CA Riom, ch. com., 3 juillet 2024, n° 23/01713
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
B
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubled-Vacheron
Conseiller :
Mme Theuil-Dif
Avocats :
Me Southon, Me Cottier
ARRET :
Prononcé publiquement le 03 Juillet 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par acte notarié du 7 juillet 2022, M. [O] [B] a consenti à Mme [W] [G] épouse [D] un bail commercial portant sur un local (rez-de-chaussée) sis [Adresse 3], moyennant un loyer annuel de 16.800 euros.
Le loyer mensuel d'un montant de 1.400 euros n'ayant pas été réglé pour le mois de mars 2023 ainsi que la provision sur charges d'un montant de 253,95 euros, le bailleur a fait délivrer un commandement de payer par la SARL AAJ le 14 mars 2023.
Il indiquait qu'à défaut de paiement, il entendait se prévaloir de la clause résolutoire présente dans le contrat de bail.
La locataire n'a pas versé le loyer du mois d'avril 2023.
M. [B] a saisi le juge des référés de Montluçon afin qu'il constate l'acquisition de la clause résolutoire et qu'il ordonne l'expulsion de Mme [D], outre le paiement d'une indemnité d'occupation et d'une provision à valoir sur les travaux de remise en état.
Par ordonnance du 4 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Montluçon a :
- constaté la résiliation du bail à effet au 15 avril 2023,
- constaté que depuis cette date, Mme [D] était occupante sans droit ni titre des locaux,
- constaté la reprise des lieux par le bailleur le 12 juin 2023,
- dit n'y avoir lieu à expulsion,
- condamné Mme [D] à payer à M. [B] une indemnité d'occupation mensuelle de 1.400 euros à compter du mois d'avril 2023 jusqu'au mois de juin 2023 ainsi qu'une provision de 23.980 euros au titre des travaux de remise en état des lieux et une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 20 mars 2024, Mme [D] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions d'incident notifiées le 7 décembre 2023, M. [B] a saisi le conseiller de la mise en état de la 3ème chambre civile et commerciale aux fins d'une demande en radiation de l'affaire.
Par ordonnance du 13 mars 2024, la présidente de la troisième chambre civile et commerciale a rappelé qu'aucun conseiller chargé de la mise en état n'était désigné dans le dossier orienté à bref délai et jugé que la demande de radiation présentée était irrecevable comme excédant les pouvoirs du président de chambre.
Par conclusions déposées et notifiées le 20 mars 2024, elle demande à la cour :
- de réformer les chefs de l'ordonnance du 4 octobre 2023 entrepris,
- de débouter M. [B] de sa demande provisionnelle,
- de limiter sa condamnation au titre de l'indemnité d'occupation à la période du 13 avril 2023 au 17 mai 2023, et le montant de cette indemnité à la somme mensuelle de 200 euros,
- de débouter M. [B] de toutes demandes plus amples ou contraires,
- de le condamner aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle précise qu'elle avait informé le bailleur de son incapacité à payer les loyers dès le mois de mars 2023.
Elle fait valoir qu'elle a pris à bail les locaux afin d'ouvrir une pâtisserie, mais que les locaux se sont révélés inexploitables et ont nécessité d'importants travaux dont a bénéficié M. [B].
Elle ajoute que la condamnation sollicitée et obtenue correspond à une amélioration des locaux et non une remise en état.
Elle soutient que s'agissant de l'indemnité d'occupation, elle a remis les clés par l'intermédiaire de son conseil le 17 mai 2023, et qu'elle ne peut être tenue du paiement d'une indemnité au-delà de cette date.
Elle considère l'appel incident de M. [B] irrecevable pour être intervenu plus d'un mois après le dépôt de ses conclusions. Elle sollicite le rejet des demandes additionnelles de M. [B] et estime qu'il entend en réalité refaire à neuf les locaux vétustes et dégradés par des dégâts des eaux.
