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Décisions

CA Nîmes, 1re ch., 4 juillet 2024, n° 23/01454

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

EDF ENR (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Defarge

Conseillers :

Mme Duprat, Mme Gentilini

Avocats :

Me Dumas Lairolle, Me Vajou, Me Kameni, Me Belloc

TJ Nîmes, du 21 mars 2023, n° 22/00271

21 mars 2023

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant bon de commande du 22 juillet 2020, Mme [L] [R] a contracté auprès de la société EDF-ENR un contrat d'installation d'une centrale photovoltaïque moyennant le prix de 11 999 euros.

Le 21 septembre 2020, cette société lui a adressé la facture du solde de cette commande d'un montant de 10 499 euros.

Devant son refus de s'acquitter du solde du prix de vente, et les démarches amiables de règlement du litige s'étant avérées vaines, la société EDF-ENR a par acte d'huissier du 17 juin 2022 fait assigner Mme [L] [R] pour obtenir sa condamnation devant le tribunal judiciaire de Nîmes qui par jugement du 21 mars 2023 :

- a condamné celle-ci à lui payer une somme de 8 699 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2020,

- a ordonné la capitalisation des intérêts dus par année entière,

- a débouté la société EDF-ENR de ses demandes en dommages et intérêts et aux fins dire que Mme [R] sera tenue aux frais d'exécution par huissier de justice, à défaut de règlement spontané,

- a débouté Mme [R] de ses demandes de dommages et intérêts, de compensation et de capitalisation des intérêts,

- l'a condamnée à payer à la société EDF-ENR la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens

Mme [L] [R] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 26 avril 2023.

Par ordonnance du 29 janvier 2024, la procédure a été clôturée le 10 mai 2024 et l'affaire fixée à l'audience du 23 mai 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées le 6 mai 2024, Mme [L] [R] demande à la cour :

Sur la demande principale en paiement

- de réformer le jugement

et subsidiairement

- de déclarer que la dette ne saurait excéder 5 699 euros et dire n'y avoir lieu à prononcer l'anatocisme,

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts

- de réformer le jugement,

- de déclarer la société EDF-ENR responsable pour faute,

- de la condamner à lui verser la somme de 6 000 euros en principal,

et subsidiairement

- de la condamner à lui verser la somme de 5 995 euros en principal avec intérêts depuis le 22 juillet 2020

- de prononcer l'anatocisme

Sur l'article 700 du code de procédure civile

- de réformer le jugement,

- de dire n'y avoir lieu à aucun dédommagement au profit de EDF-ENR,

- de condamner cette société à régler 3 000 euros,

- de déclarer les entiers dépens d'instance et appel à charge exclusive de la société EDF-ENR.

Elle soutient :

- que la somme de 4 800 euros a déjà été versée au titre de l'exécution provisoire de sorte qu'elle ne doit plus que 5 699 euros,

- que la demande tendant à ordonner l'anatoscime est injustifiée au regard de l'article 1343-2 du code civil

- que la société EDF-ENR a failli à son devoir de conseil et d'information à son égard dès lors que son éligibilité à la subvention ANAH à hauteur de moitié du coût était due ; que cette société a omis de lui délivrer une information propre à déterminer son consentement, ce qui constitue une faute contractuelle ayant entraîné une perte de chance de bénéficier d'une subvention de 6 000 euros.

Au terme de ses conclusions notifiées le 29 avril 2024, la société EDF-ENR demande à la cour :

- de débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Ce faisant

- de condamner Mme [R] à lui payer à la somme de 8 699 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2020,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts dus par année entière,

- de débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant

- de la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Elle réplique :

- que la somme est due en totalité puisqu'elle a réalisé sa prestation de pose de l'équipement commandé,

sur la demande reconventionnelle

- qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait manqué à son obligation d'information ni que l'aide au financement était déterminante du consentement de sa contractante,

- que la possibilité d'obtenir une aide au financement ne constitue aucunement une caractéristique essentielle du bien ou du service au sens des dispositions du code de la consommation

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la créance de la société EDF-ENR en exécution du contrat du 22 juillet 2020

Le premier juge a condamné Mme [R] au paiement du solde restant du soit la somme de 8699 euros.

L'appelante soutient ne plus devoir que la somme de 5 699 euros ayant déjà versé 4 800 euros en application de l'exécution provisoire ordonnée par le tribunal.

Aux termes de l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d'ordre public.

En l'espèce, le bon de commande signé par les parties le 22 juillet 2020 prévoit à charge de la venderesse l'équipement, la pose et l'installation de 8 panneaux photovoltaïques au domicile de l'acheteuse qui s'oblige au paiement de la somme de 11 999 euros dont 9 999 euros financés au moyen d'un crédit Financo.

La réception du chantier a été constatée selon procès-verbal du 16 septembre 2020.

Le 27 août 2020, Mme [R] s'est acquittée par chèque produit aux débats de la somme de 1 500 euros, puis le 29 septembre 2020, de la somme de 500 euros.

Restait donc à devoir le solde de 9 990 euros suivant facture du 21 septembre 2020 produite par la société EFD- ENR, somme financée au moyen d'un emprunt.

Alors qu'elle a signé l'offre de prêt le 22 juillet 2020, l'appelante n'explique pas les raisons pour lesquelles l'établissement de crédit n'a pas versé les fonds prévus.

Les 22 juillet, 30 août et 30 septembre 2021, elle a opéré trois versements de 100 euros chacun au profit de la société de recouvrement Instrum.

Par courrier du 25 février 2022, cette société lui a indiqué que la société EDF-ENR 'consent(ait) à un geste commercial de remise d'un montant de 1 000 euros.'

Le solde de la créance de la société EDF-ENR s'élevait donc à cette date à la somme de 9 999 - ((3 x 100) + 1 000) = 8 699 euros

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

La débitrice ne s'étant pas acquittée de la totalité du prix convenu au contrat, elle doit s'acquitter du solde soit la somme de 8 699 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la facture émise le 21 septembre 2020.

Elle conteste ce montant indiquant avoir opéré des versements pour 4 800 euros en application du jugement assorti de l'exécution provisoire.

Aux termes de l'article 561 du code de procédure civile l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit

Les sommes déposées sur un compte CARPA au titre de l'exécution provisoire du jugement attaqué ne peuvent venir en déduction de la créance de la société EDF-ENR, ce qui supposerait l'existence d'une créance réciproque de Mme [R] à l'égard de cette société et la compensation de ces deux créances.

La décision sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné Mme [R] au paiement de la somme de 8 699 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2020, date d'émission de la facture.

Sur la demande de capitalisation des intérêts

Aux termes de l'article 1343-2, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

Les seules conditions posées par ce texte sont que la demande en ait été judiciairement formée et qu'il s'agisse d'intérêts dus pour au moins une année entière.

En l'espèce, la demande a été régulièrement formée en justice par la société EDF ENR et les intérêts sont dus pour au moins une année entière, à compter du 21 septembre 2020.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande.

Sur le défaut d'information allégué par l'appelante à l'encontre de la société EDF ENR lors de la conclusion du contrat

Le tribunal a débouté Mme [R] de sa demande à ce titre au motif qu'elle ne démontrait pas la délivrance par la société EDF-ENR d'une information portant sur l'aide au financement des panneaux photovoltaïques qui aurait constitué un élément déterminant de son consentement.

L'appelante prétend démontrer que cette information était essentielle au regard du montant auquel elle pouvait prétendre soit la moitié du prix.

Aux termes de l'article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.

L'appelante qui prétend que la société EDF-ENR avait l'obligation de l'informer au sujet des subventions auxquelles elle pouvait prétendre au titre de la prime de transition énergétique doit le démontrer.

Selon l'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur du 12 février 2020 au 01 octobre 2021 ici applicable :

Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L.112-4 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence de toute restriction d'installation de logiciel, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

Les dispositions du présent article s'appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement.

Se fondant sur ces dispositions, l'appelante soutient que la société EDF-ENR a manqué à son obligation d'information en omettant de lui indiquer qu'elle pouvait prétendre à une subvention, élément déterminant de son consentement lors de la conclusion du contrat.

Le contrat précité détaille les caractéristiques et le prix de l'équipement photovoltaïque notamment en mentionnant la référence des panneaux, leur nombre, la puissance de crête, la référence onduleurs et leur nombre.

Il est par ailleurs mentionné que les caractéristiques techniques sont plus amplement détaillées dans le document 'Mon projet photovoltaïque'

Le prix de vente est également indiqué.

Il ne s'en évince aucune preuve que Mme [R] a entendu subordonner son consentement à l'éventuel octroi d'une subvention.

Par ailleurs, elle a souscrit un crédit affecté à l'achat des panneaux pour le montant total restant dû et ce contrat ne mentionne aucune éventuelle réserve sur ce point, non plus que le procès verbal de réception de chantier du 16 septembre 2020.

De plus, si elle justifie qu'elle aurait pu obtenir des subventions pour la moitié du prix si elle en avait fait la demande avant le début des travaux, elle ne justifie avoir formulé cette demande que postérieurement, raison pour laquelle elle s'est vue opposer un refus.

Le fait d'avoir demandé une subvention postérieurement à la conclusion du contrat ne démontre pas que son octroi présentait un caractère déterminant de son consentement à celui-ci.

Il s'en déduit que la société EDF-ENR, qui n'était légalement tenue d'aucune obligation d'information à ce titre, n'a commis aucune dol susceptible d'entraîner l'annulation du contrat.

La décision sera donc confirmée sur ce point.

Sur les autres demandes

L'appelante, succombant dans toutes ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens.

L'équité ne commande pas ici de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme la décision en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne Mme [L] [R] aux entiers dépens,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.