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Décisions

CA Riom, ch. com., 3 juillet 2024, n° 23/00727

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Sudre (SELARL), Motorspeed Racing Products (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubled-Vacheron

Conseillers :

Mme Theuil-Dif, Mme Berger

Avocats :

Me Lacquit, Me Garnier, Me De Rocquigny

T. com. Clermont-Ferrand, du 23 mars 202…

23 mars 2023

La SAS Motorspeed Racing Products (ci-après MRP) a été créée au début des années 80 par la famille [F]. Au 31 juillet 2014 le capital social de cette société était détenu par :

- M.[S] [F] (100 parts)

- M. [X] [F] (100 parts)

- la SC [F] (200 parts)

Le 23 juillet 2014, la société Holding [C] VML (SAS HR VML) s'est portée acquéreur de la totalité des parts de M. [S] [F] et de la moitié des parts de la SC [F]. M. [S] [F] a été payé comptant mais la vente des parts de la SC [F] a été financée par un crédit vendeur sur 7 ans qui n'a pas été honoré par la holding [C] VML.

Suivant protocole du 23 mai 2017 la SC [F] a abandonné la créance qu'elle détenait au titre du crédit-vendeur, cédé les dernières parts qu'elle détenait au sein de la SAS MRP pour un euro symbolique à la holding [C] VML. Aux termes de ce protocole ont également été actés :

- le rachat à terme, au plus tard le 30 juin 2018, des 80 parts restant appartenir à M. [X] [F] par la société MRP directement (le rachat devant être suivi d'une réduction de capital) moyennant le prix de 200 000 euros.

- la cession à terme par M. [X] [F] de 20 parts de la société MRP au profit de la société HR VML ayant la faculté de se substituer M. [O] (salarié de la société MRP) pour le prix de 50 000 euros, le transfert de propriété et le paiement comptant devant intervenir au plus tôt le 2 juillet 2017 et au plus tard le 13 juillet 2017. Cet engagement devait faire l'objet d'une promesse signée dans les 10 jours du protocole.

L'article 2.4.1 de ce protocole intitulé " rachat des parts sociales " stipulait que M. [F] devait notifier sa demande de rachat des 80 parts sociales à la société entre le 20 novembre 2017 et le 20 mai 2018. Passé ce délai, les associés de la société MRP n'étaient plus tenus par leur engagement de rachat. En l'absence de toute opposition des créanciers sociaux, le rachat devait être effectué au plus tard le 30 juin 2018.

M. [C] s'engageait, en sa qualité de dirigeant de la société MRP, à tenir une assemblée générale extraordinaire des associés de MRP dans les 30 jours de la notification de la demande de rachat et M. [F] s'engageait à voter favorablement à l'assemblée susvisée.

L'article 2.4.2 intitulé " promesse unilatérale d'achat des 80 parts sociales MRP appartenant à [X] [F] " stipulait qu'en cas de non réalisation du rachat des parts de M. [F], au plus tard le 30 juin 2018, la société Holding [C] VML promettait de façon irrévocable d'acquérir lesdites parts sociales. M. [F] pouvait utilement lever l'option de vente à tout moment pendant un délai de 30 jours à compter du 15 juillet 2018.

M. [X] [F] a notifié sa demande de rachat à la Holding [C] VML suivant lettre recommandée avec AR du 29 juin 2018. Ce courrier est resté sans réponse.

La SAS Holding [C] VML a convoqué une assemblée générale extraordinaire qui s'est tenue le 14 février 2020 au cours de laquelle il a été décidé de ramener à zéro le capital social de la société MRP motivée par des pertes (171 600 euros) suivie d'une augmentation de capital à la somme de 212 506 euros par la création d'actions nouvelles de numéraire.

M. [F] a contesté cette opération qui lui faisait perdre toute chance de percevoir le prix de cession de ses parts.

Aucun accord n'étant intervenu entre les parties, il a fait assigner la SAS Holding [C] VML et la SAS Motorspeed Racing Products devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand suivant acte des 8 et 9 juin 2021 afin :

- de voir prononcer la nullité de l'AGE du 14 février 2020

- de voir juger que la cession de ses parts à la société MRP a eu lieu le 29 juin 2018

- de voir condamner la SAS Holding [C] VML à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et celle de 200 000 euros au titre du protocole du 23 mai 2017.

Par jugement du 23 mars 2023, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a débouté M. [F] de toutes ses demandes ; rejeté la demande des sociétés MRP et Holding [C] VML pour procédure abusive ; condamné M. [F] à leur verser la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

1-Le tribunal a retenu que le délai de levée d'option était expiré lorsque M. [F] a adressé le 29 juin 2018 sa demande de rachat à la SAS Holding [C] VML et à la société MRP.Il a donc rejeté la demande tendant à voir ordonner la cession des actions à la date du 29 juin 2018.

2-Le tribunal a considéré que les mesures prises par l'AGE et plus spécifiquement l'augmentation du capital social libéré en compensation du compte courant avait permis à l'entreprise de reconstituer ses fonds propres et d'obtenir un crédit de 175 000 euros. Le tribunal a ainsi exclu l'existence d'une fraude de la SAS Holding [C] VML considérant que les mesures prises étaient dans l'intérêt de la société MRP. Il a donc rejeté la demande tendant à voir prononcer la nullité de l'AGE du 14 février 2020.

3- le tribunal retenant que la société Holding [C] VML n'avait pas d'obligation de rachat au titre du protocole a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par M. [F].

4- les sociétés défenderesses ont été déboutées de la demande indemnitaire présentée au titre d'une procédure abusive.

Suivant jugement du 3 mars 2023, le tribunal de commerce de Clermont Ferrand a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société MRP. Cette procédure a été convertie le 14 septembre 2023 en liquidation judiciaire.

M. [F] a relevé appel du jugement rendu au fond le 2 mai 2023.

La société HR VML a été placée en liquidation judiciaire le 12 octobre 2023 et le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a désigné la SELARL Sudre en qualité de liquidateur judiciaire.

Par acte du 26 décembre 2023, M. [F] a fait assigner la SELARL Sudre ès-qualités en intervention forcée. Cette dernière n'a pas constitué avocat.

Suivant conclusions notifiées le 14 février 2023, M. [F] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande présentée au titre d'une procédure abusive.

Statuant à nouveau, de :

- relever l'existence d'une fraude à ses droits ;

- prononcer la nullité de l'Assemblée Générale extraordinaire des associés de la société Motorspeed Racing Products du 14 février 2020 ;

- ordonner la cession de ses actions Motorspeed Racing Products à la société Holding [C] VML à la date du 29 juin 2018 et fixer la somme de 200.000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société Holding [C] à son profit au titre du prix de cession ;

A titre subsidiaire, de :

- fixer la somme de 200.000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société Holding [C] à son profit, à titre de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

En tout état de cause, de :

- fixer la somme de 20.000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société Holding [C] à son profit, au titre de son préjudice moral ;

- rejeter toutes demandes adverses.

- fixer la somme de 5.000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société Holding [C] VML à son profit au titre des frais irrépétibles ;

- condamner la société Holding [C] VML aux entiers dépens de première instance et d'appel et les fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Holding [C] VML.

En réplique et suivant conclusions notifiées le 27 septembre 2023, la SAS HR VML, la société MRP et la SELARL MJ [K], ès-qualités de liquidateur de la société HR VML demandent à la cour :

- de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand le 23 mars 2023 sous le numéro RG 2021 003727 sauf en ce qu'il a :

- débouté la société Holding [C] VML et la société Motorspeed Racing Products de leur demande de voir condamner M. [X] [F] à leur payer et porter la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Statuant à nouveau,

- de condamner M. [X] [F] à payer et porter à la société Holding [C] VML et à la société Motorspeed Racing Products la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

En tout état de cause,

- de condamner M. [X] [F] à payer et porter à la société Holding [C] VML et à la société Motorspeed Racing Products, la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- de condamner M. [X] [F] à payer et porter à la SELARL MJ [K], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Motorspeed Racing Products, la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- de condamner M. [X] [F] aux entiers dépens d'appel.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2024.