Par conclusions déposées et notifiées le 27 mars 2024, M. [B] demande à la cour de :
- débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes et de confirmer l'ordonnance critiquée,
En conséquence :
- de constater la résiliation du bail commercial avec effet au 15 avril 2023,
- de constater que depuis cette date, Mme [D] est occupante sans droit ni titre des locaux,
- de constater la prise des lieux par le bailleur en date du 12 juin 2023,
- de condamner Mme [D] à lui verser une indemnité d'occupation mensuelle de 1.400 euros par mois, à compter du mois d'avril 2023 et ce jusqu'au mois de juin 2023,
- de condamner Mme [D] à lui verser une provision d'un montant de 60.187,68 euros TTC et ce, en réformant l'ordonnance de référé en ce qu'elle a retenu une somme de 23.980 euros au titre des travaux de remise en état,
- de condamner Mme [D] à lui verser la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance.
Y ajoutant :
- de condamner Mme [D] à lui payer :
-à titre de provision sur son préjudice moral la somme de 14.500 euros,
- la somme de 1.400 euros par mois à compter du 1er juillet 2023 et jusqu'à l'achèvement des travaux du local au titre de la perte locative compte-tenu du non-paiement des sommes dues par l'ordonnance de référé,
- la somme de 4.200 euros au titre des loyers initialement offerte et ce en raison de la non-réalisation des travaux par Mme [D]
- la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que son appel incident a été formé dès la notification de ses premières conclusions d'appel qui contenait des demandes complémentaires.
M. [B] expose n'avoir pu récupérer son local que le 12 juin 2023, lors de l'état des lieux et que l'indemnité d'occupation doit donc être payée jusqu'à cette date.
Il fait encore valoir qu'il a loué le bien en parfait état et impute à sa locataire l'ensemble des dégradations locatives, dont la remise en état suppose qu'il puisse recevoir une provision.
Il explique également que cette situation l'a plongé dans un profond état dépressif et est donc à l'origine d'un préjudice moral.
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2024.
MOTIVATION :
Sur l'appel incident de M. [B] :
Mme [D] fait valoir que par conclusions notifiées le 13 février 2024, M. [B] a formé un appel incident en demandant sa condamnation à verser une provision de 60 187,68 euros, et ce, en réformant l'ordonnance de référé en ce qu'elle a retenu une somme de 23 980 euros au titre des travaux de remise en état.
Elle affirme que cet appel incident est irrecevable puisqu'il intervient plus d'un mois après les conclusions qu'elle a elle-même notifiées.
M. [B] estime quant à lui que l'appel incident a été formé dès ses conclusions du 5 janvier 2024, qui comportent des demandes nouvelles. Il ajoute que le conseiller chargé de la mise en état n'a pas soulevé cette irrecevabilité.
S'agissant d'une procédure orientée à bref délai il sera rappelé qu'aucun conseiller chargé de la mise en état n'a été désigné. Pour les procédures orientées en circuit court la fin de non-recevoir reste de la compétence de la cour.
L'article 905-2 du code de procédure civile dispose que « A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.
L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué ».
L'article 910-4 du code de procédure civile prévoit qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter dans les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.
Il est fait exception à cette règle s'il s'agit de faire juger des questions nées postérieurement aux premières conclusions de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, Mme [D] a déposé ses conclusions le 17 décembre 2023.
L'affaire ayant été orientée à bref délai, M. [B] disposait d'un mois pour conclure en réponse et le cas échéant, former un appel incident. Il a effectivement conclu dans le délai d'un mois soit le 5 janvier 2024. Cependant ces conclusions ne comportent pas la demande de provision complémentaire qu'il présente dans ses conclusions récapitulatives.
En l'occurrence, il a porté sa demande d'indemnité provisionnelle au titre des travaux de remise en état à la somme de 60 187.68 euros aux termes de conclusions notifiées le 13 février 2024, soit postérieurement au délai d'un mois suivant les conclusions de Mme [D].
M. [B] a fait dresser un état des lieux le 12 juin 2023. Il lui était tout à fait possible de faire établir les devis relatifs à la remise en état des lieux avant le 5 janvier 2024. Il n'existe donc pas de survenance d'un fait permettant de déroger au principe de concentration des prétentions.
Cette nouvelle demande sera donc déclarée irrecevable.
