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Décisions

CA Basse-Terre, 2e ch., 5 juillet 2024, n° 23/00953

BASSE-TERRE

Arrêt

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Robail

Conseillers :

Mme Cledat, M. Groud

Avocats :

Me Werter, Me Fouilleul, de Gaulle Fleurance et Associes

Jur. prox. Saint-Martin et Saint-Barthél…

14 septembre 2023

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La S.C.P. de notaires [R] [Y] et [W] [Y] était titulaire d'un office notarial à [Localité 5], [Adresse 2], lorsqu'en 1996 elle a obtenu l'autorisation d'ouvrir un bureau secondaire à [Localité 9] dont M. [Z] [D], salarié de l'étude de juillet 1997 à avril 2007, a eu la charge d'assurer le développement et la permanence.

Par arrêté du 20 mars 2007, le garde des sceaux, ministre de la justice :

- a accepté le retrait de Me [W] [Y], notaire associé de ladite S.C.P.,

- a dissous la même S.C.P. par suite du décès de Me [R] [Y] et du retrait de Me [W] [Y],

- et a nommé Me [Z] [D], devenu notaire, en qualité de notaire à la résidence de [Localité 6] en remplacement de la S.C.P. '[R] [Y] et [W] [Y], notaires associés' ainsi dissoute ;

Un protocole d'accord a été conclu le 31 mars 2008, sous seing privé, entre MM [Z] [D], notaire, et [C] [X], notaire assistant, aux termes duquel, notamment :

- ce dernier s'engageait :

** à intégrer à compter du 1er juillet 2008, l'étude notariale de Me [D], en qualité de principal clerc gestionnaire et responsable du personnel et du bureau annexe de [Localité 9], sous le contrôle du premier et ce dans l'attente de la création du nouvel Office,

** à déposer, dès son intégration dans l'Office, un dossier en qualité de NOTAIRE SALARIE, dans l'attente de la création de ce nouvel Office et de l'association qui devait intervenir dans les meilleurs délais possibles à compter de cette création,

- étaient fixées les conditions de la rémunération de Me [X],

- étaient définies les fonctions exactes de Me [X], lequel s'engageait notamment 'dès son embauche et avant même de devenir associé (...) à prendre seul en charge et à assumer l'entière gestion traditionnelle du personnel et de l'Office au niveau des affaires courantes et l'organisation de ce dernier, le tout sous le contrôle de Me [D] (rapports, avis, reddition de comptes, comptes-rendus, etc...) de manière à laisser Me [D] (souffrant de problème de santé) en liberté absolue de faire ce qu'il veut et comme il le veut sans aucune obligation de participation active à la gestion courante et traditionnelle du personnel et de l'Office dont la charge incombera exclusivement et en totalité à Monsieur [C] [X], et d'organiser comme il l'entend sa vie professionnelle, ses allées et venues entre [Localité 9] et la métropole et ses durées de séjour, ainsi que la mise en oeuvre comme le développement de ses projets spécialisés (...) ainsi que sa vie familiale et sa vie personnelle notamment au niveau des soins de santé.', cet engagement devant se poursuivre en sa qualité de notaire associé de la SELARL à venir et jusqu'au départ à la retraite de Me [D],

- MM. [D] et [X] s'engageaient expressément à favoriser l'installation sur [Localité 9] et [Localité 11] d'un bureau secondaire du cabinet de Me LUCIANI, Avocat à la cour et à privilégier au maximum la collaboration du nouvel Office créé avec ce cabinet, 'le tout dans la mesure du possible',

- Me [D] s'obligeait à mettre en oeuvre tous les moyens de fait et de droit pour obtenir dans les meilleurs délais à compter du jour de la création à son profit ou au profit d'une SELARL à venir, d'un Office notarial ayant siège à [Localité 9],

- Me [X] s'obligeait quant à lui à apporter toute son aide au redressement dans les meilleurs délais de la situation du siège de l'Office sis à [Localité 6], notamment afin de favoriser la création de l'Office indépendant de [Localité 9],

- Me [D] s'engageait expressément et irrévocablement, ainsi que ses ayants-droit, à céder, au profit de Me [X], 30 % des parts de la SELARL unipersonnelle qu'il s'engageait à constituer dans le cadre de la création de l'Office notarial à [Localité 9],

- le prix de cession de ces 30 % de parts était fixé à 300 000 euros payables comptant au jour de la cession, avec réévaluation annuelle au 31 décembre 2013,

