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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-3, 4 juillet 2024, n° 21/06698

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Époux

Défendeur :

Époux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perret

Conseillers :

M. Maumont, Mme Girault

Avocats :

Me Care, Me Dontot, Me Le Flour, Me Manchon, Me Mayet

TJ Chartres, 1re ch., du 22 sept. 2021, …

22 septembre 2021

FAITS ET PROCEDURE :

Par acte authentique en date du 2 octobre 2020, M. [H] [P] et Mme [A] [B] ont vendu une maison d'habitation située [Adresse 6] à M. [F] [J] et Mme [W] [C] moyennant le prix de 167 000 euros.

Cette acquisition s'est effectuée par l'intermédiaire de Mme [L] [T], mandataire, dont les honoraires de négociation de 7 000 euros ont été réglés par les acquéreurs.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 octobre 2020, M. [J] et Mme [C] se sont plaints de la découverte de vices cachés auprès des vendeurs et leur ont proposé une issue amiable.

Par courrier du 2 novembre 2020, M. [H] [P] et Mme [A] [B] leur ont opposé la clause de l'acte de vente excluant tout recours contre le vendeur en raison des vices affectant le bien.

Par acte d'huissier en date des 12 et 17 mai 2021, M. [J] et Mme [C] ont assigné à jour fixe M. [P], Mme [B] et Mme [T] sur le fondement des articles 1131, 1137,1240, 1603, 1641, 1644, 1645 et 1178 du code civil.

Par jugement du 22 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Chartres a :

- ordonné la résolution de la vente par M. [P] et Mme [B] du bien immobilier situé [Adresse 6], cadastré E[Cadastre 8], d'une contenance de 02a l3ca, à M. [J] et Mme [C], par acte notarié établi le 2 octobre 2020 par Me [O] [E], moyennant le prix de 167 000 euros,

- précisé que cette résolution de plein droit a rétroagi à la date de la conclusion du contrat qui est réputé n'avoir jamais existé entre M. [P] et Mme [B] d'une part, et M. [J] et Mme [C] d'autre part,

- condamné solidairement M. [P] et Mme [B] a payer à M. [J] et Mme [C] la somme de 167 000 euros en restitution du prix de vente et ordonné à M. [J] et Mme [C] de restituer simultanément le bien vendu a M. [P] et Mme [B],

- condamné solidairement M. [P] et Mme [B] à payer à M. [J] et Mme [C] les sommes suivantes:

* en réparation de leur préjudice matériel...............................................................21 553,30 euros,

* à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral.........................................................................................................................1 952,47 euros,

- débouté M. [P] et Mme [B] de leur demande de délais de paiement,

- dit que Mme [T] a engagé sa responsabilité à l'égard de M. [J] et Mme [C] pour manquement à son devoir d'information et de conseil,

En conséquence,

- condamné Mme [T] in solidum avec M. [P] et Mme [B] à payer à M. [J] et Mme [C], les sommes sus arrêtées de 21 553,30 euros en réparation de leur préjudice matériel et de l 952,47 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral,

- ordonné la publication du jugement déféré au service de la publicité foncière de [Localité 10] 1,

- condamné in solidum M. [P], Mme [B] et Mme [T] à payer à M. [J] et Mme [C] la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [P], Mme [B] et Mme [T] de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [P], Mme [B] et Mme [T] aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par acte du 8 novembre 2021, les époux [P] ont interjeté appel du jugement et prient la cour, par dernières écritures du 19 janvier 2024, de :

- de les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes, y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- rejeter la demande de résolution de la vente et toutes les demandes à caractère indemnitaire,

- condamner M. [J] et Mme [C] à payer aux concluants la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Subsidiairement,

- accorder aux concluants un délai de grâce de deux ans pour régler toute condamnation qui pourrait être prononcée contre eux.

Par dernières écritures du 25 février 2022, Mme [T] prie la cour de :

- la recevoir en son appel incident et ses explications,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée solidairement avec M. et Mme [P] au paiement des sommes de 21 553,30 euros et 1 952,47 euros, outre à celle de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, au profit de M. [C] et M. [J],

Statuant à nouveau,

- juger que les conditions de mise en oeuvre de sa responsabilité ne sont pas réunies,

- débouter Mme [C] et M. [J] des demandes qu'ils pourraient formuler à son encontre,

- débouter toutes parties des demandes qu'elles pourraient formuler à son encontre,

- condamner la partie défaillante au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières écritures du 18 octobre 2023, Mme [C] et M. [J] prient la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf à actualiser les préjudices matériel, de jouissance et moral qu'ils ont subis,

Statuant à nouveau,

- condamner solidairement M. et Mme [P] et Mme [T] à leur verser les sommes suivantes:

* en réparation de leur préjudice matériel à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir..31 439,45 euros

* à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ..... 15 000 euros

* à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.......................5 000 euros,

- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

En tout état de cause,

- condamner solidairement M. et Mme [P] et Mme [T] à leur payer la somme de

10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. et Mme [P] et Mme [T] au paiement des entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2024.

SUR QUOI

Pour accueillir les demandes de M. [F] [J] et Mme [W] [C], le tribunal a considéré que les vices dont était affectée la maison vendue étaient antérieurs à la vente, cachés, d'une nature et d'une ampleur à rendre le bien inhabitable.

Concernant Mme [T], les premiers juges ont estimé qu'elle avait commis une faute délictuelle en ne transmettant pas aux acheteurs une étude de structure avant la vente et en n'attirant pas leur attention sur les contradictions existant entre l'état du bien immobilier et les déclarations des vendeurs. Ils soulignent qu'elle avait eu son attention attirée par l'ondulation de la toiture et s'est pourtant contentée d'une investigation superficielle et incomplète de la part d'un couvreur.

Au soutien de leur appel, les vendeurs, M. [H] [P] et Mme [A] [B], contestent essentiellement la portée et la gravité des travaux entrepris dont ils ne remettent pas en cause la réalité. Ils considèrent seulement qu'il n'est pas établi qu'ils affectent la solidité de l'immeuble.

S'agissant de la présence d'amiante dans la toiture de la cuisine, ils précisent qu'ils ont fait réaliser des travaux de réfection de la toiture par un couvreur professionnel, qui ne semble pas avoir respecté les règles de l'art selon les avis des techniciens mandatés par les acquéreurs. Ils ajoutent que la vente d'une maison amiantée n'est pas interdite mais que le vendeur doit cette information à l'acquéreur, par le biais d'un diagnostic. Selon eux, l'existence de matériaux amiantés, qui pouvaient rester en place à condition d'avoir été revêtus de résine, n'a pas attiré l'attention lors du repérage dédié à l'amiante.

Ils estiment que l'immeuble n'est pas impropre à sa destination, précisant que les constatations ont été effectuées sur le bien par des techniciens partiaux dont les compétences ne sont pas établies, et qui ne se sont pas livrés à un calcul de charges afin de démontrer si la poutrelle métallique en place était insuffisante. Ils exposent avoir ignoré l'existence de ce poteau vertical, indiquant avoir vécu dans la maison pendant plusieurs années sans rien remarquer.

S'agissant du poids du conduit de cheminée, ils disent ne pas avoir caché aux acquéreurs la suppression de la cheminée.

Concernant le mur de refend du garage, celui-ci est totalement apparent, de sorte que son état ne peut pas rentrer selon eux dans la garantie des vices cachés.

M. [F] [J] et Mme [W] [C] , les acheteurs, exposent qu'ils ont découvert, dès leur prise de possession du bien immobilier, qu'un étai de maçon avait été caché derrière un doublage récent de mur en placo-plâtre, ainsi que les débris d'une poutre entièrement rongée derrière la cloison. En comparant leur acte de vente du 2 octobre 2020 avec le précédent du 16 octobre 2013, ils se sont aperçus qu'un mur porteur entre le salon et la salle à manger avait disparu. Ils indiquent que l'expert missionné par leur assureur ainsi que l'assistant de maîtrise d'ouvrage mandaté par eux se sont accordés pour dire que les travaux d'ouverture du mur porteur et l'installation de l'étai de maçon et de la poutre métallique pour soutenir la charpente avaient été réalisés par les vendeurs entre octobre 2013 et octobre 2020, précisant que la charpente et le plancher du premier étage reposaient depuis ces travaux sur un assemblage d'éléments provisoires grossièrement assemblés et non susceptibles de supporter un tels poids, et alors que la cheminée avait été démolie, laissant un conduit de cheminée très lourd sans soutien. Ils ont tous deux déclaré la maison inhabitable en l'état. Ils concluent que ces vices étaient antérieurs à la vente, qu'ils étaient cachés et qu'ils portent atteinte à l'usage normal auquel le bien est destiné.