Motivation :

La demande de M. [F] porte d'une part sur l'abus de majorité qu'auraient commis la société HR VML et la société MRP à son détriment ainsi que sur l'exécution forcée du protocole du 23 mai 2017.

L'appréciation d'un éventuel abus de majorité dépendant pour partie des conditions dans lesquelles le protocole aurait été, ou non, exécuté avec bonne foi par les parties, il convient de se pencher en premier lieu sur l'obligation de rachat des parts de M. [F] par la société HR VML

I- Sur l'éventuelle obligation de rachat de la société HR VML des parts de M. [X] [F] en application du protocole du 23 mai 2017 :

M. [F] fait grief au tribunal de commerce d'avoir rejeté ses demandes au mépris de stipulations claires.

Il rappelle les conditions dans lesquelles ce protocole est intervenu :

Les parties étaient convenues aux termes d'un acte de cessation du 31 juillet 2014 :

- de la vente des parts de M. [S] [F] à la société HR VML, payées comptant (250 000 euros)

- de la vente au 30 juin 2017, par M. [X] [F] et la SC [F] de leurs participations dans la société MRP à la société HR VML.

- la renégociation des conditions initiales de cession qui a conduit la SC [F] à accepter la cession de ses parts pour un euro, l'entrée au capital de M. [W] [O] qui s'engageait à acheter 20 des 100 parts de M.[X] [F].

Selon lui, le protocole du 23 mai 2017 n'est qu'un aménagement des modalités de cession initialement prévues en 2014, l'engagement de 2014 ayant la nature d'une promesse synallagmatique de vente qui vaut vente.

Il affirme que ce protocole lui offrait deux options, la première consistant dans le rachat de ses parts par la société MRP et la seconde dans le rachat de ses parts par la société HR VML. Il ajoute qu'il a également valablement levé la seconde option puisque celle-ci a été portée à la connaissance de l'acquéreur par anticipation, avant le délai stipulé.

Les intimés répliquent :

- que la levée d'option adressée par M. [F] n'était pas conforme aux dispositions contractuelles ;

- que l'effet de la promesse de rachat de la société MRP a été différé au 20 novembre 2017 et le terme fixé au 20 mai 2018 ; que M. [F] n'a pas levé l'option qui lui était offerte dans les délais fixés ;

- que M. [F] en était conscient puisqu'il n'a donné aucune suite à cette demande pendant plus d'un an ;

- que les dispositions de l'article 2.4.2 ne s'appliquaient qu'en cas d'opposition empêchant le rachat, car ce n'est que dans l'hypothèse où une opposition aurait empêché le rachat par MRP que la société HR VML s'engageait au rachat des parts, sous réserve que M. [F] notifie sa demande de rachat dans les délais stipulés dans le protocole ;

- que le caractère prématuré de la levée d'option a fait perdre tout effet à cette notification;

- que si cette notification avait produit ses effets, M. [F] n'aurait pas manqué d'enjoindre à la société HR VML de faire le nécessaire puisque le transfert de propriété devait intervenir dans un délai de 30 jours à compter de la notification.

Sur ce :

Suivant les dispositions de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. " L'article 1104 du code civil dispose que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Par acte sous seing privé du 31 juillet 2014, M. [S] [F] et la société civile [F] ont cédé à la société Holding [C] VML et aux termes du titre II, article 9 de cet acte:" M. [X] [F] et la société civile [F] s'engagent à céder le 30 juin 2017 la participation intégrale qu'ils détiennent dans la société Motorspeed Racing Products. La société Holding [C] VML représentée par M. [N] [C] accepte cette promesse de cession à son profit en tant que telle.