II. Sur les demandes nouvelles de M. [B] :
Mme [D] fait valoir que M. [B] a formé des demandes nouvelles irrecevables :
- sur le fondement d'un préjudice moral (demande de dommages et intérêts)
- sur le fondement d'une perte locative,
- sur le fondement du remboursement de trois mois de loyers offerts.
M. [B] ne répond pas sur la recevabilité de ces demandes mais sur leur bien-fondé.
Sur ce,
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
Selon l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
L'article 566 énonce que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, M. [B] ne forme pas appel incident puisqu'il sollicite la confirmation de l'ordonnance. Il présente des demandes nouvelles.
En effet, au sein des conclusions déposées devant le juge des référés de première instance, M. [B] demandait :
- de constater l'acquisition de la clause résolutoire,
- de dire que le contrat de bail est résilié à compter de cette date,
- de dire et juger qu'à compter de cette date, Mme [D] est occupante sans droit ni titre des locaux situés au [Adresse 3],
- d'ordonner son expulsion ainsi que de tout occupant de son chef des locaux loués dès la signification de l'ordonnance à intervenir et avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
- de condamner Mme [D] à lui payer et porter la somme de 1.400 euros à titre d'indemnité d'occupation à compter du 13 avril 2023 et jusqu'à la libération effective des lieux,
- de condamner Mme [D] à lui payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens qui comprendront le coût du commandement de payer.
A l'audience du 6 septembre 2023, M. [B] a modifié ses demandes, se désistant de sa demande d'expulsion, maintenant ses demandes de résiliation et de fixation d'une indemnité d'occupation. Il demandait également additionnellement la condamnation de la remise en état du local, compte tenu des dégradations commises et constatées lors de l'état des lieux de sortie qu'il a fait diligenter par le commissaire de justice Me [Z].
Il apparaît qu'aucune demande relative à des dommages et intérêts n'a été formulée par M. [B] en première instance, ni de demande relative au paiement des trois mois de loyers offerts ou au titre de la perte locative, de telle sorte qu'elle s'analyse en des nouvelles demandes.
En outre, aucune de ses demandes nouvelles n'entrent dans les exceptions visées au code de procédure civile.
Par conséquent, les demandes nouvelles formées par M. [B] sont irrecevables.
Sur la résiliation du bail commercial :
Mme [D] sollicite la réformation de l'ordonnance qui a constaté la résiliation du bail avec effet au 15 avril 2023 et dit n'y avoir lieu à ordonner l'expulsion. Toutefois, elle ne développe aucuns moyens sur la résiliation du bail qu'elle ne conteste pas et a volontairement quitté les lieux.
Il n'y a donc pas lieu à statuer sur ces deux points.
L'appel est limité à la date de reprise des lieux, à la fixation de l'indemnité d'occupation, au montant de la provision et à l'indemnité allouée au titre des frais irrépétibles.
IV. Sur l'indemnité d'occupation :
- Sur la période retenue :
Mme [D] indique avoir restitué les clés par l'intermédiaire de son conseil le 17 mai 2023.
M. [B] fait valoir qu'il n'a pu récupérer le local qu'au jour de la réalisation de l'état des lieux (12 juin 2023), de telle sorte que l'indemnité est due du 15 avril au 12 juin 2023.
Le premier juge a fixé la période sur laquelle l'indemnité d'occupation serait due du 15 avril 2023 au 12 juin 2023.
Sur ce,
L'indemnité d'occupation est une somme d'argent donnée au propriétaire d'un bien immobilier en échange de l'occupation de ce bien par une personne. Elle est due au bailleur quand le bail prend fin mais que le locataire continue à occuper les lieux.
Il est de principe que lorsque l'occupation d'un local se poursuit contre le gré du propriétaire, le locataire peut être redevable d'une indemnité d'occupation, dont le montant est fixé par le juge.
Il est acquis que le bail a été résilié au 15 avril 2023, de telle sorte que l'indemnité est due à compter de cette date. Cependant, M. [B] considère qu'elle lui est due jusqu'au 12 juin 2023 tandis que Mme [D] considère qu'elle lui doit jusqu'au 17 mai 2023.
M. [B] reconnaît que Me Southon, conseil de Mme [D], a récupéré les clés le 17 mai 2023 et que par courrier officiel, il a transmis ces clés à Me Cottier qui les a reçues le 18 mai 20233.
Me [Z] (commissaire de justice ' SARL AJJ) a certifié sur la photo des clés avoir reçu les clés déposées par Me Cottier le 24 mai 2023.
Les éléments rapportés permettent d'estimer de façon certaine que les clés n'étaient plus en possession de Mme [D] au 17 mai 2023, et que M. [B] en disposait le 18 mai 2023. Peu importe que la résiliation du bail n'ait pas encore été prononcée en justice et que M. [B] ait dû attendre l'état des lieux pour effectivement récupérer les locaux, l'indemnité d'occupation ne couvrant que la période effective d'occupation par l'ancien locataire du bien loué, sans droit ni titre.
Mme [D] a avisé M. [B] de son impossibilité de régler le loyer dès le 6 mars 2023. Rien n'indique qu'elle était opposée à un état des lieux et rien n'explique le délai de près d'un mois qui s'est écoulé entre la remise des clés et le constat du commissaire de justice.
Par conséquent, l'indemnité d'occupation sera due du 15 avril 2023 au 18 mai 2023. L'ordonnance sera infirmée sur ce point.
- Sur le montant de l'indemnité d'occupation :
Mme [D] fait valoir que l'indemnité d'occupation ne saurait excéder 200 euros mensuels.
M. [B] estime quant à lui que l'indemnité d'occupation doit être fixée à 1.400 euros par mois,
Le premier juge a fixé l'indemnité d'occupation à 1.400 euros par mois, correspondant au loyer mensuel.
Sur ce,
L'indemnité d'occupation sans droit ni titre, est destinée non seulement à compenser les pertes de loyer subies par le bailleur, mais également à l'indemniser du préjudice qu'il subit du fait de l'occupation, qui rend indisponible le logement anciennement loué. Il en résulte qu'elle peut être supérieure au loyer et qu'elle tient compte des circonstances particulières de chaque cas.
En raison de sa nature mixte, indemnitaire et compensatoire, l'indemnité d'occupation constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des lieux et assure, en outre, la réparation du préjudice résultant d'une occupation sans bail (Cour d'appel de Versailles, 28 février 2023, n° 22/1403).
En l'espèce, le loyer mensuel était fixé à 1.400 euros par mois (correspondant à la valeur locative). A chaque terme de loyer, le preneur s'engageait également à verser une provision sur les charges, taxes et prestations à la charge du bail, d'un montant de 253,95 euros (comprenant les charges mensuelles, la taxe foncière mensuelle et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères).
Mme [D] fait valoir que les locaux étaient inutilisables pour l'exploitation d'un fonds de commerce de pâtisserie et il qu'il était nécessaire de réaliser des travaux de réfection et de mises aux normes,
Néanmoins, si elle estimait que le bailleur avait manqué à son obligation de délivrance conforme ou de bonne foi, il lui appartenait de diligenter une action en ce sens. Par des motifs que la cour adopte, le juge des référés a rappelé que le bail laissait au preneur la charge exclusive des aménagements et réparations nécessitées par l'exercice de son activité et rappelé que la locataire ne pouvait invoquer pour réduire l'indemnité d'occupation, faire état de causes de réduction en lien avec l'état du local loué.
Enfin, il est indiqué au paragraphe dénommé « Clause résolutoire » du bail commercial que « si le preneur refusait d'évacuer les lieux, après résiliation, son expulsion pourrait avoir lieu sans délai sur une simple ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire compétent, exécutoire par provision, nonobstant appel. De plus, il encourrait une astreinte de 50 euros par jour de retard. Il serait en outre débiteur d'une indemnité d'occupation établie forfaitairement sur la base du loyer global de la dernière année majoré de 50% ».
Il convient donc de confirmer l'ordonnance sur ce point. Eu égard à la période considérée (un mois et trois jours), le montant de cette indemnité s'établit comme suit :1 540 euros.
- Sur le versement de l'indemnité :
Mme [D] réclame dans le corps de ses conclusions qu'il lui soit permis de s'acquitter des sommes mises à sa charge sous forme de 7 mensualités par application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil. Elle explique être mariée et ne percevoir que les allocations familiales pour ses deux enfants mineurs, son mari étant inscrit à Pôle Emploi.
Elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance mais ne présente pas de demande de délais de paiements dans le dispositif de ses conclusions.
La cour n'est donc pas saisie de cette demande.
III. Sur la demande de provision au titre des travaux de réfection :
La cour statuera sur le bien fondé de cette demande dans la limite des demandes présentées dans les délais de l'article 905-2 du code de procédure civile.
- Le bien-fondé de la demande :
Mme [D] fait valoir que les locaux étaient parfaitement inutilisables en l'état pour l'exploitation d'un fonds de commerce de pâtisserie, qu'il était nécessaire d'effectuer d'importantes mises aux normes ; que M. [B] était informé de l'étendue des travaux et que les dégradations qu'il décrit sont en réalité la conséquence d'un chantier inachevé. Elle ajoute que le bailleur n'a pas contesté que les locaux étaient fermés depuis plusieurs mois et qu'ils avaient auparavant été destinés à un magasin de chaussures.
Elle fait grief au juge des référés d'avoir mal interprété le contrat. Elle rappelle qu'il est interdit de laisser reposer sur les épaules du seul locataire l'ensemble des travaux nécessaires à l'exploitation commerciale pour lequel le bail est donné et soutient que les travaux entrepris constituaient des travaux de remises aux normes touchant à la structure du local.
Elle considère qu'il n'appartenait pas au juge des référés, eu égard à l'existence d'une contestation sérieuse quant à l'étendue respective des obligations des parties, et quant à la nature et l'importance des travaux effectués ou à effectuer, d'allouer, même à titre provisionnel, la somme réclamée par le bailleur.
M. [B] fait valoir que le local donné à bail était en parfait état au moment de la location et que lors de la reprise des lieux, Mme [D] avait entrepris des travaux extrêmement importants sans les achever, il a dès lors récupéré le local dans un état dégradé.
En l'espèce, le paragraphe « Restitution des lieux » stipulé au bail commercial prévoit que :
« Le preneur devra rendre les locaux en bon état de réparations ou, à défaut, régler au bailleur le coût des travaux nécessaires pour leur remise en état ».
Il convient de constater, au vu des différentes pièces produites (photographies, PV de constat) que M. [B] a récupéré un local fortement dégradé du fait de l'inachèvement des travaux, rendant impossible toute location et nécessitant sa remise en état.
En effet, M. [B] produit un procès-verbal de constat effectué le 12 juin 2023 par un expert judiciaire. Ce dernier constate :
- que les murs sont à l'état brut,
- des suspentes fixées sur l'ancien plafond ou des poutres,
- que le parquet flottant au sol est en mauvais état,
- que le plancher flottant est arraché en partie arrière droite du magasin,
- l'absence d'installation électrique,
- un trou carré dans le plancher qui ouvre sur la cave, grossièrement bouché par une plaque rectangulaire,
- le stockage de morceaux de plaques de placo plâtre,
- que l'alimentation du coupeur électrique est coupée.
Mme [D] estime que les travaux ont pour partie été dus à un dégât des eaux, elle n'en rapporte cependant aucune preuve.
Il sera rappelé qu'elle ne peut se prévaloir du fait que M. [B] n'aurait pas respecté ses obligations et qu'elle aurait était contrainte de réaliser les travaux car le local ne correspondait pas à la destination pour laquelle il était loué, sachant que :
Le paragraphe « Aménagements » du bail commercial est rédigé ainsi :
« Le preneur aura à sa charge exclusive tous les aménagements et réparations nécessités par l'exercice de son activité. Ces aménagements et réparations nécessités ne pourront être faits qu'après avis favorable et sous la surveillance et le contrôle d'un architecte dont les honoraires seront à la charge du preneur ».
L'ensemble des frais relatifs aux aménagements et réparations nécessités par l'exercice de l'activité de Mme [D] étaient donc à sa charge.
