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Décisions

CA Nîmes, 1re ch., 4 juillet 2024, n° 23/00819

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 23/00819

4 juillet 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/00819 - N°Portalis DBVH-V-B7H-IXST

AG

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CARPENTRAS

31 janvier 2023 RG:21/01832

[U]

C/

[M]

[O] EP. [M]

Grosse délivrée

le 04/07/2024

à Me Caroline Beveraggi

à Me Marie Blanchard

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 04 JUILLET 2024

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire de Carpentras en date du 31 janvier 2023, N°21/01832

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Audrey Gentilini, conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,

Mme Delphine Duprat, conseillère,

Mme Audrey Gentilini, conseillère,

GREFFIER :

Mme Audrey Bachimont, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 juillet 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

INTIMEE A TITRE INCIDENT

Mme [F] [U]

née le 18 mai 1961 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Caroline Beveraggi de la Scp Penard-Oosterlynck, postulante, avocate au barreau de Carpentras

Représentée par Me Jean Pollard de la Selarl Cabinet JP, plaidant, avocat au barreau de Valence

INTIMÉS :

APPELANTS A TITRE INCIDENT

M. [R] [M]

né le 01 juin 1983 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Marie Blanchard, plaidant/postulant, avocate au barreau de Carpentras

Mme [P] [L] [O] épouse [M]

née le 28 décembre 1984 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie Blanchard, plaidant/postulant, avocate au barreau de Carpentras

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 04 juillet 2024, par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte authentique reçu le 15 juin 2018 par Me [E], notaire à [Localité 7] (Drôme), Mme [F] [U] a vendu à M. [R] [M] et son épouse [P] née [O] une maison à usage d'habitation [Adresse 1] à [Localité 4] (Vaucluse) au prix de 200 000 euros.

Arguant d'infiltrations survenues au cours du mois d'août 2018 à la suite d'un épisode pluvieux, M. et Mme [M] ont mandaté un huissier de justice qui a établi un procès-verbal de constatations le 19 avril 2019, puis interrogé la venderesse qui a admis qu'en 2015 une fuite en toiture avait été réparée par son compagnon.

Par ordonnance du 18 décembre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Carpentras a ordonné une expertise confiée à M. [C], qui a déposé son rapport le 16 septembre 2020.

Par acte du 13 décembre 2021, M. et Mme [M] ont saisi en réparation de leur préjudice, du fait du vice caché affectant le bien vendu le tribunal judiciaire de Carpentras qui par jugement du 31 janvier 2023 :

- a condamné Mme [U] à leur payer les sommes de :

- 25 249,40 euros TTC, indexée sur l'indice du coût de la construction à compter du 16 septembre 2020, date du dépôt du rapport de l'expert jusqu'au jugement puis avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- 12 300 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

- l'a condamnée aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,

- l'a condamnée à payer à M. et Mme [M] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a rejeté toutes les autres demandes.

Par déclaration du 2 mars 2023, Mme [U] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 6 mars 2024, la procédure a été clôturée le 23 mai 2024 et l'affaire fixée à l'audience du 6 juin 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées le 21 novembre 2023, Mme [F] [U] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement

et statuant à nouveau

à titre principal,

- de débouter M.et Mme [M] de l'intégralité de leurs demandes en reconnaissance de responsabilité au titre des vices cachés,

à titre subsidiaire

- de les débouter de leur demande indemnitaire au titre du préjudice de jouissance,

en tout état de cause

- de les débouter de leur demande de complément d'expertise et de toutes leurs demandes, fins et prétentions contraires, de les condamner à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle relève à titre liminaire que l'expert a constaté l'existence de travaux de reprise visibles et connus des acquéreurs, et inclus dans son rapport des désordres non visés par ceux-ci, qui doivent être écartés des débats et qui en tout état de cause étaient visibles lors de la vente.

Pour voir écarter sa responsabilité, elle se prévaut du fait que les désordres en toiture étaient apparents et que les acheteurs en étaient informés, que les désordres d'infiltrations sont la conséquence d'un désordre visible, et que l'expert n'a relevé aucune intention de camouflage.

Elle prétend qu'un complément d'expertise n'est pas justifié, que les acquéreurs ne rapportent la preuve d'aucun lien entre de nouveaux désordres constatés et les vices affectant la toiture, et étaient en mesure de se prémunir contre leur survenue en faisant réaliser les travaux réparatoires, dès lors qu'elle a commencé à exécuter la décision.

Elle ajoute que seule une partie du toit est affectée, et que les acquéreurs ne peuvent solliciter sa condamnation au paiement de sa réfection intégrale.

Subsidiairement, elle prétend qu'elle n'est pas responsable du préjudice de jouissance allégué par les acquéreurs qui ont tardé à saisir la juridiction après le dépôt du rapport d'expertise.

Enfin, elle conteste toute responsabilité pour dol, en l'absence d'intention de camoufler les désordres, et tout manquement à l'obligation d'information, dès lors qu'elle a informé les acquéreurs des travaux réalisés sur une partie de la toiture.

Par conclusions notifiées le 28 août 2023, M. et Mme [M] demandent à la cour :

- de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a condamné Mme [U] à leur payer la somme de 25 249,40 euros TTC et la somme de 12 300 euros,

Statuant à nouveau

- d'ordonner avant dire droit un complément d'expertise afin de faire toutes constatations utiles sur l'existence des vices ou non-conformités allégués dans leur assignation et leurs conclusions ultérieures, indiquer leurs conséquences sur la solidité et l'étanchéité, évaluer les travaux de remise en état à effectuer et les préjudices de toute nature résultant des vices,

- de condamner Mme [U] au règlement d'une provision d'un montant suffisant pour couvrir la consignation à valoir sur les honoraires de l'expert,

- de surseoir à statuer,

A titre subsidiaire

- de condamner Mme [U] à leur payer la somme de 40 320,02 euros TTC indexée sur l'indice du coût de la construction à compter du 16 septembre 2020 puis avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

A titre encore subsidiaire

- d'ordonner l'indexation de la somme de 25 249,40 euros à la date de l'arrêt à intervenir,

- de condamner Mme [U] à leur payer les sommes de :

- 7 995 euros en réparation de leur préjudice de jouissance pour la période allant du 9 août 2018 au 31 octobre 2021,

- 307,50 euros par mois à compter du 1er novembre 2021 jusqu'à l'expiration d'un délai de cinq mois nécessaire pour débuter les travaux à compter de l'arrêt à intervenir auquel s'ajoute le mois de durée des travaux,

A titre encore subsidiaire

- de condamner Mme [U] à réparer l'intégralité des préjudices subis du fait du dol commis,

A titre infiniment subsidiaire

- de la condamner à réparer l'intégralité des préjudices subis du fait du manquement à son obligation d'information,

En tout état de cause

- de la condamner à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure d'appel, en ce compris les frais d'expertise complémentaire.

Ils répliquent :

- que l'expert a constaté des réparations sur l'intégralité du faîtage, préexistantes à la vente et dont la venderesse ne les a pas informés, qu'ils n'avaient aucun moyen de déceler, n'étant pas montés sur le toit,

- que les infiltrations d'eau ont causé d'importants dommages, qui sont antérieurs à la vente et qu'ils n'avaient aucun moyen de déceler, n'ayant pas visité l'immeuble par temps de pluie,

- que la mission de l'expert n'était nullement limitée aux désordres visés dans l'assignation, et qu'il a pu constater d'autres désordres, notamment dans le studio,

- que postérieurement aux opérations d'expertise, ils ont été confrontés à une aggravation des désordres,

- que le fait que des réparations en toiture soient apparentes ne rend pas le vice affectant l'étanchéité de l'immeuble apparent,

- que la venderesse avait connaissance des désordres, ayant personnellement réalisé des travaux pour tenter d'y remédier,

Au soutien de leur appel incident et à titre subsidiaire, ils font état d'une aggravation des désordres de nature à justifier l'augmentation des montants alloués, et du fait que la responsabilité délictuelle de la venderesse est engagée sur le fondement de l'article 1241 du code civil, en raison du dol commis par elle

- à titre encore subsidiaire, ils reprochent à la venderesse un manquement à son devoir d'information.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'action en garantie des vices cachés

Aux termes de l'article 1641 du code civil le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Aux termes de l'article 1642 du même code le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

La mise en 'uvre de la garantie des vices cachés suppose ainsi la démonstration d'un vice inhérent à la chose et compromettant son usage, nécessairement caché c'est-à-dire non apparent, et non connu de l'acheteur, dont la cause est antérieure à la vente.

Aux termes de l'article 1643 du même code le vendeur non professionnel est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

En l'espèce, il n'est pas contesté que page 16 le contrat de vente exonère expressément la venderesse de la garantie des vices cachés.

Touefois il peut être fait échec à cette clause si les acheteurs prouvent sa mauvaise foi.

Pour juger que le bien vendu était affecté de vices cachés, le tribunal a retenu qu'on ne pouvait attendre d'un acheteur profane qu'il accède aux combles et à la toiture, qu'il existait de nombreuses traces d'infiltrations dans la maison dissimulées par un revêtement PVC et que la venderesse n'avait pas informé les acheteurs des travaux réalisés en toiture pour mettre fin à un premier épisode d'infiltrations.

Il a considéré que ces vices qui préexistaient à la vente rendaient le bien impropre à sa destination, les acquéreurs n'ayant réalisé aucuns travaux depuis leur entrée dans les lieux et que la venderesse ne pouvait se prévaloir de la clause de non-garantie en raison de sa réticence.

Sur les vices affectant le bien, leur caractère caché et leur antériorité

Deux accédits se sont tenus. Lors du premier, les lieux ont été visités et lors du second, il a été procédé à des tests d'arrosage sur la toiture au droit des zones litigieuses.

A l'issue, l'expert a constaté les désordres suivants :

- quatre tuiles de couvert en terre cuite sont détériorées mais « ce constat est sans incidence sur l'étanchéité de la toiture, tenant la présence de plaques sous tuiles en fibres ciment »,

- la membrane étanche située sous les tuiles est décollée, fissurée, déchirée ou détériorée : tout le faîtage a été traité en réparation avec une couche de «DIP Etanch» (revêtement d'étanchéité pour toitures fissurées, à base de résines acryliques qui empêche l'eau de pénétrer dans le support) et de nombreuses réparations en «DIP Etanch» coloré sont visibles sur les plaques sous tuiles notamment sur le versant nord,

- en sous-toiture, des dommages importants concernant les panneaux en aggloméré de bois qui sont déformés, localement effondrés et portent des traces d'infiltrations importantes sur le versant nord surplombant les chambres 1, 2 et 3,

- d'importantes auréoles d'humidité sous le rampant,

- dans le placard de la chambre 3, des traces d'infiltrations en plafond, des traces de coulures sur la paroi nord et des moisissures dans le bas,

- dans la chambre 2, des traces de coulures verticales sur le mur séparatif avec la chambre 3 ainsi qu'un trou dans le plancher saturé d'humidité, avec des traces de moisissures et de pourriture sous le revêtement plastique,

- dans le studio côté sud, des traces d'infiltrations au bas du versant côté gauche dans la salle de bains avec début de moisissures, des traces d'infiltrations anciennes côté est entre les deux pannes de versant dans la buanderie et une auréole d'humidité en bas de versant dans la cueillie du plafond de la chambre.

Concernant les désordres en toiture, comme l'a parfaitement relevé le premier juge, la venderesse ne rapporte pas la preuve qu'elle a informé les acquéreurs des réparations effectuées par l'application de DIP Etanch avant la vente, dès lors qu'il ressort des échanges de SMS entre elle et Mme [M] qu'elle ne l'a fait qu'après que cette dernière lui a fait part des infiltrations survenues à la suite d'un épisode pluvieux.

Néanmoins, l'expert indique que «les interventions en réparation (') sont visibles», que ces «réparations (colorées) étaient parfaitement visibles» de même que les dommages dans les combles.

En outre, il ressort tant du rapport d'expertise que du procès-verbal de constat qu'un simple examen visuel de la toiture permettait de s'apercevoir que la membrane étanche située sous les tuiles, correspondant à du DIP Etanch, était décalée, fissurée, déchirée ou détériorée, ce d'autant plus qu'elle est colorée ; qu'un examen, même rapide, des combles, permettait de constater que des plaques d'aggloméré fixées sous les tuiles étaient cassées, fissurées, fendues, déchirées ou comportaient d'importantes traces d'humidité.

C'est ainsi à tort que le premier juge a considéré qu'on ne pouvait attendre d'un acquéreur profane qu'il accède à la toiture ou aux combles pour en vérifier l'état, et c'est à tort également que les acquéreurs font valoir qu'une visite du toit et des combles ne leur aurait pas permis, en tant que profanes, d'analyser l'ampleur des désordres.

En effet, ils déclarent dans leur dire n°1 à l'expert qu'ils « n'avaient pas conscience que la teinte colorée de la toiture était en lien avec la pose de DIP Etanch », admettant ainsi avoir vérifié l'état de la toiture. Quant aux combles, ils admettent s'être «contentés de passer la tête par la trappe d'accès ».

Il en résulte qu'aucune difficulté technique ou de conception ne les a empêchés de faire une visite des combles et qu'ils sont bien montés sur le toit mais n'ont pas fait preuve de curiosité alors que leur attention ne pouvait qu'être attirée par la vétusté manifeste de la toiture.

Il est donc établi que les vices affectant les combles et la toiture étaient apparents lors de la vente et il ne peut en conséquence être reproché à Mme [U] de ne pas avoir indiqué aux acquéreurs que des réparations avaient été réalisées.

Concernant les désordres affectant les chambres, l'expert a conclu que le «constat de ce type de désordres ne peut se faire qu'à l'occasion de pluies soutenues, permettant ainsi à un profane de constater la manifestation des infiltrations sur les parois horizontales et/ou verticales» et que «par voie de conséquence, les visites de l'immeuble par temps sec ne permett(ai)ent pas à un profane de déceler les désordres ». Il ajoute que ces désordres à type d'infiltrations relèvent «exclusivement et incontestablement de l'état de vétusté de la couverture et notamment des plaques sous tuiles en fibres de ciment qui sont dégradées, fissurées et poreuses sur les zones infiltrées, chambre 2 et 3 notamment ».

Ainsi, même une visite des combles et de la toiture n'aurait pas permis aux acquéreurs d'avoir connaissance de ce vice dans son ampleur ni de ses conséquences, ses premières manifestations n'étant apparues que lors d'un fort épisode pluvieux, et il constitue par conséquent un vice caché.

L'appelante prétend que les désordres relevés affectant le studio doivent être écartés des débats puisqu'ils n'étaient pas visés dans l'assignation en référé initiale.

En effet, l'ordonnance de référé du 18 décembre 2019 a donné mission à l'expert de « décrire les désordres visés par l'assignation », et celui-ci a relevé dans son rapport que « l'assignation ne fait pas état des micros infiltrations constatées dans la partie studio, en bas du versant sud ».

La mission était ainsi clairement circonscrite aux désordres visés dans l'assignation et les intimés ne peuvent sérieusement prétendre que ces termes renvoient à leur assignation dans son ensemble, et que la mission d'expertise était ainsi étendue aux désordres visés à leurs conclusions ultérieures.

Dans la mesure où les désordres relevés affectant le studio de la maison ne figuraient pas au nombre de ceux listés dans l'assignation, ils auraient dû, dès qu'ils ont été révélés aux parties, faire l'objet d'une demande d'extension de la mission de l'expert.

Néanmoins, la sanction de cette absence d'extension de mission est l'irrecevabilité des demandes formées au titre de ces désordres, qui n'est pas demandée par l'appelante.

Comme pour les infiltrations constatées dans les chambres, il ressort du rapport d'expertise que celles affectant le studio n'étaient pas visibles par temps sec, que les acquéreurs n'ont donc pas pu les constater lors des visites préalables à la vente et qu'elles ne se sont manifestées que postérieurement, après des épisodes de fortes pluies.

Ces vices sont antérieurs à la vente, dès lors qu'ils trouvent leur cause dans la vétusté de la toiture et que l'état de pourrissement du plancher dans la chambre 2 révèle une humidité ancienne.

Sur la connaissance des vices par la venderesse

L'expert a refusé de se prononcer sur la volonté de dissimuler ou de camoufler ces désordres, « l'éventuelle intentionnalité de masquage des dommages » ne relevant pas « d'éléments formels vérifiables ».

Cependant, il a relevé que « la vétusté de la couverture était parfaitement connue du vendeur qui a consenti des travaux de maintenance et de réparation significatifs » et que « les habillages de certains murs et des plafonds intérieurs en matériaux PVC constituent un élément décoratif pouvant être apparentés à une remise en état des supports murs et plafonds détériorés par les infiltrations et les conséquences de la vétusté de la couverture » ; que le sol de la chambre 2 est 'détérioré'par la pourriture et est « recouvert d'un revêtement plastique susceptible de dissimuler le désordre ».

L'appelante verse aux débats des photographies de certaines pièces (chambre «principale», couloir et plafonds) insuceptibles de démontrer qu'elle n'avait pas connaissance de ces vices. En effet, outre que la date de ces photographies n'est pas certaine et que leur qualité ne permet pas de se rendre compte de l'état des pièces, il ne ressort pas du rapport d'expertise que le couloir, le plafond de la salle à manger et l'entrée d'une chambre aient été affectés par les infiltrations constatées.

Enfin, si l'appelante a procédé à des réparations en toiture ce n'est que comme l'a parfaitement relevé le premier juge, parce qu'elle savait que son mauvais état engendrait des infiltrations ayant occasionné des dégradations.

La preuve de la connaissance des vices dans toute leur ampleur est ainsi rapportée.

Sur l'impropriété à la destination

L'expert conclut que « les désordres par infiltrations en provenance de la couverture sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, y compris en cela à porter atteinte à la santé des occupants en cas d'évolution et d'apparition de moisissures'.

Les vices affectant le bien vendu, consistant en des infiltrations dans plusieurs pièces de la maison et le pourrissement du sol d'une chambre sont inhérents au bien comme causés par la vétusté de la toiture, ont été cachés dès lors que cette vétusté même apparente n'a pas permis aux acquéreurs d'avoir connaissance de leur impact sur l'habitabilité du bien, la vente ayant eu lieu à une période où les phénomènes pluvieux importants n'avaient pas encore débuté, rendent le bien impropre à sa destination en ce que celui-ci n'assure plus sa fonction de couvert, engendrent des risques pour la santé de ses occupants, et étaient connus de la venderesse.

La responsabilité de celle-ci est par conséquent engagée sur le fondement de la garantie des vices cachés, et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes indemnitaires

Sur la demande de complément d'expertise

Les intimés formulent cette demande au motif que de nouveaux désordres causés par des infiltrations d'eau résultant du vice affectant la toiture seraient apparus, que l'expert a sous-estimé l'ampleur des travaux à réaliser puisqu'aucune des entreprises contactées n'a accepté d'intervenir sans procéder à la réfection complète de la toiture, contrairement à ce que préconisé par l'expert et retenu par le tribunal, et que l'augmentation du coût des matériaux rend le chiffrage réalisé obsolète .

L'appelante s'oppose à cette demande au motif que les nouveaux désordres invoqués ne sont pas établis et qu'en réalité, les intimés n'acceptent pas les préconisations de l'expert.

Ceux-ci versent aux débats un procès-verbal de constat daté du 8 décembre 2021, constatant une aggravation des désordres dans le studio. Ils produisent également des photographies, non datées, montrant des traces de pourriture sur le plancher bois, sous le revêtement.

Néanmoins, ces éléments ne suffisent pas à justifier que soit ordonné un complément d'expertise, s'agissant de désordres constatés plus de trois ans après la vente, et dont il n'est pas établi que leur existence aurait un impact sur le montant des travaux à entreprendre, consistant en une réfection partielle de la toiture.

L'expert a préconisé les travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres suivants :

- la dépose des ouvrages à remplacer sur le versant nord au-dessus des chambres 1, 2 et 3,

- la couverture de remplacement,

- la révision de la couverture en versant sud au-dessus de la partie studio,

- les travaux intérieurs (les 3 chambres, le studio et le velux de la salle à manger),

pour un montant total estimé à 25 249,40 euros TTC.

