Décisions
CA Amiens, 1re ch. civ., 4 juillet 2024, n° 23/00710
AMIENS
Arrêt
Autre
ARRET
N°
[G]
[O]
C/
[T]
CJ/SGS/LN/DPC/VB
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU QUATRE JUILLET
DEUX MILLE VINGT QUATRE
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/00710 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IVTD
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS DU NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
PARTIES EN CAUSE :
Madame [R] [G]
née le 01 Décembre 1989 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Fabrice CHIVOT de la SELARL CHIVOT-SOUFFLET, avocat au barreau d'AMIENS
Plaidant par Me Chloé PEREYS substituant Me Florence MAS, avocats au barreau de LILLE
Monsieur [I] [O]
né le 12 Janvier 1989 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Fabrice CHIVOT de la SELARL CHIVOT-SOUFFLET, avocat au barreau d'AMIENS
Plaidant par Me Chloé PEREYS substituant Me Florence MAS, avocats au barreau de LILLE
APPELANTS
ET
Monsieur [P] [T]
né le 27 Janvier 1952 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté et plaidant par Me Pierre BACLET de la SCP JALLU BACLET ASSOCIES, avocat au barreau de BEAUVAIS
INTIME
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L'affaire est venue à l'audience publique du 18 avril 2024 devant la cour composée de Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre, Présidente, M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
Sur le rapport de Mme Clémence JACQUELINE et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 juillet 2024, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 04 juillet 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
*
* *
DECISION :
Suivant promesse de vente du 15 juin 2017 régularisée par l'entremise de l'agence immobilière Avis Immobilier, M. [P] [T] s'est engagé à vendre à M. [I] [O] et Mme [R] [G] une maison à usage d'habitation située à [Adresse 9], équipée d'un assainissement individuel.
Un diagnostic assainissement a été établi le 20 juin 2017 et a été transmis par l'agence immobilière aux acquéreurs ; la date d'établissement du rapport a été mentionnée sur le compromis.
La vente a été réitérée par acte authentique reçu le 28 septembre 2017 par Me [C], notaire à [Localité 5].
M. [S] a été désigné en qualité d'expert par ordonnance de référé du 21 novembre 2019 et a déposé son rapport le 17 novembre 2020.
Mme [G] et M. [O] ont fait assigner M. [T] devant le tribunal judiciaire de Beauvais, à l'effet de le voir condamné à leur payer la somme de 16 627 euros au titre des travaux de remise en état de l'installation d'assainissement outre le remboursement de la somme de 2 518 euros au titre du remboursement de dépenses prétendument engagées, la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance, celle de 6 123 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance pendant la durée des travaux, et celle de 3 000 euros chacun en réparation d'un préjudice moral ' outre une somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 9 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Beauvais a débouté Mme [G] et M. [O] de leurs demandes, et les a condamnés à payer à M. [T] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Mme [G] et M. [O] ont interjeté appel du jugement du 9 janvier 2023 en toutes ses dispositions.
Par leurs dernières conclusions signifiées par voie dématérialisée le 12 février 2024, ils demandent à la cour de :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a
- Dit que M. [T] n'a pas manqué à son obligation de délivrance conforme,
- Dit que M. [T] n'engage pas sa responsabilité au titre de la garantie des vices cachés,
- Dit que M. [T] n'a pas manqué à son obligation précontractuelle d'information,
- Débouté Mme [G] et M. [O] de toutes leurs demandes à l'encontre de M. [T],
- Débouté Mme [G] et M. [O] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné in solidum Mme [G] et M. [O] à payer à M. [T] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné in solidum Mme [G] et M. [O] aux dépens comprenant les dépens de la procédure de référé ainsi que le coût des opérations d'expertise,
- Autorisé Me [L] à recouvrer directement contre la partie condamnée les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision,
- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Statuant à nouveau,
À titre principal,
- Engager la responsabilité contractuelle de M. [T] au titre du manquement à son obligation de délivrance,
À titre subsidiaire,
- Prononcer l'inopposabilité à Mme [G] et M. [O] de la clause exclusive de garantie des vices cachés,
- Engager la responsabilité de M. [T] sur le fondement de la garantie des vices cachés,
A titre infiniment subsidiaire,
- Engager la responsabilité contractuelle de M. [T] au titre du manquement à son obligation précontractuelle d'information,
En tout état de cause.
- Condamner M. [T] au paiement entre les mains de Mme [G] et de M. [O] d'une somme de 17 622 euros, au titre des travaux de remise en état de l'installation,
- Condamner M. [T] au paiement entre les mains de Mme [G] et de M. [O] d'une somme de 2 518 euros au titre du remboursement des dépenses engagées,
- Condamner M. [T] à payer entre les mains de Mme [G] et de M. [I] [O], une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance depuis l'acquisition de l'immeuble,
- Condamner M. [T] à payer entre les mains de Mme [G] et de M. [O], une somme de 7 143, 50 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice de jouissance pendant la durée de réalisation des travaux,
- Condamner M. [T] au paiement entre les mains de Mme [G] et de M. [O] d'une somme de 12 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
- Débouter M. [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Ordonner la majoration des intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2019, date de l'assignation devant le juge des référés,
- Ordonner la capitalisation des intérêts,
- Condamner M. [T] au paiement entre les mains de Mme [G] et de M. [O] de la somme de 9 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [T] aux entiers dépens, de première instance et d'appel, en ce compris les débours et honoraires de l'expert, arrêtés à 6 893,66 euros et le coût du procès-verbal de constat du 12 mai 2022 d'un montant de 321,20 euros, dont distraction des dépens.