Cette acquisition complémentaire sera effectuée au même prix que les présentes cessions soit 2500€ la part soit pour 200 parts la somme globale de 500 000 € majoré de toute variation positive des capitaux propres arrêtés à la date du 31 juillet 2014 et ce, suivant les mêmes modalités de règlement que les précédentes cessions.

(..) La société bénéficiaire de cette promesse de cession sera propriétaire des actions cédées à compter du jour de la levée d'option d'achat et en aura la jouissance par la perception de tous les dividendes, revenus et produits qui pourront lui être distribués à compter de ce même jour. "

Les parties ont entendu renégocier les termes de cet accord dans le cadre du protocole du 23 mai 2017. Le prix de cession des parts de la société [F] a été modifié : les parties constatant que le crédit vendeur accordé par la SC [F] n'avait pas été honoré, la SC [F] a fait abandon de ses parts pour un euro.

M. [X] [F] a de son côté accepté l'entrée au capital de M. [O] en prévoyant de céder 20 parts à la société HR VML (celle-ci ayant la faculté de se substituer M. [O] son salarié).

Pour le surplus (les 80 parts restantes) le protocole a désigné la société MRP comme acquéreur potentiel et précisé les modalités de cession :

L'article 2.4.1 de ce protocole intitulé " rachat des parts sociales " stipule :

- Que le rachat est réalisé moyennant le prix global et ferme de 200 000 euros pour l'ensemble des 80 parts sociales.

- Que M. [C] s'engage en qualité de dirigeant de MRP à convoquer une AGE dans les 30 jours de la demande de rachat ou à réceptionner l'accord des associés dans le cadre d'un acte unanime.

- Que M. [F] dispose d'un délai compris entre le 20 novembre 2017 et le 20 mai 2018 pour notifier sa demande de rachat. Passé ce délai, les associés de la société MRP ne sont plus tenus par leur engagement de rachat. En l'absence de toute opposition des créanciers sociaux, le rachat doit être effectué au plus tard le 30 juin 2018.

La rédaction de ce protocole signe la volonté des parties de revoir les conditions de leur engagement puisqu'elle introduit la société MRP comme acquéreur et stipule de nouvelles conditions. Il convient donc d'examiner la demande de M. [F] en considération de ces nouvelles stipulations contractuelles.

M. [F] a notifié sa levée d'option le 29 juin 2018 de telle sorte que les associés de la société MRP n'avaient plus aucune obligation à son égard.

Le tribunal a jugé que la société HR VML n'était tenue de se substituer à la société MRP qu'à la seule condition qu'un ou des créanciers de la société MRP viennent à faire opposition au rachat.

Cette lecture du protocole étant contestée, il convient d'en rappeler les termes.

Il est mentionné à l'article 2.4.1 : " en cas d'oppositions empêchant ledit rachat au 30 juin 2018 au plus tard, il sera fait application des dispositions de l'article 2.4.2 ". Il en résulte donc effectivement qu'en cas d'oppositions de créancier de la société MRP, M. [F] dispose d'une seconde possibilité de vente auprès de la société HR VML.

L'article 2.4.2 intitulé " promesse unilatérale d'achat des 80 parts sociales MRP appartenant à [X] [F] " stipule que " en cas de non réalisation du rachat des parts de M. [F], au plus tard le 30 juin 2018, la société Holding [C] VML promet de façon irrévocable d'acquérir lesdites 80 parts sociales, appartenant à [X] [F] aux mêmes conditions que celles visées au paragraphe 2.4.1. "

Les modalités de cette cession sont les suivantes " M. [X] [F] pourra valablement lever l'option de vente à tout moment, pendant le délai de 30 jours à compter du 15 juillet 2018

L'article susvisé ne spécifie pas que la non-réalisation du rachat des parts de M. [F] par la société MRP doive nécessairement procéder de l'opposition des créanciers de cette dernière. Il est, en toute hypothèse, prévu que M. [F] cèdera ses parts à la société HR VML si la cession n'a pu se faire auprès de la société MRP et la société HR VML s'y engage comme elle a pu le faire en 2014.