- Le paragraphe « Entretiens et Réparations » du bail commercial stipule que :
« ['] il est précisé qu'aux termes des dispositions des 1° et 2° de l'article R. 145-35 du code de commerce que peuvent être imputés au locataire :
- les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que les honoraires liés à la réalisation de ces travaux,
- les dépenses relatives ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la règlementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées au 1° »
L'article 606 du code civil dispose que « Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien ».
Le paragraphe « Mise aux normes » est rédigé ainsi :
« Par dérogation à l'article 1719 du code civil, le preneur aura la charge exclusive des travaux prescrits par l'autorité administrative, que ces travaux concernent la conformité générale de l'immeuble loué ou les normes de sécurité, d'accueil du public, d'accès des handicapés, d'hygiène, de salubrité spécifique à son activité ».
Mme [D] se prévaut du fait que les travaux entrepris constituent des travaux de mise aux normes touchant à la structure du local alors même qu'elle reconnaît dans son mail du 6 mars 2023 qu'il s'agit de « travaux d'aménagement » et elle ne rapporte aucune preuve de ce qu'elle aurait effectué des travaux de remise aux normes ou qu'ils auraient été rendus nécessaire.
Le paragraphe relatif aux « Travaux » stipule quant à lui :
« Il (le bailleur) indique qu'il n'envisage pas dans les trois années suivantes d'effectuer des travaux ».
Cette stipulation doit s'apprécier au regard des dispositions précédentes qui règlent le cas où le preneur devrait avoir à subir des travaux diligentés par le bailleur. Il s'agit simplement d'une précision du bailleur selon laquelle il ne ferait pas de travaux d'ici les trois ans. Il ne peut être tiré de cette information l'argument porté par Mme [D] selon lequel il s'agirait de « laisser reposer sur les seules épaules du locataire le coût de l'ensemble des travaux nécessaires à l'exploitation commerciale ».
Aucune des parties ne produit d'état des lieux d'entrée. Cependant, la conséquence de l'absence de réalisation d'un état des lieux d'entrée à la diligence du bailleur empêche simplement de se prévaloir de la disposition de l'article 1731 du code civil selon laquelle « « s'il n'a pas été fait état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire ». Les travaux entrepris et inachevés par Mme [D] ne permettent pas de relouer le local qui était initialement en très bon état comme le montrent les photographies produites et l'attestation de l'agence immobilière Century 21 du 23 mai 2023 selon laquelle « les photos ci-dessous annexées sont conformes à l'état dans lequel était l'immeuble lors de la signature de l'acte authentique le 10 juin 2022 ».
Mme [D] ne peut se prévaloir des différentes stipulations du bail commercial pour se dédire aujourd'hui des obligations qui lui incombaient alors même qu'elle a consenti à ce dernier et qu'elle était censée en connaître les différentes stipulations.
Au regard de ces éléments, la demande de M. [B] ne se heurte à aucune contestation sérieuse et l'ordonnance sera confirmée en ce que la provision allouée se fonde sur un devis qui exclut toute amélioration ou modification indue.
V. Sur les autres demandes :
Mme [D] succombant pour l'essentiel de ses demandes sera condamnée aux dépens.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M.[B] l'ensemble de ses frais de défense. Mme [D] sera condamnée à lui verser la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs :
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, l'arrêt étant mis à disposition des parties au greffe de la cour ;
Confirme l'ordonnance critiquée sauf en ce qu'elle a constaté la reprise des lieux le 12 juin 2023 par le bailleur et condamné Mme [D] à verser une indemnité d'occupation du mois d'avril 2023 au mois de juin 2023.
Statuant à nouveau ;
Condamne Mme [W] [G] épouse [D] à verser à M. [O] [B] une indemnité d'occupation mensuelle de 1 540 euros pour la période écoulée du 15 avril 2023 au 18 mai 2023.
Y ajoutant,
Déclare irrecevables les nouvelles demandes de M. [B] présentées :
- sur le fondement d'un préjudice moral (demande de dommages et intérêts)
- sur le fondement d'une perte locative,
- sur le fondement du remboursement de trois mois de loyers offerts.
Condamne Mme [W] [G] épouse [D] à verser à M. [O] [B] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [W] [G] épouse [D] aux dépens d'appel.