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Décisions

CA Poitiers, 1re ch., 2 juillet 2024, n° 22/02631

POITIERS

Arrêt

Autre

CA Poitiers n° 22/02631

2 juillet 2024

ARRET N°266

N° RG 22/02631 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GU6U

S.A.R.L. GUIET FRERES

C/

S.A.R.L. SARL DU BREUIL POIGNARD

Loi n° 77-1468 du30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire

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Copie gratuite délivrée

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 02 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02631 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GU6U

Décision déférée à la Cour : jugement du 02 août 2022 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHE SUR YON.

APPELANTE :

S.A.R.L. GUIET FRERES

[Adresse 3]

[Localité 4]

ayant pour avocat Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

INTIMEE :

S.A.R.L. DU BREUIL POIGNARD

[Adresse 1]

[Localité 2]

ayant pour avocat postulant Me Benoit GLAENTZLIN de la SELARL ATLANTIQUE DEFENSE & CONSEIL, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat pladiant Me Pierre DELANNAY, avocat au barreau de l'EURE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ :

Le 18 juin 2019, la SARL du Breuil Poignard a fait l'acquisition auprès de la société Guiet Frères d'une moissonneuse batteuse de marque Case avec chariot de coupe pour un prix de 258.480 euros TTC.

Faisant valoir qu'elle n'avait jamais pu utiliser l'engin faute de pouvoir procéder au changement de carte grise car il appartenait en réalité à la société de leasing CNH Industrial Capital Europe, elle a fait assigner sa venderesse par acte du 4 février 2021 pour entendre prononcer la nullité de la vente et obtenir indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 2 août 2022, le tribunal de commerce de La-Roche-sur-Yon a :

* prononcé la nullité de la vente intervenue le 18 juin 2019

* condamné la société Guiet Frères à payer à la société du Breuil Poignard la somme de 258.400 euros correspondant au prix d'acquisition, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement

* condamné la société Guiet Frères à venir récupérer l'engin à ses frais et sous sa seule responsabilité sans délai à compter du remboursement du prix

* débouté la société du Breuil Poignard de sa demande indemnitaire

* constaté que l'exécution provisoire était de droit

* condamné la société Guiet Frères aux dépens et à payer 2.000 euros à la société du Breuil Poignard en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, la juridiction consulaire a retenu, en substance :

- que la société Guiet Frères n'était pas propriétaire de la machine qu'elle avait vendue, l'ayant reçue elle-même dans le cadre d'une opération de crédit-bail

- que si la cession d'un bien compris dans un crédit-bail était certes possible, elle nécessitait impérativement l'accord du bailleur, propriétaire du bien objet du crédit-bail

- que la société Guiet Frères avait vendu l'engin sans l'accord de son propriétaire

- que la vente était nulle, en application de l'article 1599 du code civil

- que l'annulation de la vente impliquait restitutions réciproques de la chose et du prix

- que la société du Breuil Poignard avait été négligente en ne procédant pas lors de l'achat aux vérifications d'usage telles la lecture du certificat d'immatriculation ou la production d'un certificat de non-gage et ne justifiait pas du préjudice qu'elle alléguait au soutien de sa demande indemnitaire

- que la société Guiet Frères ne justifiait pas de façon probante de l'utilisation alléguée de la machine.

La SARL Guiet Frères a relevé appel le 20 octobre 2022.

Par ordonnance du 12 septembre 2023, le juge de la mise en état a dit n'y avoir lieu à radier l'affaire du rôle pour défaut d'exécution du jugement entrepris au motif que l'appelante établissait être dans l'impossibilité financière de régler, même partiellement, les condamnations qu'elle conteste.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :

* le 15 mars 2024 par la société Guiet Frères

* le 29 mars 2024 par la société du Breuil Poignard.

La société Guiet Frères demande à la cour de la juger bien fondée en son appel, d'infirmer la décision déférée et statuant à nouveau :

- de débouter la société du Breuil Poignard de sa demande de nullité du contrat de vente en date du 3 juin 2019

Subsidiairement :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société du Breuil Poignard

- de déclarer recevable et bien fondée sa propre demande reconventionnelle

- de condamner la société du Breuil Poignard à lui payer 103.485,16 euros TTC en dédommagement de l'usure du matériel

- d'ordonner la compensation entre les deux créances

En tout état de cause :

- de débouter la société du Breuil Poignard de toutes ses demandes plus amples ou contraires ainsi que de son appel incident

- de condamner la société du Breuil Poignard à lui payer 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- de condamner la société du Breuil Poignard aux dépens de première instance et d'appel.

Elle indique que si elle n'était certes pas le propriétaire du bien au moment de la vente, elle n'était pas sans droit sur lui, en ayant la possession légitime et disposant du droit de lever l'option accordée par le crédit-bailleur en acquérant ainsi la propriété du matériel à l'issue du crédit-bail.

Elle affirme que le vendeur d'une chose qui possède sur elle un droit conditionnel ne vend pas la chose d'autrui, ce qui est son cas avec ce droit de lever l'option, qui n'est point potestatif.

Elle ajoute que la société du Breuil Poignard n'a jamais subi un quelconque risque d'éviction de la part de la crédit-bailleresse CNH Industrial Capital et encore moins de sa part.

Elle conteste que le fondement de la garantie des vices cachés puisse être invoqué, au motif que le vice doit porter sur la chose vendue et non pas résider dans la personne du vendeur.

Elle conteste que l'usage de la machine soit impossible, et affirme que le gérant de la société du Breuil Bernard lui a plusieurs fois dit au téléphone être très satisfait de son utilisation. Elle soutient que le constat d'huissier de justice qu'elle a été autorisée en justice à faire dresser établit sans conteste que l'intimée a fait une utilisation intensive de la machine.

Elle qualifie de mensongère l'affirmation de l'intimée relative à la perte de deux années de récoltes en indiquant que l'engin a servi au battage pendant 466 heures depuis la vente.

Elle affirme que la société du Breuil Poignard a en réalité fait une bonne affaire en achetant avec une forte décote de 30% une machine qui n'avait servi qu'une année.

Soutenant en réponse au moyen adverse être recevable à former en appel une demande nouvelle puisqu'elle est reconventionnelle au sens de l'article 567 du code de procédure civile, elle réclame, pour le cas où la cour prononcerait l'anéantissement de la vente, des dommages et intérêts d'un montant de 86.237,63 euros HT soit 103.485,16 euros TTC sur la base d'un coût locatif de 46,47 euros de l'heure hors taxe par hectare au titre des 441,85 heures d'utilisation de l'engin pour un total de 1.855,77 hectares, et la compensation entre les créances réciproques.

La société du Breuil Poignard demande à la cour :

* de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente, condamné la société Guiet Frères à lui payer 258.400 euros en restitution du prix d'acquisition, avec intérêts, et à venir récupérer l'engin à ses frais et sous sa seule responsabilité sans délai à compter du remboursement du prix

* À titre subsidiaire :

- de juger que le matériel qui lui a été vendu est affecté d'un vice caché

- de prononcer la résolution de la vente

- de condamner la société Guiet Frères à lui verser la somme de 258.400 euros correspondant au prix d'acquisition, avec intérêts au taux légal à compter du jugement

- de condamner la société Guiet Frères à venir récupérer l'engin à ses frais et sous sa seule responsabilité sans délai à compter du remboursement du prix

* À titre infiniment subsidiaire et conformément à l'article 1130 du code civil :

- de juger que la société Guiet Frères a commis une réticence dolosive en lui dissimulant que le matériel vendu appartenait à un tiers

- de juger que cette information était déterminante du consentement de l'acheteur

- de prononcer la nullité pour dol de la vente intervenue le 18 juin 2019 entre les deux sociétés de la moissonneuse batteuse et de la remorque

- de condamner la société Guiet Frères à lui verser la somme de 258.400 euros correspondant au prix d'acquisition, avec intérêts au taux légal à compter du jugement

- de condamner la société Guiet Frères à venir récupérer l'engin à ses frais et sous sa seule responsabilité sans délai à compter du remboursement du prix

* En toute hypothèse :

- de déclarer irrecevable comme étant une prétention nouvelle en cause d'appel la demande de condamnation sollicitée par la société Guiet Frères contre elle au paiement d'une somme de 86.237,63 euros HT soit 103.485,16 euros TTC

-à titre subsidiaire, d'en débouter la société Guiet Frères comme étant infondée et injustifiée

* Sur l'appel incident :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Guiet Frères à lui verser 200.000 euros

statuant à nouveau :

- condamner la société Guiet Frères à lui verser 200.000 euros à titre de dommages et intérêts

* de condamner la société Guiet Frères aux dépens et à lui verser 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle maintient que la vente doit être annulée car la chose n'était pas la propriété de la venderesse, et que le crédit-bailleur n'a jamais donné son accord.

Elle indique que l'appelante ne lui a pas dit qu'elle n'était pas propriétaire ; que la vente n'était assortie d'aucune condition ni d'aucun terme.

Elle ajoute que ses droits n'ont pas été consolidés, la société Guiet Frères n'ayant pas racheté l'engin, contrairement à ce qu'elle lui avait annoncé lorsqu'elle découvrit la vérité. Elle fait valoir qu'elle est toujours exposée à un risque d'éviction.