Ils indiquent par ailleurs avoir découvert la présence d'une toiture ondulée en fibre-ciment contenant de l'amiante au-dessus de la cuisine et des sanitaires. Selon eux, les vendeurs ne pouvaient ignorer la présence d'amiante dans la mesure où le diagnostic amiante annexé à leur propre acte d'achat du 16 octobre 2013 mentionnait la présence de plaques en fibre-ciment amiantée au-dessus des sanitaires, de la salle de bain et de la cuisine, alors que le diagnostic annexé à l'acte de vente du 2 octobre 2020, qui fait état de présence d'amiante dans le garage et le poulailler, ne fait pas référence à la présence d'amiante dans la toiture de la maison. Ils précisent que de l'extérieur, les plaques de fibre-ciment sont recouvertes d'une toiture neuve en "Baccacier", celles-ci étant donc indétectables par simple contact visuel. Dès lors que les vendeurs ont reconnu avoir omis de signaler la présence d'amiante dans la toiture de la maison au diagnostiqueur et aux acquéreurs, ceux-ci estiment que la présence d'amiante constitue un vice caché dont les vendeurs doivent répondre.

Ils ajoutent que d'autres défauts rendent également l'immeuble inhabitable, tels le mur de refend dans le garage menaçant de céder, la présence de bistre dans le conduit de cheminée et l'humidité sur les murs de cuisine.

Ils précisent que ces vices ont été délibérément cachés par les vendeurs, cette circonstance excluant l'application de la clause d'exonération de garantie des vices cachés prévue à l'acte de vente.

Subsidiairement, ils font valoir qu'en dissimulant sciemment les vices très graves affectant le bien immobilier, les vendeurs se sont rendus coupables de réticence dolosive, justifiant que la vente soit annulée.

Quant à Mme [T] qui forme appel incident, elle expose qu'elle n'est pas responsable des vices cachés ni du dol des vendeurs en sa qualité d'agent immobilier. Elle estime qu'aucune faute de sa part n'est démontrée, étant seulement tenue d'une obligation d'information et de conseil.

S'agissant de la toiture, elle indique qu'elle avait remarqué une ondulation de celle-ci, ayant alors invité les vendeurs à questionner un couvreur, qui a dressé une attestation d'absence d'anomalie.

Elle précise qu'elle ne pouvait pas déceler les défauts ou anomalies qui n'étaient pas visibles, puisque ceux-ci n'ont pu être découverts qu'après des investigations menées par des techniciens.

Elle estime également que les demandeurs n'établissent pas de lien de causalité de ses agissements avec leur préjudice, celui-ci découlant des vices cachés et non d'une faute de sa part.

Sur ce,

Sur la résolution de la vente et les relations entre les vendeurs et les acheteurs

En application de l'article 1641 du code civil, " le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ".

L'article 1642 du même code ajoute que " Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même " et l'article 1643 dispose que " le vendeur est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera tenu à aucune garantie "

Le juge doit ainsi examiner si est démontrée l'existence d'un vice suffisamment grave au moment de la vente et si ce vice était connu des vendeurs. Il est par ailleurs conduit à rechercher dans le contrat l'existence d'une clause limitative ou exclusive de garantie en mesure de faire éventuellement obstacle à la mise en jeu de la garantie des vices cachés.

Il ressort en effet de la jurisprudence constante de la cour de cassation, à supposer qu'une clause d'exclusion de garantie ait vocation à s'appliquer, que le vendeur profane ne peut se prévaloir de cette clause dès lors qu'il est établi qu'il avait connaissance du vice de la chose dont il s'est séparé.

La cour procède à une adoption de motifs, jugeant que les moyens soutenus par l'appelant ne font que réitérer, sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels, se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause, et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Les dénégations des vendeurs ne se cantonnent pas aux conséquences des désordres mais touchent en réalité à leur existence même.

Elle rappelle que s'il est de principe qu'un rapport d'expertise judiciaire n'est opposable à une partie que lorsqu'elle a été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut cependant refuser de prendre en considération un rapport d'expertise amiable, dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties et qu'il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve. (Cass civ 1ère, 11 juillet 2018, n° 17-17441). En l'espèce, les vendeurs ont été appelés et ont assisté aux opérations de l'expertise amiable.

Elle ajoute seulement que le dossier des acheteurs est particulièrement étayé, notamment par un procès-verbal d'huissier du 13 novembre 2020 très complet, avec maintes photographies et commentaires accompagnant la mise à bas d'une cloison centrale qui démontre assez que non seulement les défauts qui affectent la structure de la maison sont graves mais encore qu'ils mettent en danger la solidité de l'ouvrage.

