. [R] avait connaissance de l'insuffisance de cet entretien eu égard à l'état exact du véhicule, ni que, dûment averti, il aurait sciemment fait procéder à des réparations a minima notamment en sollicitant le remplacement d'une seule vanne EGR au lieu des deux.
De la même manière, aucun élément ne permet de retenir que M. [R] avait eu connaissance de note interne éditée par Land Rover en 2006 qui fait état des défauts affectant ce type de véhicule.
Par ailleurs, M. [R] justifie avoir peu utilisé ce véhicule pour des raisons relatives à son état de santé, l'expert ayant notamment relevé que lorsqu'il était en sa possession, la distance parcourue par le vendeur était d'environ 4 700 km.
Enfin, l'expert n'a jamais affirmé que M. [R] connaissait les vices affectant le véhicule.
En conséquence, la preuve n'étant pas rapportée par Mme [Z] de la connaissance du vice par M [R], celui-ci ne sera tenu qu'à la restitution du prix de vente et à rembourser à l'acquéreur les seuls frais occasionnés par la vente ce, sans devoir indemniser l'acheteuse des conséquences du dommage causé par le vice ainsi que l'a exactement retenu le premier juge.
Les frais occasionnés par la vente s'entendent des dépenses liées directement à la conclusion du contrat et non des frais postérieurs à la vente.
C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes de dommages et intérêts présentées par Mme [Z] au titre des frais de gardiennage et de remorquage, des cotisations d'assurance et du préjudice de jouissance, le jugement étant confirmé à ce titre.
Mme [Z] sera également déboutée de sa demande indemnitaire présentée au titre de la facture de la société JFC du 15 décembre 2020 d'un montant de 1268, 26 euros portant un ordre de réparation du 26 décembre 2019 émanant de sa part et antérieur aux opérations d'expertise.
Il sera rappelé que les travaux nécessités par les opérations d'expertise (remplacement des vannes EGR) ont fait l'objet précisément d'une autre facture déjà mentionnée en date du 23 décembre 2020, d'un montant de 1684,80 euros et émise au nom de M. [U], facture que celui-ci a intégrée dans le mémoire de ses frais et dont la charge reviendra à la partie condamnée aux dépens.
Enfin, le jugement sera également confirmé en ce que M. [R] a été condamné au paiement de la somme justifiée de 469,52 euros au titre du coût de la carte grise.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, lesquels ne comprennent pas le coût de la facture de 1 268,26 euros émise le 15 décembre 2020 par la société JFC.
Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée en appel par Mme [Z] et de condamner M. [R] au paiement de la somme de 2 000 euros sur ce fondement.
M. [R], partie perdante, doit être débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux entiers dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Condamne M. [V] [R] aux entiers dépens de la procédure d'appel ;
Condamne M. [V] [R] à payer à Mme [W] [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes les autres demandes des parties.