- un pacte de préférence était conclu entre Mes [D] et [X] au profit du premier, en cas de cession par ce dernier de ses parts dans la société notariale avant le départ à la retraite de Me [D],

- une co-gérance de la société notariale par les deux associés était instituée ;

La S.C.P. [Z] [D] ET [C] [X], ci-après désignée 'S.C.P. 1", a été créée suivant statuts du 30 septembre 2011, à effet le 1er mai 2012, pour l'exercice en commun de l'office notarial situé à [Localité 6] avec son bureau annexe à [Localité 9], avec, à l'origine, un capital social fait de 1 300 parts en numéraire et de 1 000 parts d'industrie réparties comme suit :

- capital social en numéraire : 1 part sociale seulement pour Me [X] et les 1299 autres pour Me [D],

- parts d'industrie : 370 parts pour Me [D] et 630 pour Me [X] ;

Par acte du même jour, Me [D] a cédé à M. [X] 519 parts sociales de ladite S.C.P. pour le prix de 519 000 euros, en suite de quoi le capital en numéraire s'est trouvé réparti en 780 parts pour le cédant et 520 parts pour le cessionnaire.

Par acte du 26 mai 2013 :

- d'une part, une nouvelle répartition des parts en industrie a été opérée, en attribuant désormais 25 seulement à Me [D] et 975 à Me [X] :

- et, d'autre part, Me [D] s'est obligé à céder à Me [X] :

** en janvier 2015, 325 parts du capital social de la S.C.P. notariale pour le prix payable comptant au jour de la cession, de 325 000 euros,

** le 1er janvier 2017, 130 parts moyennant le prix payable comptant au jour de la cession, de 130 000 euros ;

Cependant :

- par des statuts datés du 27 octobre 2014, MM [D] et [X] ont créé une nouvelle S.C.P notariale, la S.C.P. '[D] [Z] et [X] [C]', ci-après désignée 'S.C.P. 2", dont l'objet était l'exercice en commun d'un nouvel office notarial à [Localité 9] et dont le capital social était réparti comme suit en suite d'un acte rectificatif du 8 décembre 2014 :

** capital en numéraire de 20 parts : 12 parts pour Me [D] et 8 pour Me [X],

** parts en industrie : 2 parts pour Me [D] et 18 pour Me [X],

- et, par arrêté du 22 juin 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice :

- a accepté les retraits de Me [D] et Me [X], notaires associés, membres de la S.C.P. [Z] [D] et [C] [X] (S.C.P.1),

- a dissous, par suite de ces retraits, ladite S.C.P. notariale,

- a nommé Me [B], [S] [T] en qualité de notaire à la résidence de [Localité 6], en remplacement de ladite société,

- a transformé le bureau annexe de [Localité 9] ouvert sur autorisation du 24 septembre 1996, en office distinct,

- a nommé la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C] (S.C.P. 2), notaires associés, constituée pour l'exercice en commun par ses membres de la profession de notaire, notaire à la résidence de [Localité 9],

- et a nommé Me [D] et Me [X], notaires associés ;

Me [D] est né le [Date naissance 1] 1949 et la loi dite 'MACRON' d'août 2019 lui interdisait d'exercer un office notarial au delà de l'âge de 70 ans, si bien qu'en novembre 2018, il a publié dans le répertoire DEFRENOIS une annonce de cession de ses parts sociales dans ladite société notariale de [Localité 9] et l'a communiquée à toutes les chambres de notaires de France pour diffusion.

***

Par acte d'huissier de justice du 23 novembre 2018, Me [X] a fait assigner Me [D] devant la chambre détachée de SAINT-MARTIN et SAINT-BARTHELEMY du tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, devenu tribunal judiciaire de BASSE- TERRE, aux fins de le voir condamner, avec exécution provisoire:

- à exécuter la convention de cession conclue avec lui le 26 mai 2013,

- à lui céder par suite les 7 parts sociales de la S.C.P. 2 (S.C.P. [D] [Z] et [X] [C]) actuellement titulaire d'un office notarial à [Localité 9], au prix de 455 000 euros avec effet rétroactif au 1er janvier 2017, et ce sous astreinte,