Sur le défaut de conformité, ils exposent que l'expert a établi que le dysfonctionnement existait au jour de la vente et que le fait pour M. [O] de boucher l'arrivée au puits n'a fait que mettre en évidence le caractère incomplet de l'assainissement du fait de l'absence de traitement. Ils soulignent que l'acte établit que l'installation n'est pas conforme et non qu'elle dysfonctionne.
Sur la garantie des vices cachés, ils relèvent que la durée d'occupation du bien par M. [T] exclut son ignorance du dysfonctionnement. Ils affirment que ce dernier leur a volontairement dissimulé deux pages du diagnostic assainissement et que l'acte a supprimé l'hypothèse de l'engagement de la responsabilité sur le fondement de la garantie des vices cachés dans l'hypothèse où le vendeur est l'auteur des travaux. Ils indiquent que les professionnels qui les entouraient n'ont pas eu conscience du vice affectant l'assainissement si bien qu'ils ne pouvaient davantage s'en rendre compte en leur qualité de primo-accédant. Ils ajoutent qu'une reprise totale de l'installation est nécessaire.
Sur le manquement à l'obligation d'information, ils notent que l'intégralité du rapport Veolia ne leur a pas été communiqué et que M. [T] qui avait connaissance du dysfonctionnement a retenu cette information.
Ils évaluent leur préjudice à 17 622 euros au titre des travaux de remise en état du système d'assainissement, à 2 518 euros s'agissant des frais engagés, à 50 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance faute de pouvoir faire un usage normal du système d'assainissement depuis l'acquisition du bien, à 7 143,25 euros de préjudice de jouissance pendant la réalisation des travaux et à 12 000 euros de préjudice moral.
Par ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 novembre 2023, M. [T] demande à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- Subsidiairement, débouter les consorts [G]'[O] de toutes leurs demandes,
- Dans tous les cas, ajoutant au jugement, condamner solidairement Mme [G] et M. [O] à payer à M. [T] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel et les condamner aux entiers dépens du référé, de l'instance au fond comprenant les frais d'expertise, et de l'instance devant la cour, et dire qu'ils seront recouvrés par Me Pierre Baclet, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il affirme que les acquéreurs ne peuvent alléguer une prétendue inexécution par le vendeur de son obligation de délivrance conforme, alors qu'aux termes de l'acte de vente, il a été cédé un immeuble pourvu d'un assainissement précisément non-conforme nécessitant sa reprise dans le délai d'un an à compter de la vente.
Il indique que si deux pages du diagnostic d'assainissement sont manquantes à l'acte authentique, ces pages n'apportent pas d'information supplémentaire par rapport aux autres et précise que les acquéreurs avaient préalablement obtenu la communication du diagnostic par l'agence immobilière sans faire état de pages manquantes.
Il affirme que les acquéreurs confondent la notion de délivrance conforme, c'est-à-dire d'un bien conforme aux spécifications convenues (en l'espèce d'une maison dépourvue d'un assainissement conforme) et la garantie des vices cachés qui seule en l'espèce pourrait être invoquée.
Il soutient que les appelants ne démontrent pas qu'il avait connaissance des motifs du dysfonctionnement du système d'assainissement si bien que la clause de non-garantie des vices cachés stipulée lors de la vente ne peut être écartée. Il conteste avoir réalisé des travaux sur le système d'assainissement et indique n'avoir rencontré aucune difficulté lors de son utilisation. Il souligne avoir bien indiqué dans l'acte de vente qu'une difficulté pouvait se poser en cas d'utilisation des deux toilettes. Sur la rédaction de la clause d'exclusion de garantie, il met en avant que les acquéreurs étaient assistés par leur propre notaire. Il relève que le tribunal a caractérisé une intervention de M. [O] sur le système d'assainissement postérieurement à la vente par laquelle il a obstrué le tuyau évacuant les eaux usées vers le puits du voisin et retenu que le vice était donc postérieur à la vente.
Sur le défaut d'information, il précise que l'absence de traitement des effluents de l'installation par un épandage était connu à la suite de la communication du rapport de Veolia et que l'acte précisait bien que l'utilisation des WC de manière simultanée était à ménager.
Sur l'évaluation des préjudices, il met en avant que le préjudice de jouissance et le préjudice moral sont surévalués, que les frais exposés relèvent de l'entretien normal de la fosse et des dépenses imposées par la vente et enfin, que l'indemnisation du coût de réfection du système d'assainissement reviendrait à faire bénéficier les appelants d'un enrichissement sans cause.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
La clôture a été ordonnée le 14 février 2024 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 18 avril 2024.
MOTIFS
Sur le manquement à l'obligation de délivrance conforme
Aux termes des articles 1603 et 1604 du code civil, le vendeur a l'obligation de délivrer la chose vendue et la délivrance se définit comme le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
Le manquement à l'obligation de délivrance conforme résulte du défaut de conformité de la chose vendue aux spécifications contractuelles.
1. En l'espèce, l'acte authentique de vente du 28 septembre 2017 précise que l'immeuble n'est pas desservi par le réseau d'assainissement, qu'il utilise un assainissement individuel de type fosse septique et le vendeur indique 'ne pas rencontrer actuellement de difficulté particulière avec cette installation'.
L'acte précise ensuite que les acquéreurs seront tenus de faire procéder aux travaux de mise en conformité dans un délai d'un an après l'acte.
Le vendeur précise en outre dans la partie 'état du bien' le dysfonctionnement de certains équipements et signale que 'l'utilisation des WC de manière simultanée est à ménager'.
Le rapport de diagnostic de l'installation d'assainissement établi par Veolia en juin 2017 a été joint à l'acte mais deux pages sont manquantes, les pages 6 et 7. Les acquéreurs avaient cependant déjà eu connaissance du rapport joint à un courrier de l'agence immobilière adressé le 7 juillet 2017. À supposer que les deux pages aient également été manquantes, il apparaît à la lecture du document complet que les pages 6 et 7 comportent des informations identiques à celles fournies par le reste du rapport. Ainsi, il est indiqué en page 6 qu'il n'existe pas de dysfonctionnement au niveau du prétraitement et que des nuisances et pollutions sont constatées en ce que les eaux usées et prétraitées sont rejetées dans un puisard, mention qui apparaît déjà en page 5 et illustrée sur le plan figurant en page 9 ; ensuite, la page 7 comporte l'évaluation du système existant et mentionne que l'installation est non conforme, avec un délai d'un an de mise en conformité pour un nouvel acquéreur, le rejet au puisard étant interdit, informations qui figurent également en pages 1 et 8.
M. [O] et Mme [G], assistés par leur propre notaire lors de la signature de l'acte de vente, avaient donc été informés de la non conformité du système d'assainissement à la réglementation en vigueur et de la nécessité de procéder à la mise en conformité dans un délai d'un an à compter de l'acquisition du bien. Si le diagnostic a été établi sans procéder à des fouilles et excavations, le croquis des installations en page 9 leur permettait de connaître l'organisation du dispositif d'assainissement et de concevoir que des travaux d'ampleur seraient nécessaires pour procéder à la mise en conformité du réseau d'assainissement.
M. [T] n'avait par ailleurs pas dissimulé l'existence d'une difficulté d'évacuation en cas d'usage simultané des deux WC. Le fait que la mention ait été portée dans la partie 'état du bien' alors que M. [T] a indiqué ne pas rencontrer de difficulté particulière avec l'installation dans la partie consacrée à l'assainissement ne traduit aucune volonté de dissimulation ou contradiction. Le vendeur a listé dans la partie 'état du bien' une série d'équipements fonctionnant mal parmi lesquels les deux WC en cas d'usage simultané, aucune difficulté particulière n'étant selon lui à signaler s'agissant du fonctionnement général de l'installation.
Compte tenu de ces éléments, Mme [G] et M. [O] ne démontrent pas un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, dès lors qu'ils ont acquis en toute connaissance de cause un bien immobilier au système d'assainissement non conforme à la réglementation imposant des travaux de mise en conformité à réaliser dans un délai d'un an.
2. Mme [G] et M. [O] affirment en outre que le défaut de délivrance conforme est caractérisé par le fait que le réseau d'assainissement était non seulement non conforme à la réglementation en vigueur mais également non fonctionnel. Ils affirment avoir rencontré dès la prise de possession des lieux des difficultés liées à un dysfonctionnement du système et non à la simple non conformité réglementaire du réseau. Ils indiquent qu'à la suite d'un trop-plein de la fosse sceptique, les toilettes sont devenues inutilisables et que le rapport d'intervention de la société qu'ils ont mandatée a caractérisé l'absence d'épandage et un déversement depuis la fosse vers un regard eaux usées situé face véranda qui lui-même se déverse dans un puits situé chez le voisin. Ils estiment que ces éléments caractérisent un défaut de délivrance dès lors que d'une part, ils n'avaient pas été avisés du déversement dans un puit situé chez le voisin comme de l'absence d'épandage et que d'autre part, M. [T] s'était engagé à délivrer un immeuble au système d'évacuation des eaux usées qui fonctionne puisqu'il avait mentionné dans l'acte qu'il n'avait pas rencontré de difficulté avec l'installation.
S'agissant de l'absence d'épandage et de la présence d'un puisard relié au réseau de la maison sur la propriété voisine, elle ressort du diagnostic établi avant la signature de l'acte de vente qui fait bien état d'un puisard présent face à la véranda et de l'absence de traitement des eaux usées.
Par ailleurs, le rapport d'expertise caractérise le défaut de traitement des eaux usées et insiste sur le fait que l'écoulement des eaux usées ne veut pas dire que l'assainissement fonctionne c'est à dire qu'il traite les eaux usées pour diminuer le flux polluant. Il ajoute que 'visuellement les eaux s'évacuent mais ne sont pas traitées'.
Au regard de ces éléments, le dysfonctionnement caractérisé par l'expert correspond au défaut de traitement des eaux usées qui s'analyse en un défaut de conformité à la réglementation, connu des acquéreurs, mais non à un défaut d'écoulement. Jamais l'expert judiciaire ne fait état dans son rapport d'un défaut d'évacuation de l'eau dans les toilettes ou les éviers.
Par ailleurs, il mentionne en page 11 de son rapport les explications du conseil de Mme [G] et M. [O] qui indique que ses clients ont rapidement constaté des dégâts au niveau des toilettes qui se bouchaient à chaque utilisation ce qui a conduit M. [O] à entreprendre des investigations, à faire vider la fosse sceptique qui était pleine et à boucher le tuyau qui déversait le trop plein sur la propriété voisine. L'expert rapporte ensuite que Me [N] indique que 'depuis que le puits a été bouché, à chaque chasse d'eau des WC, il y a un bouchage'.
Dans ces conditions, l'expert aurait dû constater le dysfonctionnement des toilettes, ce qu'il ne fait pas. Il fait même état d'un écoulement normal des eaux usées. En outre, M. [O] après avoir fait vider la fosse sceptique juste après son entrée dans les lieux est lui-même intervenu sur le réseau ce qui a occasionné, selon son conseil, de nouvelles difficultés d'évacuation des eaux usées.
Au regard de ces éléments, en dehors d'une difficulté ponctuelle liée au fait que la fosse sceptique était pleine lors de l'entrée des acquéreurs dans les lieux, le défaut d'évacuation des eaux usées des toilettes n'a pas été caractérisé par l'expert et est décrit par l'avocat même des acquéreurs comme une conséquence de l'intervention de M. [O], postérieurement à la vente, sur le réseau.
Dans ces conditions, le défaut de fonctionnement au jour de la vente n'est pas établi et M. [T] a bien délivré à M. [O] et Mme [G] un bien immobilier disposant d'un installation d'assainissement ne présentant pas de difficulté particulière, sous la réserve de ne pas utiliser les deux WC au même moment, ce qui était connu des acquéreurs.
Aucun manquement à son obligation de délivrance n'est donc imputable à M. [T].
Sur la garantie des vices cachés
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
L'article 1642 du code civil précise que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
L'article 1644 du code civil dispose que dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par les experts.
En outre, l'article 1645 de ce même code prévoit que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
En revanche si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu, par application de l'article 1646 du code civil, qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente.
En l'espèce, l'acte de vente comporte la clause suivante dans la partie 'état du bien' :
' l'acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison des vices cachés. (...) Il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas si le vendeur a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction ou s'il est prouvé par l'acquéreur, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur'.
C'est à la suite de ce paragraphe que M. [T] déclare que l'utilisation des WC de manière simultanée est à ménager.
M. [O] et Mme [G] mettent tout d'abord en avant que la rédaction de la clause était différente dans le projet d'acte et qu'il était notamment prévu d'écarter la clause en cas de réalisation des travaux par le vendeur lui-même.
Ils estiment que M. [T] a pris l'initiative de faire modifier la rédaction de la clause car il avait réalisé des travaux lui-même sur le réseau d'assainissement et se prévalent du constat opéré par l'expert quant à la date qui figure sur un des tuyaux en PVC, à savoir le 2 mars 1992.
Il appartenait cependant aux acquéreurs assistés de leur notaire de demander la reproduction à l'identique de la clause. En l'état, telle qu'est rédigée la clause, il n'est pas prévu que la garantie des vices cachées puisse être mise en oeuvre en cas de réalisation des travaux par le vendeur. Au surplus, M. [T] a indiqué que son père a réalisé des travaux sur le réseau d'assainissement dans les années 1990, sur une parcelle qui lui appartenait, ce qui est compatible avec la date mentionnée sur les tuyaux. Contrairement à ce que soutiennent M. [O] et Mme [G], la vente du bien par ses parents à M. [T] en 1993 n'exclut pas la réalisation de travaux d'assainissement par son père l'année précédente.
En l'état de la rédaction de la clause, pour agir sur le fondement de la garantie des vices cachés, les acquéreurs doivent donc démontrer que M. [T] avait connaissance du vice allégué.
Or, ainsi qu'il a été précédemment démontré, l'existence d'un défaut d'écoulement des eaux usées dans les toilettes au jour de la vente n'est pas démontrée. Il est seulement établi que les acquéreurs ont rapidement dû faire vider la fosse sceptique et que les toilettes se bouchaient systématiquement après l'intervention de M. [O] sur le réseau. Aucun élément du dossier ne permet d'établir que le vendeur avait connaissance d'un quelconque dysfonctionnement des toilettes avant la vente, en dehors du problème signalé en cas d'usage des deux toilettes simultanément.
Dans ces conditions, l'action en garantie des vices cachés diligentée par M. [O] et Mme [G] ne peut prospérer.
Sur le manquement à l'obligation précontractuelle d'information
Aux termes de l'article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Il ressort des développements précédents que la non conformité du réseau d'assainissement aux dispositions réglementaires et la nécessité de le mettre en conformité dans un délai d'un an avait été portée à la connaissance des acquéreurs. Ces derniers avaient pris connaissance du diagnostic d'assainissement concluant à la non conformité avant la signature de l'acte authentique sans que l'absence de deux pages comportant des informations figurant sur le reste du document ait pu les priver d'informations décisives.
Par ailleurs, l'obstruction des canalisations des sanitaires dans les proportions décrites par M. [O] et Mme [G] à la date de signature de l'acte authentique n'est pas démontrée et il n'est pas établi que M. [T] a pu avoir connaissance d'un autre dysfonctionnement que celui dont il a fait état dans l'acte authentique, à savoir l'obstruction des toilettes en cas d'utilisation simultanée des deux WC.
La faute de M. [T] n'est donc pas caractérisée.
***
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] et M. [O] de l'ensemble de leurs demandes et confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.
Mme [G] et M. [O], parties perdantes, seront en outre condamnés aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile et à verser une indemnité de 2 000 euros à M. [T] au titre des frais irrépétibles d'appel.
Le jugement inclut déjà dans les dépens de première instance les dépens de référé et les frais d'expertise qu'il n'y a donc pas lieu d'inclure à nouveau dans les dépens d'appel comme le sollicite M. [T].
