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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 2 juillet 2024, n° 23/06665

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 23/06665

2 juillet 2024

2ème Chambre

ARRÊT N° 259

N° RG 23/06665 - N° Portalis DBVL-V-B7H-UJD6

(Réf 1ère instance : 23/00171)

M. [O] [P]

C/

Société NWH NEUWEG HOLDING AG

Désigne un expert ou un autre technicien

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Cyrille MONCOQ

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Avril 2024 devant Madame Hélène BARTHE-NARI, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 02 Juillet 2024, après prorogation, par mise à disposition au greffe

****

APPELANT :

Monsieur [O] [P]

né le 05 Novembre 1985 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Cyrille MONCOQ de la SELARL ALPHA LEGIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

INTIMÉE :

NWH NEUWEG HOLDING AG venant aux droits de la société SO AUTO

société de droit allemand

[Adresse 5]

ALLEMAGNE

N'ayant pas constitué avocat, assigné(e) le 15 décembre 2023 selon les modalités de remise d'actes à l'étranger aux autorités compétentes

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon bon de commande du 2 mai 2022, M. [O] [P] a, moyennant le prix de 40 900 euros, acquis auprès de la société So Auto, un véhicule d'occasion Mercédes CLA 45 AMG, mis en ciculation en avril 2017 et affichant au compteur un kilométrage de 56 720 km.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 21 mai 2022, M. [P] a indiqué au vendeur vouloir user de son droit de rétractation, et sollicité le remboursement du prix de vente après avoir découvert des désordres affectant le véhicule.

Il a également sollicité de son assureur de protection juridique la réalisation d'une expertise extrajudiciaire à laquelle la société So Auto ne s'est pas présentée.

Aux termes de son rapport d'expertise du 13 septembre 2022, l'expert [G] a constaté de nombreux désordres, en concluant que ceux-ci ne relevaient pas d'un défaut d'utilisation ou d'entretien de la part du propriétaire, que le véhicule était dangereux en l'état, et a chiffré les réparations à la somme de 5 770,42 euros HT.

La société So Auto a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 28 octobre 2022 et son unique associé a décidé de la transmission du patrimoine de la société à la société NWH Neuweg Holding AG (la société NWH) domiciliée en Allemagne.

M. [P] a alors, par acte du 12 mai 2023, fait assigner la société NWH devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Malo aux fins de désignation d'un expert judiciaire.

Estimant que le rapport d'expertise extrajudiciaire n'était en l'état de la procédure pas contesté et que la mesure d'expertise n'apparaissait pas nécessaire au regard notamment de son coût par rapport à celui des réparations prévues, le juge des référés a, par ordonnance du 5 octobre 2023 :

- rejeté la demande d'expertise,

- dit que les dépens seront mis à la charge de la société NWH.

M. [P] a relevé appel de cette décision le 24 novembre 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions du 15 décembre 2023, il demande à la cour de la réformer et de :

- ordonner une expertise judiciaire.

- désigner tel expert automobile qu'il plaira avec la mission habituelle en pareille matière et notamment :

* de prendre connaissance de tous documents utiles, de recueillir les déclarations des parties et de toute personne éventuellement informée,

* de procéder à l'examen du véhicule litigieux,

* de décrire l'état de ce véhicule, examiner les anomalies et griefs indiqués dans l'assignation, et décrire et préciser s'ils rendent ou non le véhicule impropre à l'usage auquel il est destiné,

* de décrire si possible l'historique du véhicule, ses conditions d'utilisation et d'entretien depuis sa mise en circulation et le cas échéant vérifier si elles ont été conformes aux prescriptions du constructeur et si elles ont pu jouer un rôle causal dans les dysfonctionnements constatés,

Le cas échéant, de déterminer les causes des désordres et dysfonctionnements constatés et rechercher si ces désordres et dysfonctionnements étaient apparents lors de l'acquisition du véhicule ou s'ils sont apparus postérieurement,

* dans le premier cas, indiquer s'ils doivent être décelés par un automobiliste non averti, si celui-ci pouvait en apprécier la portée,

* dans le second cas, s'ils trouvent leur origine dans une situation antérieure à l'acquisition et notamment dès sa fabrication,

* décrire dans l'hypothèse où le véhicule serait techniquement réparable les travaux nécessaires pour y remédier et en chiffrer le coût,

* en tout cas, indiquer la valeur résiduelle du véhicule,

* fournir tous éléments techniques et de faits de nature à déterminer les responsabilités encourues et évaluer les préjudices subis,

* fournir toutes les indications sur la durée prévisible des réfections et sur le préjudice accessoire qu'il pourrait entraîner telles que la privation et la limitation de jouissance,

* de manière générale faire toutes observations utiles à la solution du litige et dans l'intérêt des parties,

Dans l'attente,

- débouter la société NWH de l'ensemble de ses prétentions fins et conclusions plus amples ou contraires.

- condamner la société NWH au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile du chef des frais irrépétibles engagés par M. [P] devant la cour et aux entiers dépens d'appel.

La société NWH, à laquelle M. [P] a signifié le 15 décembre 2023 sa déclaration d'appel et ses conclusions selon les dispositions de l'article 4§3 et de l'article 9§2 du règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007, n'a pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par M. [P], l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 11 avril 2024.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, la cour, lorsque l'intimé n'est pas comparant, ne peut faire droit à la demande que lorsqu'elle l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 145 du code de procédure civile que le juge des référés peut ordonner à la demande de tout intéressé les mesures d'instruction légalement admissibles s'il existe un motif légitime d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.

M. [P] fait grief au juge des référés d'avoir rejeté sa demande sur le fondement de ce texte, aux motifs que le rapport d'expertise extrajudiciaire n'était pas contesté à ce stade de la procédure, du coût de la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire et que le juge du fond peut prévoir une telle mesure, alors que le coût d'une expertise judiciaire n'est pas un critère sur la base duquel le juge des référés peut décider ou non de l'ordonner, que cette expertise s'avère indispensable pour sauvegarder ses droits en dépit du fait qu'il n'existe à ce jour aucune contestation de la part de la société NWH qui n'a pas comparu devant le juge des référés, et qu'une mesure d'instruction sollicitée au fond est susceptible d'être refusée au visa de l'article 146 du code de procédure civile.

Il ressort à cet égard des conclusions de l'expert extrajudiciaire [G] que le véhicule est affecté de multiples désordres et notamment 'de graves défauts nuisant à sa sécurité (déformation berceau, plaquettes de frein usées avec présence d'un leurre sur le témoin d'usure) (et) de graves dommages sur les trains roulants, les freins et le moteur.'

L'expert extrajudiciaire a conclu que ces défauts signalés par l'acheteur le lendemain de la livraison du véhicule ne relevaient pas d'un défaut d'utilisation ou d'entretien de la part du propriétaire, que le véhicule était dangereux en l'état, et il chiffrait les réparations à la somme de 5 770,42 euros HT.

Les défauts relevés par cet expert sont donc susceptibles d'engager la responsabilité du vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 et suivants du code civil. Or, d'une part, la société So Auto n'a pas répondu à la convocation de l'expert amiable. D'autre part, le fait que la société NWH ne se soit pas fait représenter en première instance ne permet pas de conclure qu'elle acquiesce aux conclusions de l'expert amiable.

En l'état des conclusions de ce rapport, il existe un motif légitime d'ordonner l'expertise sollicitée, afin qu'un expert judiciaire donne son avis sur l'existence et les causes des désordres, sur les responsabilités encourues, indique les travaux éventuellement nécessaires à la remise en état du véhicule, en chiffre le coût, et, s'il y a lieu, évalue les préjudices subis.

Il sera donc, après infirmation de l'ordonnance attaquée, fait droit à la demande de désignation d'expert, avec la mission définie au dispositif du présent arrêt.

Cependant, en application de l'article 964-2 du code de procédure civile, la cour juge opportun de confier le contrôle de la mesure d'instruction qu'elle ordonne au juge chargé de contrôler les mesures d'instruction de la juridiction dont émane l'ordonnance.

D'autre part, M. [P] devra, en l'état du litige et de l'impossibilité de préjuger au fond, supporter les frais de la procédure de référé, ainsi que l'avance des frais de l'expertise.

Il n'y a dès lors pas matière à ce stade de la procédure à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme l'ordonnance rendue le 5 octobre 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Malo ;

Ordonne une expertise et commet pour y procéder M. [V] [E], demeurant [Adresse 3] (portable [XXXXXXXX01]), [Courriel 7], lequel aura pour mission de :

se faire communiquer tous documents utiles à l'exécution de sa mission,

entendre les parties ainsi que tout sachant à condition de les nommer,

examiner le véhicule Mercédes modèle CLA 45 AMG immatriculé [Immatriculation 8]

examiner les désordres et dysfonctionnements allégués, les décrire et en rechercher les causes, et dire s'ils étaient apparents lors de l'acquisition du véhicule ou s'ils sont apparus postérieurement,

dire si le véhicule est utilisable ou non, ou si les vices l'affectant le rendent impropre à son usage,

décrire les travaux propres à remédier aux vices et en chiffrer le coût, ainsi que la valeur résiduelle du véhicule,

s'adjoindre en tant que de besoin le concours de tout spécialiste de son choix dans un domaine autre que le sien, conformément aux dispositions des articles 278 et suivants du code de procédure civile,

donner tous éléments techniques permettant, le cas échéant, de déterminer les responsabilités encourues et les garanties, ainsi que les préjudices susceptibles d'être invoqués,

de manière générale, faire toutes constatations et recherches permettant à la juridiction compétente éventuellement saisie d'apprécier les responsabilités encourues,

Fixe à la somme de 3 000 euros, la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que M. [O] [P] devra consigner au moyen d'un chèque CARPA émis a l'ordre du régisseur du tribunal judiciaire de Saint-Malo, dans le délai de deux mois a compter du jour du présent arrêt ;

Dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque ;

Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe du tribunal judiciaire de Saint-Malo dans le délai de quatre mois à compter de l'avis de consignation ;

Dit qu'avant de déposer son rapport, l'expert fera connaître aux parties ses premières conclusions, leur impartira un délai pour formuler dires et observations qu'il annexera avec ses réponses à son rapport ;

Désigne le magistrat en charge du service des experts de la juridiction du premier degré pour contrôler les opérations d'expertise,

Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance de ce magistrat rendue sur simple requête ou même d'office,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de M. [O] [P].

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT