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Décisions

Cass. com., 10 juillet 2024, n° 22-15.651

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Esearch vision (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Lefeuvre

Avocats :

SCP Alain Bénabent, SCP Piwnica et Molinié

Paris, pôle 5 ch. 9, du 17 févr. 2022

17 février 2022

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [I] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [X].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 février 2022), par un contrat du 17 mars 2014, M. [X] a apporté l'intégralité des parts sociales qu'il détenait dans le capital de la société Komilfo à la société Esearch vision (ESV), en contrepartie de l'émission, par cette dernière, de bons de souscription d'actions à son profit, l'acte prévoyant que ces bons seraient caducs en cas de licenciement pour faute grave de M. [X] dans les cinq ans de la date de souscription.

3. Devenu salarié de la société ESV puis de l'une de ses filiales, M. [X] a été licencié pour faute grave le 11 octobre 2017.

4. Soutenant que le contrat du 17 mars 2014 était dépourvu de contrepartie, M. [X] a assigné la société ESV et M. [I], son dirigeant, aux fins de le voir annuler.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. La société ESV fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat du 17 mars 2014 et de la condamner à payer à M. [X] une certaine somme à titre de dommages et intérêts, alors « que le prix est déterminable lorsqu'il est lié à la survenance d'un événement futur ne dépendant pas de la seule volonté de l'une des parties ni d'accords ultérieurs entre elles ; que le licenciement d'un salarié pour faute grave suppose par définition que celui-ci ait effectivement commis une faute grave ; que cette qualification est de surcroît contrôlée par les juges de sorte que cet événement ne dépend pas de la seule volonté de l'employeur ; qu'en l'espèce les parts sociales ont été cédées en contrepartie de bons de souscription d'actions devenant caducs si leur titulaire est licencié pour faute grave ; qu'en retenant pour prononcer la nullité du contrat de cession que le prix des parts sociales "doit être qualifié d'indéterminable […] et donc d'inexistant" au motif que le licenciement pour faute grave de M. [X] "ne constituait pas un événement indépendant de la volonté des parties puisque la qualification de faute grave quand bien même elle peut être contestée devant le conseil des prud'hommes, reste de la seule compétence de l'employeur", la cour d'appel a violé l'article 1591 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 1591 du code civil :

7. Aux termes de ce texte, le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties.

8. Ces dispositions n'imposent pas que l'acte porte lui-même indication du prix, mais seulement que ce prix soit déterminable. Tel est le cas lorsqu'il est lié à la survenance d'un événement futur ne dépendant pas de la seule volonté de l'une des parties ni d'accords ultérieurs entre elles.

9. Pour qualifier d'indéterminable et donc d'inexistant le prix des parts sociales de la société Komilfo apportées par M. [X] à la société ESV et prononcer, en conséquence, la nullité du contrat conclu le 17 mars 2014, l'arrêt retient que le licenciement pour faute grave de M. [X] prive celui-ci de toute contrepartie à la cession de ses parts sociales, cependant que cet événement ne constitue pas un événement indépendant de la volonté des parties, puisque la qualification de faute grave, quand bien même celle-ci peut être contestée devant le conseil des prud'hommes, reste de la seule compétence de l'employeur.

10. En statuant ainsi, alors que le licenciement pour faute grave de M. [X] dépendait, non de la seule volonté de la société ESV, mais de circonstances objectives susceptibles d'être contrôlées judiciairement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de communication de pièces et en ce qu'il rejette les demandes de M. [X] contre M. [I], l'arrêt rendu le 17 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.