Elle récuse toute application de l'article L.313-8 du code monétaire et financier invoqué par l'appelant, en objectant qu'elle n'entend évidemment pas être tenue des loyers envers le crédit-bailleur.

Elle tient pour inopérantes les considérations tirées par l'appelante des règles de circulation avec ou sans la carte grise de la machine.

Elle sollicite à titre subsidiaire la résolution de la vente pour vice caché, en soutenant que le fait que le vendeur ne soit pas propriétaire de la chose vendue constitue un défaut qui rend la chose impropre à sa destination puisqu'elle ne peut rouler ni être assurée.

Elle sollicite plus subsidiairement la nullité de la vente pour dol, en raison de la dissimulation par la venderesse de son absence de droit de propriété sur la chose vendue.

Elle argue d'irrecevabilité la demande de dommages et intérêts formulée par la société Guiet Frères, nouvelle en cause d'appel. Elle conclut subsidiairement à son rejet en faisant valoir que la société Guiet Frères ne rapporte pas la preuve du kilométrage lors de la vente, qui n'a pas été porté sur un document et ne résulte nullement du constat dressé, qui n'est pas probant. Elle juge arbitraire, incohérent et incompréhensible le calcul de l'appelante relatif à sa prétendue utilisation de la machine, qu'elle nie avoir été intensive.

Formant appel incident, elle redemande 200.000 euros de dommages et intérêts à la société Guiet Frères en indiquant que l'impossibilité d'utiliser cette machine qu'elle avait acquise pour son activité de récoltes pour le compte de tiers lui a causé une perte sèche de 100.000 euros par an, ayant dû financer sur ses fonds propres l'achat du semoir qui devait être utilisé avec la moissonneuse-batteuse mais qui n'a pu servir puisque celle-ci ne peut être utilisée faute de carte grise, sa trésorerie s'en étant trouvée négative, et sa situation précaire. Elle indique en justifier en produisant ses comptes sociaux au titre des exercices 2018, 2019, 2020 et 2021, et expose avoir dû procéder au licenciement d'un salarié. Elle précise que si son résultat a augmenté en 2021, c'est parce qu'elle a développé de nouvelles activités, mais qu'elle n'a pu réaliser de récoltes pour autrui, ne prenant pas le risque d'utiliser une machine non assurée.

L'ordonnance de clôture est en date du 4 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société Guiet Frères a vendu le 18 juin 2019 à la SARL du Breuil Poignard une moissonneuse batteuse immatriculée [Immatriculation 6] et une remorque immatriculée [Immatriculation 5].

Elle a établi et signé pour chacune des choses vendues un certificat de cession dans lequel elle se désigne comme le propriétaire de l'une et l'autre.

Elle ne l'était pas, les productions démontrant que ces biens étaient la propriété de la société CNH Industrial Capital, qui les lui avait loués en vertu d'un contrat de crédit-bail ayant pris effet le 11 décembre 2018 et courant jusqu'au 11 avril 2019, avec les deux premières années un loyer de 26.295 euros puis un loyer de 58.058 euros.

Aux termes de l'article 1559 du code civil, la vente de la chose d'autrui est nulle ; elle peut donner lieu à des dommages et intérêts lorsque l'acheteur a ignoré que la chose fût à autrui.

La circonstance que le contrat de crédit-bail en vertu duquel la société Guiet Frères détenait la chose vendue stipule une faculté de rachat à l'issue du contrat en vertu de laquelle elle pourrait acquérir la propriété des deux machines ne retire rien au constat qu'elle n'en était pas propriétaire lorsqu'elle l'a vendue à la société Le Breuil Poignard.

Il est, de même, inopérant, pour l'appelante, de faire valoir que la chose prise en crédit-bail peut être vendue par le crédit-preneur avec l'accord du crédit-bailleur, puisqu'elle ne justifie pas d'un tel accord de la société CNH Industrial Capital pour la vente des deux engins, les productions démontrant qu'elle a à plusieurs reprises demandé à l'intimée puis à l'huissier de justice et à l'avocat mandatés par celle-ci de patienter en affirmant être sur le point de racheter le matériel ou d'obtenir l'accord pour la vente, ce qui ne s'est pas fait, de sorte qu'elle n'est pas fondée à évoquer une consolidation du droit de la société du Breuil Poignard ni à prétendre que celle-ci ne risquerait aucune éviction puisqu'elle n'a pu depuis cinq ans acquérir la propriété de ce qu'elle a acheté et payé.

C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont prononcé la nullité de la vente.

