Décisions
Cass. 1re civ., 10 juillet 2024, n° 22-24.754
COUR DE CASSATION
Autre
Rejet
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 juillet 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 398 FS-B
Pourvoi n° M 22-24.754
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUILLET 2024
La société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° M 22-24.754 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2022 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [H] [P], veuve [B], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à la société Alliance MJ, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Habitat et solutions durables, prise en son établissement sis [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Bruyère, Ancel, Mmes Peyregne-Wable, Tréard, Corneloup, conseillers, Mme Kloda, conseiller référendaire, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Cofidis du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Alliance MJ, en qualité de mandataire ad hoc
de la société Habitat et solutions durables.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 octobre 2022), le 25 juin 2014, par contrat conclu hors établissement, Mme [B] (l'emprunteuse) a commandé auprès de Ia société Habitat et Solutions Durables (le vendeur) la fourniture et la pose de panneaux solaires ainsi que d'un ballon thermodynamique dont le prix a été financé par un crédit souscrit le 16 juillet suivant auprès de la société Cofidis (la banque).
3. Invoquant l'irrégularité du bon de commande, l'emprunteuse a assigné le vendeur et la banque en annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté et en restitution par la banque des sommes versées en remboursement du contrat de crédit.
4. Par jugement du 17 décembre 2015, le vendeur a été placé en liquidation judiciaire.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à restituer à l'emprunteuse l'intégralité du capital prêté, alors :
« 1°/ que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute ; qu'ayant constaté que le 11 août 2014, Mme [B] a signé une attestation de livraison et d'installation du matériel commandé et a demandé au prêteur de procéder au déblocage des fonds prêtés directement entre les mains de la société Habitat et Solutions Durables" et qu'elle ne conteste pas le bon fonctionnement du matériel", ce dont il résultait qu'elle n'avait subi aucun préjudice en relation de cause à effet avec la faute de la société Cofidis consistant à avoir financé un bon de commande irrégulier, de sorte qu'en privant néanmoins celle-ci de son droit à restitution du capital, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
2°/ que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute ; qu'en se déterminant sur la considération selon laquelle Madame [B] n'a pas pu financer le matériel vendu par la revente d'électricité contrairement à ce qui lui avait été promis par le vendeur", ce qui n'est en rien imputable à l'établissement de crédit, ainsi que la cour d'appel le relève au demeurant, et après avoir constaté que le 11 août 2014, Mme [B] a signé une attestation de livraison et d'installation du matériel commandé et a demandé au prêteur de procéder au déblocage des fonds prêtés directement entre les mains de la société Habitat et Solutions Durables" et qu'elle ne conteste pas le bon fonctionnement du matériel", la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
3°/ que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute ; que l'impécuniosité du contractant principal à la suite de l'annulation du contrat principal n'est pas en lien de cause à effet avec la faute consistant dans l'omission par le prêteur de s'assurer de la conformité du contrat principal aux dispositions légales avant de libérer les fonds ; qu'en se fondant néanmoins sur cette circonstance pour priver la société Cofidis de son droit à restitution du capital emprunté, après avoir pourtant constaté que le 11 août 2014, Mme [B] a signé une attestation de livraison et d'installation du matériel commandé et a demandé au prêteur de procéder au déblocage des fonds prêtés directement entre les mains de la société Habitat et Solutions Durables" et qu'elle ne conteste pas le bon fonctionnement du matériel" la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Selon les articles L. 311-32 et L. 311-33, devenus L. 312-55 et L. 312-56 du code de la consommation, en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Si la résolution judiciaire ou l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci peut, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à-vis du prêteur et de l'emprunteur.
7. Il en résulte que l'annulation ou la résolution du contrat de crédit, consécutive à celle du contrat principal, emporte, en principe, restitution par l'emprunteur au prêteur du capital, que celui-ci a versé au vendeur à la demande de l'emprunteur (1re Civ., 2 mai 1989, pourvoi n° 87-18.059, Bulletin 1989 I N° 181 ; 1re Civ., 9 novembre 2004, pourvoi n° 02-20.999, Bull., 2004, I, n° 263).
8. Toutefois, la Cour de cassation juge de manière constante que le banquier commet une faute en consentant le crédit affecté sans avoir vérifié la régularité du contrat principal au regard des dispositions protectrices du consentement du consommateur (1re Civ., 10 décembre 2014, pourvois n° 13-26.585, 14-12.290 ; 1re Civ., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-14.951).
9. Quant aux conséquences qu'il convenait de tirer d'une telle faute, la jurisprudence a évolué.
10. La Cour de cassation a d'abord jugé que cette faute emportait, pour la banque, privation du droit d'obtenir la restitution du capital, ce qui constituait un mécanisme de réparation conduisant à ce que l'emprunteur se trouve déchargé de sa dette (1re Civ. 27 juin 2018, pourvoi n° 17-16.352 et 14 février 2018, pourvois n° 16-29.118 à 16-29.122).
11. Depuis un arrêt du 25 novembre 2020, elle juge qu'en vertu du droit commun de la responsabilité civile, le prêteur ne peut être privé de sa créance de restitution, en tout ou en partie, que si l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien causal avec cette faute (1re Civ., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-14.908, publié).
12. La Cour de cassation a ainsi approuvé les arrêts de cours d'appel qui avaient retenu une absence de préjudice dès lors que l'installation avait été raccordée au réseau d'électricité, qu'elle avait fonctionné après sa mise en service et qu'un contrat avait été conclu pour vendre l'électricité produite et, le cas échéant, pour bénéficier d'un crédit d'impôt, et ce, indépendamment de l'insolvabilité du vendeur (1re Civ., 25 novembre 2020, précité ; 1re Civ., 19 mai 2021, pourvoi n° 19-20.992 ; 1re Civ., 22 septembre 2021, pourvoi n° 19-24.817 ; 1re Civ., 20 octobre 2021, pourvoi n° 20-12.411 ; 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-11.970 ; 1re Civ., 20 avril 2022, pourvoi n° 20-22.457 ; 1re Civ.,17 mai 2023, pourvoi n° 22-16.429).
13. La doctrine s'est montrée favorable à cette évolution en relevant qu'une faute ne pouvait être sanctionnée qu'en cas de preuve d'un préjudice en résultant et qu'une telle approche permettait l'adoption de solutions équilibrées entre les intérêts en présence.
14. Sur la question de savoir si l'impossibilité pour l'emprunteur de récupérer le prix de l'installation auprès du vendeur constitue un préjudice en lien de causalité avec la faute de la banque de nature à la priver de sa créance de restitution, les juridictions du fond sont divisées. Certaines cours d'appel retiennent que le préjudice matériel subi par les emprunteurs en raison de la libération fautive, par la banque, du capital emprunté, est caractérisé par l'impossibilité d'obtenir la restitution du prix auprès du vendeur insolvable (Aix-en-Provence 25 octobre 2023 n° RG 22/02047 ; Bordeaux 20 mars 2023 n° RG 20/02889 ; Grenoble 7 mars 2023 n° RG 21/00 ; Lyon 5 janvier 2023 n° RG 21/05492 ; Paris 14 juin 2023 n° RG 20/03044 ; Amiens, 22 décembre 2022, n° RG 21/02654 ; Dijon, 15 septembre 2022, n° RG 20/00314). D'autres jugent à l'inverse que si l'installation conservée par les acquéreurs fonctionne et produit de l'électricité, aucun préjudice n'est subi, malgré l'insolvabilité du vendeur et l'impossibilité de récupérer auprès de celui-ci le prix de vente, la faute de la banque n'étant pas en lien causal avec la liquidation judiciaire (Toulouse, 28 mars 2022, n° RG 19/03996 ; Caen 23 novembre 2021 n° RG 19/02444 ; Nancy 7 octobre 2021 n° RG 20/02094 ; Colmar 1er septembre 2023 n° RG 21/02683 ; Metz 13 avril 2023 n° RG 21/01050 ; Reims 17 janvier 2023 n° RG 21/01940 ; Caen, 21 juin 2022, n° RG 20/01662).
15. La portée de l'arrêt précité du 25 novembre 2020 doit donc être précisée.
16. Si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est en liquidation judiciaire.
17. En effet, dans une telle hypothèse, d'une part, compte tenu de l'annulation du contrat de vente, l'emprunteur n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit pouvoir être restituée au vendeur ou retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation.
18. D'autre part, l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions, une conséquence de la faute de la banque dans l'examen du contrat principal.
19. Par conséquent, il convient de retenir que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
20. Après avoir annulé la vente en raison des irrégularités qui affectaient le bon de commande, l'arrêt retient, d'une part, qu'en libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, la banque avait manqué à ses obligations, d'autre part, que l'emprunteuse avait subi un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont elle n'était plus propriétaire.
21. En l'état de ces constations et appréciations, dès lors que ce préjudice, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation, n'aurait pas été subi sans la faute de la banque, c'est à bon droit que la cour d'appel a condamné celle-ci à payer à l'emprunteuse, à titre de dommages et intérêts, une somme correspondant au capital emprunté.
22. Partiellement inopérant, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cofidis aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 juillet 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 398 FS-B
Pourvoi n° M 22-24.754
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUILLET 2024
La société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° M 22-24.754 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2022 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [H] [P], veuve [B], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à la société Alliance MJ, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Habitat et solutions durables, prise en son établissement sis [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Bruyère, Ancel, Mmes Peyregne-Wable, Tréard, Corneloup, conseillers, Mme Kloda, conseiller référendaire, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Cofidis du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Alliance MJ, en qualité de mandataire ad hoc
de la société Habitat et solutions durables.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 octobre 2022), le 25 juin 2014, par contrat conclu hors établissement, Mme [B] (l'emprunteuse) a commandé auprès de Ia société Habitat et Solutions Durables (le vendeur) la fourniture et la pose de panneaux solaires ainsi que d'un ballon thermodynamique dont le prix a été financé par un crédit souscrit le 16 juillet suivant auprès de la société Cofidis (la banque).
3. Invoquant l'irrégularité du bon de commande, l'emprunteuse a assigné le vendeur et la banque en annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté et en restitution par la banque des sommes versées en remboursement du contrat de crédit.
4. Par jugement du 17 décembre 2015, le vendeur a été placé en liquidation judiciaire.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à restituer à l'emprunteuse l'intégralité du capital prêté, alors :
« 1°/ que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute ; qu'ayant constaté que le 11 août 2014, Mme [B] a signé une attestation de livraison et d'installation du matériel commandé et a demandé au prêteur de procéder au déblocage des fonds prêtés directement entre les mains de la société Habitat et Solutions Durables" et qu'elle ne conteste pas le bon fonctionnement du matériel", ce dont il résultait qu'elle n'avait subi aucun préjudice en relation de cause à effet avec la faute de la société Cofidis consistant à avoir financé un bon de commande irrégulier, de sorte qu'en privant néanmoins celle-ci de son droit à restitution du capital, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
2°/ que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute ; qu'en se déterminant sur la considération selon laquelle Madame [B] n'a pas pu financer le matériel vendu par la revente d'électricité contrairement à ce qui lui avait été promis par le vendeur", ce qui n'est en rien imputable à l'établissement de crédit, ainsi que la cour d'appel le relève au demeurant, et après avoir constaté que le 11 août 2014, Mme [B] a signé une attestation de livraison et d'installation du matériel commandé et a demandé au prêteur de procéder au déblocage des fonds prêtés directement entre les mains de la société Habitat et Solutions Durables" et qu'elle ne conteste pas le bon fonctionnement du matériel", la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
3°/ que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute ; que l'impécuniosité du contractant principal à la suite de l'annulation du contrat principal n'est pas en lien de cause à effet avec la faute consistant dans l'omission par le prêteur de s'assurer de la conformité du contrat principal aux dispositions légales avant de libérer les fonds ; qu'en se fondant néanmoins sur cette circonstance pour priver la société Cofidis de son droit à restitution du capital emprunté, après avoir pourtant constaté que le 11 août 2014, Mme [B] a signé une attestation de livraison et d'installation du matériel commandé et a demandé au prêteur de procéder au déblocage des fonds prêtés directement entre les mains de la société Habitat et Solutions Durables" et qu'elle ne conteste pas le bon fonctionnement du matériel" la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Selon les articles L. 311-32 et L. 311-33, devenus L. 312-55 et L. 312-56 du code de la consommation, en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Si la résolution judiciaire ou l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci peut, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à-vis du prêteur et de l'emprunteur.
7. Il en résulte que l'annulation ou la résolution du contrat de crédit, consécutive à celle du contrat principal, emporte, en principe, restitution par l'emprunteur au prêteur du capital, que celui-ci a versé au vendeur à la demande de l'emprunteur (1re Civ., 2 mai 1989, pourvoi n° 87-18.059, Bulletin 1989 I N° 181 ; 1re Civ., 9 novembre 2004, pourvoi n° 02-20.999, Bull., 2004, I, n° 263).
8. Toutefois, la Cour de cassation juge de manière constante que le banquier commet une faute en consentant le crédit affecté sans avoir vérifié la régularité du contrat principal au regard des dispositions protectrices du consentement du consommateur (1re Civ., 10 décembre 2014, pourvois n° 13-26.585, 14-12.290 ; 1re Civ., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-14.951).
9. Quant aux conséquences qu'il convenait de tirer d'une telle faute, la jurisprudence a évolué.
10. La Cour de cassation a d'abord jugé que cette faute emportait, pour la banque, privation du droit d'obtenir la restitution du capital, ce qui constituait un mécanisme de réparation conduisant à ce que l'emprunteur se trouve déchargé de sa dette (1re Civ. 27 juin 2018, pourvoi n° 17-16.352 et 14 février 2018, pourvois n° 16-29.118 à 16-29.122).
11. Depuis un arrêt du 25 novembre 2020, elle juge qu'en vertu du droit commun de la responsabilité civile, le prêteur ne peut être privé de sa créance de restitution, en tout ou en partie, que si l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien causal avec cette faute (1re Civ., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-14.908, publié).
12. La Cour de cassation a ainsi approuvé les arrêts de cours d'appel qui avaient retenu une absence de préjudice dès lors que l'installation avait été raccordée au réseau d'électricité, qu'elle avait fonctionné après sa mise en service et qu'un contrat avait été conclu pour vendre l'électricité produite et, le cas échéant, pour bénéficier d'un crédit d'impôt, et ce, indépendamment de l'insolvabilité du vendeur (1re Civ., 25 novembre 2020, précité ; 1re Civ., 19 mai 2021, pourvoi n° 19-20.992 ; 1re Civ., 22 septembre 2021, pourvoi n° 19-24.817 ; 1re Civ., 20 octobre 2021, pourvoi n° 20-12.411 ; 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-11.970 ; 1re Civ., 20 avril 2022, pourvoi n° 20-22.457 ; 1re Civ.,17 mai 2023, pourvoi n° 22-16.429).
13. La doctrine s'est montrée favorable à cette évolution en relevant qu'une faute ne pouvait être sanctionnée qu'en cas de preuve d'un préjudice en résultant et qu'une telle approche permettait l'adoption de solutions équilibrées entre les intérêts en présence.
14. Sur la question de savoir si l'impossibilité pour l'emprunteur de récupérer le prix de l'installation auprès du vendeur constitue un préjudice en lien de causalité avec la faute de la banque de nature à la priver de sa créance de restitution, les juridictions du fond sont divisées. Certaines cours d'appel retiennent que le préjudice matériel subi par les emprunteurs en raison de la libération fautive, par la banque, du capital emprunté, est caractérisé par l'impossibilité d'obtenir la restitution du prix auprès du vendeur insolvable (Aix-en-Provence 25 octobre 2023 n° RG 22/02047 ; Bordeaux 20 mars 2023 n° RG 20/02889 ; Grenoble 7 mars 2023 n° RG 21/00 ; Lyon 5 janvier 2023 n° RG 21/05492 ; Paris 14 juin 2023 n° RG 20/03044 ; Amiens, 22 décembre 2022, n° RG 21/02654 ; Dijon, 15 septembre 2022, n° RG 20/00314). D'autres jugent à l'inverse que si l'installation conservée par les acquéreurs fonctionne et produit de l'électricité, aucun préjudice n'est subi, malgré l'insolvabilité du vendeur et l'impossibilité de récupérer auprès de celui-ci le prix de vente, la faute de la banque n'étant pas en lien causal avec la liquidation judiciaire (Toulouse, 28 mars 2022, n° RG 19/03996 ; Caen 23 novembre 2021 n° RG 19/02444 ; Nancy 7 octobre 2021 n° RG 20/02094 ; Colmar 1er septembre 2023 n° RG 21/02683 ; Metz 13 avril 2023 n° RG 21/01050 ; Reims 17 janvier 2023 n° RG 21/01940 ; Caen, 21 juin 2022, n° RG 20/01662).
15. La portée de l'arrêt précité du 25 novembre 2020 doit donc être précisée.
16. Si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est en liquidation judiciaire.
17. En effet, dans une telle hypothèse, d'une part, compte tenu de l'annulation du contrat de vente, l'emprunteur n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit pouvoir être restituée au vendeur ou retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation.
18. D'autre part, l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions, une conséquence de la faute de la banque dans l'examen du contrat principal.
19. Par conséquent, il convient de retenir que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
20. Après avoir annulé la vente en raison des irrégularités qui affectaient le bon de commande, l'arrêt retient, d'une part, qu'en libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, la banque avait manqué à ses obligations, d'autre part, que l'emprunteuse avait subi un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont elle n'était plus propriétaire.
21. En l'état de ces constations et appréciations, dès lors que ce préjudice, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation, n'aurait pas été subi sans la faute de la banque, c'est à bon droit que la cour d'appel a condamné celle-ci à payer à l'emprunteuse, à titre de dommages et intérêts, une somme correspondant au capital emprunté.
22. Partiellement inopérant, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cofidis aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.