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Décisions

CA Reims, 1re ch. sect. civ., 2 juillet 2024, n° 23/00412

REIMS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

U

Défendeur :

Poly Commerce (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mehl-Jungbluth

Conseillers :

Mme Mathieu, Mme Pilon

Avocats :

Me Bronquard, Me Sebban, Me Legay

T. com. Reims, du 13 sept. 2022, n° 23/0…

13 septembre 2022

EXPOSE DU LITIGE

Le 11 octobre 2019, Monsieur [I] [U] a acquis auprès de la Sarl POLY COMMERCE une pelle mécanique de modèle VOLVO 140 datant de 2014 pour un montant de 61.200 euros toutes taxes comprises.

Postérieurement à cette vente, il lui a été remis un certificat établi le 31 octobre 2019 par la société SOMATEC indiquant que la machine avait 3276 heures d'utilisation au compteur.

Se plaignant d'anomalies, Monsieur [U] s'est rapproché de la société MYTP qui lui a adressé un relevé du compteur matris faisant apparaître 7112 heures d'utilisation, alors que le compteur au tableau de bord indiquait 4 032 heures.

Le 13 juillet 2020, Monsieur [U] a également acheté auprès de la Sarl POLY COMMERCE une mini pelle de modèle KUBUTA datant de 2013 pour un montant de 28.200 euros ttc.

Le 4 août 2020, des réparations ont été réalisées sur cette mini pelle pour un montant de 1.188 euros ttc.

Par courrier du 19 novembre 2020, Monsieur [U] a demandé à la Sarl POLY COMMERCE des explications sur le nombre d'heures d'utilisation réelle de la pelle VOLVO au regard du rapport rédigé par la société MYTP.

Le gérant de la SARL POLY COMMERCE a répondu le 8 février 2021, d'une part pour la pelle VOLVO, qu'il ne maîtrisait pas les interventions faites sur une machine 15 mois après sa vente, et d'autre part, s'agissant de la mini pelle KUBUTA que Monsieur [U] avait connaissance des réparations mineures à effectuer et que ces éléments ont conduit à une réduction notable du prix de vente.

Par acte d'huissier en date du 7 septembre 2021, Monsieur [I] [U] a fait assigner la SARL POLY COMMERCE devant le tribunal de commerce de Reims, sur le fondement des articles 1641 et 1644 du code civil, aux fins d'obtenir la condamnation de cette dernière à lui payer les sommes de :

- 25.500 euros à titre de remboursement sur la pelle VOLVO augmentée des intérêts à compter de la mise en demeure du 2 février 2021,

- 14.100 euros pour la mini pelle KUBOTA augmentée des intérêts à compter de la mise en demeure du 2 février 2021,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- 4.500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Par jugement rendu le 13 septembre 2022, le tribunal de commerce de Reims a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :

- condamné la Sarl POLY COMMERCE à payer à Monsieur [I] [U] la somme de 4.000 euros,

- rejeté toutes autres demandes, fins et prétentions des parties,

- condamné la Sarl POLY COMMERCE à payer à Monsieur [I] [U] la somme de 1.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Par un acte en date du 1er mars 2023, Monsieur [I] [U] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 31 mai 2023, Monsieur [I] [U] conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de condamner la Sarl POLY COMMERCE à lui payer les sommes de :

- 25 500 euros à titre de remboursement sur la pelle VOLVO,

- 14.100 euros pour la mini pelle KUBOTA,

le tout avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 février 2021,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Il expose qu'il est un profane en matière de commercialisation de machine outils et qu'il n'aurait pas acheté la pelle VOLVO au prix critiqué s'il avait su que ladite pelle présentait plus de 6 000 heures au jour de son acquisition.

Il précise que s'il a effectué un certain nombre d'heures avec cette machine, en tout état de cause, le compteur a été trafiqué.

S'agissant de la mini pelle KUBUTA, il réfute l'usure normale retenue par les premiers juges et sollicite une réduction du prix.

La SARL POLY COMMERCE a constitué avocat le 11 avril 2023 mais n'a pas conclu.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

Aux termes de l'article 1644 du même code, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

La garantie des vices cachés découle de l'obligation de délivrance. Ainsi, puisque le vendeur est tenu de délivrer la chose convenue, il doit livrer un bien qui n'est atteint d'aucun défaut susceptible de compromettre l'utilisation que l'acheteur souhaite en faire.

* Sur la pelle Volvo de type 140

M. [U] établit que postérieurement à l'acquisition de la pelle Volvo, suivant facture datée du 11 octobre 2019, la Sarl POLY COMMERCE lui a remis une facture d'intervention établie par la société SOMATEC datée du 31 octobre 2019, sur laquelle est mentionnée 3276 heures d'utilisation au compteur.

