Cass. 3e civ., 7 octobre 1998, n° 96-21.977
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauvois
Rapporteur :
M. Villien
Avocat général :
M. Weber
Avocats :
SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, SCP Boré et Xavier
Sur les premier et quatrième moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 septembre 1996), qu'en 1986, M. X... a chargé la société Piscines et loisirs créations (PLC), depuis lors en liquidation judiciaire, gérée par M. Z... et ayant pour assureur l'Assurance mutuelle des constructeurs (AMC) de la réalisation d'une piscine ; qu'alléguant l'existence de non-finitions et de désordres, le maître de l'ouvrage a assigné la société, son gérant et son assureur en réparation de son préjudice ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement du prix des équipements de filtration et des travaux de terrassement et de consolidation, alors, selon le moyen, "1 ) qu'en relevant d'un côté que l'expert n'avait communiqué aucun renseignement sur le mauvais fonctionnement des appareils de filtration et la destabilisation du bassin, tout en constatant par ailleurs que ces désordres s'étaient révélés après le dépôt de son rapport, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2 ) qu'en reprochant à M. X... de ne pas avoir fait établir au sujet de ces désordres, des constatations contradictoires sans répondre aux conclusions de celui-ci qui soutenait que le dysfonctionnement des appareils de filtration est établi par plusieurs lettres du piscinier chargé de l'entretien de la piscine et que le glissement de la piscine, après les pluies d'automne a été constaté par deux entrepreneurs qui ont préconisé l'exécution de travaux immédiats, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 3 ) que selon l'article L. 113-1 du Code des assurances, les exclusions de garantie doivent être formelles ; qu'ainsi, en considérant que la compagnie AMC ne devait pas sa garantie à la société PLC dès lors que cette dernière n'avait pas effectué la déclaration de chantier prévue à l'article 13 de la police, sans rechercher de quelle sanction le contrat d'assurance frappait ce défaut de déclaration, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard du texte susvisé ; 4 ) qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le dysfonctionnement du système de filtration et le glissement de la piscine constatés en janvier 1987 ne constituaient pas des désordres affectant des ouvrages relevant des articles 1792 et 1792-2 du Code civil, couverts à ce titre par la police, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des textes susvisés et de l'article 1134 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les désordres relatifs au fonctionnement des appareils de filtration et à la destabilisation du bassin, allégués par M. X... après le dépôt du rapport d'expertise, n'avaient fait l'objet d'aucune constatation contradictoire, ni d'aucun procès-verbal de constat avant la réalisation des travaux exécutés pour y remédier, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions faisant état d'éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a pu retenir, sans se contredire, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à l'absence de déclaration du chantier, que le coût de ces reprises devait demeurer à la charge du maître de l'ouvrage, et que les demandes formées du chef de ces désordres contre l'assureur de l'entrepreneur devaient être rejetées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts en raison du retard dans la livraison de la piscine, alors, selon le moyen, "que, dans son rapport, dont l'homologation était sollicitée de ce chef, l'expert A... avait conclu que la modification d'implantation de la piscine n'avait provoqué qu'un retard de sept jours sur les trois mois et demi de retard qu'avait connus le chantier ; qu'ainsi, en se fondant sur cette modification pour exclure toute indemnisation du retard, sans s'expliquer sur ces conclusions expertales, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant relevé que si les travaux devaient être achevés le 31 mars 1986, la demande de modification de l'implantation de la piscine émanant de M. X... avait fait l'objet d'un devis du 11 avril 1986, prévoyant la réalisation d'une infrastructure différente adaptée à un terrain en forte pente, la cour d'appel, qui n'était pas liée par les propositions de l'expert, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes formées contre M. Z..., alors, selon le moyen, "qu'en se bornant à affirmer que le défaut de comptabilité et le retard au dépôt de bilan reprochés à M. Z... ne sont pas établis, sans s'expliquer sur le rapport de carence établi par M. Y..., liquidateur de la société PLC dont M. Z... était le gérant, qui concluait que le débiteur devait être poursuivi pour poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, (article 187-1 de la loi du 25 janvier 1985), omission de tenue d'une comptabilité (article 187-2 et 197-4 de la même loi) et omission de faire dans les 15 jours la déclaration de cessation des paiements (article 187-5 de la loi), la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 52 de la loi du 24 juillet 1966" ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la limitation à 20 000 francs du capital social de la société PLC n'était pas de nature à constituer une faute du gérant, qu'il n'était pas démontré que la situation financière de l'entreprise ait été obérée à la date du contrat souscrit avec M. X..., le 2 janvier 1986, que les détournements de fonds et de comptabilités n'étaient pas établis, que le retard du dépôt de bilan effectué le 14 octobre 1987 ne se déduisait pas nécessairement de l'importance du passif et ne constituait pas en lui-même une faute génératrice d'un préjudice pour M. X..., et qu'il n'était pas démontré que M. Z... ait tenté fautivement d'empêcher le maître de l'ouvrage d'obtenir réparation des dommages dont il se prétendait victime, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre M. X... dans les détails de son argumentation, a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant que la responsabilité personnelle de M. Z... ne pouvait être engagée ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. X... tendant à la modification du niveau du local technique, à la restauration de l'horizontalité de la piscine, et à la confection de plages symétriques, l'arrêt retient que ces défauts constituaient des vices apparents n'ayant pas donné lieu à la formulation de réserves à la réception ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le procès-verbal de réception du 11 juillet 1986 formulait des réserves concernant des "non-conformités, défauts, travaux non exécutés suivant détails dans lettre recommandée datée de ce jour" et que la lettre recommandée du 11 juillet 1986 faisait état des anomalies suivantes : "local non enterré... piscine non horizontale... piscine non parallèle à la terrasse carrelée", la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce procès-verbal et de cette lettre, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... relative à la modification du niveau du local technique, à la restauration de l'horizontalité de la piscine, et à la confection de plages symétriques, l'arrêt rendu le 12 septembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'Assurance mutuelle des constructeurs ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.