Cass. 3e civ., 4 juillet 2024, n° 23-13.515
COUR DE CASSATION
Autre
Rejet
PARTIES
Défendeur :
Lauman (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
Mme Aldigé
Avocats :
Me Munier-Apaire, SCP Gadiou et Chevallier
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 1er décembre 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 13 octobre 2021, pourvoi n° 20-12.901, publié), Mme [M] [C] et MM. [W] et [U] [C] (les bailleurs) ont accepté, à compter du 1er novembre 2011, le renouvellement du bail commercial dont la société Lauman (la locataire), exploitant un commerce de restaurant-bar-brasserie, était bénéficiaire, moyennant la fixation d'un loyer déplafonné.
2. Ils ont, ensuite, assigné la locataire en fixation, selon la valeur locative, du loyer du bail renouvelé.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. Les bailleurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à la fixation d'un loyer déplafonné, alors :
« 1°/ que l'autorisation municipale permettant à un commerce de restaurant-bar-brasserie d'étendre l'exploitation d'une terrasse sur le domaine public est susceptible de constituer une modification notable des
facteurs locaux de commercialité et par là-même un motif de déplafonnement de l'augmentation du loyer du bail dont le restaurateur est le preneur ; qu'en l'espèce, après avoir constaté qu'il était constant que durant le bail expiré, la société Lauman avait obtenu de la commune de [Localité 4] une autorisation d'occupation du domaine public délivrée le 19 mai 2005 correspondant à une terrasse d'une superficie de 93 m² qui, selon l'expert judiciaire, pouvait être considérée comme de nature exceptionnelle tant par sa surface que par le faible prix de la redevance réglée, et que la société Lauman ne justifiait d'aucune autorisation écrite antérieure de la commune portant sur l'exploitation d'une telle terrasse, la cour d'appel ne pouvait ensuite affirmer qu'il n'y avait pas lieu à déplafonnement du loyer en l'absence de modification des facteurs locaux de commercialité, au prétexte qu'une attestation d'une ancienne serveuse (Mme [H]) employée en 2003-2004 des établissements ayant précédé celui exploité par la société Lauman indiquait qu'ils possédaient une terrasse « se prolongeant jusqu'aux marches de l'église [5] », laquelle était impropre à établir que l'extension de la surface d'exploitation de la terrasse au cours du bail expiré était limitée à seulement 15 m² en l'absence de visa et de référence à un élément objectif précisant cette surface, de nature à permettre au juge de le vérifier, de constater la surface en mètres carrés occupée par la terrasse de ces établissements et de la comparer à l'existante ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle privant de base légale sa décision au regard des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce ;
2°/ que la modification notable des facteurs locaux de commercialité ouvre droit au déplafonnement du loyer du bail renouvelé lorsqu'elle intervient au cours du bail expiré ; qu'il est constant que le bail expiré avait pris effet le 1er novembre 2002 et il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'attestation de Mme [H], selon laquelle la terrasse se prolongeait jusqu'aux marches de l'église [5], concernait la période courant à compter de 2003, c'est-à dire la période couverte par le bail litigieux ; qu'en affirmant dès lors que le preneur bénéficiait « antérieurement au bail expiré » d'une large terrasse s'étendant jusqu'aux marches de l'église [5] pour écarter l'existence d'une extension notable de la terrasse, et par conséquent d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité, au cours du bail expiré, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
5. En application des articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce, il appartient au bailleur, qui sollicite le déplafonnement du prix du bail renouvelé, d'établir l'existence au cours du bail à renouveler, d'une modification notable des éléments de calcul de la valeur locative mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33.
6. L'appréciation du caractère notable de la modification relève du pouvoir souverain des juges du fond.
7. La cour d'appel a d'abord, à bon droit, retenu qu'une autorisation municipale permettant d'étendre l'exploitation d'une terrasse sur le domaine public contribuait au développement de l'activité commerciale, de sorte qu'il y avait lieu de rechercher si cette situation avait pu modifier les facteurs locaux de commercialité constituant un motif de déplafonnement.
8. Elle a ensuite relevé que la locataire avait obtenu de la commune de [Localité 4] une autorisation d'occupation du domaine public délivrée le 19 mai 2005 correspondant à une terrasse d'une superficie de 93 m² scindée en une partie au droit de l'établissement et une partie contre l'église [5], et que si elle ne justifiait d'aucune autorisation écrite antérieure de la commune portant sur l'exploitation d'une telle terrasse et notamment d'une superficie de 71 m² entre 1989 et 1999 portée à 79 m² entre 1999 et 2005, il ressortait de l'attestation d'une ancienne serveuse employée par les précédents exploitants entre 2003 et 2004, que ces établissements possédaient une terrasse se prolongeant jusqu'aux marches de l'église [5] ce qui contredisait la thèse des bailleurs soutenant que la terrasse n'était constituée entre 1989 et 2005 que de quelques tables et quelques chaises situées sous un store devant le local commercial.
9. Elle a ainsi souverainement retenu que la locataire qui bénéficiait, antérieurement au bail expiré, d'une large terrasse, n'avait pas bénéficié d'une extension notable de celle-ci en 2005, et en a exactement déduit que, la preuve d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité n'étant pas rapportée par les bailleurs, la demande en fixation d'un prix déplafonné devait être rejetée.
10. Le moyen n'est donc pas fondé
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [M] [C] et MM. [W] et [U] [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.