Livv
Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 3 juillet 2024, n° 23/01040

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Senado (SARL)

Défendeur :

Sofinimmo 2 (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubois

Conseillers :

M. Vet, M. Balista

Avocats :

Me Hernandez, Me Calazel

TJ Toulouse, du 24 févr. 2023, n° 23/001…

24 février 2023


FAITS ' PROCÉDURE ' PRÉTENTIONS :

Par acte du 17 septembre 2017 et avenant du 27 février 2018 la SCI Sofinimmo 2 a consenti à la SARL Senado la location à usage commercial de détail, boissons en magasin spécialisé et activités connexes, d'un local situé à [Adresse 3] moyennant un loyer annuel de 29.800 € HT.

En contrepartie de travaux d'aménagement réalisés par le preneur, le bail prévoyait une franchise de loyer durant les 4 premiers mois à compter de la date de prise d'effet du bail, ainsi qu'une réduction de loyer sur les 6 premières années ramenant ainsi son montant annuel à la somme de 26 075 € HT.

Par acte du 19 octobre 2022, la SCI Sofinimmo 2 a fait délivrer à la société Senado un commandement visant la clause résolutoire du bail, ainsi que les dispositions de l'article L145-41 du code de commerce, d'avoir à payer la somme en principal de 55 821,96 euros, outre le coût du commandement, soit 56 148,94 euros au total.

Par acte du 16 janvier 2023, elle l'a assignée devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse aux fins d'obtenir la résiliation du bail commercial par l'acquisition de la clause résolutoire, l'expulsion du preneur et de tous occupants de son chef ainsi que le paiement de diverses sommes.

Par ordonnance réputée contradictoire du 24 février 2023, et en présence de la Banque Populaire Occitane en sa qualité de créancier inscrit, le juge a :

- constaté la résiliation du bail liant les parties avec effet au 19 novembre 2022,

- ordonné en conséquence l'expulsion de la SARL Senado et de tout occupant de son chef des locaux situés [Adresse 3] [Localité 5], occupés sans droit, avec l'assistance de la force publique si besoin est,

- condamné la SARL Senado à payer par provision à la SCI Sofinimmo 2 la somme de 57 840,46 euros à valoir sur les arrérages de loyer, charges et indemnité d'occupation, mois de décembre 2022 inclus, majorée des intérêts au taux légal,

à compter du 19 octobre 2022 et jusqu'à la date de l'assignation sur la somme de 55 821,96 euros,

à compter de l'assignation et jusqu'à parfait paiement sur la somme de 57 840,46 euros,

- condamné la SARL Senado à payer par provision à la SCI Sofinimmo 2, chaque mois à compter du mois de janvier 2023, le montant du loyer et charges à valoir sur l'indemnité d'occupation, soit 2 952,33 euros,

- débouté la SCI Sofinimmo 2 de sa demande provisionnelle au titre de la clause pénale,

- condamné la SARL Senado à payer à la SCI Sofinimmo 2 la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Senado aux dépens, y compris le coût du commandement de payer et des états commerciaux.

Parallèlement et par jugement du 19 mars 2023, le tribunal de commerce de Toulouse a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Senado et désigné Maître [M] en qualité d'administrateur.

Le 21 mars 2023, la SARL Senado et Maître [Y] [M] ès qualités ont interjeté appel de l'ordonnance du 24 février 2023 en en critiquant l'ensemble des dispositions.

Suivant conclusions reçues au greffe le 5 mai 2023, auxquelles il conviendra de se référer pour l'exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SARL Senado et M. [M] demandent à la première présidente de :

- les recevoir en leurs conclusions, les disant bien fondés,

- constatant que l'ordonnance de référé prononcée le 24 février 2023 par M. le Président du tribunal judiciaire de Toulouse n'a pas la qualité de décision passée en force de chose jugée,

- constatant que le jugement prononcé le 16 mars 2023 par le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert la procédure de redressement judiciaire,

- constatant l'impossibilité pour la SCI Sofinimmo 2 de poursuivre l'action introduite en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail commercial du 17 septembre 2017,

- infirmer l'ordonnance de référé prononcée le 24 février 2023 par M. le Président du tribunal judiciaire de Toulouse sur les chefs du dispositif critiqués,

et statuant à nouveau,

- déclarer caduque l'ordonnance de référé prononcée le 24 février 2023,

- débouter la SCI Sofinimmo 2 de sa demande visant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail commercial du 17 septembre 2017 et prononcer son expulsion,

- débouter la SCI Sofinimmo 2 de sa demande de condamnation provisionnelle,

en toute hypothèse,

- rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

- condamner la SCI Sofinimmo 2 à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses conclusions reçues au greffe le 22 mai 2023, auxquelles il conviendra de se référer pour l'exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SCI Sofinimmo 2, qui s'en rapporte quant à l'impossibilité pour le bailleur de poursuivre l'action en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail, demande à la cour de :

- débouter la SARL Senado et la SCP CDF et Associés prise en la personne de Maître [Y] [M] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laisser les entiers dépens à la charge des appelants.

L'affaire initialement prévue à l'audience du 15 janvier 2024 a été renvoyée à l'audience du 27 mai 2024.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mai 2024.

-:-:-:-:-

MOTIVATION :

Aux termes de l'article L.145-41 al 2 du code de commerce, le locataire commercial a la faculté de demander des délais de paiement et la suspension de la clause résolutoire tant que la décision prononçant la résolution du bail n'a pas acquis

l'autorité de la force jugée.

Selon l'article L.622-21 du code de commerce, applicable à l'arrêt des poursuites individuelles en matière de procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire :

« I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de

tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L.622-17 et

tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

II.- Sans préjudice des droits des créanciers dont la créance est mentionnée au I de l'article L.622-17, le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure

d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.

['] ».

Il résulte de la combinaison de ces textes que l'action introduite par le bailleur, avant l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.

En l'espèce, l'instance opposant la SCI Sofinimmo 2 à la SARL Senado, n'a donné lieu, à la date du jugement d'ouverture, qu'à une ordonnance de référé frappée d'appel qui n'est donc pas passée en force de chose jugée.

Ainsi, faute d'une décision devenue définitive l'ayant déclarée acquise, la bailleresse, qui ne le conteste d'ailleurs pas, ne peut obtenir le bénéfice de la clause résolutoire.

Par ailleurs, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur. La demande en paiement devient donc irrecevable en référé en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L622-21 précité et doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge commissaire.

En conséquence, l'ordonnance déférée qui a constaté la résiliation du bail, ordonné l'expulsion de la locataire et condamné celle-ci au paiement des arriérés et d'une indemnité d'occupation sera infirmée en toutes ses dispositions et il sera dit n'y avoir lieu à référé.

Dans la mesure où aucune somme n'a été réglée à la suite du commandement de payer la somme de 55 821,96 euros du 19 octobre 2022, que la SARL Senado a été défaillante devant le premier juge et n'a mis en oeuvre la procédure de redressement judiciaire que le 8 mars 2023 à réception de l'ordonnance de référé du 24 février 2023 dont elle n'a fait appel que le 21 mars 2023, les dépens seront mis à la charge des appelants sans condamnation du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse du 24 février 2023 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

Dit n'y avoir lieu à référé,

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse les dépens à la charge de la SARL Senado et de la SCP CBF et associés prise en la personne de Me [M].