C'est tout aussi pertinemment qu'ils ont en conséquence de cette annulation condamné la société Guiet Frères d'une part, à payer à la société du Breuil Poignard la somme de 258.400 euros correspondant au prix d'acquisition, et d'autre part à venir récupérer l'engin à ses frais et sous sa seule responsabilité sans délai à compter du remboursement du prix.

La société Guiet Frères réclame aussi au titre des restitutions induites par l'annulation de la vente les fruits et valeur de la jouissance que la chose a procurée à la SARL du Breuil Poignard

Cette demande, formée pour la première fois en cause d'appel par la defenderesse à l'action en nullité de la vente introduite par la SARL du Breuil Poignard, est une demande reconventionnelle, recevable en application de l'article 567 du code de procédure civile.

L'intimée en conteste le principe même en objectant qu'il est de jurisprudence assurée que le vendeur n'est pas fondé, en raison de l'effet rétroactif de la résolution de la vente, à obtenir une indemnité liée à l'utilisation de la chose vendue ou à l'usure résultant de cette utilisation.

Cette solution est antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 1352-3 du code civil, applicable en la cause, qui dispose que la restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée, que l'appelant invoque nécessairement, quand bien même il ne le vise pas expressément, en faisant valoir que cette restitution permet seule de remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la vente compte-tenu de l'utilisation intensive des machines faites par la demanderesse pendant plusieurs saisons.

L'huissier de justice qui a dressé constat sur autorisation de justice le 28 septembre 2021 dans les locaux de la SARL du Breuil Poignard y a constaté la présence dans un hangar de la moissonneuse-batteuse et de la remorque litigieuses, sales et poussiéreuses, à côté d'une grande quantité de bottes de paille, consigné que l'écran de la machine affichait 1.210,51 heures moteur et 697,61 heures battage, et recueilli d'un des co-gérants de l'entreprise Guiet qu'elles avaient été utilisées sur ses propres parcelles et non chez des clients tiers en raison d'un problème d'assurance puisque la carte grise était au nom de CNH Capital.

Si les documents de vente ne mentionnent pas le nombre d'heures moteur et battage au compteur, la société Guiet Frères produit une photographie du compteur, nécessairement prise avant qu'elle se dessaisisse de la moissonneuse-batteuse et donc antérieure à la vente du 18 juin 2019, mentionnant 468,55 heures moteur et 255,76 heures battage, étant observé qu'elle avait pris elle-même possession de la machine fin décembre 2018, de sorte qu'il n'y a guère eu de possibilité d'utiliser l'engin pour des moissons avant sa vente à la fin du printemps 2019.

Il ressort de ces éléments que la société du Breuil Poignard a utilisé, au moins pour elle-même, le matériel.

La valeur de la jouissance qu'elle a tirée du matériel à restituer s'évalue à 40.000 euros.

La société du Breuil Poignard ignorant que la chose qu'elle a achetée n'appartenait pas à la SARL Guiet Frères, est en droit de lui réclamer des dommages et intérêts.

Elle a subi un réel préjudice en l'affaire, où elle a payé comptant 258.400 euros un matériel qu'elle n'a pas pu faire rouler ni assurer et donc pu employer à ce pour quoi elle avait investi, savoir, conformément à son objet social, la réalisation de tous travaux agricoles, de mise en culture et de récoltes pour le compte de tiers, ce qui a nécessairement déséquilibré sa trésorerie et l'a privée d'une marge brute qu'elle aurait réalisée avec ces machines.

Au vu des productions, et des explications des parties, ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 50.000 euros par infirmation du jugement, qui a rejeté purement et simplement ce chef de prétention.

La compensation sollicitée par l'appelante sera ordonnée entre les créances réciproques.

La SARL Guiet Frères succombe pour l'essentiel en son recours et supportera les dépens d'appel.

Elle versera une indemnité de procédure à la société du Breuil Poignard en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il déboute la SARL du Breuil Poignard de sa demande de dommages et intérêts formulée contre la SARL Guiet Frères

statuant à nouveau de ce chef :

CONDAMNE la société Guiet Frères à payer 50.000 euros à la société du Breuil Poignard à titre de dommages et intérêts

ajoutant :

DIT recevable la demande de la société Guiet Frères au titre de la valeur de la jouissance que la chose à restituer a procurée à la société du Breuil Poignard

CONDAMNE la société du Breuil Poignard à lui payer 40.000 euros à ce titre

ORDONNE la compensation entre les créances réciproques

CONDAMNE la société Guiet Frères aux dépens d'appel

CONDAMNE la SARL Guiet Frères à verser 4.000 euros à la société du Breuil Poignard en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,