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Décisions

CA Nancy, 1re ch., 1 juillet 2024, n° 23/01143

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

I

Défendeur :

Md Agence Auto (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Henon

Vice-président :

M. Firon

Conseiller :

Mme Buquant

Avocats :

Me Founes, Me Iochum

TJ Epinal, du 11 avr. 2023, n° 21/00170

11 avril 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 4 octobre 2019, la SAS MD Agence Auto a vendu à Monsieur [V] [I] un véhicule d'occasion de type Mercedes C200 CDI classe C, mis en circulation en 2007, au prix de 9200 euros.

Se prévalant de la découverte, suite à un défaut de maîtrise du véhicule survenu brusquement en décembre 2019, d'un phénomène de corrosion massive de son train arrière, Monsieur [I] a fait assigner, par acte d'huissier du 8 janvier 2021, la SAS MD Agence Auto devant le tribunal judiciaire d'Épinal aux fins de voir prononcer la résolution de la vente du véhicule.

Par jugement contradictoire du 11 avril 2023, le tribunal judiciaire d'Épinal a :

- prononcé la résolution de la vente intervenue entre les parties le 5 octobre 2019,

- condamné la SAS MD Agence Auto à restituer à Monsieur [I] la somme de 9200 euros correspondant au prix de vente,

- ordonné à la SAS MD Agence Auto de procéder à l'enlèvement du véhicule dans le délai de trois mois suivant la signification du présent jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard (pendant un délai de trois mois au-delà duquel il sera statué de nouveau),

- débouté Monsieur [I] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la SAS MD Agence Auto aux dépens dont distraction au profit de la SELARL Welzer & Associés,

- débouté la SAS MD Agence Auto de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société MD Agence auto à payer à Monsieur [I] la somme de 1200 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le tribunal s'est fondé sur les articles L. 217-4 et L. 217-5 du code de la consommation, obligeant le vendeur à répondre des défauts de conformité affectant le bien vendu, qui le rendent impropre à l'usage normalement attendu de ce bien.

Il a relevé que le phénomène de corrosion, attesté par le garagiste ayant pris en charge le véhicule, était avancé et perforait le train arrière et les bras de force seulement deux mois et demi après la vente, rendant la conduite du véhicule dangereuse.

Or, la corrosion résultant d'un phénomène lent et progressif, elle existait nécessairement lors de la vente survenue entre les parties deux mois et demi auparavant. Le tribunal a rejeté les explications de la SAS MD Agence Auto qui, faisant valoir que le phénomène de corrosion n'existait pas au moment de la vente, suggérait que le train arrière avait été remplacé par une pièce corrodée après la vente : ces explications, peu crédibles, ne reposaient sur aucun élément. Il a ajouté que la réalisation d'un contrôle technique et d'une révision par un garagiste antérieurement à la vente et le témoignage de Monsieur [G] ne permettaient pas d'exclure l'existence de ce phénomène lors de la vente.

Relevant que le véhicule présentait lors de la vente des défauts de conformité le rendant impropre à son usage, le tribunal a prononcé la résolution de la vente.

Il a rejeté les demandes de dommages-intérêts au motif qu'elles n'étaient appuyées sur aucune pièce établissant l'existence d'un préjudice distinct du versement du prix de vente.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 29 mai 2023, la SAS MD Agence Auto a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 11 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS MD Agence Auto demande à la cour de :

- la juger recevable et bien fondée en son appel,

- réformer le jugement rendu le 11 avril 2023 par le tribunal judiciaire d'Épinal en ce qu'il :

* a prononcé la résolution de la vente intervenue entre les parties le 5 octobre 2019,

* l'a condamnée à restituer à Monsieur [I] la somme de 9200 euros correspondant au prix de vente,

* lui a ordonné de procéder à la reprise du véhicule dans le délai de trois mois suivant signification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard (pendant un délai de trois mois au-delà duquel il sera statué à nouveau),

* l'a condamnée aux dépens,

* l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a condamnée à payer à Monsieur [I] la somme de 1200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger Monsieur [I] mal fondé en ses demandes,

- le débouter de l'intégralité de ses prétentions,

- condamner Monsieur [I] à lui restituer la somme de 9200 euros correspondant au prix de vente du véhicule et dès ce paiement à procéder à la reprise du véhicule dans le délai de trois mois suivant signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard (pendant un délai de trois mois au-delà duquel il sera statué à nouveau),

- dire et juger Monsieur [I] mal fondé en son appel incident,

- le débouter de sa demande de dommages et intérêts,

- condamner Monsieur [I] à lui payer la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 14 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [I] demande à la cour, sur le fondement de l'article 1603 du code civil, de l'article L. 217-4 et suivant du code de la consommation, ainsi que des articles 1641 et 1231-1 du code civil, de :

- confirmer en tous points le jugement du 11 avril 2023 en ce qu'il a :

* prononcé la résolution de la vente intervenue entre les parties le 5 octobre 2019,

* condamné la SAS MD Agence Auto à lui restituer la somme de 9200 euros correspondant au prix de vente,

* ordonné à la SAS MD Agence Auto de procéder à l'enlèvement du véhicule dans le délai de trois mois suivant la signification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

* l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts,

* condamné la SAS MD Agence Auto aux dépens dont la distraction au profit de la SELARL Welzer et Associés,

* débouté la SAS MD Agence Auto de sa demande fondée sur l'article 700 code de procédure civile,

* condamné la SAS MD Agence Auto à lui payer la somme de 1200 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Et jugeant à nouveau,

Y ajoutant,

- condamner la SAS MD Agence Auto à lui payer la somme de 5000 euros en réparation de son entier préjudice,

- condamner la SAS MD Agence Auto à lui payer la somme de 3000 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 20 février 2024.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 13 mai 2024 et le délibéré au 1er juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par la SAS MD Agence Auto le 11 décembre 2023 et par Monsieur [I] le 14 septembre 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 20 février 2024 ;

* Sur le défaut de conformité

Monsieur [I] précise fonder sa demande à titre principal sur la garantie de conformité et subsidiairement sur la garantie des vices cachés, ce que l'article L. 217-13 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au 4 octobre 2019, date de la vente, admet.

Selon les articles L. 217-3 et L. 217-4 de ce code dans leur rédaction en vigueur à cette date, le vendeur professionnel 'répond des défauts de conformité existant au moment de la délivrance' du bien qu'il vend à un consommateur.

Selon l'article L. 217-5 du même code dans sa rédaction applicable, 'Le bien est conforme au contrat : 1° S'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable '

L'article L. 217-7 de ce code dans sa version en vigueur précise que 'Les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.

Pour les biens vendus d'occasion, ce délai est fixé à six mois.

Le vendeur peut combattre cette présomption si celle-ci n'est pas compatible avec la nature du bien ou le défaut de conformité invoqué.'

Il résulte des pièces produites par les deux parties que le véhicule acquis le 4 octobre 2019 par Monsieur [I] présente un phénomène majeur de corrosion perforante au niveau du train arrière et des bras de force, nécessitant son immobilisation car il est devenu impropre à la circulation en raison de l'absence de maîtrise par le conducteur, la corrosion rendant sa conduite dangereuse, tant pour l'utilisateur que les autres usagers de la route.

Il n'est pas contesté que ce phénomène de corrosion constitue un défaut de conformité au sens de l'article L. 217-4 du code de la consommation.

Il résulte des pièces que cette corrosion a été mise en évidence le 16 décembre 2019 et portée à la connaissance du vendeur par courrier du 6 janvier 2020, soit dans un délai inférieur à 3 mois à compter de la vente du bien d'occasion.

Par application de l'article L. 217-7 du code de la consommation, ce défaut est présumé exister au moment de la vente. Il appartient au vendeur qui le conteste de rapporter la preuve contraire ou, en application de l'article suivant, que l'acquéreur avait connaissance du défaut de conformité.

La SAS MD Agence Auto, qui est entrée en possession du véhicule suite au jugement de premier instance et qui l'a fait examiner par un commissaire de justice, soutient que le véhicule n'était pas affecté de ce défaut lors de la vente. À ce titre, elle expose que Monsieur [I] était lors de la vente accompagné d'un 'expert' qui a examiné avec minutie le véhicule, elle rappelle qu'il avait fait l'objet d'un contrôle technique et d'une réparation par un garagiste sans que ne soit relevé de corrosion et suggère qu'il est tout à fait possible qu'il ait été opéré, après la vente, un changement du train arrière pour le remplacer par un train corrodé.

Le premier juge a retenu à juste titre que le phénomène de corrosion est progressif et que l'ampleur de l'oxydation, perforante, constatée en décembre 2019 exclut que le phénomène ait débuté postérieurement à la vente, survenue moins de 11 semaines avant la découverte de la corrosion.

Le fait que le véhicule ait été soumis à un contrôle technique et au remplacement de ses freins sans que ne soient notés par les professionnels intervenus de phénomène de corrosion n'est pas de nature à établir que l'automobile ne présentait pas de corrosion lors de la vente.

S'agissant de l'attestation de Monsieur [G], qui n'a pas lui-même observé l'état de la voiture, il sera observé qu'il fait état de l'examen d'un véhicule immatriculé [Immatriculation 4] par Monsieur [I] et un tiers. Or le véhicule acheté était alors immatriculé [Immatriculation 2], ce qui suffit à supprimer toute force probante à son attestation, destinée à prouver soit que le bien ne présentait pas de corrosion, soit que cet état était connu de l'acheteur et de son accompagnateur, certes amateur de voiture selon l'appelant mais sans compétence particulière aux regard de l'ensemble des pièces de la procédure. Cette attestation ne permet donc pas d'établir soit que la voiture ne présentait pas de corrosion, soit que l'acheteur en avait connaissance.

Enfin, le procès-verbal du commissaire de justice qui a examiné le véhicule à la demande du vendeur ne consigne aucune observation de nature à laisser penser que le train arrière aurait pu être changé en son entier après la vente.

La SAS MD Agence Auto échoue donc à rapporter la preuve que le défaut de conformité n'existait pas lors de la vente ou que l'acquéreur en avait connaissance.

** Sur la résolution de la vente et la demande de dommages-intérêts

Selon l'article L. 217-10 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur au jour de la vente, si la réparation ou le remplacement du bien sont impossibles, le consommateur peut rendre le bien et se faire restituer le prix. Il en va de même si les premières solutions n'ont pas été mises en oeuvre dans le mois suivant la réclamation.

L'article suivant précise que la résolution ne fait pas obstacle à l'octroi de dommages-intérêts.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la réparation ou le remplacement du bien sont impossibles, en outre, ils ne sont pas intervenus dans le mois suivant la réclamation de Monsieur [I].

Il convient donc de confirmer le jugement qui a prononcé la résolution de la vente.

Monsieur [I] réclame une somme de 5000 euros pour réparer le préjudice résultant de l'acquisition d'un véhicule de remplacement et de la mise en danger qu'il a subie.

Il ne verse à l'appui de sa demande aucune pièce justifiant de l'acquisition d'un nouveau véhicule, ni des frais spécifiques (coût d'un crédit, justificatif d'un préjudice moral etc ...), néanmoins, il a indubitablement subi un préjudice de jouissance du véhicule acquis entre la date de son immobilisation et la date de la restitution du prix, lequel sera exactement indemnisé, au regard de l'état du véhicule acheté et de la durée de l'immobilisation, par l'allocation de 3000 euros de dommages-intérêts.

*** Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SAS MD Agence Auto aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de condamner celle-ci, qui succombe en son appel, aux dépens de l'instance d'appel.

Elle sera également condamnée à payer à Monsieur [I] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions contestées, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [I] de sa demande de dommages-intérêts ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la SAS MD Agence Auto à payer la somme de 3000 euros (TROIS MILLE EUROS) de dommages-intérêts à Monsieur [I] ;

Condamne la SAS MD Agence Auto aux dépens de l'instance d'appel ;

Condamne la SAS MD Agence Auto à payer à Monsieur [I] la somme de 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande de ce chef.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur HENON, Président de chambre, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.-