- et à lui payer 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Dans le cadre de cette procédure, le juge de la mise en état, saisi d'un incident par Me [D] après intervention volontaire de la SCP 2, a, par ordonnance du 3 novembre 2022, accordé à ce dernier, en tant qu'associé au sein de ladite S.C.P., une provision de 618 575,94 euros à valoir sur sa rémunération afférente à ses apports en capital dans ladite société, y a condamné cette dernière, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de cette ordonnance, avec capitalisation annuelle, a débouté Me [D] de sa demande de condamnation solidaire à l'égard de Me [X] et de sa demande de communication de pièces, a débouté la S.C.P. 2 et Me [X] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, a dit que les dépens de cet incident suivraient le sort de ceux de l'instance au fond, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a renvoyé cause et parties à la mise en état ;

Par acte d'huissier du 1er août 2020, Me [D] a fait assigner en référé devant le président du tribunal judiciaire de POINTE-A-PITRE, la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C], M. [C] [X] et la S.A.R.L. SERGETIER Ademar et associés, expert'comptable de ladite S.C.P. notariale, afin d'obtenir le versement d'une provision à valoir sur les bénéfices de celle-ci au titre de l'exercice 2019, ainsi que la production sous astreinte de diverses pièces comptables et des procès-verbaux d'assemblée générale établis au cours de l'exercice 2019 ;

En défense, ladite S.C.P. et Me [C] [X] avaient notamment soulevé une exception d'incompétence au profit du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de BASSE-TERRE, juridiction de proximité de SAINT-MARTIN, toujours saisie de l'instance engagée par lui en 2018 et, à titre subsidiaire, conclu à l'existence d'une contestation sérieuse s'opposant à la demande de provision formée par M. [D].

En cours de procédure, la société d'expertise comptable avait communiqué les pièces comptables demandées ;

Par ordonnance du 18 décembre 2020, le juge des référés :

- a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SCP [D] [Z] et [X] [C] et par M. [C] [X] au profit du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Basse-Terre,

- s'est déclaré compétent pour connaître de l'action,

- a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision de 414.600,05 euros formée par Me [D] au titre du paiement des dividendes dus pour l'année 2019,

- a renvoyé Me [D] à se pourvoir devant le juge du fond pour l'examen de cette demande,

- a dit que les demandes relatives aux documents comptables de la SCP [D] [Z] et [X] [C] (notamment bilan et compte de résultat), étaient désormais sans objet,

- a ordonné à la S.C.P. et à Me [C] [X] de communiquer à Me [Z] [D] les procès-verbaux des assemblées générales qui avaient été établis au cours de l'exercice 2019,

- a rejeté toutes les autres demandes,

- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- et a dit que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens;

Me [Z] [D] a interjeté appel de cette décision, en suite de quoi, par arrêt de référé du 13 septembre 2021, la cour d'appel de ce siège :

- a confirmé l'ordonnance déférée en ce que le juge des référés :

** a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C] et Me [C] [X] au profit du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de BASSE-TERRE,

** s'est déclaré compétent pour connaître de l'action,

** a dit que les demandes relatives aux documents comptables de la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C] (notamment bilan et compte de résultat), étaient désormais sans objet,

** a ordonné à la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C] et à Me [C] [X] de communiquer à M. [Z] [D] les procès-verbaux des assemblées générales qui ont été établis au cours de l'exercice 2019,

- l'a infirmée en ce qu'elle a :

** dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision de 414.600,05 euros formée par M. [D] au titre du paiement des dividendes dus pour l'année 2019,

** renvoyé Me [D] à se pourvoir devant le juge du fond pour l'examen de cette demande,

** rejeté toutes les autres demandes,

** dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

** dit que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens,

Statuant à nouveau,

- a condamné solidairement la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C] et M. [C] [X] à payer à M. [Z] [D] la somme de 414.600,05 euros à titre de provision à valoir sur le reliquat de sa quote-part des dividendes pour l'exercice 2019,

- a dit que cette somme porterait intérêts à compter du 1er août 2020, date de l'assignation en référé,

- a ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- a dit que la communication des procès-verbaux des assemblées générales qui ont été établis au cours de l'exercice 2019 serait assortie d'une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard et par document passé le délai d'un mois suivant la signification de cet arrêt,

- a condamné in solidum la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C] et Me [C] [X] aux entiers dépens de première instance,

Y ajoutant

- a condamné solidairement la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C] et Me [C] [X] à payer à M. [Z] [D] la somme de 930.130 euros à titre de provision à valoir sur sa quote-part des dividendes pour l'exercice 2020,

- a dit que cette somme porterait intérêts à compter du présent arrêt,

- a ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- a ordonné à la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C] et à M. [C] [X] de communiquer à M. [Z] [D] les procès-verbaux des assemblées générales qui ont été établis au cours de l'exercice 2020, sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard et par document passé le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt,

- a condamné in solidum la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C] et M. [C] [X] à payer à M. [Z] [D] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C] et M. [C] [X], ainsi que la SELARL SEGRETIER Ademar et associés de leurs propres demandes à ce titre,

- et a condamné in solidum la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C] et Me [C] [X] aux entiers dépens de l'instance d'appel ;

Cependant, par arrêt du 29 mars 2023, sur pourvoi de Me [X] et de la S.C.P. 2, la cour de cassation a cassé partiellement, mais sans renvoi devant une autre cour, l'arrêt du 13 septembre 2021, en ce que la cour d'appel y a condamné solidairement M. [X] et ladite société à payer à M. [D] les sommes de 414 600,05 euros et 930 130 euros à titre de provision à valoir sur sa quote-part des dividendes pour les exercices 2019 et 2020, avec intérêts et capitalisation ;

* Par acte d'huissier de justice du 3 décembre 2021, la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C] a fait signifier à Me [D] un courrier daté du 30 novembre 2021 par lequel elle lui a notifié, en application de l'article 33-1 du décret 67-868 du 2 octobre 1967 modifié par décret 2017-895 du 6 mai 2017, un projet de cession de 5 des 12 parts sociales qu'il y détient, prenant la forme d'une réduction du capital par rachat de ces titres au prix de 976 277 euros, soit 19 255,40 euros par part sociale, les 7 autres parts de M. [D] faisant l'objet de la procédure judiciaire toujours pendante devant le tribunal judiciaire ;

***

Par acte d'huissier de justice du 7 février 2022, Me [C] [X] et la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C] ont fait assigner Me [Z] [D] devant la présidente du tribunal judiciaire de BASSE-TERRE, selon la procédure accélérée au fond, aux fins de voir pour l'essentiel, au fondement de l'article 1843-4 du code civil, nommer tel expert au sens dudit article, avec pour mission de déterminer et fixer la valeur et le prix de cession de 5 parts sociales détenues par Me [D] dans le capital de ladite S.C.P., en précisant que cet expert devrait se placer au 17 août 2019 pour procéder à l'évaluation ;

En réponse, Me [D] concluait à titre principal au sursis à statuer en l'attente de l'issue de la procédure engagée devant la juridiction de proximité de SAINT- MARTIN par assignation du 23 novembre 2018, et, à titre subsidiaire, au rejet des demandes faites à son encontre et à la condamnation de leurs auteurs à l'indemniser de ses frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens ;

A titre encore plus subsidiaire, il demandait que l'expertise portât sur la totalité de ses parts sociales, soit 12 représentant 60 % du capital social, que l'expert ne prît pas en considération dans son évaluation le litige en cours devant la juridiction de [Localité 11] pour appliquer une moins-value aux 7 parts litigieuses et que l'évaluation se fît à une date la plus proche possible de la cession effective des parts sociales et, à défaut, à la date du dépôt du rapport d'expertise ;

Par jugement du 3 mai 2022, la présidente du tribunal judiciaire de BASSE-TERRE a rejeté la demande de sursis à statuer, a ordonné, sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, l'expertise des parts sociales détenues par M. [Z] [D] dans la S.C.P. [Z] [D] et [X] [C] et a désigné l'experte [U] [V] avec mission d'estimer ces parts sociales 'en lui laissant le soin de fixer, au contradictoire des parties, la méthode qu'il emploiera à cette fin.' ; elle a dit enfin n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens;

Me [Z] [D] a relevé appel-nullité de ce jugement, y demandant son 'annulation' 'et, en tout état de cause, sa réformation' en visant expressément, au rang des chefs de jugement critiqués, ses dispositions par lesquelles la présidente du tribunal :

- a rejeté la demande de sursis à statuer,

- a ordonné une mesure d'expertise des parts sociales détenues par M. [D] dans la S.C.P. [Z] [D] et [X] [C] et désigné Mme [U] [V] avec mission d'estimer les parts sociales détenues par M. [Z] [D], notaire associé dans ladite S.C.P., en lui laissant le soin de fixer, au contradictoire des parties, la méthode qu'il emploiera à cette fin,

- a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- et a laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Par arrêt du 9 janvier 2023, la cour de ce siège, sur cet appel du jugement du 3 mai 2022, l'a dit irrecevable, a débouté Me [C] [X] et la S.C.P. '[D] [Z] et [X] [C]' de leur demande respective en dommages et intérêts pour appel abusif et a condamné M. [Z] [D] à payer à Me [C] [X] et à la S.C.P. '[D] [Z] et [X] [C]', chacun, une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel ;

Par acte d'huissier de justice du 16 décembre 2022, Me [D] a fait assigner Me [X] et la S.C.P. 2 devant le tribunal de proximité de SAINT-MARTIN et SAINT-BARTHELEMY aux fins de voir trancher deux difficultés identifiées par l'expert [V] désigné par jugement du 3 mai 2022, savoir :

- la date à retenir pour la valorisation de ses parts sociales,

- la prise en compte ou non des parts en industrie de son associé pour l'évaluation des parts en capital ;

Un incident de mise en état y a été formé par Me [X] et la S.C.P. 2, aux fins principales de voir déclarer ce tribunal incompétent au profit de l'expert '1843-4" et condamner Me [D] à leur payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ; ils soulevaient subsidiairement une fin de non-recevoir tendant à l'irrecevabilité des demandes de Me [D] en raison de l'absence de pouvoir juridictionnel du tribunal et de l'absence d'intérêt à agir de l'intéressé ;

En réponse à cet incident, Me [D] demandait quant à lui son rejet pur et simple, d'une part, qu'il fût jugé que les demandes de Me [X] et de la S.C.P. 2 étaient irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée le 14 février 2023 par la présidente du tribunal judiciaire de BASSE-TERRE (dans une décision portant sur une demande de changement d'expert), de seconde part, et, de troisième et dernière part, que les demandeurs à l'incident fussent condamnés à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens ;

Par ordonnance du 14 septembre 2023, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non- recevoir tirée de l'autorité de chose jugée soulevée par Me [D] et l'exception d'incompétence soulevée par Me [X] et la S.C.P..2, a déclaré irrecevables les demandes de Me [D] et l'a condamné à payer à Me [X] et la S.C.P. 2 une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Par déclaration remise au greffe par voie électronique (RPVA) le 4 octobre 2023, Me [D] a relevé appel de cette ordonnance, y intimant Me [X] et la S.C.P. 2 et y limitant expressément son objet et sa portée aux dispositions de cette décision par lesquelles le juge de la mise en état a rejeté sa fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée, a déclaré ses demandes irrecevables et l'a condamné à payer aux intimés une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'en tous les dépens de l'instance ;

Cet appel a été orienté à bref délai suivant ordonnance et avis en ce sens notifié par le greffe de la cour au conseil de l'appelant, par voie électronique, le 17 octobre 2023, l'audience étant fixée in fine, par ordonnance rectificative du 30 novembre 2023, au 19 février 2024 devant le conseiller rapporteur ;

Les intimés avaient constitué avocat par acte remis au greffe et notifié à l'avocat adverse par RPVA le 15 octobre précédent ;

L'appelant a conclu au fond à deux reprises, par actes remis au greffe et notifiés aux intimés par RPVA respectivement les 9 novembre 2023 et 8 février 2024, tandis que les intimés ont conclu par actes remis et notifiés dans les mêmes conditions respectivement les 29 novembre 2023 et 13 février 2024 ;

A l'issue de l'audience du 19 février 2024, l'affaire a été mise en délibéré au 16 mai 2024. Les parties ont ensuite été avisées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de la surcharge des magistrats et de l'absence d'un greffier ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1°/ Dans le dernier état de ses écritures, celles du 8 février 2024, Me [Z] [D], appelant, conclut aux fins de voir :

- lui donner acte de ce qu'il se désiste de son appel,

- débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes,

- statuer ce que de droit quant aux dépens ;

A ces fins, il précise en substance que son appel n'était pas abusif et qu'il ne s'en désiste qu'en raison de l'évolution d'un litige qui a vu Me [X] assigner l'expert initialement nommé (Mme [V]) en responsabilité, cet expert demander à être déchargé et l'être finalement et un nouvel expert désigné en la personne de M. [A], qui a obtenu l'accord des parties sur les deux points en litige ;

2°/ Par leurs dernières écritures, celles du 13 février 2024 en réponse aux conclusions de désistement de l'appelant, les deux intimés souhaitent voir quant à eux :

- constater le désistement d'appel de Me [D],

- le condamner à payer à chacun d'eux la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une autre somme de 50 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Ils estiment à ces fins que, comme déjà jugé par la présidente du tribunal judiciaire de SAINT-MARTIN, Me [D] a encore une fois utilisé les voies procédurales et l'institution judiciaire de manière parfaitement abusive, dilatoire et de mauvaise foi afin de retarder le plus longtemps possible l'exécution de ses obligations légales et règlementaires afin de tenter de capter le plus longtemps possible des dividendes annuels qui ne sont que le fruit, pourtant, du travail de Me [X] ; que le juge ne pouvait donner à l'expert désigné dans le cadre de l'article 1843-4 du code civil une quelconque instruction puisqu'il ne s'agit pas d'un expert judiciaire mais d'un tiers estimateur ; et qu'à l'encontre de ce que prétend encore aujourd'hui Me [D], aucun accord n'est intervenu entre eux devant le nouvel expert sur la prise en compte des parts en industrie ;

***

Pour le surplus des explications des parties, il est expressément référé à leurs écritures dernières respectives ;

MOTIFS DE L'ARRET

I- Sur le désistement de l'appel

Attendu qu'aux termes de l'article 401 du code de procédure civile, le désistement d'appel n'a besoin d'être accepté que s'il contient des réserves ou si la partie à l'égard de laquelle il est fait, a formé appel incident ou une demande incidente ;

Attendu que M. [D] s'est désisté de son appel en février 2024, soit après que les intimés eurent conclu au fond en novembre 2023 pour demander, outre la confirmation de l'ordonnance déférée, la condamnation de l'appelant à payer à chacun d'eux des dommages et intérêts pour procédure abusive ; que, cependant, dans leurs dernières écritures post-désistement, sous réserve du maintien de ces demandes, ainsi que de celle au titre des frais irrépétibles et dépens, ils acceptent expressément ce désistement puisqu'ils demandent de le constater ;

Attendu que le désistement d'appel de M. [D] n'est quant à lui assorti d'aucune réserve;

Attendu qu'il convient en conséquence de le dire parfait, de rappeler qu'en application de l'article 403 du code de procédure civile, il vaut acquiescement à l'ordonnance déférée et de constater le dessaisissement de la cour ;

II- Sur la demande des intimés en dommages et intérêts pour appel abusif

Attendu que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la cour éponyme, dont la jurisprudence s'y intègre et a valeur supra-légale dans l'ordonnancement juridique français, font du droit d'agir en justice un droit fondamental et quasi absolu qui ne peut être sanctionné, en cas de préjudice dûment prouvé par le défendeur ou l'intimé, que s'il est démontré qu'il n'a été exercé que dans l'intention de nuire à ces derniers ;

Attendu qu'en l'espèce, si M. [D] a un évident intérêt immédiat à retarder le moment de la réalisation de la cession de ses parts sociales dans la société notariale où il n'a plus à se trouver depuis maintenant un temps relativement long et s'il y réussit en l'état à l'aune du conflit aigu existant entre lui et son associé quant à la valeur de ces parts, il est manifeste que toutes les procédures judiciaires passées ou en cours ne sont pas son seul fait et que la présente instance, si elle a été engagée par lui seul, a trait à une mesure d'expertise qui n'a pas été retardée que par lui, mais aussi par les actions engagées par Me [X] contre l'expert initialement désigné et qui ont abouti à son changement ; qu'en tout cas, ni Me [X] ni leur société notariale ne démontrent que l'appelant aurait exercé la présente action dans l'unique but de leur nuire ; qu'ils ne font pas davantage la preuve d'un quelconque préjudice qui, en lien de causalité direct et certain avec la présente instance et les retards pris, à cette occasion, dans l'expertise qui en est l'objet, serait distinct des seuls frais de procédure ci-après envisagés dans le cadre de leurs demandes au titre des dépens et frais irrépétibles ; qu'il y a donc lieu de les débouter de leur demande respective en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

III- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu qu'en application de l'article 399 du code de procédure civile, le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l'instance éteinte; qu'en conséquence, en l'absence d'une telle convention contraire, il y a lieu de condamner M. [D], appelant qui se désiste, aux entiers dépens de l'instance d'appel ;

Attendu que des considérations tenant à l'équité justifient, en application de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner M. [D] à indemniser chacun des intimés de ses frais irrépétibles à hauteur de la somme de 5 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Constate le désistement d'appel sans réserve de M. [C] [D],

- Dit ce désistement parfait,

- Constate en conséquence le dessaissement de la cour,

- Rappelle que ce désistement vaut acquiescement à l'ordonnance du juge de la mise en état querellée,

- Déboute M. [C] [X] et la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C] de leur demande respective en dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Condamne M. [Z] [D] à payer à chacun des intimés, Me [C] [X] et la S.C.P. [D] [Z] et [X] [C], une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.