Pour contester ce chiffrage, M.et Mme [M] versent aux débats :

- un courrier du 7 septembre 2020 de la société BP Charpente Couverture Zinguerie qui considère que « l'expertise n'est pas complète et doit comprendre la toiture entière et non pas qu'un côté »,

- un courriel du 10 février 2021 du gérant de la société Suze Bâtiment refusant de chiffrer la réparation partielle de la toiture et conseille d'envisager une réfection complète,

- un devis établi le 13 avril 2021 par la société Quali'toiture, mis à jour le 20 septembre 2022, pour une réfection totale, d'un montant de 40 320,02 euros TTC.

L'expert a exclu la nécessité d'une réfection totale de la toiture au motif que « le principe réparatoire ne concerne que les surfaces des désordres ». Il a toutefois complété le chiffrage initial en ajoutant la réalisation d'un solin et du châssis du Velux sur la salle à manger.

Il est rappelé que la toiture est vétuste et comporte des plaques de fibres ciment (amiante).

Cette vétusté était connue des acheteurs ou aurait dû l'être étant donné qu'elle était apparente et seuls peuvent donc être pris en compte les travaux réparatoires destinés à mettre fin aux infiltrations.

Un complément d'expertise ne remettrait pas en cause ce principe et n'est dès lors pas justifié.

Enfin, les intimés ne démontrent pas en quoi le chiffrage de l'expert, indexé sur l'indice du coût de la construction, n'aurait pas tenu compte de l'augmentation du coût des matériaux.

Ils seront par conséquent déboutés de leur demande de complément d'expertise.

Sur l'action estimatoire

Aux termes de l'article 1644 du code civil, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire restituer une partie du prix.

L'expert a conclu que les désordres constatés étaient de nature à diminuer la valeur de l'immeuble vendu, à hauteur des travaux de remise en état, chiffrés à 25 249,40 euros TTC.

Les intimés demandent de porter ce montant à 40 320,02 euros, montant du devis actualisé de la société Quali'toiture pour la réfection complète de la toiture, y compris dépose de l'amiante, travaux sans lien direct avec les désordres constatés et leur origine et ce montant ne peut donc être retenu au titre de la réduction du prix.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné Mme [U] à payer à M. et Mme [M] la somme de 25 249,40 euros TTC, indexée sur l'indice du coût de la construction à compter du dépôt du rapport d'expertise jusqu'au jugement.

Sur le préjudice de jouissance

Aux termes de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Pour fixer le montant du préjudice de jouissance causé aux acquéreurs à la somme de 12 300 euros, le premier juge, se basant sur 20% de la valeur locative telle que fixée par l'expert, a fixé le début de ce préjudice au 9 août 2018, date à laquelle ils ont informé la venderesse des désordres constatés, et sa fin à l'expiration d'un délai de cinq mois, nécessaire à l'engagement des travaux à compter du prononcé du jugement outre un mois pour la durée de ces travaux.

L'expert ayant retenu que « la récurrence des infiltrations dans les chambres 2 et 3 ainsi que dans le studio, à l'occasion de pluies soutenues, est de nature à créer un réel préjudice de jouissance » a proposé de fixer ce préjudice à 20% de la valeur locative de l'immeuble, estimée à 950 à 1100 euros par mois.

Les intimés n'établissent pas que l'aggravation des dommages dont ils se prévalent les empêcherait désormais de jouir du studio et qu'il serait inutilisable.

En outre, le jugement étant assorti de plein droit de l'exécution provisoire, ils pouvaient engager les travaux réparatoires préconisés par l'expert.

Leur demande tendant à étendre leur préjudice de jouissance de six mois à compter de l'arrêt à intervenir n'est dès lors pas justifiée.

Par conséquent, le jugement sera confirmé.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [U] aux dépens, mais infirmé en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. et Mme [M] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et cette somme ramenée à 2 000 euros.

Mme [U], qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens de la procédure.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais engagés et non compris dans les dépens et l'appelante sera condamnée à leur payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du 31 janvier 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Carpentras sauf en ce qu'il a condamné Mme [F] [U] à payer à M. [R] [M] et Mme [P] [O] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [F] [U] à payer à M. [R] [M] et Mme [P] [O] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance

Y ajoutant,

Déboute M. [R] [M] et Mme [P] [O] de leur demande de complément d'expertise,

Condamne Mme [F] [U] aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne Mme [F] [U] à payer à M. [R] [M] et Mme [P] [O] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE