Décisions
CA Douai, ch. 8 sect. 1, 4 juillet 2024, n° 22/02550
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 04/07/2024
N° de MINUTE : 27/597
N° RG 22/02550 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UJON
Jugement (N° 20/01740) rendu le 24 Mars 2022 par le Tribunal d'Instance de Cambrai
APPELANTE
Madame [D] [M]
née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphane Dominguez, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/005760 du 08/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)
INTIMÉE
SA Cofidis agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 17 avril 2024 tenue par Samuel Vitse magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 juillet 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 3 avril 2024
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 7 septembre 2017, Mme [D] [M] a conclu avec la société Air Eco Logis un contrat de vente d'une centrale photovoltaïque, d'un système aérovoltaïque et d'un chauffe-eau thermodynamique moyennant le prix de 29 900 euros, financé par un crédit de même montant souscrit le 14 septembre 2017 auprès de la société Cofidis (la banque),
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 10 mars 2020, la banque a vainement mis en demeure Mme [M] de s'acquitter de plusieurs échéances impayées, à peine de déchéance du terme.
Par acte du 25 novembre 2020, la banque a assigné Mme [M] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cambrai aux fins de voir condamner celle-ci à lui payer la somme de 34 001,10 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,70 % l'an à compter du 31 octobre 2020 et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement du 24 mars 2022, le juge des contentieux de la protection a déclaré recevable l'action en paiement, condamné Mme [M] à payer à la banque la somme de 29 217,96 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 25 novembre 2020, rejeté les demandes indemnitaires de Mme [M], laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles et condamné Mme [M] aux dépens.
Mme [M] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses conclusions remises le 12 août 2022, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de prononcer la forclusion de l'action en paiement, de prononcer la nullité ou à défaut la résolution du contrat principal, ainsi que la nullité ou à défaut la résolution du contrat de crédit affecté, de dire que la banque ne pourra se prévaloir des effets de l'annulation à l'égard de l'emprunteur, d'ordonner le remboursement des sommes qu'elles a versées à la banque au jour du jugement à intervenir outre celles à venir soit la somme de 29 217,96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2020, de condamner la banque à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de son préjudice financier et de son trouble de jouissance, outre celle de 3000 euros au titre de son préjudice moral, de condamner la société Air Eco Logis à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, d'ordonner sous astreinte sa radiation du FICP à la diligence et aux frais de la banque, de condamner celle-ci au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter le montant des éventuels frais d'exécution à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par l'arrêt à intervenir.
Dans ses conclusions remises le 9 novembre 2022, la banque demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de déclarer irrecevable la demande d'annulation du contrat principal et celle subséquente d'annulation du contrat de crédit affecté, à titre subsidiaire, de rejeter les demandes d'annulation des contrats de vente et de crédit, à titre très subsidiaire, de dire que la banque n'a commis aucune faute et de condamner en conséquence Mme [M] à rembourser le montant du capital prêté déduction faite des paiements effectués, à titre infiniment subsidiaire, de dire que la banque ne saurait être privée de sa créance de restitution en l'absence de préjudice subi par Mme [M], de condamner à tout le moins celle-ci à restituer une fraction du capital qui ne saurait être inférieure aux deux tiers, en tout état de cause, de débouter Mme [M] de ses demandes de dommages et intérêts, de condamner celle-ci au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Francis Deffrennes, avocat.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 3 avril 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il convient de rappeler que les moyens ou éléments de fait repris dans le dispositif des conclusions des parties, de même que les demandes de « donner acte », ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 954 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité de la demande en paiement de la banque
Aux termes de l'article R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant le tribunal judiciaire à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé notamment par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ou le premier incident de paiement non régularisé.
En l'espèce, le contrat de crédit litigieux précise que les fonds seront libérés après réalisation de la prestation convenue et ménage un différé d'amortissement de six mois. L'historique du crédit laisse apparaître que les fonds ont été libérés le 28 novembre 2018, tandis que le tableau d'amortissement fixe la première échéance au 10 juillet 2019.
Il ressort du décompte du crédit litigieux que le premier incident de paiement non régularisé se situe au 11 septembre 2019, de sorte que la demande en paiement devait être formée avant le 11 septembre 2021.
La banque ayant assigné Mme [M] en paiement par acte délivré le 25 novembre 2020, sa demande est recevable, de sorte que le jugement mérite confirmation de ce chef.
Sur la recevabilité de la demande en nullité ou en résolution du contrat principal
Aux termes de l'article 14 du code de procédure civile, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.
En l'espèce, Mme [M] invoque, pour la première fois à hauteur d'appel, la nullité ou la résolution du contrat de vente en vue d'obtenir la nullité ou la résolution subséquente du contrat de crédit affecté.
Il apparaît toutefois qu'elle a omis d'appeler en cause la société Air Eco Logis, avec laquelle elle a souscrit le contrat principal, de sorte que sa demande méconnaît le texte précité (1re Civ., 30 septembre 2008, pourvoi n° 07-14.907 ; 1re Civ. 12 décembre 2018, pourvoi n° 17-25.940) et doit par suite être déclarée irrecevable, ainsi que le soutient à juste titre l'intimée.
Sur la demande en nullité ou en résolution du contrat de crédit affecté
A titre liminaire, il convient d'observer que la demande en résolution du contrat de crédit affecté n'est soutenue par aucun moyen, de sorte qu'elle ne peut qu'être rejetée.
Pour obtenir la nullité de ce même contrat, Mme [M] se prévaut de l'indivisibilité des contrats et du dol.
' Sur l'indivisibilité des contrats
Il résulte de l'article L. 312-55 du code de la consommation que le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
En l'espèce, Mme [M] se prévaut d'une telle disposition pour obtenir l'annulation du contrat de crédit affecté en conséquence de celle du contrat principal.
La demande en nullité du contrat principal ayant précédemment été déclarée irrecevable, l'annulation de plein droit prévue au texte précité ne saurait être constatée.
Mme [M] sera en conséquence déboutée de sa demande en nullité du contrat de crédit au titre de l'indivisibilité contractuelle.
' Sur le dol
Aux termes de l'article 1138 du code civil, le dol est constitué lorsqu'il émane d'un tiers de connivence.
En l'espèce, Mme [M] s'appuie sur une telle disposition pour obtenir l'annulation du contrat de crédit, ce dont il résulte qu'elle reproche le dol prétendument commis par la société Air Eco Logis.
Or l'absence de mise en cause du vendeur ne permet pas d'apprécier un tel motif de nullité, sauf à méconnaître le principe de la contradiction.
A supposer que l'argumentation développée par Mme [M] tende également à dénoncer le dol commis par la banque elle-même, sur le fondement cette fois de l'article 1137 du code civil, l'appelante échoue à caractériser les manoeuvres, mensonges ou dissimulations dont la banque se serait rendue coupable pour obtenir par malice le consentement de sa cliente.
Mme [M] sera en conséquence déboutée de sa demande en nullité du contrat de crédit affecté pour dol.
Sur les fautes de la banque
Mme [M] reproche à la banque d'avoir commis des fautes dans la libération des fonds et d'avoir manqué à son devoir de mise en garde.
' Sur les fautes dans la libération des fonds
Mme [M] reproche à la banque d'avoir omis de vérifier la validité du bon de commande, de ne pas s'être assurée de l'existence d'une autorisation municipale et de ne pas avoir vérifié l'exécution complète du contrat principal.
Il apparaît toutefois que de tels manquements sont uniquement soutenus pour obtenir une dispense de restitution du capital emprunté, autrement dit pour faire échec aux effets de l'annulation du contrat de crédit.
En effet, dans le dispositif de ses conclusions, Mme [M] se borne à demander à la cour de juger que la société Cofidis ne pourra se prévaloir des effets de l'annulation à l'égard de l'emprunteur, sans cependant formuler aucune demande indemnitaire dissociée d'une telle annulation.
Si Mme [M] sollicite également dans le dispositif de ses écritures d'ordonner le remboursement des sommes versées à la banque au jour de la décision à intervenir, outre celles à venir (sic) à hauteur de 29 217,96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2020, soit la condamnation prononcée en première instance après déchéance du droit aux intérêts, une telle prétention s'analyse en une dispense de restitution du capital après annulation, et non en une demande indemnitaire indépendante d'une telle annulation.
Il s'ensuit que la cour, qui doit s'en tenir aux prétentions figurant au dispositif des conclusions par application de l'article 954 du code de procédure civile, n'est valablement saisie d'aucune demande indemnitaire en l'absence d'annulation du contrat de crédit affecté.
' Sur le manquement au devoir de mise en garde
Mme [M] reproche à la banque d'avoir omis de l'avertir d'un risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt et d'avoir omis de lui signaler le défaut d'opportunité économique de l'opération projetée.
Il apparaît toutefois que de tels manquements ne sont assortis d'aucune demande indemnitaire dans le dispositif des conclusions de Mme [M], de sorte que la cour n'est valablement saisie d'aucune demande en ce sens par application de l'article 954 du code de procédure civile.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre des frais de remise en état de la toiture
Mme [M] ne forme aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses conclusions, de sorte que la cour n'est valablement saisie d'aucune demande en ce sens.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice financier et du trouble de jouissance
Mme [M] sollicite la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts, sans préciser le fondement juridique de sa demande, laquelle apparaît toutefois procéder de l'article 1240 du code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Elle explique son prétendu préjudice financier par les frais exposés pour faire valoir sa défense en justice et rembourser les échéances du crédit litigieux. Les frais précités relèvent toutefois de l'indemnité prévue à l'article 700 du code de procédure civile, tandis que le remboursement des échéances d'un crédit n'est pas en soi constitutif d'un préjudice financier, l'éventuel caractère injustifié d'un tel remboursement donnant lieu à répétition des sommes versées, de sorte qu'il y a lieu de rejeter une telle demande indemnitaire.
Mme [M] explique ensuite son prétendu trouble de jouissance par le caractère inutile et inesthétique de l'installation, le bruit de l'onduleur et le temps perdu en démarches administratives. Elle ne produit toutefois aucun élément pour caractériser le préjudice allégué, de sorte qu'elle sera également déboutée de sa demande indemnitaire formée de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral
Mme [M] sollicite la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, sans de nouveau préciser le fondement juridique de sa demande, laquelle procède toutefois manifestement de l'article 1240 précité du code civil.
Elle explique avoir été victime d'un dol et de difficultés de trésorerie l'ayant privée de divers agréments. Il convient toutefois de rappeler que le dol invoqué n'a pas été retenu, tandis qu'il n'est pas démontré que le remboursement du crédit aurait causé ses difficultés de trésorerie, à l'origine des privations qu'elle déplore, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
Sur la demande de radiation du Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers
Une telle prétention n'est soutenue par aucun moyen et ne saurait, en toute hypothèse, être accueillie, dès lors que la demande en paiement de la banque est fondée, sous la seule réserve de son droit aux intérêts, dont la déchéance a été prononcée par le jugement entrepris, qui n'est pas critiqué de ce chef.
Sur la demande de garantie formée contre la société Air Eco Logis
La société Air Eco Logis n'étant pas partie à l'instance, la demande de garantie formée par Mme [M] sera nécessairement rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
L'issue du litige justifie de confirmer la décision entreprise du chef des dépens et frais irrépétibles et de condamner Mme [M] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Francis Deffrennes, avocat. L'équité commande de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande en nullité ou en résolution du contrat de vente ;
Rejette la demande en nullité ou en résolution du contrat de crédit affecté ;
Déboute Mme [D] [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice financier et du trouble de jouissance ;
La déboute de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;
La déboute de sa demande de radiation du Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers ;
La déboute de sa demande de garantie formée contre la société Air Eco Logis ;
La condamne aux dépens d'appel, Maître Francis Deffrennes, avocat, étant autorisé à recouvrer directement ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles d'appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Yves BENHAMOU
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 04/07/2024
N° de MINUTE : 27/597
N° RG 22/02550 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UJON
Jugement (N° 20/01740) rendu le 24 Mars 2022 par le Tribunal d'Instance de Cambrai
APPELANTE
Madame [D] [M]
née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphane Dominguez, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/005760 du 08/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)
INTIMÉE
SA Cofidis agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 17 avril 2024 tenue par Samuel Vitse magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 juillet 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 3 avril 2024
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 7 septembre 2017, Mme [D] [M] a conclu avec la société Air Eco Logis un contrat de vente d'une centrale photovoltaïque, d'un système aérovoltaïque et d'un chauffe-eau thermodynamique moyennant le prix de 29 900 euros, financé par un crédit de même montant souscrit le 14 septembre 2017 auprès de la société Cofidis (la banque),
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 10 mars 2020, la banque a vainement mis en demeure Mme [M] de s'acquitter de plusieurs échéances impayées, à peine de déchéance du terme.
Par acte du 25 novembre 2020, la banque a assigné Mme [M] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cambrai aux fins de voir condamner celle-ci à lui payer la somme de 34 001,10 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,70 % l'an à compter du 31 octobre 2020 et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement du 24 mars 2022, le juge des contentieux de la protection a déclaré recevable l'action en paiement, condamné Mme [M] à payer à la banque la somme de 29 217,96 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 25 novembre 2020, rejeté les demandes indemnitaires de Mme [M], laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles et condamné Mme [M] aux dépens.
Mme [M] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses conclusions remises le 12 août 2022, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de prononcer la forclusion de l'action en paiement, de prononcer la nullité ou à défaut la résolution du contrat principal, ainsi que la nullité ou à défaut la résolution du contrat de crédit affecté, de dire que la banque ne pourra se prévaloir des effets de l'annulation à l'égard de l'emprunteur, d'ordonner le remboursement des sommes qu'elles a versées à la banque au jour du jugement à intervenir outre celles à venir soit la somme de 29 217,96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2020, de condamner la banque à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de son préjudice financier et de son trouble de jouissance, outre celle de 3000 euros au titre de son préjudice moral, de condamner la société Air Eco Logis à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, d'ordonner sous astreinte sa radiation du FICP à la diligence et aux frais de la banque, de condamner celle-ci au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter le montant des éventuels frais d'exécution à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par l'arrêt à intervenir.
Dans ses conclusions remises le 9 novembre 2022, la banque demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de déclarer irrecevable la demande d'annulation du contrat principal et celle subséquente d'annulation du contrat de crédit affecté, à titre subsidiaire, de rejeter les demandes d'annulation des contrats de vente et de crédit, à titre très subsidiaire, de dire que la banque n'a commis aucune faute et de condamner en conséquence Mme [M] à rembourser le montant du capital prêté déduction faite des paiements effectués, à titre infiniment subsidiaire, de dire que la banque ne saurait être privée de sa créance de restitution en l'absence de préjudice subi par Mme [M], de condamner à tout le moins celle-ci à restituer une fraction du capital qui ne saurait être inférieure aux deux tiers, en tout état de cause, de débouter Mme [M] de ses demandes de dommages et intérêts, de condamner celle-ci au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Francis Deffrennes, avocat.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 3 avril 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il convient de rappeler que les moyens ou éléments de fait repris dans le dispositif des conclusions des parties, de même que les demandes de « donner acte », ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 954 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité de la demande en paiement de la banque
Aux termes de l'article R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant le tribunal judiciaire à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé notamment par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ou le premier incident de paiement non régularisé.
En l'espèce, le contrat de crédit litigieux précise que les fonds seront libérés après réalisation de la prestation convenue et ménage un différé d'amortissement de six mois. L'historique du crédit laisse apparaître que les fonds ont été libérés le 28 novembre 2018, tandis que le tableau d'amortissement fixe la première échéance au 10 juillet 2019.
Il ressort du décompte du crédit litigieux que le premier incident de paiement non régularisé se situe au 11 septembre 2019, de sorte que la demande en paiement devait être formée avant le 11 septembre 2021.
La banque ayant assigné Mme [M] en paiement par acte délivré le 25 novembre 2020, sa demande est recevable, de sorte que le jugement mérite confirmation de ce chef.
Sur la recevabilité de la demande en nullité ou en résolution du contrat principal
Aux termes de l'article 14 du code de procédure civile, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.
En l'espèce, Mme [M] invoque, pour la première fois à hauteur d'appel, la nullité ou la résolution du contrat de vente en vue d'obtenir la nullité ou la résolution subséquente du contrat de crédit affecté.
Il apparaît toutefois qu'elle a omis d'appeler en cause la société Air Eco Logis, avec laquelle elle a souscrit le contrat principal, de sorte que sa demande méconnaît le texte précité (1re Civ., 30 septembre 2008, pourvoi n° 07-14.907 ; 1re Civ. 12 décembre 2018, pourvoi n° 17-25.940) et doit par suite être déclarée irrecevable, ainsi que le soutient à juste titre l'intimée.
Sur la demande en nullité ou en résolution du contrat de crédit affecté
A titre liminaire, il convient d'observer que la demande en résolution du contrat de crédit affecté n'est soutenue par aucun moyen, de sorte qu'elle ne peut qu'être rejetée.
Pour obtenir la nullité de ce même contrat, Mme [M] se prévaut de l'indivisibilité des contrats et du dol.
' Sur l'indivisibilité des contrats
Il résulte de l'article L. 312-55 du code de la consommation que le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
En l'espèce, Mme [M] se prévaut d'une telle disposition pour obtenir l'annulation du contrat de crédit affecté en conséquence de celle du contrat principal.
La demande en nullité du contrat principal ayant précédemment été déclarée irrecevable, l'annulation de plein droit prévue au texte précité ne saurait être constatée.
Mme [M] sera en conséquence déboutée de sa demande en nullité du contrat de crédit au titre de l'indivisibilité contractuelle.
' Sur le dol
Aux termes de l'article 1138 du code civil, le dol est constitué lorsqu'il émane d'un tiers de connivence.
En l'espèce, Mme [M] s'appuie sur une telle disposition pour obtenir l'annulation du contrat de crédit, ce dont il résulte qu'elle reproche le dol prétendument commis par la société Air Eco Logis.
Or l'absence de mise en cause du vendeur ne permet pas d'apprécier un tel motif de nullité, sauf à méconnaître le principe de la contradiction.
A supposer que l'argumentation développée par Mme [M] tende également à dénoncer le dol commis par la banque elle-même, sur le fondement cette fois de l'article 1137 du code civil, l'appelante échoue à caractériser les manoeuvres, mensonges ou dissimulations dont la banque se serait rendue coupable pour obtenir par malice le consentement de sa cliente.
Mme [M] sera en conséquence déboutée de sa demande en nullité du contrat de crédit affecté pour dol.
Sur les fautes de la banque
Mme [M] reproche à la banque d'avoir commis des fautes dans la libération des fonds et d'avoir manqué à son devoir de mise en garde.
' Sur les fautes dans la libération des fonds
Mme [M] reproche à la banque d'avoir omis de vérifier la validité du bon de commande, de ne pas s'être assurée de l'existence d'une autorisation municipale et de ne pas avoir vérifié l'exécution complète du contrat principal.
Il apparaît toutefois que de tels manquements sont uniquement soutenus pour obtenir une dispense de restitution du capital emprunté, autrement dit pour faire échec aux effets de l'annulation du contrat de crédit.
En effet, dans le dispositif de ses conclusions, Mme [M] se borne à demander à la cour de juger que la société Cofidis ne pourra se prévaloir des effets de l'annulation à l'égard de l'emprunteur, sans cependant formuler aucune demande indemnitaire dissociée d'une telle annulation.
Si Mme [M] sollicite également dans le dispositif de ses écritures d'ordonner le remboursement des sommes versées à la banque au jour de la décision à intervenir, outre celles à venir (sic) à hauteur de 29 217,96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2020, soit la condamnation prononcée en première instance après déchéance du droit aux intérêts, une telle prétention s'analyse en une dispense de restitution du capital après annulation, et non en une demande indemnitaire indépendante d'une telle annulation.
Il s'ensuit que la cour, qui doit s'en tenir aux prétentions figurant au dispositif des conclusions par application de l'article 954 du code de procédure civile, n'est valablement saisie d'aucune demande indemnitaire en l'absence d'annulation du contrat de crédit affecté.
' Sur le manquement au devoir de mise en garde
Mme [M] reproche à la banque d'avoir omis de l'avertir d'un risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt et d'avoir omis de lui signaler le défaut d'opportunité économique de l'opération projetée.
Il apparaît toutefois que de tels manquements ne sont assortis d'aucune demande indemnitaire dans le dispositif des conclusions de Mme [M], de sorte que la cour n'est valablement saisie d'aucune demande en ce sens par application de l'article 954 du code de procédure civile.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre des frais de remise en état de la toiture
Mme [M] ne forme aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses conclusions, de sorte que la cour n'est valablement saisie d'aucune demande en ce sens.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice financier et du trouble de jouissance
Mme [M] sollicite la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts, sans préciser le fondement juridique de sa demande, laquelle apparaît toutefois procéder de l'article 1240 du code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Elle explique son prétendu préjudice financier par les frais exposés pour faire valoir sa défense en justice et rembourser les échéances du crédit litigieux. Les frais précités relèvent toutefois de l'indemnité prévue à l'article 700 du code de procédure civile, tandis que le remboursement des échéances d'un crédit n'est pas en soi constitutif d'un préjudice financier, l'éventuel caractère injustifié d'un tel remboursement donnant lieu à répétition des sommes versées, de sorte qu'il y a lieu de rejeter une telle demande indemnitaire.
Mme [M] explique ensuite son prétendu trouble de jouissance par le caractère inutile et inesthétique de l'installation, le bruit de l'onduleur et le temps perdu en démarches administratives. Elle ne produit toutefois aucun élément pour caractériser le préjudice allégué, de sorte qu'elle sera également déboutée de sa demande indemnitaire formée de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral
Mme [M] sollicite la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, sans de nouveau préciser le fondement juridique de sa demande, laquelle procède toutefois manifestement de l'article 1240 précité du code civil.
Elle explique avoir été victime d'un dol et de difficultés de trésorerie l'ayant privée de divers agréments. Il convient toutefois de rappeler que le dol invoqué n'a pas été retenu, tandis qu'il n'est pas démontré que le remboursement du crédit aurait causé ses difficultés de trésorerie, à l'origine des privations qu'elle déplore, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
Sur la demande de radiation du Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers
Une telle prétention n'est soutenue par aucun moyen et ne saurait, en toute hypothèse, être accueillie, dès lors que la demande en paiement de la banque est fondée, sous la seule réserve de son droit aux intérêts, dont la déchéance a été prononcée par le jugement entrepris, qui n'est pas critiqué de ce chef.
Sur la demande de garantie formée contre la société Air Eco Logis
La société Air Eco Logis n'étant pas partie à l'instance, la demande de garantie formée par Mme [M] sera nécessairement rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
L'issue du litige justifie de confirmer la décision entreprise du chef des dépens et frais irrépétibles et de condamner Mme [M] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Francis Deffrennes, avocat. L'équité commande de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande en nullité ou en résolution du contrat de vente ;
Rejette la demande en nullité ou en résolution du contrat de crédit affecté ;
Déboute Mme [D] [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice financier et du trouble de jouissance ;
La déboute de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;
La déboute de sa demande de radiation du Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers ;
La déboute de sa demande de garantie formée contre la société Air Eco Logis ;
La condamne aux dépens d'appel, Maître Francis Deffrennes, avocat, étant autorisé à recouvrer directement ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles d'appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Yves BENHAMOU