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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 4 juillet 2024, n° 23/07357

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/07357

4 juillet 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56E

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2024

N° RG 23/07357 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WE6S

AFFAIRE :

S.A.S. SAS POIDS PLUME

C/

S.A.S. FORMAQUIETUDE

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 28 Septembre 2023 par le Tribunal de Commerce de Pontoise

N° RG : 2023R00144

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 04.07.2024

à :

Me Nicolas OUDET, avocat au barreau de VAL D'OISE

Me Yoni MARCIANO, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, après prorogé, dans l'affaire entre :

S.A.S. POIDS PLUME

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Nicolas OUDET, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 6 - N° du dossier E00031HM

APPELANTE

****************

S.A.S. FORMAQUIETUDE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2] / France

Représentant : Me Yoni MARCIANO, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 69

Ayant pour avocat plaidant Me Julie HAZIZA-HARROS, du barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Mai 2024, Monsieur Thomas VASSEUR, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,

Madame Marina IGELMAN, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI

EXPOSE DU LITIGE

La société Formaquiétude est un organisme de formation qui dispose, depuis le 26 janvier 2022, d'un titre du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) nécessaire à la certification des stagiaires dans le cadre des formations CPF (Compte professionnel formation).

La société Poids Plume est également un organisme de formation, mais qui ne dispose quant à lui pas de titre RNCP.

Suivant une convention signée entre les parties le 4 avril 2022, la société Formaquiétude a mis à disposition de la société Poids Plume son titre en contrepartie d'une rémunération.

Un litige est né entre les parties sur le nombre de stagiaires formés par la société Poids Plume et la mise à disposition, par celle-ci, de documents administratifs sur la plateforme Certi-Cpf.

Par acte délivré le 28 juillet 2023, la société Formaquiétude a fait assigner en référé la société Poids Plume en demandant qu'il soit enjoint à cette dernière de déclarer l'ensemble des stagiaires ayant suivi la formation relative au titre RNCP 36161 sur la plateforme Certi-Cpf et de transmettre à la société Formaquiétude l'ensemble des éléments d'évaluation demandés pour les stagiaires devant obtenir une certification.

Par ordonnance contradictoire rendue le 28 septembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Pontoise a :

enjoint à la société Poids Plume à transmettre à la société Formaquiétude l'ensemble des éléments d'évaluation sur papier, pour les 92 stagiaires, ce sous astreinte de 20 euros par jour et par stagiaire à compter de 8 jours après la signification de la décision, savoir :

justificatif des prérequis : baccalauréat ou dernier diplôme reçu ou justificatif des deux années d'expérience ;

le dossier complet du stagiaire : mémoire ; les deux suivis clients ; évaluation des membres du jury avec explication ;

suivi de la formation : assiduité, feuille de présence ;

justificatif et résultats des examens finaux devant le jury ;

procès-verbal du jury d'évaluation signés par les membres des jurés et du stagiaire ;

dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes et renvoyé la société Formaquiétude à mieux se pourvoir ;

condamné la société Poids Plume à payer à la société Formaquiétude la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Poids Plume aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 26 octobre 2023, la société Poids Plume a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions remises le 30 avril 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Poids Plume demande à la cour, au visa des articles 872 et 873, de :

'- infirmer l'ordonnance du 28 septembre 2023, et, statuant à nouveau :

à titre principal :

- déclarer irrecevable la société Formaquiétude faute de démontrer un grief,

à titre subsidiaire :

- débouter Formaquiétude de l'ensemble de ses demandes, faute de justifier d'une urgence, d'un trouble illicite, et en présence d'une contestation sérieuse,

en tout état de cause, à titre reconventionnel :

- ordonner la poursuite des relations commerciales pendant un délai de 4 mois entre les sociétés Poids Plume et Formaquiétude, afin de mettre fin au dommage subi par la première par la rupture brutale, par la seconde, des relations,

- condamner la société Formaquiétude à verser à l'EFSS la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et lui faire supporter les entiers dépens, '

À titre liminaire, la société Poids Plume expose que son adversaire ne démontre aucun intérêt particulier à ce que les documents en question soient transmis sur la plate-forme Certi-CPF et non par courriel, dès lors que dans les deux cas, elle les a en sa possession, de sorte qu'elle ne justifie d'aucun grief. Elle ajoute, s'agissant d'une liste de stagiaires qu'elle énumère, qu'ils n'ont jamais été présentés à la certification puisqu'ils ont été défaillants dans leur formation. S'agissant de ces stagiaires, l'appelante considère que son adversaire n'a plus d'intérêt à agir.

La société Poids Plume indique qu'elle a dû souscrire, le 4 avril 2022, une convention de partenariat avec la société Formaquiétude parce qu'elle n'a pas pu obtenir le titre RNCP, comme pour la quasi-totalité des organismes formant à la sophrologie et que cette dernière a mis fin de manière brutale, et à effet immédiat, à ce partenariat, par un courrier officiel du 12 septembre 2022. La société Poids Plume considère que la société Formaquiétude et elle-même sont condamnées à continuer d'entretenir des relations commerciales jusqu'à l'apurement des inscriptions intervenues auprès de la société Poids Plume avant le 12 septembre 2023. Elle indique qu'à compter de la résiliation de la convention, elle a reçu de nombreux courriers de la part des stagiaires, qui se plaignaient de ne pas avoir été certifiés par la société Formaquiétude et que c'est la raison pour laquelle elle a envoyé à la société Formaquiétude une mise en demeure l'enjoignant de bien vouloir certifier ses stagiaires, mise en demeure à laquelle la société Formaquiétude n'a pas donné suite.

La société Poids Plume indique que le juge des référés en première instance s'est basé sur la convention de partenariat qui a été résiliée en septembre 2022, soit plus d'un an avant l'ordonnance entreprise, de sorte que la société Formaquiétude a demandé au juge des référés d'interpréter l'existence dans le temps de la convention après sa résiliation, ce qui excède sa compétence. De même, la société Poids Plume indique que c'est à tort que le juge des référés a retenu que l'absence de certification a privé les stagiaires d'exercer leur activité alors que la profession de sophrologue n'est pas réglementée et qu'aucun diplôme ni aucune certification ne sont nécessaires pour l'exercer.

La société Poids Plume indique encore que, selon la convention conclue avec la société Formaquiétude, les seuls documents qu'elle doit transmettre sont l'adresse courriel, le nom et le prénom, les dates de début et de fin de la formation et, le cas échéant, le poste occupé ainsi que la copie d'un document d'identité en vue d'un contrôle lors des épreuves de certification ; la société Poids Plume indique avoir transmis l'ensemble de ces documents à la société Formaquiétude et elle fait valoir que la seule disposition qui prévoit l'envoi de documents autres, de sa part à l'intention de la société Formaquiétude, est l'article 2.2 de la convention, lequel prévoit que cet envoi n'intervient qu'après la certification ; la société Poids Plume expose qu'elle avait d'autant moins lieu de communiquer ces autres éléments que l'organisme France Compétence lui a indiqué n'en avoir pas besoin. Elle expose que les documents qu'elle a envoyés, s'agissant d'une liste de stagiaires qu'elle donne dans ses conclusions, n'a pour autant pas permis la certification de ces derniers.

La société Poids Plume considère que la société Formaquiétude ne démontre aucun intérêt particulier à ce que les documents en cause lui soient transmis sur la plate-forme Certi-CPF et non par courriel, dès lors que dans les deux cas, elle les a en sa possession et que ces documents ainsi communiqués lui permettent la certification des stagiaires.

La société Poids Plume ajoute que pour un grand nombre de stagiaires cités par la société Formaquiétude, ils n'ont jamais été présentés à la certification puisqu'ils ont été défaillants dans leur formation de sorte que s'agissant de ces stagiaires dont elle donne la liste, la société Formaquiétude n'aurait pas d'intérêt à agir.

A titre subsidiaire, la société Poids Plume indique que la société Formaquiétude, après avoir résilié la convention le 12 septembre 2022, s'est elle-même mise en relation avec les stagiaires par la plateforme 'moncompteformation.fr' et qu'elle leur doit la certification puisque c'est sous son numéro de RNCP que les stagiaires se sont inscrits. La société Poids Plume ajoute que même après consultation, l'organisme France Compétence maintient sa position et indique n'avoir pas besoin de la transmission des documents dont la société Formaquiétude sollicite la transmission.

La société Poids Plume considère que les motivations réelles de la société Formaquiétude, qui a conclu des accords avec de nombreuses écoles pour leur permettre d'exploiter son RNCP, résident dans sa volonté de finalement intervenir seule et d'utiliser des excuses factices pour refuser de certifier des stagiaires afin d'endommager la réputation des autres organismes.

A titre subsidiaire, la société Poids Plume indique que son chiffre d'affaires dépend pour plus de la moitié des versements de la Caisse des dépôts et des consignations et que ce marché lui est fermé par la décision de la société Formaquiétude, dès lors que cette rupture l'empêche d'être référencée sur le compte moncompteformation.fr. C'est la raison pour laquelle elle sollicite que soit ordonnée la prolongation des relations contractuelles ayant existé entre les deux parties.

Dans ses dernières conclusions remises le 18 décembre 2023, auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Formaquietude demande à la cour de :

'- confirmer l'ordonnance de référé du 28 septembre 2023 en toutes ses dispositions,

par conséquent :

- débouter la société Poids Plume de toutes ses demandes

- condamner la société Poids Plume à la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. '

La société Formaquiétude indique que le défaut de communication des documents en question l'empêche de remplir ses obligations à l'égard des stagiaires et de France Compétence et qu'en application de la convention du 4 avril 2022, qui a été résiliée le 12 septembre suivant, tous les stagiaires inscrits jusqu'à cette date sont régis par ladite convention. La société Formaquiétude fait valoir qu'elle ne demande que l'application de la convention à une période antérieure à sa résiliation, soulignant que la société Poids Plume en sollicite elle-même la poursuite pendant un délai supplémentaire de 4 mois.

Se fondant sur l'article 2.2 de cette convention, la société Formaquiétude indique qu'elle est fondée à solliciter la transmission des « documents d'évaluation attendus par le Certificateur, pour chaque stagiaire ». La société Formaquiétude souligne que ce n'est pas à la société Poids Plume de décider quels documents suffisent à la certification des stagiaires mais seulement au certificateur. Or, par un courrier en date du 23 août 2023, l'organisme France Compétence a adressé à société Formaquiétude une « demande de documents et pièces au titre de l'article R. 6113-47 du code de travail pour la certification RNCP 36161 Sophrologue ». Cette pièce, reçue le lendemain de l'audience devant le juge des référés de première instance, n'a pas pu être produite devant ce dernier mais permet d'accréditer l'ordonnance qu'il a rendue le 28 septembre 2023. Ainsi, par ce courrier, l'organisme France Compétence demande la communication des modalités d'évaluation organisées par la société Formaquiétude ainsi que par chacun de ses partenaires, les attestations de fin de formation ainsi que les conventions de formation pour chaque candidat et chacun de ses partenaires, et le résultat des évaluations pour l'obtention de la même certification (relevé des examens, procès-verbaux des jurys comprenant le nombre de candidats présentés à la certification, le taux de réussite) pour la société Formaquiétude et ses partenaires.

La société Formaquiétude indique que l'organisme France Compétence lui a adressé le 8 juin 2022 une lettre de mise en demeure qui fait expressément référence à son partenaire, la société Poids Plume, en soulignant que pour l'ensemble des parcours de formation, cette dernière n'a pas justifié les prérequis, se contentant notamment d'une connaissance de la langue française par les stagiaires quand il lui fallait justifier de ce que ceux-ci étaient titulaires d'un diplôme de niveau 4 ou d'une expérience de deux années dans le secteur du bien-être.

La société Formaquiétude indique que l'urgence à obtenir ces documents est double : d'une part pour les stagiaires qui ne peuvent pas recevoir leur certification, et d'autre par pour elle-même, qui se voit harcelée par les stagiaires compte-tenu de cette inertie dans la certification. La société Formaquiétude indique à cet égard tenir à son titre RNCP, à sa réputation et à l'avenir des stagiaires.

S'agissant de la demande reconventionnelle de prorogation des relations contractuelles, la société Formaquiétude indique que ce n'est qu'une fois assignée en référé que la société Poids Plume l'a formulée : n'ayant formé aucune demande à ce titre avant, la société Poids Plume ne justifie d'aucune urgence. La société Formaquiétude expose en outre qu'une telle prorogation entraînerait de nouveaux stagiaires dans les mêmes difficultés que celles auxquelles se heurtent les stagiaires concernés par la période de la convention.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2024.

Les parties ont été invitées par note en délibéré à présenter leurs observations sur le motif substitué, s'agissant de la fin de non-recevoir relevée par le juge de première instance à l'égard de la demande reconventionnelle de la société Poids Plume, fondée sur ce qu'elle indique être la rupture brutale des relations commerciales : cette fin de non-recevoir tient aux articles L. 442-4, III, et D. 442-2 du code de commerce qui excluent que le tribunal de commerce de Pontoise et, en appel la cour d'appel de Versailles, puissent connaître d'une telle demande.

Cette demande de note en délibéré est rédigée comme suit :

« Dans le présent dossier, les parties sont invitées à présenter, par note en délibéré, leurs observations sur la fin de non-recevoir susceptible d'être retenue, par motif substitué à celui retenu par le juge de première instance, s'agissant de la demande reconventionnelle formée par la société Poids Plume au titre de ce qu'elle indique être la rupture brutale des relations commerciales.

La demande reconventionnelle formée par la société Poids Plume repose sur l'allégation d'une rupture brutale de la relation commerciale qui la liait à la société Formaquiétude, rupture dont elle indique qu'elle lui occasionne un trouble manifestement illicite, ainsi qu'un dommage imminent.

L'article L. 442-1, II, du code de commerce dispose :

« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels, et, pour la détermination du prix applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.

Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. »

L'article L. 442-4, III, du même code dispose : « Les litiges relatifs à l'application des articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret. »

L'article D. 442-2 de ce code dispose : « Pour l'application du III de l'article L. 442-4, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre.

La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris. »

Ce tableau, prévu en annexe 4-2-1 prévoit que le tribunal de commerce de Paris est compétent en la matière pour les ressorts des cours d'appel de Bourges, Paris, Orléans, Saint-Denis-de-la-Réunion et Versailles.

L'inobservation de ces règles est sanctionnée par une fin de non-recevoir, et non pas par une exception d'incompétence, dès lors qu'il s'agit de sanctionner le défaut de pouvoir juridictionnel d'une juridiction non spécialisée pour statuer sur ce contentieux : Cass. Com., 24 septembre 2013, Bull. n° 138, pourvoi n° 12-21.089.

Les juges sont tenus de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation de ces règles d'ordre public : Com., 31 mars 2015, pourvoi n° 14-10.016.

En l'espèce, le juge de première instance a expressément retenu que « les conséquences de la rupture des relations commerciales sont irrecevables devant ce tribunal ».

Les observations sur ce motif substitué éventuel sont attendues avant le 20 juin 2024 et le prononcé du délibéré est prorogé au 4 juillet 2024. »

Au 21 juin 2024, aucune des parties n'avait formulé d'observation sur cette invitation à produire une note en délibéré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la procédure :

La première ordonnance de clôture, signée le 23 avril 2024, a été révoquée le 15 mai suivant et une nouvelle ordonnance de clôture a été prise à cette même date.

Dans des conclusions en rabat de clôture du 30 avril 2024, la société Poids Plume sollicitait le rabat de la clôture intervenue le 23 avril 2024 et la réouverture des débats en raison de l'absence de transmission des pièces adverses.

Il a été fait droit à cette demande de révocation de l'ordonnance de clôture, de sorte que les conclusions de la société Poids Plume du 30 avril 2024 ont pu être prises en compte.

Au demeurant, lors de l'audience des plaidoiries du 15 mai 2024, les parties ont fait état de ce que l'affaire pouvait être retenue.

Dès lors qu'il a été fait droit à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture par une ordonnance du 15 mai 2024, il n'y a pas lieu de statuer à cet égard.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Poids Plume :

Contrairement à ce que soutient la société Poids Plume, la société Formaquiétude justifie bien d'un intérêt à agir dès lors qu'elle est tenue, ainsi qu'il va être mentionné plus loin, à une obligation de communication à l'égard de l'organisme public France Compétences et le point de savoir si certains stagiaires ont été ou non défaillants dans la formation est indifférent dès lors que l'information collectée par l'organisme public ne tient pas à la considération de la réussite ou non de la formation. La société Formaquiétude est dans l'obligation de porter les renseignements s'agissant des stagiaires inscrits sur la plate-forme Certi-Cpf et le moyen développé par l'appelante, tenant au vecteur de la transmission de cette information est indifférent, l'intimée ayant elle-même indiqué qu'elle acceptait de recevoir les documents nécessaires à la certification au besoin sur un support papier.

Aussi convient-il de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société Poids Plume.

Sur la demande d'infirmation de l'ordonnance s'agissant de la communication de documents :

En application de l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut ordonner en référé, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable l'exécution de cette obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La convention de partenariat qui a été conclue entre les sociétés Poids Plume et Formaquiétude le 4 avril 2022 stipule en son article 2.2 que la première doit notamment :

« transmettre toutes les informations relatives à chaque stagiaire, sollicitées par le certificateur, afin que ce dernier puisse réaliser les états statistiques qu'il doit communiquer, notamment à France Compétences » ;

« dans le cas où le Partenaire est délégataire de l'évaluation, transmettre impérativement au Certificateur via la plateforme des documents d'évaluation attendus par le Certificateur, pour chaque stagiaire. En retour, le Partenaire sera informé via la plateforme du résultat de la certification après que le Certificateur aura tenu jury. La fonction permettant d'adresser un courriel de convocation est un service optionnel. Il est recommandé au Partenaire l'usage de ce service pour assurer une traçabilité complète du dossier de chaque Stagiaire. »

En application de cette convention, la société Formaquiétude est fondée à demander, au titre des « documents d'évaluation attendus par le Certificateur, pour chaque stagiaire » l'ensemble des documents dont la communication a été ordonnée par le juge de première instance.

Le caractère non contestable de cette obligation de communication résulte au surplus d'un courrier du 29 août 2023, par lequel l'organisme public France Compétences a demandé à la société Formaquiétude, en application des articles L. 6123-5 et R. 6113-17, I, du code du travail, de lui transmettre les modalités des évaluations organisées par elle-même ainsi que celles organisées par ses partenaires pour chaque candidat ayant permis l'obtention de la certification pour la formation de sophrologue ainsi que les attestations de fin de formation et les conventions de formation de chaque candidat, outre le résultat des évaluations pour l'obtention de cette certification, l'organisme France Compétences énumérant à cet égard les éléments suivants : relevés d'examen, procès-verbaux des jurys comprenant le nombre de candidats présentés à la certification, taux de réussite, en précisant que ces éléments sont demandés tant pour la société Formaquiétude elle-même que pour ses partenaires.

Ce même courrier fixait un délai de 30 jours à la société Formaquiétude pour exécuter cette obligation d'information.

En considération de cette exigence, qui émane de l'autorité nationale de financement et de régulation de la formation professionnelle, ainsi que des termes mêmes de la convention précitée, l'obligation de communication, pertinemment relevée par le juge de première instance, procède bien d'une obligation de faire non sérieusement contestable, revêtant de surcroît un caractère d'urgence.

Le moyen de la société Poids Plume, tenant à ce que la profession de sophrologue n'est pas réglementée et qu'aucun diplôme n'est nécessaire pour l'exercer, est inopérant dès lors que cette partie, par la convention précitée, s'est en tout état de cause engagée dans un partenariat pour un processus de qualification des candidats.

De même, le moyen tenant à ce qu'il incombe à la société Formaquiétude de transmettre les éléments à l'organisme France Compétences n'est pas davantage opérant dès lors qu'en l'occurrence, c'est bien la société Formaquiétude qui est l'interlocuteur de cet organisme public pour les obligations de renseignement rappelées dans le courrier précité du 29 août 2023.

Enfin, le moyen développé par la société Poids Plume, tenant à ce qu'elle devrait seulement transmettre la synthèse d'évaluation ou l'avis de résultat, l'adresse de courriel, les nom, prénom, du stagiaire ainsi que les dates de début et de fin du stage et le prix correspondant à la prestation, est lui-même mal fondé : la convention précitée stipule que la société Poids Plume doit transmettre « les documents d'évaluation attendus par le Certificateur, pour chaque stagiaire ». Ces documents ont été très précisément énoncés dans le courrier précité du 29 août 2023 de l'organisme France Compétences et leur liste, indiquée plus haut, est bien plus large que les seuls documents que l'appelante prétend devoir transmettre. L'appelante ne caractérise aucunement la différence substantielle qui existerait entre cette énumération du courrier de l'organisme France Compétences et les documents dont la communication a été exigée par l'ordonnance de première instance.

En considération de l'ensemble de ces éléments, la décision de première instance doit être confirmée s'agissant de l'obligation de communication qu'elle a fixée.

Sur la demande de prolongation des relations contractuelles :

La demande reconventionnelle formée par la société Poids Plume repose sur l'allégation d'une rupture brutale de la relation commerciale qui la liait à la société Formaquiétude, rupture dont elle indique qu'elle lui occasionne un trouble manifestement illicite, ainsi qu'un dommage imminent.

L'article L. 442-1, II, du code de commerce dispose :

« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels, et, pour la détermination du prix applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.

Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. »

L'article L. 442-4, III, du même code dispose : « Les litiges relatifs à l'application des articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret. »

L'article D. 442-2 de ce code dispose : « Pour l'application du III de l'article L. 442-4, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre.

La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris. »

Ce tableau, prévu en annexe 4-2-1 prévoit que le tribunal de commerce de Paris est compétent en la matière pour les ressorts des cours d'appel de Bourges, Paris, Orléans, Saint-Denis-de-la-Réunion et Versailles.

L'inobservation de ces règles est sanctionnée par une fin de non-recevoir, et non pas par une exception d'incompétence, dès lors qu'il s'agit de sanctionner le défaut de pouvoir juridictionnel d'une juridiction non spécialisée pour statuer sur ce contentieux : Cass. Com., 24 septembre 2013, Bull. n° 138, pourvoi n° 12-21.089.

Les juges sont tenus de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation de ces règles d'ordre public : Com., 31 mars 2015, pourvoi n° 14-10.016.

En l'espèce, le juge de première instance a expressément retenu que « les conséquences de la rupture des relations commerciales sont irrecevables devant ce tribunal ».

Aussi convient-il, par ce motif s'ajoutant à celui, qui devient surabondant, du premier juge, de confirmer l'ordonnance également de ce chef.

Sur les mesures accessoires :

Partie succombante à la présente instance, la société Poids Plume sera condamnée aux dépens ainsi qu'à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par un arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir soulevée par la société Poids Plume ;

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Condamne la société Poids Plume aux dépens d'appel ;

Condamne la société Poids Plume à verser à la société Formaquiétude la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,