Il démontre que lorsqu'il a confié la pelle litigieuse à la société MYTP, dans le cadre d'une recherche de panne en raison d'un blocage de la machine en grande vitesse, cette société a constaté, suivant rapport d'intervention daté du 28 octobre 2020, que le compteur machine présentait 4032 heures alors que le compteur relevé matris mentionnait 7112 heures.

Il résulte du rapport daté du 28 octobre 2020 rédigé par la société VOLVO construction équipement, interrogée sur la différence du nombre d'heures apparaissant sur le compteur de l'engin litigieux et du relevé matris, qu'en octobre 2019, au moment de la vente de la pelle, le temps de fonctionnement de l'engin était de 6.355 heures, ce qui représente un différentiel de 3.079 heures par rapport aux heures mentionnées sur la facture d'intervention du 31 octobre 2019.

Ce document prouve que c'est postérieurement à la vente, à l'occasion d'une panne, que Monsieur [U] a découvert que la pelle était beaucoup plus usagée que le nombre d'heures entrées dans le champ contractuel des parties lors de la cession. De plus, il ressort du mail daté du 3 décembre 2021 adressé par M. [B], technicien de la société MYTP, à M. [U], que les valeurs relevées sur le document " matris " ne sont en aucun cas modifiables depuis le tableau de bord de la machine, un outillage professionnel et un accès constructeur étant indispensables.

Ces éléments établissent que l'usure de la pelle, consistant en une majoration des heures d'utilisation à hauteur de 3.079 heures, constituent un vice caché, qui préexistait à la vente et qui en diminue considérablement son usage, de sorte que M. [U] en aurait donné un moindre prix à la SARL POLY COMMERCE, s'il l'avait connu.

M. [U] a payé la somme de 61.200 euros ttc pour acheter une pelle d'occasion qui lui a été vendue comme présentant 3.276 heures d'utilisation alors qu'il a été ci-dessus démontré que cette dernière avait déjà été utilisée pendant 6.355 heures, ce qui représente une majoration de près de 50% du nombre d'heures. Il justifie avoir réalisé des réparations pour un montant total de 7.794,92 euros (remplacement du refroidisseur EGR, remplacement de la pompe à eau et remplacement du turbo) suivant factures des 14 mars 2023.

Dans ces conditions, au vu de ces éléments et des caractéristiques attendues de la pelle convenues contractuellement, la cour estime qu'il convient de fixer la réduction du prix à la somme de 25.000 et de condamner la SARL POLY COMMERCE à rembourser à M. [U] ladite somme, avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2021, date de délivrance de l'assignation.

Par conséquent, il convient d'infirmer partiellement le jugement déféré du chef du montant du préjudice alloué à Monsieur [U].

* Sur la pelle Kubuta

Au soutien de sa demande en réduction du prix, Monsieur [U] produit une facture datée du 4 août 2020 démontrant qu'il a fait remplacer le jeu de chenilles pour un montant de 1.188 euros ttc. Au vu des caractéristiques de la pelle mentionnées sur la facture d'achat du 13 juillet 2020, s'agissant d'un engin d'occasion de l'année 2013 et des éléments précisés dans la facturation de l'intervention du 4 août 2020, la cour estime qu'il s'agit manifestement d'une pièce d'usure normale et qu'au demeurant, il n'est pas démontré l'existence d'un vice caché.

Dès lors, constatant la carence de M. [U] dans l'administration de la preuve, il convient de le débouter de sa demande de réduction de prix s'agissant de la pelle Kubuta et de confirmer le jugement déféré de ce chef.

* Sur les autres demandes

S'agissant des dommages et intérêts complémentaires, il y a lieu de relever que M. [U] se contente de réclamer la somme de 5.000 euros sans caractériser ni une quelconque faute, ni un préjudice spécifique.

Par conséquent, il convient de le débouter de sa demande en paiement sur ce point et de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la SARL POLY COMMERCE succombant, elle sera tenue aux dépens d'appel.

Les circonstances de l'espèce commandent de condamner la SARL POLY COMMERCE à payer à M. [U] la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 13 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Reims, en ce qu'il a condamné la SARL POLY COMMERCE à payer à M. [I] [U] la somme de 4.000 euros au titre du remboursement sur le prix d'acquisition de la pelle VOLVO.

Et statuant à nouveau,

Condamne la SARL POLY COMMERCE à payer à M. [I] [U] la somme de 25.000 euros au titre du remboursement sur le prix d'acquisition de la pelle Volvo type 140.

Le confirme pour le surplus.

Y ajoutant,

Condamne la SARL POLY COMMERCE à payer à M. [I] [U] la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Condamne la SARL POLY COMMERCE aux dépens d'appel.