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
Confirme intégralement le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne M. [I] [O] et Mme [R] [G] aux dépens d'appel recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne M. [I] [O] et Mme [R] [G] à payer à M. [P] [T] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
N°
[G]
[O]
C/
[T]
CJ/SGS/LN/DPC/VB
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU QUATRE JUILLET
DEUX MILLE VINGT QUATRE
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/00710 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IVTD
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS DU NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
PARTIES EN CAUSE :
Madame [R] [G]
née le 01 Décembre 1989 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Fabrice CHIVOT de la SELARL CHIVOT-SOUFFLET, avocat au barreau d'AMIENS
Plaidant par Me Chloé PEREYS substituant Me Florence MAS, avocats au barreau de LILLE
Monsieur [I] [O]
né le 12 Janvier 1989 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Fabrice CHIVOT de la SELARL CHIVOT-SOUFFLET, avocat au barreau d'AMIENS
Plaidant par Me Chloé PEREYS substituant Me Florence MAS, avocats au barreau de LILLE
APPELANTS
ET
Monsieur [P] [T]
né le 27 Janvier 1952 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté et plaidant par Me Pierre BACLET de la SCP JALLU BACLET ASSOCIES, avocat au barreau de BEAUVAIS
INTIME
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L'affaire est venue à l'audience publique du 18 avril 2024 devant la cour composée de Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre, Présidente, M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
Sur le rapport de Mme Clémence JACQUELINE et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 juillet 2024, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 04 juillet 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
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DECISION :
Suivant promesse de vente du 15 juin 2017 régularisée par l'entremise de l'agence immobilière Avis Immobilier, M. [P] [T] s'est engagé à vendre à M. [I] [O] et Mme [R] [G] une maison à usage d'habitation située à [Adresse 9], équipée d'un assainissement individuel.
Un diagnostic assainissement a été établi le 20 juin 2017 et a été transmis par l'agence immobilière aux acquéreurs ; la date d'établissement du rapport a été mentionnée sur le compromis.
La vente a été réitérée par acte authentique reçu le 28 septembre 2017 par Me [C], notaire à [Localité 5].
M. [S] a été désigné en qualité d'expert par ordonnance de référé du 21 novembre 2019 et a déposé son rapport le 17 novembre 2020.
Mme [G] et M. [O] ont fait assigner M. [T] devant le tribunal judiciaire de Beauvais, à l'effet de le voir condamné à leur payer la somme de 16 627 euros au titre des travaux de remise en état de l'installation d'assainissement outre le remboursement de la somme de 2 518 euros au titre du remboursement de dépenses prétendument engagées, la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance, celle de 6 123 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance pendant la durée des travaux, et celle de 3 000 euros chacun en réparation d'un préjudice moral ' outre une somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 9 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Beauvais a débouté Mme [G] et M. [O] de leurs demandes, et les a condamnés à payer à M. [T] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Mme [G] et M. [O] ont interjeté appel du jugement du 9 janvier 2023 en toutes ses dispositions.
Par leurs dernières conclusions signifiées par voie dématérialisée le 12 février 2024, ils demandent à la cour de :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a
- Dit que M. [T] n'a pas manqué à son obligation de délivrance conforme,
- Dit que M. [T] n'engage pas sa responsabilité au titre de la garantie des vices cachés,
- Dit que M. [T] n'a pas manqué à son obligation précontractuelle d'information,
- Débouté Mme [G] et M. [O] de toutes leurs demandes à l'encontre de M. [T],
- Débouté Mme [G] et M. [O] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné in solidum Mme [G] et M. [O] à payer à M. [T] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné in solidum Mme [G] et M. [O] aux dépens comprenant les dépens de la procédure de référé ainsi que le coût des opérations d'expertise,
- Autorisé Me [L] à recouvrer directement contre la partie condamnée les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision,
- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Statuant à nouveau,
À titre principal,
- Engager la responsabilité contractuelle de M. [T] au titre du manquement à son obligation de délivrance,
À titre subsidiaire,
- Prononcer l'inopposabilité à Mme [G] et M. [O] de la clause exclusive de garantie des vices cachés,
- Engager la responsabilité de M. [T] sur le fondement de la garantie des vices cachés,
A titre infiniment subsidiaire,
- Engager la responsabilité contractuelle de M. [T] au titre du manquement à son obligation précontractuelle d'information,
En tout état de cause.
- Condamner M. [T] au paiement entre les mains de Mme [G] et de M. [O] d'une somme de 17 622 euros, au titre des travaux de remise en état de l'installation,
- Condamner M. [T] au paiement entre les mains de Mme [G] et de M. [O] d'une somme de 2 518 euros au titre du remboursement des dépenses engagées,
- Condamner M. [T] à payer entre les mains de Mme [G] et de M. [I] [O], une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance depuis l'acquisition de l'immeuble,
- Condamner M. [T] à payer entre les mains de Mme [G] et de M. [O], une somme de 7 143, 50 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice de jouissance pendant la durée de réalisation des travaux,
- Condamner M. [T] au paiement entre les mains de Mme [G] et de M. [O] d'une somme de 12 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
- Débouter M. [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Ordonner la majoration des intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2019, date de l'assignation devant le juge des référés,
- Ordonner la capitalisation des intérêts,
- Condamner M. [T] au paiement entre les mains de Mme [G] et de M. [O] de la somme de 9 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [T] aux entiers dépens, de première instance et d'appel, en ce compris les débours et honoraires de l'expert, arrêtés à 6 893,66 euros et le coût du procès-verbal de constat du 12 mai 2022 d'un montant de 321,20 euros, dont distraction des dépens.