Les planchers du premier étage tiennent grâce à un étai de maçon, dispositif par nature temporaire utilisé sur les chantiers, aucun poteau de béton n'a été construit après la destruction du mur porteur et alors que la maison a une importante ossature bois, les restes de la poutre maîtresse totalement rongée par les insectes gisent derrière la cloison destinée à cacher l'étai.

La réalité et la gravité de ces désordres sont encore confortées par le rapport technique du 17 décembre 2020 de la société Houdan Conseil bâtiment qui met en lumière le véritable bricolage autour de l'étai par l'ajout de pièces de bois qui servent de cales, susceptibles de se décaler de la minuscule surface sur laquelle ces pièces sont en contact avec la poutre IPN que l'étai soutient.

Il est conseillé par ce professionnel de limiter autant que possible l'habitation et notamment la marche sur le plancher du premier étage, du fait du risque d'écroulement. Il est significatif de ce point de vue de constater l'importance de la fissure sur la poutre de la chambre du premier étage et sur les pannes intermédiaires laissant penser que la charpente bouge.

Les indications trouvées sur le revêtement de type placo-plâtre positionné le long des menuiseries ainsi que sur les étiquettes collées sur les montant en acier galvanisé montrent qu'il s'agit certainement de matériaux de récupération tout comme la poutre, tous mis en place après les dites menuiseries, donc après 2014, période d'habitation par les vendeurs.

Or, dans l'acte authentique de vente du 2 octobre 2020, il est indiqué qu'aucune rénovation n'a été effectuée dans les dix dernières années ce qui est trompeur et n'incitait pas les acquéreurs à pousser les investigations.

S'ajoutent à ces défauts le poids inquiétant du conduit de fumée et de la souche en toiture, alors qu'aucun renfort n'a été construit après la suppression de la cheminée qui les soutenait et du mur qui la bordait.

L'ensemble des intervenants professionnels de la construction mentionnent que le fait que la poutre soutenue par l'étai ait été positionnée à plat et non pas sur le chant limite sa résistance.

Enfin, c'est encore en ouvrant la trappe vissée au plafond de la cuisine que les acheteurs ont pu apercevoir les tôles fibrociment amiantées sur la totalité de la toiture en partie arrière de la maison, cachées sous la nouvelle couverture métallique "type Bacacier". Les deux ont été vissées l'une sur l'autre, libérant l'amiante. Aucune résine élastomère spécifique n'a été appliquée qui aurait pu limiter la propagation des poussières d'amiante auxquelles les acquéreurs étaient donc exposés sans le savoir.

Au cours de l'expertise amiable, les époux [P] ont reconnu ne pas en avoir informé ni la société de diagnostic ni les acquéreurs.

L'ensemble de ces constatations est encore confirmé par le rapport d'expertise amiable du 12 janvier 2021 auquel M. [P] a été convoqué et dont les parties ont pu débattre, tant sur place que lors des instances judiciaires.

L'expert conclut que la maison ne peut être habitée en l'état. Il souligne le risque d'effondrement à tout instant du garage à cause de l'état du mur de refend qui "ne tient que par une pointe de parpaings" et produit des photographies démontrant amplement cette fragilité.

Ces vices ne pouvaient être décelés par un acheteur profane sans procéder à une démolition complète de la cloison et à une ouverture dans le plafond de la cuisine. Et il est précisément expliqué par ces professionnels de la construction pourquoi M. [P] qui a procédé lui-même à de nombreux travaux dans sa maison et notamment au remplacement des menuiseries (fenêtres) et a rénové tout le rez-de-chaussée n'a pu ignorer l'existence de ces graves défauts mettant en danger la sécurité de ses habitants.

Dans cette mesure, il ne peut avec son épouse invoquer la clause de non-garantie figurant dans l'acte de vente du fait de leur mauvaise foi. Le jugement est confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente.

Sur la responsabilité de Mme [T]

S'il est vrai que l'agent immobilier est un professionnel de l'immobilier et non un professionnel de la construction, il n'en reste pas moins qu'en vertu de son devoir de conseil et d'information, son attention ayant été attirée par l'ondulation de la toiture, Mme [T] se devait de faire la lumière avec un professionnel sur les raisons de ce défaut. Au contraire, elle a gardé par devers elle sans la communiquer aux acquéreurs l'attestation fort peu professionnelle du couvreur qui n'a pas caché avoir seulement regardé une partie de la toiture et n'a donc pas procédé à la moindre investigation pour déterminer les causes de cette ondulation de la toiture.

Il n'en reste pas moins que les vices cachés qui affectent la structure de la maison sont essentiellement dus à la façon dont le premier étage repose sur un assemblage composé de pièces hétéroclites, non conforme, fragile alors que l'ondulation de la toiture n'est pas due à la présence d'amiante et que celle-ci, si elle constitue bien un vice caché dans la toiture au-dessus de la cuisine (mais pas au-dessus du garage et du poulailler), n'aurait pu à elle seule rendre la maison inhabitable et provoquer la résolution de la vente, sauf impossibilité technique de procéder à son enlèvement, ce qui n'est pas allégué par l'expert.

Le lien de l'ondulation et de la suppression du mur porteur n'est pas clairement établi par l'expert non plus, même sommairement.

Dès lors, le lien de causalité entre la faute reprochée à Mme [T] et le préjudice allégué par les acheteurs fait défaut et la mandataire sera mise hors de cause. Le jugement est infirmé sur ce point.

Il n'est pas inéquitable que Mme [T] au regard d'une faute indiscutable, conserve à sa charge les frais engagés pour sa défense. Sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.

Sur les conséquences financières de la résolution

Ayant choisi l'action rédhibitoire, les acquéreurs ont le droit en application des dispositions de l'article 1644 du code civil, de rendre la chose et de se faire restituer le prix .

L'article 1645 du code civil prévoit que "si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur."

En outre, l'article 1178 du même code prévoit qu'"indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle."

Le jugement avait accordé, outre la restitution du prix de vente de 167 000 euros, la somme de 21 553,30 euros en réparation du préjudice matériel des acquéreurs et 1 952,47 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et de leur préjudice de jouissance.

Les intimés, formant appel incident, réclament devant la cour le paiement de la somme de 31 439, 45 euros en réparation de leur préjudice matériel, de celle de 15 000 euros à titre de préjudice de jouissance et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.

M. [F] [J] et Mme [W] [C] ont justifié en première instance avoir engagé les dépenses suivantes relativement au bien et rien ne vient s'opposer à la confirmation du remboursement qu'elles entraînent :

- frais d'acquisition du bien : 13.466,21 euros (9.581 euros de droits d'enregistrement, 165euros de contribution proportionnelle, 1 82,21 euros de prorata de taxes foncières, 3.538 euros de frais et honoraires de notaire)

- frais de prêt : 4.510,92 euros (275,71 euros et 224,29 euros de frais de dossier, 1.103 euros et 897euros de frais de courtier, 1109,02 euros et 901,90 euros de frais de caution),

- frais de travaux et d'entretien de la maison : 1.452,17 euros,

- frais d'huissier et d'assistance maîtrise d'ouvrage : 806 euros (280 euros + 246 euros + 280 euros),

- frais d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire : 1.318 euros,

pour un total de 21.553,30 euros.

S'y ajoutent la taxe foncière de 2021 pour 2 399 euros dont ils justifient.De même, il convient d'actualiser les frais liés à l'emprunt pour un montant de 5 683,63 euros (leurs pièces 47 et 52). Ils ne chiffrent pas directement "l'indemnité de résiliation anticipée des prêts immobiliers et les frais de dossiers supplémentaires" auxquels ils font référence indirectement par le biais du calcul d'une somme globale qui ne laisse pas place à cette dépense supplémentaire.

Les acheteurs ajoutent les coûts relatifs au fonctionnement du bien immobilier qu'ils ne peuvent plus habiter en raison des vices cachés et que le tribunal judiciaire de Chartres a indemnisés à hauteur de 1.452,17 euros au titre des frais de travaux et d'entretien chauffagiste.

Depuis la décision de première instance, ils justifient avoir engagé 1.563,44 euros supplémentaires au titre des frais de chauffage et d'électricité, ainsi que d'entretien de la chaudière afin que la maison ne se dégrade pas. Ils en seront indemnisés.

Ils seront en revanche déboutés de leur demande de 241 euros correspondant à une tentative de faire inscrire une hypothèque judiciaire qui n'était pas indispensable ni directement liée aux conséquences de l'action en vices cachés.

Les acquéreurs ont été également indemnisés de leur préjudice de jouissance et d'un préjudice moral, à cause de l'inhabitabilité du bien immobilier acquis qu'ils ont dû quitter alors que la défenderesse attendait un enfant, par l'allocation d'une somme globale de 5.000 euros, les deux préjudices étant confondus.

A hauteur d'appel, ils font valoir qu'ils se sont endettés à hauteur de 182.811 euros, qu'ils ont été particulièrement choqués d'apprendre que la charpente du bien immobilier présentait des risques réels d'effondrement et de ne plus pouvoir utiliser leur maison jusqu'à une éventuelle mise en sécurité de la situation.

Après avoir recherché en vain une solution alternative de relogement auprès des organismes sociaux, ils ont dû se résoudre à regagner la chambre d'adolescente de Mme [C] depuis décembre 2020, alors même qu'ils sont devenus parents en avril 2021 et ils doivent rembourser les échéances des emprunts immobiliers souscrits pour acquérir la maison.

Cette situation a duré près de deux ans.

La cour estime que ces avatars justifient l'allocation de la somme de 5 000 euros au seul titre du préjudice moral mais rejettent la demande de préjudice de jouissance par laquelle les acquéreurs prétendent être remboursés de leurs frais de relogement alors que par ailleurs, les juridictions successives les indemnisent des frais liés à la maison acquise.

Sur l'anatocisme

En application de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

Les seules conditions posées par le texte sont que la demande soit judiciairement formée et que les intérêts soient dus pour au moins une année entière.

La capitalisation des intérêts est ordonnée.

Sur les délais de paiement

Aux termes de l'article 1244-1 du code civil, dans sa version applicable au litige, " compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. En outre, il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement, par le débiteur, d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette (') ".

Il est avéré que les acquéreurs ont dû quitter la maison du fait de la dangerosité des lieux et tout en devant s'acquitter assez largement de leurs mensualités d'emprunt, n'ont pas trouvé à se reloger convenablement. Pour cette seule raison, le tribunal a rejeté avec raison la demande de délais.

La cour rappelle en outre qu'il est constant que les dispositions de la loi du 31 décembre 1989 sur le surendettement, codifiées dans le code de la consommation, dérogent au droit commun de l'article 1244-1 devenu 1343-5 du code civil, et qu'elles ne peuvent se cumuler (Civ 1ère, 16 déc 1992, n°91-04.128).

Ainsi, dès lors que M. [H] [P] et Mme [A] [B] disposent d'un plan de redressement décidé par la commission de surendettement des particuliers d'Eure et Loir en date du 9 mai 2023 qui intègre la dette à l'égard des acheteurs à raison du paiement de 525 euros par mois, les délais de paiement ont été de facto acceptés sur le fondement spécial du droit de la consommation.

Au regard de ces éléments, le jugement qui a débouté M. [H] [P] et Mme [A] [B] de leur demande de paiement est confirmé.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.

M. [H] [P] et Mme [A] [B] sont condamnés à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à M. [F] [J] et Mme [W] [C] ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la résolution de la vente aux torts de M. [H] [P] et Mme [A] [B] et en ce qu'il les a condamnés à payer à M. [F] [J] et Mme [W] [C] les sommes de 21 553,30 euros en réparation du préjudice matériel des acquéreurs et 1 952,47 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et du préjudice de jouissance de M. [F] [J] et Mme [W] [C],

- débouté M. [H] [P] et Mme [A] [B] de leur demande de délais de paiement,

- condamné M. [H] [P] et Mme [A] [B] à payer à M. [F] [J] et Mme [W] [C] la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance,

L'infirme pour le surplus,

Statuant de nouveau,

Prononce la mise hors de cause de Mme [L] [T],

Déboute M. [F] [J] et Mme [W] [C] de leur demande d'indemnisation d'un préjudice de jouissance,

Y ajoutant,

Condamne M. [H] [P] et Mme [A] [B] à payer à M. [F] [J] et Mme [W] [C] la somme supplémentaire de 9 646,07 euros au titre de leur préjudice matériel et celle de 5000 euros au titre de leur préjudice moral,

Dit que les intérêts de l'ensemble des sommes auxquelles M. [H] [P] et Mme [A] [B] sont condamnés au bénéfice de M. [F] [J] et Mme [W] [C] tant en première instance qu'à hauteur d'appel seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil à compter du présent arrêt,

Déboute Mme [L] [T] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [H] [P] et Mme [A] [B] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [H] [P] et Mme [A] [B] à payer à M. [F] [J] et Mme [W] [C] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [H] [P] et Mme [A] [B] aux entiers dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.