CA Versailles, ch. civ. 1-3, 4 juillet 2024, n° 21/06121
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
LR Gestion (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perret
Conseillers :
M. Maumont, Mme Girault
Avocats :
Me Gozlan-Janel, Me Paulet, Me Gendre
FAITS ET PROCEDURE :
Par acte du 2 mai 2016, M. [F] [X] et sa s'ur, Mme [V] [X] épouse [B], ont donné à bail commercial à la société LR Gestion des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 9] (92) à usage de bureaux et de cave.
Conformément aux dispositions de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, les bailleurs, par l'intermédiaire de leur mandataire, la société H Immobilier, ont transmis une offre de vente portant sur le bien, au prix de 270 000 euros incluant une commission d'agence de 5 %, par courrier avec accusé de réception en date du 11 juin 2018.
Par courrier recommandé du 5 juillet 2018, la société LR Gestion a notifié son acceptation de l'offre au prix net vendeur de 256 500 euros, ainsi que son intention de recourir à un prêt.
Le 24 juillet 2018, la société H Immobilier a demandé au notaire du vendeur (la SCP [L]-Bancaud) et au notaire de l'acheteur (la SCP Letulle-Deloison-Drilhon-Jourdain) de rédiger un compromis de vente.
A partir du 25 juillet 2018 les notaires se sont rapprochés afin de réunir les documents nécessaires à l'élaboration de la promesse de vente, sans toutefois s'accorder sur la question de savoir laquelle des deux parties devrait prendre en charge la provision sur frais.
Par la suite, le notaire de M. [X] a d'abord indiqué, le 13 septembre 2018, que son client n'entendait pas donner suite au dossier, puis, le 23 octobre 2018, qu'il consentait à reprendre l'instruction du dossier à condition que la vente soit réalisée directement, sans la signature préalable d'une promesse de vente, sans versement de provision, dans le strict respect du délai de 4 mois prévu par l'article L. 145-46-1 précité et à charge pour l'acquéreur d'obtenir son financement sur la base du " congé délivré ". Le 26 octobre 2018, le notaire de la société LR Gestion répondait que suivant l'information reçue de son client, sa banque n'instruirait pas son dossier de financement sans une promesse de vente et qu'il était préférable compte tenu du contexte d'" encadrer les accords des parties ".
Considérant la vente parfaite et se plaignant de l'absence de signature de la promesse de vente, la société LR Gestion, par l'intermédiaire de son conseil, a mis en demeure M. et Mme [X] le 1er mars 2019, leur enjoignant de signer l'acte authentique de vente. Les parties ont ensuite échangé par courriers des 25 mars, 14 mai et 28 mai 2019, par l'intermédiaire de leur avocat respectif, chacune imputant à l'autre la responsabilité de la non-réalisation de la vente dans le délai prévu par la loi.
C'est dans ce contexte que la société LR Gestion, par acte du 24 juillet 2019, a fait assigner M. et Mme [X] en régularisation d'une promesse de vente sous condition suspensive de prêt des biens immobiliers situés [Adresse 2] à [Localité 9] correspondant aux lots de copropriété n°7 et 8, moyennant le prix de 256 500 euros dans le délai de 45 jours suivant la signification du jugement déféré.
Elle demandait également la condamnation des défendeurs au paiement de la somme de 9 975 euros à titre de dommages intérêts au titre des loyers exposés en pure perte pour la période du 5 novembre 2018 au 31 août 2019, outre les sommes de 5 000 euros de dommages intérêts pour résistance abusive et 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans le courant de l'année 2021, un acte de licitation est intervenu entre Mme [V] [X] épouse [B] et M. [X], faisant cesser l'indivision entre eux sur le bien.
Par jugement du 28 juin 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- prononcé la mise hors de cause de Mme [X] divorcée [B],
- débouté la société LR Gestion de toutes ses demandes,
- condamné la société LR Gestion à payer à M. [X] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société LR Gestion aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
Le tribunal a considéré que l'acquéreur avait été défaillant en ne sollicitant pas un emprunt dans le délai de 4 mois prévu par la loi alors que la vente était déjà réalisée du fait de la rencontre de l'offre et de l'acceptation et qu'il lui appartenait de faire toute diligence pour qu'un acte authentique de vente soit régularisé par devant notaire, au vu de la seule offre de vente et de son acceptation.
Par acte du 8 octobre 2021, la société LR Gestion a interjeté appel.
Par dernières écritures du 3 avril 2023, la société LR Gestion prie la cour de :
- la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* dit qu'à l'expiration du délai de quatre mois, la vente n'ayant pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est devenue sans effet,
* dit qu'il n'est pas démontré que la rétractation temporaire de l'offre de vente par M. [X] ait eu pour conséquence de faire obstacle à la réalisation de la vente,
* débouté la société LR Gestion de toutes ses demandes,
* condamné la société LR Gestion à payer à M. [X] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société LR Gestion aux dépens,
Statuant à nouveau
- ordonner à M. [X] de communiquer à l'acquéreur l'intégralité des pièces nécessaires à la perfection de l'acte et de régulariser une promesse de vente sous condition suspensive de financement au profit de la société LR Gestion des biens immobiliers situés [Adresse 2] à [Localité 9] correspondant aux lots de copropriété n°5, 7 et 8, cadastrés parcelle [Cadastre 4] section F[Cadastre 1] moyennant un prix de 256.500 euros, par devant le notaire qui sera désigné par la société LR Gestion et ce dans un délai de 45 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir,- condamner M. [X] au paiement d'une astreinte de 300 euros par jour de retard, à défaut pour lui de communiquer les pièces nécessaires à la perfection de l'acte et de régulariser la promesse de vente dans les 60 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir,
Subsidiairement,
- débouter M. [X] de sa demande d'irrecevabilité,
- recevoir la société LR Gestion en sa demande subsidiaire et l'y déclarer bien fondée,
- dire que la vente des lots de copropriété n°5, 7 et 8 de l'ensemble immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 9] cadastré parcelle [Cadastre 4] section F01 appartenant à M. [X] est parfaite au profit de la société LR Gestion,
- enjoindre à M. [X] de communiquer à l'acquéreur l'intégralité des pièces nécessaires à la perfection de l'acte, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 30 jours suivant l'arrêt à intervenir,
- enjoindre à M. [X] de se présenter par devant le notaire qui sera désigné par la société LR Gestion pour signer en sa faveur l'acte authentique de vente des lots de copropriété précités au prix de 256 500 euros,
- condamner M. [X] au paiement d'une astreinte de 300 euros par jour de retard, à défaut pour lui de signer l'acte authentique dans les 30 jours suivant la communication du projet d'acte de cession,
- juger que, faute de présentation spontanée de M. [X] devant le notaire ainsi désigné et dans le délai de 30 jours suivant la communication du projet d'acte de cession, l'arrêt à intervenir vaudra acte de vente aux conditions convenues entre :
D'une part, la société LR Gestion, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 791 192 974 dont le siège social est [Adresse 2] [Localité 9] ;
D'autre part, M. [F] [X], médecin, né le 3 février 1954, de nationalité française demeurant " [Adresse 7] " - [Localité 3], époux de Mme [Z] [O] [S], marié à la mairie d'[Localité 5] le 11 octobre 1982 sous le régime de la communauté d'acquêts à défaut de contrat de mariage préalable,
Portant dans un ensemble immobilier situé à [Localité 9] (Hauts de Seine) [Localité 9], [Adresse 2], section F, n°[Cadastre 4], surface: 00ha à 47 ca
Les lots de copropriétés suivants :
Lot numéro cinq (5) :
Au sous-sol, porte n°3 : une cave
Et les cinq millièmes (5/1000èmes) des parties communes générales
Lot numéro sept (7)
Au deuxième étage porte en face de l'ascenseur, un local à usage de bureau, comprenant : un bureau, un cabinet de toilette, un water-closet, une surface de dégagement
Et les cent cinquante-huit millièmes (158/1000èmes) des parties communes générales
Lot numéro huit (8)
Au deuxième étage porte en face de l'ascenseur, porte à droite dans l'axe de l'escalier : un placard
Et les deux millièmes (2/1000 èmes) des parties communes générales
Au prix de 256 500 euros
Tel que les BIENS existent, avec tous droits y attachés, sans aucune exception ni réserve.
ETAT DESCRIPTIF DE DIVISION - REGLEMENT DE COPROPRIETE :
L'ensemble immobilier sus désigné a fait l'objet :
* d'un état descriptif de division et règlement de copropriété établi aux termes d'un acte reçu par Me [N] notaire à [Localité 9] le 6 février 1969 publié le 4 avril 1969 vol 3723 n°1 au service de publicité foncière de Nanterre 3
* d'un modificatif établi aux termes d'un acte reçu par Me [H] notaire à [Localité 8] le 23 décembre 1981 publié le 4 février 1982 vol 3114 n°7 au service de publicité foncière de Nanterre.
EFFET RELATIF
* Attestation de propriété suivant acte reçu Me [L] notaire à [Localité 6] du 20 janvier 1999 vol 99P n°1002,
* Attestation de propriété suivant acte reçu Me [L] notaire à [Localité 6] du 10 septembre 1999 publié le 9 novembre 1999 vol 99P n°6854
* Attestation de propriété suivant acte reçu Me [L] notaire à [Localité 6] du 21 mars 2019 publié le 29 mars 2019 vol 2019P n°1846 au service de publicité foncière de Nanterre 3.
- dire qu'à défaut de signature de l'acte authentique de vente dans le délai prévu ci-dessus, la grosse du jugement sera déposée au rang des minutes du notaire rédacteur de l'acte,
En tout état de cause,
- condamner M. [X] à payer à la société LR Gestion la somme de 49 537,17 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au paiement des loyers pour la période du 5 novembre 2018 au 30 avril 2022, à parfaire au jour de la signature de l'acte de vente, - condamner M. [X] à payer à la société LR Gestion une somme de 5 000 euros de dommages intérêts au titre de sa résistance abusive,
- condamner M. [X] à payer à la société LR Gestion la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel avec recouvrement direct.
Au soutien de ses demandes, la société LR Gestion fait valoir que :
- les parties avaient accepté le principe de la signature d'une promesse de vente avant que M. [X] ne se rétracte puis reprenne l'instruction du dossier en exigeant la signature d'un acte de vente sans promesse de vente préalable et sans transmettre les pièces relatives aux caractéristiques du bien, faisant ainsi obstacle à l'exercice du droit de préférence;
- elle ne-pouvait faire toute diligence pour obtenir le financement dans le délai dès lors que, d'une part, elle ne disposait pas des pièces nécessaires relatives à la consistance du bien à soumettre à la banque, d'autre part, M. [X] a un temps rétracté son offre, de sorte qu'elle pouvait légitimement penser qu'elle n'avait plus de raison de rechercher un financement ;
- quand bien même l'accord sur la chose et sur le prix vaut vente, les parties avaient la faculté de convenir de la signature d'une promesse de vente, ce qu'elles ont décidé de faire, ainsi qu'il résulte des échanges de courriers électroniques, de sorte qu'elle est fondée à solliciter la condamnation du bailleur à signer sous astreinte la promesse de vente à son profit et ce, en exécution de l'accord exprès des parties ;
- le défaut de réalisation de la vente dans le délai de quatre mois étant imputable au bailleur, elle doit bénéficier d'une prorogation de ce délai, par dérogation au texte de loi ;
- sa demande subsidiaire, tenant à contraindre M. [X] à signer l'acte de vente est recevable en ce qu'elle a exactement la même finalité que celle tendant à le contraindre à signer la promesse de vente, étant ajouté que le fondement juridique de ces demandes est identique ;
- cette même demande est justifiée au fond par le fait que selon l'aveu de M. [X], qui a reconnu que sa rétractation n'était juridiquement pas possible après l'acceptation de l'offre de vente, l'accord sur la chose et le prix existait dès le 5 juillet ; - elle est bien fondée à obtenir le remboursement des loyers versés depuis le 5 novembre 2018, date à laquelle la vente devait être réitérée, puisque si le bailleur avait été loyal en communiquant l'ensemble des pièces nécessaires à la constitution du dossier de financement et à la perfection de la vente et ne s'était pas rétracté, elle aurait eu la jouissance des locaux en qualité de propriétaire sans être tenue de verser des loyers ; les sommes versées à ce titre auraient servi au remboursement de l'emprunt.
Par dernières écritures du 6 décembre 2022, M. [X] prie la cour de:
- constater l'irrecevabilité de la demande nouvelle formée par la société LR Gestion dans ses conclusions du 7 janvier 2022, demande subsidiaire par laquelle il est demandé à la cour de " dire que la vente des lots de copropriété 5, 7 et 8 de l'ensemble immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 9] cadastrés parcelle [Cadastre 4] secti on F1 appartenant à M. [X] est parfaite au profit de la société LR Gestion"
- constater également l'irrecevabilité de la demande tentant à voir constater la mutation du bien immobilier à défaut de publication des conclusions signifiées au fichier immobilier et à défaut d'indication sur le financement,
- subsidiairement, confirmer par adoption de motifs le jugement déféré,- constater que contrairement aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il n'est pas justifié par la société LR Gestion d'une demande de prêt bancaire reçu de l'offre du 11 juin 2018, - juger en conséquence que le délai applicable à la société LR Gestion pour la régularisation de la vente était de un mois à compter du 11 juin 2018, - constater qu'entre le 5 juillet 2018 date de notification au vendeur de l'acceptation du droit de préemption et le 5 novembre suivant la société LR Gestion n'a pas pris les dispositions nécessaires pour assurer le financement de l'acquisition ni faire établir l'acte d'acquisition par son notaire,
- juger qu'il ne saurait être reproché aux vendeurs de ne pas avoir accepté de régulariser de promesse de vente alors qu'aucune obligation de ce type ne pesait sur eux,- juger qu'il ne saurait non plus être reproché aux vendeurs d'avoir refusé d'acquitter les frais du notaire de l'acquéreur,- juger la société LR Gestion mal fondée à invoquer devant la cour sa propre turpitude résultant de sa tentative d'obtenir un précontrat non prévu par la loi et la prise en charge des frais de son notaire par les vendeurs,
- juger que LR Gestion ne justifie pas d'un recours à un financement bancaire,- juger qu'en application de l'article L145-46-1 du Code de commerce alinéa 2 la vente n'ayant pas été réalisée au 5 novembre 2018, " l'acceptation de l'offre de vente est devenue sans effet ",- confirmer le jugement déféré,
- rejeter toute demande formée par la société LR Gestion,- la condamner au paiement de la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- la condamner aux entiers dépens.
A cet effet, M. [X] fait valoir que :
- il n'a jamais accepté le principe de la rédaction d'une promesse de vente non prévue par l'article L. 145-46-10 du code de commerce et n'a pas même été informé de cette demande de rédaction d'acte;; - la société LR Gestion, qui a attendu 6 mois après l'expiration du délai de 4 mois prévu par la loi pour demander la régularisation de la vente, n'a procédé à aucune diligence pour obtenir son financement alors qu'il disposait des documents nécessaires ainsi qu'en témoigne la précision du dispositif de ses conclusions ; il n'est établi ni que la rédaction d'un précontrat aurait été demandée par une banque quelconque, ni même que la société LR Gestion a interrogé une banque en vue de l'obtention d'un prêt bancaire ; - il n'a commis aucune faute, étant en droit de refuser de régler des frais de notaire incombant à l'acquéreur et ou de signer une promesse de vente non prévue par la loi, alors que la société LR Gestion n'avait accompli aucune diligence pour le financement de l'acquisition ;
- la demande subsidiaire de la société LR Gestion, tendant à voir dire la vente parfaite, est irrecevable étant donné qu'il s'agit d'une demande nouvelle et qu'il n'est pas justifié de la demande au fichier immobilier ; elle est de plus infondée, la société LR Gestion ne justifiant pas d'une demande d'emprunt formée à réception de l'offre de vente ; - la demande de dommages et intérêts au titre des loyers versés doit être rejetée, en ce qu'un loyer n'est jamais versé en pure perte puisqu'il est la contrepartie du droit de jouissance des lieux accordé au locataire.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L. 145-46-1, alinéas 1 et 2, du code de commerce dispose : " Lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.
Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet. "
La Cour de cassation est venue préciser le caractère d'ordre public de ces dispositions (Civ. 3ème, 28 juin 2018, n° 17-14.605).
Il résulte de celles-ci qu'en cas d'exercice par le locataire commercial de son droit de préférence, une distinction est effectuée suivant que le locataire entend recourir à un emprunt ou non : - soit le locataire accepte l'offre de vente sans cette réserve auquel cas la vente est immédiatement formée à la date de l'acceptation ; - soit le locataire précise vouloir recourir à un emprunt et son acceptation est " subordonnée à l'obtention du prêt ", ce qui implique que la vente n'a pas force obligatoire entre les parties tant que le prêt n'est pas obtenu.
Dans les deux cas, la " réalisation de la vente ", c'est-à-dire le paiement du prix et le transfert de propriété constaté par acte authentique, qui doit intervenir dans un certain délai, est érigée en condition du contrat de vente.
En l'espèce, il est constant qu'en dépit de sa réponse à l'offre de vente, qu'elle a adressée le 5 juillet 2018 au mandataire du vendeur faisant état de son souhait de recourir à un emprunt, la société LR Gestion n'a accompli aucune diligence afin d'obtenir un prêt, ne serait-ce que l'accord de principe d'une banque, de sorte qu'il ne peut être considéré que la vente était conclue à la date du 5 juillet 2018.
Quant à la demande du mandataire du vendeur, à destination des notaires, de " rédiger un compromis de vente " conformément au souhait du locataire (courriel du 24 juillet - pièce LR Gestion n° 4), il apparaît, d'une part, qu'un tel formalisme n'est pas prévu par la loi, d'autre part, qu'une telle déclaration, à supposer qu'elle recèle un engagement de la part du vendeur, ne consiste qu'en une obligation de faire et, à ce titre, ne peut se résoudre qu'en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur.
Il en résulte que la volonté de M. [X], relayée par son notaire, de ne pas " donner suite au dossier " (courriel du 13 septembre - pièce LR Gestion n° 9) qui, à cette époque, consistait en la préparation d'un compromis de vente, ne peut être sanctionnée par la régularisation forcée d'une promesse de vente.
En outre, dans le cas de l'exercice par le locataire commercial de son droit de préférence, une telle promesse de vente ne pourrait valoir vente au sens de l'article 1589 du code civil, dès lors que l'article L. 145-46-1 du code de commerce, qui est d'ordre public, conditionne l'efficacité de l'acceptation de l'acquéreur souhaitant recourir à un emprunt à l'obtention de son prêt. A fortiori, une promesse sous condition suspensive d'obtention d'un prêt non assortie d'un délai ne répond pas aux strictes exigences de délai posées par ce texte.
Au surplus, si la société LR Gestion prétend qu'une promesse de vente lui est indispensable pour pouvoir prétendre à un financement bancaire, force est de constater que cette affirmation n'est aucunement étayée puisque l'appelante ne verse aux débats aucune pièce attestant de démarches quelconques effectuées auprès d'établissements bancaires et a fortiori d'un refus opposé par ces derniers tenant à l'insuffisance des pièces produites relatives à la vente projetée.
Il n'est ainsi aucunement démontré que M. [X] a fait obstacle à la vente, alors qu'il a clairement pu affirmer, par l'intermédiaire de son notaire, son souhait de parvenir à une vente sans le recours préalable à une promesse de vente (courriel du 23 octobre 2018 - pièce LR Gestion n° 10) et qu'il n'est pas démontré, d'une part que les " pièces relatives à la consistance du bien " étaient nécessaires à l'obtention du prêt, d'autre part que M. [X] a refusé de les communiquer dans le cadre de la préparation de la vente.
Il ne peut donc être fait droit à la demande de la société LR Gestion tendant à voir ordonner sous astreinte à M. [X] de lui communiquer " l'intégralité des pièces nécessaires à la perfection de la vente " et de " régulariser une promesse de vente sous condition suspensive de financement ".
Pour les mêmes motifs, bien que recevable comme poursuivant les mêmes fins que celle soumise au
premier juge et comme n'étant pas soumise à l'obligation de publication prévue par l'article 30 § 5 du décret du 4 janvier 1955, la demande de vente forcée sans condition d'obtention d'un prêt ne peut qu'être rejetée, étant relevé que la société LR Gestion entend recourir à un emprunt, ce qui apparaît incompatible avec la reconnaissance d'une vente parfaite.
Enfin, si le " refus de donner de suite " du vendeur a pu créer un trouble dans l'esprit du candidat acquéreur entre le 13 septembre et le 23 octobre 2018, il s'agit toutefois d'un positionnement dénué en lui-même d'effet juridique, le vendeur ne pouvant en effet rétracter son offre de vente, laquelle demeure valable tant que les délais laissés au locataire pour exercer son droit de préférence et obtenir la réalisation de la vente ne sont pas écoulés.
Ainsi, ce que la société LR Gestion analyse comme une rétractation de l'offre de vente, mais qui en réalité se comprend comme une renonciation à recourir à une promesse de vente par souci d'économie de temps et d'argent, n'a pas fait obstacle à la réalisation de la vente qui présupposait l'obtention du prêt et n'a donc pas causé le préjudice invoqué tenant au paiement des loyers, l'échec de la vente étant entièrement imputable à la société LR Gestion.
L'appelante sera donc également déboutée de ses demandes de dommage-intérêts.
La société LR Gestion succombant, les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
Outre les dépens de l'instance d'appel, la société LR Gestion réglera à M. [X] une indemnité de 4 000 euros destinée à l'indemniser des frais irrépétibles qu'il a dû exposer en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. [X],
Déboute la société LR Gestion de ses demandes,
Condamne la société LR Gestion à régler à M. [F] [X] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société LR Gestion aux dépens de l'instance d'appel.