Sur le défaut de conformité, ils exposent que l'expert a établi que le dysfonctionnement existait au jour de la vente et que le fait pour M. [O] de boucher l'arrivée au puits n'a fait que mettre en évidence le caractère incomplet de l'assainissement du fait de l'absence de traitement. Ils soulignent que l'acte établit que l'installation n'est pas conforme et non qu'elle dysfonctionne.
Sur la garantie des vices cachés, ils relèvent que la durée d'occupation du bien par M. [T] exclut son ignorance du dysfonctionnement. Ils affirment que ce dernier leur a volontairement dissimulé deux pages du diagnostic assainissement et que l'acte a supprimé l'hypothèse de l'engagement de la responsabilité sur le fondement de la garantie des vices cachés dans l'hypothèse où le vendeur est l'auteur des travaux. Ils indiquent que les professionnels qui les entouraient n'ont pas eu conscience du vice affectant l'assainissement si bien qu'ils ne pouvaient davantage s'en rendre compte en leur qualité de primo-accédant. Ils ajoutent qu'une reprise totale de l'installation est nécessaire.
Sur le manquement à l'obligation d'information, ils notent que l'intégralité du rapport Veolia ne leur a pas été communiqué et que M. [T] qui avait connaissance du dysfonctionnement a retenu cette information.
Ils évaluent leur préjudice à 17 622 euros au titre des travaux de remise en état du système d'assainissement, à 2 518 euros s'agissant des frais engagés, à 50 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance faute de pouvoir faire un usage normal du système d'assainissement depuis l'acquisition du bien, à 7 143,25 euros de préjudice de jouissance pendant la réalisation des travaux et à 12 000 euros de préjudice moral.
Par ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 novembre 2023, M. [T] demande à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- Subsidiairement, débouter les consorts [G]'[O] de toutes leurs demandes,
- Dans tous les cas, ajoutant au jugement, condamner solidairement Mme [G] et M. [O] à payer à M. [T] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel et les condamner aux entiers dépens du référé, de l'instance au fond comprenant les frais d'expertise, et de l'instance devant la cour, et dire qu'ils seront recouvrés par Me Pierre Baclet, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il affirme que les acquéreurs ne peuvent alléguer une prétendue inexécution par le vendeur de son obligation de délivrance conforme, alors qu'aux termes de l'acte de vente, il a été cédé un immeuble pourvu d'un assainissement précisément non-conforme nécessitant sa reprise dans le délai d'un an à compter de la vente.
Il indique que si deux pages du diagnostic d'assainissement sont manquantes à l'acte authentique, ces pages n'apportent pas d'information supplémentaire par rapport aux autres et précise que les acquéreurs avaient préalablement obtenu la communication du diagnostic par l'agence immobilière sans faire état de pages manquantes.
Il affirme que les acquéreurs confondent la notion de délivrance conforme, c'est-à-dire d'un bien conforme aux spécifications convenues (en l'espèce d'une maison dépourvue d'un assainissement conforme) et la garantie des vices cachés qui seule en l'espèce pourrait être invoquée.
Il soutient que les appelants ne démontrent pas qu'il avait connaissance des motifs du dysfonctionnement du système d'assainissement si bien que la clause de non-garantie des vices cachés stipulée lors de la vente ne peut être écartée. Il conteste avoir réalisé des travaux sur le système d'assainissement et indique n'avoir rencontré aucune difficulté lors de son utilisation. Il souligne avoir bien indiqué dans l'acte de vente qu'une difficulté pouvait se poser en cas d'utilisation des deux toilettes. Sur la rédaction de la clause d'exclusion de garantie, il met en avant que les acquéreurs étaient assistés par leur propre notaire. Il relève que le tribunal a caractérisé une intervention de M. [O] sur le système d'assainissement postérieurement à la vente par laquelle il a obstrué le tuyau évacuant les eaux usées vers le puits du voisin et retenu que le vice était donc postérieur à la vente.
Sur le défaut d'information, il précise que l'absence de traitement des effluents de l'installation par un épandage était connu à la suite de la communication du rapport de Veolia et que l'acte précisait bien que l'utilisation des WC de manière simultanée était à ménager.
Sur l'évaluation des préjudices, il met en avant que le préjudice de jouissance et le préjudice moral sont surévalués, que les frais exposés relèvent de l'entretien normal de la fosse et des dépenses imposées par la vente et enfin, que l'indemnisation du coût de réfection du système d'assainissement reviendrait à faire bénéficier les appelants d'un enrichissement sans cause.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
La clôture a été ordonnée le 14 février 2024 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 18 avril 2024.
MOTIFS
Sur le manquement à l'obligation de délivrance conforme
Aux termes des articles 1603 et 1604 du code civil, le vendeur a l'obligation de délivrer la chose vendue et la délivrance se définit comme le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
Le manquement à l'obligation de délivrance conforme résulte du défaut de conformité de la chose vendue aux spécifications contractuelles.
1. En l'espèce, l'acte authentique de vente du 28 septembre 2017 précise que l'immeuble n'est pas desservi par le réseau d'assainissement, qu'il utilise un assainissement individuel de type fosse septique et le vendeur indique 'ne pas rencontrer actuellement de difficulté particulière avec cette installation'.
L'acte précise ensuite que les acquéreurs seront tenus de faire procéder aux travaux de mise en conformité dans un délai d'un an après l'acte.
Le vendeur précise en outre dans la partie 'état du bien' le dysfonctionnement de certains équipements et signale que 'l'utilisation des WC de manière simultanée est à ménager'.
Le rapport de diagnostic de l'installation d'assainissement établi par Veolia en juin 2017 a été joint à l'acte mais deux pages sont manquantes, les pages 6 et 7. Les acquéreurs avaient cependant déjà eu connaissance du rapport joint à un courrier de l'agence immobilière adressé le 7 juillet 2017. À supposer que les deux pages aient également été manquantes, il apparaît à la lecture du document complet que les pages 6 et 7 comportent des informations identiques à celles fournies par le reste du rapport. Ainsi, il est indiqué en page 6 qu'il n'existe pas de dysfonctionnement au niveau du prétraitement et que des nuisances et pollutions sont constatées en ce que les eaux usées et prétraitées sont rejetées dans un puisard, mention qui apparaît déjà en page 5 et illustrée sur le plan figurant en page 9 ; ensuite, la page 7 comporte l'évaluation du système existant et mentionne que l'installation est non conforme, avec un délai d'un an de mise en conformité pour un nouvel acquéreur, le rejet au puisard étant interdit, informations qui figurent également en pages 1 et 8.
M. [O] et Mme [G], assistés par leur propre notaire lors de la signature de l'acte de vente, avaient donc été informés de la non conformité du système d'assainissement à la réglementation en vigueur et de la nécessité de procéder à la mise en conformité dans un délai d'un an à compter de l'acquisition du bien. Si le diagnostic a été établi sans procéder à des fouilles et excavations, le croquis des installations en page 9 leur permettait de connaître l'organisation du dispositif d'assainissement et de concevoir que des travaux d'ampleur seraient nécessaires pour procéder à la mise en conformité du réseau d'assainissement.
M. [T] n'avait par ailleurs pas dissimulé l'existence d'une difficulté d'évacuation en cas d'usage simultané des deux WC. Le fait que la mention ait été portée dans la partie 'état du bien' alors que M. [T] a indiqué ne pas rencontrer de difficulté particulière avec l'installation dans la partie consacrée à l'assainissement ne traduit aucune volonté de dissimulation ou contradiction. Le vendeur a listé dans la partie 'état du bien' une série d'équipements fonctionnant mal parmi lesquels les deux WC en cas d'usage simultané, aucune difficulté particulière n'étant selon lui à signaler s'agissant du fonctionnement général de l'installation.
Compte tenu de ces éléments, Mme [G] et M. [O] ne démontrent pas un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, dès lors qu'ils ont acquis en toute connaissance de cause un bien immobilier au système d'assainissement non conforme à la réglementation imposant des travaux de mise en conformité à réaliser dans un délai d'un an.
2. Mme [G] et M. [O] affirment en outre que le défaut de délivrance conforme est caractérisé par le fait que le réseau d'assainissement était non seulement non conforme à la réglementation en vigueur mais également non fonctionnel. Ils affirment avoir rencontré dès la prise de possession des lieux des difficultés liées à un dysfonctionnement du système et non à la simple non conformité réglementaire du réseau. Ils indiquent qu'à la suite d'un trop-plein de la fosse sceptique, les toilettes sont devenues inutilisables et que le rapport d'intervention de la société qu'ils ont mandatée a caractérisé l'absence d'épandage et un déversement depuis la fosse vers un regard eaux usées situé face véranda qui lui-même se déverse dans un puits situé chez le voisin. Ils estiment que ces éléments caractérisent un défaut de délivrance dès lors que d'une part, ils n'avaient pas été avisés du déversement dans un puit situé chez le voisin comme de l'absence d'épandage et que d'autre part, M. [T] s'était engagé à délivrer un immeuble au système d'évacuation des eaux usées qui fonctionne puisqu'il avait mentionné dans l'acte qu'il n'avait pas rencontré de difficulté avec l'installation.
S'agissant de l'absence d'épandage et de la présence d'un puisard relié au réseau de la maison sur la propriété voisine, elle ressort du diagnostic établi avant la signature de l'acte de vente qui fait bien état d'un puisard présent face à la véranda et de l'absence de traitement des eaux usées.
Par ailleurs, le rapport d'expertise caractérise le défaut de traitement des eaux usées et insiste sur le fait que l'écoulement des eaux usées ne veut pas dire que l'assainissement fonctionne c'est à dire qu'il traite les eaux usées pour diminuer le flux polluant. Il ajoute que 'visuellement les eaux s'évacuent mais ne sont pas traitées'.
Au regard de ces éléments, le dysfonctionnement caractérisé par l'expert correspond au défaut de traitement des eaux usées qui s'analyse en un défaut de conformité à la réglementation, connu des acquéreurs, mais non à un défaut d'écoulement. Jamais l'expert judiciaire ne fait état dans son rapport d'un défaut d'évacuation de l'eau dans les toilettes ou les éviers.
Par ailleurs, il mentionne en page 11 de son rapport les explications du conseil de Mme [G] et M. [O] qui indique que ses clients ont rapidement constaté des dégâts au niveau des toilettes qui se bouchaient à chaque utilisation ce qui a conduit M. [O] à entreprendre des investigations, à faire vider la fosse sceptique qui était pleine et à boucher le tuyau qui déversait le trop plein sur la propriété voisine. L'expert rapporte ensuite que Me [N] indique que 'depuis que le puits a été bouché, à chaque chasse d'eau des WC, il y a un bouchage'.
Dans ces conditions, l'expert aurait dû constater le dysfonctionnement des toilettes, ce qu'il ne fait pas. Il fait même état d'un écoulement normal des eaux usées. En outre, M. [O] après avoir fait vider la fosse sceptique juste après son entrée dans les lieux est lui-même intervenu sur le réseau ce qui a occasionné, selon son conseil, de nouvelles difficultés d'évacuation des eaux usées.
Au regard de ces éléments, en dehors d'une difficulté ponctuelle liée au fait que la fosse sceptique était pleine lors de l'entrée des acquéreurs dans les lieux, le défaut d'évacuation des eaux usées des toilettes n'a pas été caractérisé par l'expert et est décrit par l'avocat même des acquéreurs comme une conséquence de l'intervention de M. [O], postérieurement à la vente, sur le réseau.
Dans ces conditions, le défaut de fonctionnement au jour de la vente n'est pas établi et M. [T] a bien délivré à M. [O] et Mme [G] un bien immobilier disposant d'un installation d'assainissement ne présentant pas de difficulté particulière, sous la réserve de ne pas utiliser les deux WC au même moment, ce qui était connu des acquéreurs.
Aucun manquement à son obligation de délivrance n'est donc imputable à M. [T].
Sur la garantie des vices cachés
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
L'article 1642 du code civil précise que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
L'article 1644 du code civil dispose que dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par les experts.
En outre, l'article 1645 de ce même code prévoit que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
En revanche si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu, par application de l'article 1646 du code civil, qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente.
En l'espèce, l'acte de vente comporte la clause suivante dans la partie 'état du bien' :
' l'acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison des vices cachés. (...) Il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas si le vendeur a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction ou s'il est prouvé par l'acquéreur, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur'.
C'est à la suite de ce paragraphe que M. [T] déclare que l'utilisation des WC de manière simultanée est à ménager.
M. [O] et Mme [G] mettent tout d'abord en avant que la rédaction de la clause était différente dans le projet d'acte et qu'il était notamment prévu d'écarter la clause en cas de réalisation des travaux par le vendeur lui-même.
Ils estiment que M. [T] a pris l'initiative de faire modifier la rédaction de la clause car il avait réalisé des travaux lui-même sur le réseau d'assainissement et se prévalent du constat opéré par l'expert quant à la date qui figure sur un des tuyaux en PVC, à savoir le 2 mars 1992.
Il appartenait cependant aux acquéreurs assistés de leur notaire de demander la reproduction à l'identique de la clause. En l'état, telle qu'est rédigée la clause, il n'est pas prévu que la garantie des vices cachées puisse être mise en oeuvre en cas de réalisation des travaux par le vendeur. Au surplus, M. [T] a indiqué que son père a réalisé des travaux sur le réseau d'assainissement dans les années 1990, sur une parcelle qui lui appartenait, ce qui est compatible avec la date mentionnée sur les tuyaux. Contrairement à ce que soutiennent M. [O] et Mme [G], la vente du bien par ses parents à M. [T] en 1993 n'exclut pas la réalisation de travaux d'assainissement par son père l'année précédente.
En l'état de la rédaction de la clause, pour agir sur le fondement de la garantie des vices cachés, les acquéreurs doivent donc démontrer que M. [T] avait connaissance du vice allégué.
Or, ainsi qu'il a été précédemment démontré, l'existence d'un défaut d'écoulement des eaux usées dans les toilettes au jour de la vente n'est pas démontrée. Il est seulement établi que les acquéreurs ont rapidement dû faire vider la fosse sceptique et que les toilettes se bouchaient systématiquement après l'intervention de M. [O] sur le réseau. Aucun élément du dossier ne permet d'établir que le vendeur avait connaissance d'un quelconque dysfonctionnement des toilettes avant la vente, en dehors du problème signalé en cas d'usage des deux toilettes simultanément.
Dans ces conditions, l'action en garantie des vices cachés diligentée par M. [O] et Mme [G] ne peut prospérer.
Sur le manquement à l'obligation précontractuelle d'information
Aux termes de l'article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Il ressort des développements précédents que la non conformité du réseau d'assainissement aux dispositions réglementaires et la nécessité de le mettre en conformité dans un délai d'un an avait été portée à la connaissance des acquéreurs. Ces derniers avaient pris connaissance du diagnostic d'assainissement concluant à la non conformité avant la signature de l'acte authentique sans que l'absence de deux pages comportant des informations figurant sur le reste du document ait pu les priver d'informations décisives.
Par ailleurs, l'obstruction des canalisations des sanitaires dans les proportions décrites par M. [O] et Mme [G] à la date de signature de l'acte authentique n'est pas démontrée et il n'est pas établi que M. [T] a pu avoir connaissance d'un autre dysfonctionnement que celui dont il a fait état dans l'acte authentique, à savoir l'obstruction des toilettes en cas d'utilisation simultanée des deux WC.
La faute de M. [T] n'est donc pas caractérisée.
***
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] et M. [O] de l'ensemble de leurs demandes et confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.
Mme [G] et M. [O], parties perdantes, seront en outre condamnés aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile et à verser une indemnité de 2 000 euros à M. [T] au titre des frais irrépétibles d'appel.
Le jugement inclut déjà dans les dépens de première instance les dépens de référé et les frais d'expertise qu'il n'y a donc pas lieu d'inclure à nouveau dans les dépens d'appel comme le sollicite M. [T].
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
Confirme intégralement le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne M. [I] [O] et Mme [R] [G] aux dépens d'appel recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne M. [I] [O] et Mme [R] [G] à payer à M. [P] [T] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE