CA Limoges, ch. civ., 4 juillet 2024, n° 22/00892
LIMOGES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Balian
Conseillers :
M. Soury, Mme Seguin
Avocats :
Me Autef, Me Rousseau
FAITS et PROCÉDURE
La SCI [Adresse 4], créée le 22 novembre 1983 par [Y] [V] décédée le 11 février 2017, est détenue par les trois enfants de cette dernière :
- Mme [U] [V] (une part sociale),
- [F] [V], décédée le 23 février 2023 (une part sociale),
- M. [T] [V] (149 parts sociales, après cession de 147 parts de [Y] [V] et héritage de la part de [F] [V]).
Les 1 000 parts sociales restantes sont détenues par l'indivision successorale.
Par ordonnance du 10 août 2017, le président du tribunal de grande instance de Guéret a désigné Me [K] [D] 'en qualité d'administrateur ad hoc de la société civile du [Adresse 4] afin de représenter l'indivision dans le cadre de la SCI'.
Me [D] a convoqué une assemblée générale de la SCI qui a désigné, le 24 octobre 2017, M. [T] [V] en qualité de gérant, et il a représenté l'indivision lors de l'assemblée générale du 4 décembre 2017.
Par ordonnance du 19 décembre 2017, le président du tribunal de grande instance de Guéret a mis fin à la mission de Me [D] à compter rétroactivement du 4 décembre 2017.
Le 29 juillet 2021, Mme [U] [V] a assigné son frère [T], sa soeur [F] et la SCI devant le tribunal judiciaire de Guéret pour voir prononcer la nullité des assemblées générales de la SCI des 30 novembre 2018, 7 décembre 2019, 28 décembre 2020 et 22 février 2021,en soutenant que l'indivision successorale n'y avait pas été valablement représentée. Subsidiairement, elle a demandé la désignation d'un nouveau mandataire ad hoc.
Par jugement du 22 novembre 2022, le tribunal judiciaire a débouté Mme [U] [V] de son action, après avoir retenu que celle-ci ne justifiait pas d'un intérêt légitime à l'annulation des assemblées générales.
Mme [U] [V] a relevé appel de ce jugement.
MOYENS et PRÉTENTIONS
Mme [U] [V] conclut à la nullité des assemblées générales de la SCI des30 novembre 2018, 7 décembre 2019, 28 décembre 2020 et 22 février 2021 et à la nomination d'un administrateur ad hoc pour représenter les 1000 parts indivises de la succession de [Y] [V] jusqu'au partage. Elle expose que les assemblées générales dont elle sollicite la nullité sont irrégulières, faute de convocation d'un représentant de l'indivision successorale de [Y] [V]. Elle considère que la mission de représentation de l'indivision qui a été donnée à Me [D] n'a pas pris fin le 4 décembre 2017. Elle soutient que son frère [T], gérant de la SCI, s'est opposé à la représentation de l'indivision, se rendant ainsi coupable d'un abus de majorité.
M. [T] [V] conclut à la confirmation du jugement.
MOTIFS
Mme [U] [V] conclut à la nullité des assemblées générales de la SCI des 30 novembre 2018, 7 décembre 2019, 28 décembre 2020 et 22 février 2021 en soutenant que les copropriétaires indivis des 1 000 parts sociales dépendant de l'indivision successorale de sa mère décédée, [Y] [V], n'y ont pas été représentés.
La question de la représentation des copropriétaires indivis de parts sociales de la SCI est abordée dans les statuts de cette personnes morale. En effet, l'avant dernier alinéa de l'article 19 IV de ces statuts stipule que 'Les copropriétaires d'une part indivise sont représentés par un mandataire unique choisi parmi les indivisaires, leurs conjoints ou les co-associés. En cas de désaccord, le mandataire est désigné en justice à la demande du plus diligent des indivisaires. À défaut, la gérance elle-même la désignation du mandataire commun'.
Mettant en oeuvre la clause statutaire précitée en l'état des tensions l'opposant à sa soeur [U], M. [T] [V], lui-même copropriétaire indivis des parts sociales de sa mère décédée, a déposé, le 8 août 2017, une requête devant le président du tribunal de grande instance de Guéret aux fins de désignation d'un mandataire ad hoc pour représenter l'indivision.
Sa requête a été accueillie par ordonnance du 10 août 2017 par laquelle le président du tribunal de grande instance a désigné Me [D] 'en qualité d'administrateur ad hoc de la société civile du [Adresse 4] afin de représenter l'indivision dans le cadre de la SCI'.
Quelles que soient les critiques formulées par Mme [U] [V] à l'encontre du contenu de la mission donnée à Me [D] au terme d'une ordonnance devenue définitive, il n'en demeure pas moins que ce dernier a exécuté cette mission puisqu'il a:
- convoqué une assemblée générale de la SCI qui a désigné, le 24 octobre 2017, M. [T] [V] en qualité de gérant,
- représenté l'indivision lors de l'assemblée générale du 4 décembre 2017.
Par ordonnance du 19 décembre 2017, le président du tribunal de grande instance de Guéret a mis fin à la mission de Me [D] à compter rétroactivement du 4 décembre 2017. Il s'ensuit que Me [D] n'avait plus qualité pour représenter l'indivision à compter de cette dernière date.
Si Mme [U] [V] considérait qu'un mandataire unique devait représenter les copropriétaires indivis des parts sociales dépendant de la succession de sa mère lors des assemblées générales ultérieures, il lui appartenait d'en faire la demande en justice, conformément à l'article 19 IV précité des statuts de la SCI, ce qu'elle n'a pas fait. Dès lors, elle ne peut reprocher le défaut de représentation de cette indivision lors de ces assemblées générales auxquelles chaque indivisaire -au rang desquels elle figure- a pu participer.
À ce propos, il sera relevé que l'appelante, qui ne prétend pas ne pas avoir été convoquée aux assemblées générales dont elle demande l'annulation, y était absente. C'est par des motifs pertinents que la cour d'appel adopte, tirés de l'inertie de Mme [V], que les premiers juges ont retenu que celle-ci ne justifiait pas d'un intérêt légitime à l'annulation de ces assemblées générales.
Concernant la demande de Mme [U] [V] en désignation d'un administrateur ad hoc pour représenter les 1000 parts indivises de la succession de [Y] [V] jusqu'au partage, force est de constater que cette demande est devenue sans objet en l'état de l'ordonnance du 27 septembre 2022, rendue sur une nouvelle requête de M. [T] [V], par laquelle le président du tribunal de grande instance a, à nouveau, désigné Me [D] pour représenter l'indivision dans le cadre de la SCI. Cette mission a été acceptée par Me [D] et il n'est pas justifié de la cessation de son mandat.
PAR CES MOTIFS
La Cour d' appel statuant publiquement, par décision Contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement rendu le 22 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Guéret ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à désignation d'un administrateur ad hoc pour représenter les 1 000 parts indivises de la succession de [Y] [V] jusqu'au partage ;
CONDAMNE Mme [U] [V] à payer à M. [T] [V] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [U] [V] aux entiers dépens.