Cependant, l'acte précise que : " M. [F] pourra valablement lever l'option de vente à tout moment pendant un délai de 30 jours à compter du 15 juillet 2018 (la Période de Levée d'Option), en notifiant sa décision au Promettant dans les conditions fixées au §4 " Notification "(..) "

Il est ajouté que si la promesse est valablement exercée, le transfert de propriété des titres interviendra à un lieu et à une date à convenir entre les parties. La société HR VML ne pourra en aucun cas révoquer la présente promesse avant l'expiration de la période de levée d'option, la promesse est irrévocable et définitive.

Enfin, il est indiqué en page 10 : " pour le cas ou [X] [F] ne viendrait pas à lever l'option dans les délais convenus, il ne pourra réclamer aucune indemnité ou autre somme au promettant. "

Les termes du protocole sont particulièrement précis et ne laissent aucune place à interprétation sur ce que le contrat définit comme la " Période de levée d'option. ". La société HR VML s'engage à acheter les parts de M. [F], si celles-ci ne l'ont pas été par la société MRP au plus tard le 30 juin 2018 et M. [F] dispose d'une certaine période pour lever l'option de vente.

Cette période a un point de départ et durée : 30 jours à compter du 15 juillet 2018.

M. [F] a levé l'option le 29 juin 2018 soit avant le 15 juillet 2018. Ce faisant l'option est privée d'effet et la vente n'a pu se former à défaut d'acceptation expresse de la société HR VML de cette levée d'option prématurée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [F] de ses demandes de voir ordonner la cession des actions de la société MRP à la société HR VML.

M. [F] sera par suite débouté de la demande tendant à voir fixer au passif de la liquidation de la société HR VML la somme de 200 000 euros au titre du prix de cession.

II- Sur la demande de prononcé de la nullité de l'assemblée générale extraordinaire des associés de la société MRP du 14 février 2020 :

M. [F] rappelle que l'abus de majorité au cours d'une assemblée générale extraordinaire emporte la nullité de la décision prise ; qu'il y a abus de majorité lorsque la décision adoptée est contraire à l'intérêt social et qu'elle a été prise dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des autres actionnaires.

Il ajoute que la Cour de cassation a pu considérer qu'un " coup d'accordéon " (réduction du capital social à zéro suivie immédiatement d'une augmentation du capital social) pouvait être constitutif d'un abus de majorité.

Il indique que la société HR VML savait qu'il ne participerait pas à l'augmentation de capital puisque :

-à travers la SC [F] il avait déjà été contraint d'abandonner 250 000 euros au titre du crédit vendeur et 200 000 euros au titre de la créance de la SC [F].

- il avait fait part de son intention de quitter la société MRP en lui cédant ses titres.

Il affirme que ce coup d'accordéon est contraire à l'intérêt social :

- l'apport en compte courant d'actionnaire de la société HR MVL dans les comptes de la société MRP était prévu en contrepartie de la cession pour 1 euro des actions de la société MRP appartenant à la SC [F] et de l'abandon de créances de la SC [F] également. L'effort consenti par la famille [F] avait pour but l'obtention d'argent frais pour la société MRP et le règlement des sommes dues à [X] [F].

- c'est en considération de cet apport en compte courant que le protocole d'accord a été signé ;

- l'argent apporté en compte courant par la société HR VML devait offrir à la société MRP une nouvelle trésorerie et n'avait pas vocation à être remboursé moins de deux ans plus tard.

- l'exercice clos le 30 juin 2019 étant déficitaire il n'était pas de l'intérêt de la société de voir rembourser sans compensation le compte courant ; la procédure collective qui a suivi en atteste.

- par cette opération, la société HR VML est devenue actionnaire unique de la société MRP sans apporter de nouvelle trésorerie ni payer la moindre action aux associés minoritaires évincés.

M. [F] invoque également la fraude et la volonté d'évincer les actionnaires minoritaires. Il rappelle qu'en 2014 les parts de la société MRP étaient valorisées à 1000 000 d'euros et fait observer qu'in fine la société HR VML n'a payé que 250 000 euros.

Il assure que le coup d'accordéon n'était pas donné dans l'intention de pérenniser l'activité de la société qui a été placée en procédure collective.

Il précise que le protocole signé en 2017 n'est qu'un aménagement des modalités de cession puisqu'en toute hypothèse si le rachat par la société MRP ne s'opérait pas la société HR VML était tenue d'acquérir les parts. Il avait donc deux options et l'option a été levée avant le 15 août 2018. Il constate que la société HR VML n'a pas contesté la levée d'option sauf pour les besoins de la cause.

Les intimés répliquent que la réduction du capital à zéro n'est que l'expression de la contribution aux pertes des associés, dans la limite de leurs apports. (Cass. Com. 18/06/2002, n°99-11.999 : " la réduction de capital à zéro ne constituait pas une atteinte au droit de propriété des actionnaires mais sanctionnait leur obligation de contribuer aux pertes sociales dans la limite de leurs apports. ")

Ceci est d'autant plus vrai que la contribution aux pertes se fait dans la plus parfaite égalité entre les associés. L'abus de majorité ne peut donc être constitué, car la société a non seulement besoin d'apurer ses pertes mais également de trouver ou maintenir des moyens de financement.

Ils indiquent que l'appelant omet de préciser que le prix de cession à un euro ne correspond pas à une concession réciproque mais à la valorisation de la société MRP fondée sur la rentabilité. C'est au sein de la société HR MVL que les apports en compte courant de M. [Y] (dont M. [C] s'est rapproché en vue de l'acquisition de la totalité des parts de la société MRP) ont été effectués. Cette trésorerie a permis à la société HR VML d'abonder en compte-courant au profit de la société MRP qui était alors en difficultés financières.

Les intimées ajoutent qu'il est faux de prétendre que l'objet de l'opération était le remboursement du compte-courant alors que ce remboursement a permis de désendetter la société et que la somme remboursée a été réinvestie au capital de la société MRP dans le but de reconstituer des capitaux propres.

Elle rappelle que la société MRP était très endettée ce qui avait amené le commissaire aux comptes à déclencher une alerte et généré une perte de confiance des organismes bancaires. Le financement a permis à la société MRP de cesser d'avoir recours aux billets à ordre mais également de recourir au PGE pendant la crise sanitaire.

Sur ce :

M. [F] assure que la réduction du capital social votée le 14 février 2020 n'avait d'autre but que de l'évincer de la société MRP et de permettre à la société HR VML de devenir l'unique actionnaire sans avoir à débourser le prix des parts qu'elle s'était engagée à acheter.

Ainsi que l'a justement indiqué le tribunal, il ne peut être tiré argument du silence de la société HR VML après que M. [F] a notifié la levée d'option le 29 juin 2018 puisque la société HR VML n'avait pas l'obligation de racheter les parts de M. [F], celui-ci n'ayant pas respecté les modalités contractuellement définies dans le protocole du 23 mai 2017.

La société MRP connaissait déjà en 2017 certaines difficultés puisqu'il était prévu au protocole susvisé que le rachat des parts sociales serait suivi d'une réduction de capital de MRP et de l'annulation des parts. Le protocole d'accord précise qu'en raison de la situation de la société MRP qui supportait une perte nette comptable de 183 858, 24 euros au 30 juin 2016, le représentant de la société HR MVL a rencontré des tiers investisseurs et plus spécifiquement M. [Y] pour envisager l'acquisition par l'intermédiaire de HR MVL de 100% de MRP. Dans le cadre de ces discussions il a été question du désengagement de la SC [F] et de M. [X] [F] du capital de MRP et du sort du crédit-vendeur impayé. M. [Y], investisseur, n'étant pas associé de la société MRP, l'argent frais a été apporté en compte courant de la société HR MVL qui a elle-même alimenté le compte- courant qu'elle possédait dans la société MRP.

La société MRP avait déjà perdu de la valeur puisqu'il résulte des négociations (pièce 15) qu'il était difficile de réfuter la valorisation proposée par M. [Y], valorisation fondée sur la rentabilité c'est-à-dire à 1 euro.

Malgré les dispositions prises, il apparaît que la situation de la société MRP ne s'est pas améliorée.

Les comptes annuels de la société MRP arrêtés au 30 juin 2019 montrent une augmentation brutale des pertes passées de 32 327 euros en 2018 à 480 512 euros en 2019.

L'EBE qui traduit la capacité de la société à générer des ressources de trésorerie à partir de son exploitation connaît la même évolution passant de -31.58 euros à -346 046 euros. Les capitaux propres sont passés de 468 006 euros à -12 506 euros.

Le 13 septembre 2019, conformément à l'article L234-1 du code de commerce, le commissaire aux comptes, a alerté le président de la société MRP sur les points suivants:

- un résultat comptable largement déficitaire pour la seconde année consécutive ;

- une chute de 37 % du chiffre d'affaires

- une baisse des capitaux propres.

Il a été proposé aux associés de réduire le capital social à zéro par annulation des actions existantes pour ne laisser qu'une perte résiduelle de 12 506 euros, puis de porter le capital social à 200 000 euros par l'apport en numéraire ou l'incorporation de créance sur la société d'un montant total de 212 506 euros. M. [F] s'est ainsi vu proposer de participer à l'augmentation de capital à concurrence de 42 501,20 euros.

Ces propositions ont été adoptées et le capital social a été augmenté de 6 000 euros en numéraire. La société HR VML a souscrit à cette augmentation par compensation avec son compte-courant à hauteur de 212 506 euros.

La société MRP a effectivement pu à la suite de cette opération poursuivre ses activités et bénéficier d'un PGE de 175 000 euros.

Il résulte de ces éléments que la société MRP a cherché dès 2017 à trouver une solution à ses difficultés financières qui ont conduit la SC [F] à certaines concessions. Il ne peut être affirmé que le " coup d'accordéon " opéré en février 2020 avait pour seul objectif de permettre à la société HR VML de prendre possession des parts de M. [F] sans en régler le prix alors que d'une part un certain temps s'est écoulé entre la date à laquelle M. [F] pouvait valablement lever l'option dont il disposait et la date à laquelle il a été procédé à la réduction de capital ; que d'autre part, l'absence de rachat des parts de M. [F] ne présente aucun caractère fautif et enfin, que la réduction de capital a permis à la société de poursuivre son activité et d'obtenir un crédit.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir prononcer la nullité de l'assemblée générale extraordinaire des associés de la société MRP du 14 février 2020.

III- Sur les demandes indemnitaires :

A titre subsidiaire, M. [F] sollicite la fixation de la somme de 200 000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société HR VML à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle ainsi que la fixation d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Au regard de la motivation susvisée et en l'absence d'abus de majorité caractérisé comme de faute commise par la société HR VML dans l'exécution du protocole du 23 mai 2017 il convient de confirmer le jugement en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts présentée sur le fondement de la responsabilité contractuelle et y ajoutant, de rejeter la demande présentée au titre d'un préjudice moral.

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue un droit, et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

Les intimés ne démontrent pas que M. [F] a fait preuve de mauvaise foi en présentant des demandes notamment fondées sur une analyse distincte de la leur des conventions passées entre eux.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

IV- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [F] succombant en ses demandes sera condamné aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais de défense. M. [F] sera condamné à verser à la SELARL MJ [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Motorspeed Racing Products la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera condamné à verser à la société Holding [C] VML (qui conserve un droit propre à défendre) la somme de 4.000 euros sur le même fondement .

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, par défaut et par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de M. [X] [F] tendant à la fixation d'une créance de 20.000 euros au passif de la société

Condamne M. [X] [F] à verser à la SELARL MJ [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Motorspeed Racing Products la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [X] [F] à verser à la société Holding [C] VML la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [X] [F] aux dépens.