Cass. 3e civ., 26 février 1992, n° 90-12.684
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Senselme
Rapporteur :
M. Valdès
Avocat général :
M. Angé
Avocats :
SCP Rouvière, Lepître et Boutet, CP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Paris, 19 décembre 1989), que la société de construction immobilière d'habitations à loyer modéré La Seimaroise a, en 1984, confié, par trois marchés, à la société Novabat, depuis en liquidation des biens, l'exécution de travaux relatifs à la construction de logements collectifs, de caves et d'un parc de stationnement ; qu'ayant versé à l'entrepreneur, pour le premier de ces marchés, avant le commencement des travaux, un acompte de 10 %, garanti par un cautionnement accordé par la Banque populaire de la région Nord de Paris (BPRNP), et, à la suite d'une erreur matérielle, par la Caisse centrale des banques populaires, en cas de non-respect par l'entrepreneur de ses engagements pour les travaux prévus, et obtenu de ces organismes, pour l'ensemble des marchés, un autre cautionnement, au titre des retenues de garantie, le maître de l'ouvrage a fait assigner les cautions en exécution de leurs obligations ;
Attendu que la société La Seimaroise fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à la condamnation de la Banque populaire de la région Nord de Paris à lui payer, en sa qualité de caution de la société Novabat, la somme de 784 257,05 francs en garantie de l'acompte de 10 % versé sur le prix du marché de construction des logements, alors, selon le moyen, 1°) qu'aux termes de l'engagement de caution par elle souscrit le 23 août 1984 (caution n° 840570), la BPRNP a accordé sa garantie " à hauteur de 1 322 524,50 francs selon l'article 9-2 mentionné dans le marché... pour restituer l'acompte de 10 % en faveur de la société Seimaroise et sur justificatifs de celle-ci au cas où la société anonyme Novabat ne respecterait pas ses engagements pour les travaux prévus " ; qu'en limitant aux seuls travaux de démarrage proprement dits l'engagement de la caution pour l'ensemble des travaux prévus, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; 2°) que les sommes réglées au titre d'avances sur démarrage ne sauraient être réputées acquises à l'entrepreneur du seul fait du démarrage effectif des travaux, lorsqu'il est constant que ceux-ci ne se sont pas poursuivis ; qu'en assignant une telle portée à l'article 9-2 du marché litigieux, la cour d'appel l'a parallèlement dénaturé, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; 3°) qu'ayant constaté que les travaux avaient été commencés puis interrompus, la cour d'appel se devait de rechercher dans quelle mesure les avances réglées couvraient des travaux effectivement réalisés ; que ne l'ayant pas fait, elle a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef, en retenant, sans dénaturation, que l'acte de caution renvoyait expressément à l'article 9-2 du marché prévoyant un acompte de 10 % au titre exclusif du démarrage des travaux et que la société La Seimaroise ne démontrait pas que la société Novabat, qui avait commencé les travaux sans les achever, n'avait pas exécuté les travaux légitimant la perception de l'avance de démarrage ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société La Seimaroise fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à la condamnation de la Banque Populaire de la région Nord de Paris, prise en sa qualité de caution de la société Novabat, à lui payer diverses sommes au titre des retenues de garantie applicables aux trois marchés, alors, selon le moyen, 1°) qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1971, la retenue de garantie a pour objet de garantir l'exécution des travaux pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître de l'ouvrage ; que de même, aux termes de l'article 2 de ladite loi, le maître de l'ouvrage peut bloquer la libération de la retenue de garantie, en justifiant l'inexécution des obligations de l'entrepreneur ; qu'ainsi, en limitant à l'existence de malfaçons pour exclure l'inexécution de travaux, la cour d'appel a retranché à la loi et violé les textes susvisés ; 2°) que la réception de l'ouvrage est, aux termes de l'article 1792-6 du Code civil, un acte unilatéral par lequel le maître de l'ouvrage " déclare accepter l'ouvrage " ; qu'il tient, en conséquence, son caractère contradictoire de ce que la volonté exprimée par le maître de l'ouvrage est non équivoque et connue des constructeurs, quand bien même ils n'avaient pas contresigné le procès-verbal de réception établi ; qu'en retenant, en l'espèce, le défaut de signature de la société Novabat comme excluant le caractère contradictoire des procès-verbaux litigieux, pour écarter toute garantie de la caution au titre des malfaçons ayant fait l'objet de réserves, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1792-6 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant exactement rappelé que, selon les articles 1 et 2 de la loi du 16 juillet 1971, la retenue de garantie et la caution, qui lui est substituée, ont pour objet de garantir l'exécution des travaux pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître de l'ouvrage, et non pas à tous les chefs de préjudice procédant de la mauvaise exécution du contrat par l'entrepreneur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef, en constatant que le maître de l'ouvrage ne se prévalait pas d'une réception avec réserves concernant les logements et en retenant, à bon droit, que les procès-verbaux de réception avec réserves, visant les autres ouvrages exécutés par la société Novabat, ayant été établis en l'absence de cette entreprise, cette réception n'avait pas été prononcée contradictoirement au sens de l'article 1792-6 du Code civil ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi