Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 13 juin 2024, n° 23/06999
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 13 JUIN 2024
N° 2024/315
Rôle N° RG 23/06999 N° Portalis DBVB-V-B7H-BLKRA
SA CIC LYONNAISE DE BANQUE
C/
[V] [D]
[O] [S] EPOUSE [D]
MONSIEUR LE RESPONSABLE DUPOLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE [Localité 9]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sébastien BADIE
Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de MARSEILLE en date du 09 Mai 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 21/00222.
APPELANTE
SA CIC LYONNAISE DE BANQUE
Immatriculée au RCS de LYON sous le n°B 954.507.976, représentée en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Virginie ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [V] [D]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 6]
assigné à jour fixe le 22/08/2023 à sa personne
Madame [O] [S]
née le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 4]
assigné à jour fixe le 22/08/2023 PV art 659
Tous deux représentés par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistés de Me Edouard SEKLY, avocat au barreau de MARSEILLE
MONSIEUR LE RESPONSABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPÉCIALISÉ DE [Localité 9]
demeurant [Adresse 3]
assigné à jour fixe le 22/08/2023 à l'étude
signification des conclusions le 17/10/2023 à personne habilitée
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024.
ARRÊT
Réputé Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure, prétentions des parties :
Aux termes d'un arrêt mixte du 18 janvier 2024, auquel il est renvoyé pour l'exposé du litige, la cour a prononcé la nullité du jugement qui lui était déféré, mais sur évocation :
- Constaté que la clause de l'article 17 du contrat de prêt du 25 janvier 2011 selon laquelle ' les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par écrit, si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt...' est abusive et réputée non-écrite,
- Validé le commandement de payer valant saisie des 18 août et 1er septembre 2021 à hauteur de 173 130,54 € outre intérêts, à compter du 1er septembre 2021, au taux conventionnel de 3,59 % sur la somme de 108 244,91 € et au taux légal sur la somme de 6 435,45 €, jusqu'à parfait paiement,
- Dit que la Lyonnaise de Banque poursuit la procédure de saisie immobilière pour une créance liquide et exigible de 173 130,54 € outre intérêts, à compter du 1er septembre 2021, au taux conventionnel de 3,59 % sur la somme de 108 244,91 € et au taux légal sur la somme de 6 435,45 €, jusqu'à parfait paiement,
- Validé la déclaration de créance du Pôle de Recouvrement Spécialisé de [Localité 9] à hauteur de 319 926,17 € au titre, des impôts sur le revenu des années 2009,2010, 2011, 2012, charges sociales de l'année 2009, et des majorations, selon bordereau de situation du 18 novembre 2021,
- Sursis à statuer sur l'orientation de la procédure de saisie immobilière,
- Ordonné la réouverture des débats,
- Enjoint aux parties de produire la demande de surendettement de madame [O] [S] épouse [D] et les éventuelles décisions ultérieures de la commission de surendettement (décision de recevabilité, plan conventionnel de redressement ou mesures recommandées ), et invité madame [D] à formuler ses éventuelles observations sur les effets de la procédure de surendettement à l'égard de la saisie immobilière,
- Réservé les demandes relatives aux dommages et intérêts, à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 16 avril 2024 et signifiées le 17 avril 2024 au créancier inscrit avec sommation de comparaître devant la cour, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, la Lyonnaise de Banque demande à la cour de :
Vu les articles L. 311-1 et suivants du Code des procédures civiles d 'exécution, R. 311 -1 et suivants du même code,
Vu les articles 14 d 17 du CPC et 6 de la CEDH,
Vu encore les dispositions de l'article R321-3 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l' arrêt mixte précédemment rendu :
- Constater la validité de la saisie immobilière au regard des textes applicables,
- Ordonner la poursuite de la procédure de saisie immobilière, nonobstant la décision de surendettement dont bénéficie Madame [S],
- Déterminer, conformément à l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution, les modalités de poursuite de la procédure,
- Débouter monsieur [D] et Madame [S] de toutes leurs prétentions, fins et conclusions,
- Ordonner la vente forcée des biens saisis et fixer les dates et heures de l'audience forcée,
- Fixer la date de l'audience d'adjudication et la date de visite conformément à l'article R. 322-26 du code des procédures civiles d'exécution, avec le concours de la SCP Synergie Huissiers 13, huissiers de justice à [Adresse 8], ou de tel autre huissier qu'il plaira à la cour de désigner, lequel pourra se faire assister si besoin est, de deux témoins, d'un serrurier et de la force publique,
- Autoriser d'ores et déjà le requérant à :
* A faire pratiquer les diagnostics immobiliers : loi Carrez, plomb, amiante, termites, diagnostic de performance énergétique et autres si besoin, par un expert consultant, lequel pourra se faire assister d'un huissier avec la présence, si besoin est de la force publique, d'un serrurier, voire de deux témoins ;
* A compléter l'avis prévu à l'article R 322-31 du Code des Procédures civiles d'Exécution par une photo du bien à vendre ;
* A compléter les avis simplifiés prévus à l'article R 322-32 du Code des procédures civiles d'exécution par une désignation sommaire des biens mise en vente ainsi que l'indication du nom de l'avocat poursuivant,
* A accomplir la publicité par un autre mode de communication à travers l'annonce de la vente sur site national internet : (ABT Communications) et ce en vertu des dispositions de l'article R 322-37 du Code des Procédures civiles d'exécution,
* A faire procéder à cette dernière publicité par des mentions similaires à l'avis prévu à l'article R 322-31 du Code des procédures civiles d'exécution qu'il y soit adjoint : le cahier des charges, en prenant soin de retirer de cet acte les coordonnées de la partie saisie et une photographie,
- Ordonner l'expulsion du saisi et de tous occupants de son chef des biens saisis, la décision à intervenir de ce chef devant profiter à l'adjudicataire définitif dès l'accomplissement des formalités prévues au cahier des conditions de vente, notamment le paiement des frais et du prix,
- Condamner monsieur [D] et madame [S] à payer au créancier la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonner que les dépens seront des frais privilégies de vente dus par l'adjudicataire ou l'acquéreur amiable en sus du prix principal qui comprendront notamment le coût des visites et des divers diagnostics immobiliers et de leur réactualisation, dont distraction au profit de maître Virginie Rosenfeld.
Elle fonde sa demande de vente forcée sur les dispositions de l'article 1413 du code civil aux motifs que ce dernier régit les droits du créancier des époux communs en biens et tenus solidairement d'une dette commune. Elle soutient que si elle a accepté un moratoire à l'égard de madame [S], cette mesure de surendettement est une mesure personnelle, laquelle s'applique uniquement entre cette dernière et son créancier. Monsieur [D] ne peut s'en prévaloir de sorte qu'elle est fondée à poursuivre la vente forcée du bien immobilier saisi à l'égard de ce dernier.
Aux termes de leurs dernières écritures, notifiées le 9 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, madame [S] et monsieur [D] demandent à la cour :
- Donner acte à madame [S] de ce qu'elle bénéfice d'un plan conventionnel de redressement, adressé en date du 27 avril 2023, et applicable au plus tard, le 31 mai 2023, avec un moratoire de 24 mois pour permettre la finalisation de la procédure de saisie immobilière.
- Suspendre la procédure de saisie immobilière pour la durée du plan,
En tout état de cause, confirmer le jugement du 09 mai 2023, sur les points suivants :
- vu les clauses abusives en lien avec le prononcé de la déchéance du terme, au visa de l'article 17, « Exigibilité immédiate ».
- condamner la Banque SA CIC Lyonnaise de Banque au paiement d'une somme de 5000 € de dommages-intérêts, au visa de l'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution,
- condamner la Banque SA CIC Société Lyonnaise de Banque au paiement de la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Banque SA CIC Lyonnaise de Banque aux entiers dépens de l'instance d'appel, distraits au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj, avocats, au titre des articles 695 et suivants du code de procédure civile.
Ils affirment que seule madame [S] bénéficie d'un plan conventionnel de redressement à effet au 31 mai 2023 avec un moratoire de 24 mois sur la dette immobilière pour finaliser la saisie immobilière. Ils invoquent un abus de saisie de nature à fonder l'octroi de 5 000 € de dommages et intérêts alloués par le premier juge.
Monsieur le Responsable du Pôle de Recouvrement Spécialisé de [Localité 9], cité à personne, n'a pas comparu.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
L'arrêt mixte du 18 janvier 2024 statue sur les demandes de la Lyonnaise de Banque sauf sur l'orientation de la procédure de saisie immobilière, les dommages et intérêts, les frais irrépétibles et les dépens. Il a donc autorité de chose jugée et il n'y a pas lieu de statuer à nouveau sur les demandes de l'appelante autres que celles objet du sursis à statuer.
- Sur l'orientation de la procédure de saisie immobilière,
L'article 1413 du code civil dispose que le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s'il y a lieu.
Cependant, le droit positif considère au visa des articles 67 de la loi du 13 janvier 1989, 22 de la loi du 31 décembre 1993, applicables à une personne rapatriée d'Afrique du Nord, et 1413 du code civil, que la suspension des poursuites dont bénéficie un rapatrié interdit aux créanciers de son conjoint, marié sous le régime de la communauté légale, d'exercer des poursuites sur les biens communs pendant la durée de celle-ci ( Civ 1ère 19 janvier 1999 n°96-15.353 )
L'article 731-1 du code de la consommation dispose que si l'examen de la demande de traitement de la situation de surendettement fait apparaître que le débiteur se trouve dans la situation définie au premier alinéa de l'article L. 724-1 et que le débiteur est propriétaire d'un bien immobilier, la commission s'efforce de concilier les parties en vue de l'élaboration d'un plan conventionnel de redressement approuvé par le débiteur et ses principaux créanciers.
En l'espèce, si l'article 1413 du code civil permet aux créanciers du chef des deux époux tenus solidairement au paiement des échéances impayées d'un prêt immobilier, de poursuivre le recouvrement de sa créance sur un bien immobilier commun, la Lyonnaise de Banque a accepté un plan conventionnel de surendettement à l'égard de madame [S], lequel stipule un moratoire de deux ans à compter du 31 mai 2023 sur la dette immobilière.
Ledit plan précise la production de deux mandats de recherche dans un délai de deux mois à actualiser si la vente tarde à se réaliser. Dans le cadre juridique du plan conventionnel de redressement, cette précision induit l'accord de la Lyonnaise de Banque pour une vente amiable du bien immobilier, objet de la saisie immobilière en cours.
Il existe donc une incompatibilité entre la volonté du créancier poursuivant de poursuivre la vente forcée du bien immobilier commun saisi et son obligation de respecter le plan conventionnel de redressement de madame [S], lequel stipule un moratoire d'une durée de deux ans de sa dette immobilière, en vue de finaliser une vente amiable.
Ainsi, l'orientation de la saisie immobilière en vente forcée aurait pour effet de mettre à néant le plan conventionnel de redressement de madame [S] accepté par la Lyonnaise de Banque et qui a donc force obligatoire à son encontre, avec pour finalité la réalisation d'une vente amiable du bien immobilier commun.
Par conséquent, la suspension de la procédure de saisie immobilière sera prononcée.
- Sur les demandes accessoires,
La nullité du jugement déféré prononcée par l'arrêt du 18 janvier 2024, revêtue de l'autorité de chose jugée, a pour effet la disparition de la condamnation à dommages et intérêts prononcée par le premier juge. Il ne peut donc y avoir lieu à confirmation de ce chef et la cour n'est pas saisie d'une demande de condamnation à ce titre en cas de nullité du jugement.
Chacune des parties succombe partiellement et conservera donc les dépens qu'elle a engagés.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après débats en audience publique et en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
Vu l'arrêt mixte du 18 janvier 2024 et la nullité du jugement déféré,
PRONONCE la suspension de la procédure de saisie immobilière et dit qu'elle sera reprise, le cas échéant, à l'initiative de la partie la plus diligente à l'expiration du plan conventionnel de redressement de madame [O] [S],
RAPPELLE que la nullité du jugement déféré a pour effet de supprimer la condamnation à dommages et intérêts pour abus de saisie,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a engagés.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 13 JUIN 2024
N° 2024/315
Rôle N° RG 23/06999 N° Portalis DBVB-V-B7H-BLKRA
SA CIC LYONNAISE DE BANQUE
C/
[V] [D]
[O] [S] EPOUSE [D]
MONSIEUR LE RESPONSABLE DUPOLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE [Localité 9]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sébastien BADIE
Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de MARSEILLE en date du 09 Mai 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 21/00222.
APPELANTE
SA CIC LYONNAISE DE BANQUE
Immatriculée au RCS de LYON sous le n°B 954.507.976, représentée en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Virginie ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [V] [D]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 6]
assigné à jour fixe le 22/08/2023 à sa personne
Madame [O] [S]
née le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 4]
assigné à jour fixe le 22/08/2023 PV art 659
Tous deux représentés par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistés de Me Edouard SEKLY, avocat au barreau de MARSEILLE
MONSIEUR LE RESPONSABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPÉCIALISÉ DE [Localité 9]
demeurant [Adresse 3]
assigné à jour fixe le 22/08/2023 à l'étude
signification des conclusions le 17/10/2023 à personne habilitée
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024.
ARRÊT
Réputé Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure, prétentions des parties :
Aux termes d'un arrêt mixte du 18 janvier 2024, auquel il est renvoyé pour l'exposé du litige, la cour a prononcé la nullité du jugement qui lui était déféré, mais sur évocation :
- Constaté que la clause de l'article 17 du contrat de prêt du 25 janvier 2011 selon laquelle ' les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par écrit, si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt...' est abusive et réputée non-écrite,
- Validé le commandement de payer valant saisie des 18 août et 1er septembre 2021 à hauteur de 173 130,54 € outre intérêts, à compter du 1er septembre 2021, au taux conventionnel de 3,59 % sur la somme de 108 244,91 € et au taux légal sur la somme de 6 435,45 €, jusqu'à parfait paiement,
- Dit que la Lyonnaise de Banque poursuit la procédure de saisie immobilière pour une créance liquide et exigible de 173 130,54 € outre intérêts, à compter du 1er septembre 2021, au taux conventionnel de 3,59 % sur la somme de 108 244,91 € et au taux légal sur la somme de 6 435,45 €, jusqu'à parfait paiement,
- Validé la déclaration de créance du Pôle de Recouvrement Spécialisé de [Localité 9] à hauteur de 319 926,17 € au titre, des impôts sur le revenu des années 2009,2010, 2011, 2012, charges sociales de l'année 2009, et des majorations, selon bordereau de situation du 18 novembre 2021,
- Sursis à statuer sur l'orientation de la procédure de saisie immobilière,
- Ordonné la réouverture des débats,
- Enjoint aux parties de produire la demande de surendettement de madame [O] [S] épouse [D] et les éventuelles décisions ultérieures de la commission de surendettement (décision de recevabilité, plan conventionnel de redressement ou mesures recommandées ), et invité madame [D] à formuler ses éventuelles observations sur les effets de la procédure de surendettement à l'égard de la saisie immobilière,
- Réservé les demandes relatives aux dommages et intérêts, à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 16 avril 2024 et signifiées le 17 avril 2024 au créancier inscrit avec sommation de comparaître devant la cour, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, la Lyonnaise de Banque demande à la cour de :
Vu les articles L. 311-1 et suivants du Code des procédures civiles d 'exécution, R. 311 -1 et suivants du même code,
Vu les articles 14 d 17 du CPC et 6 de la CEDH,
Vu encore les dispositions de l'article R321-3 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l' arrêt mixte précédemment rendu :
- Constater la validité de la saisie immobilière au regard des textes applicables,
- Ordonner la poursuite de la procédure de saisie immobilière, nonobstant la décision de surendettement dont bénéficie Madame [S],
- Déterminer, conformément à l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution, les modalités de poursuite de la procédure,
- Débouter monsieur [D] et Madame [S] de toutes leurs prétentions, fins et conclusions,
- Ordonner la vente forcée des biens saisis et fixer les dates et heures de l'audience forcée,
- Fixer la date de l'audience d'adjudication et la date de visite conformément à l'article R. 322-26 du code des procédures civiles d'exécution, avec le concours de la SCP Synergie Huissiers 13, huissiers de justice à [Adresse 8], ou de tel autre huissier qu'il plaira à la cour de désigner, lequel pourra se faire assister si besoin est, de deux témoins, d'un serrurier et de la force publique,
- Autoriser d'ores et déjà le requérant à :
* A faire pratiquer les diagnostics immobiliers : loi Carrez, plomb, amiante, termites, diagnostic de performance énergétique et autres si besoin, par un expert consultant, lequel pourra se faire assister d'un huissier avec la présence, si besoin est de la force publique, d'un serrurier, voire de deux témoins ;
* A compléter l'avis prévu à l'article R 322-31 du Code des Procédures civiles d'Exécution par une photo du bien à vendre ;
* A compléter les avis simplifiés prévus à l'article R 322-32 du Code des procédures civiles d'exécution par une désignation sommaire des biens mise en vente ainsi que l'indication du nom de l'avocat poursuivant,
* A accomplir la publicité par un autre mode de communication à travers l'annonce de la vente sur site national internet : (ABT Communications) et ce en vertu des dispositions de l'article R 322-37 du Code des Procédures civiles d'exécution,
* A faire procéder à cette dernière publicité par des mentions similaires à l'avis prévu à l'article R 322-31 du Code des procédures civiles d'exécution qu'il y soit adjoint : le cahier des charges, en prenant soin de retirer de cet acte les coordonnées de la partie saisie et une photographie,
- Ordonner l'expulsion du saisi et de tous occupants de son chef des biens saisis, la décision à intervenir de ce chef devant profiter à l'adjudicataire définitif dès l'accomplissement des formalités prévues au cahier des conditions de vente, notamment le paiement des frais et du prix,
- Condamner monsieur [D] et madame [S] à payer au créancier la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonner que les dépens seront des frais privilégies de vente dus par l'adjudicataire ou l'acquéreur amiable en sus du prix principal qui comprendront notamment le coût des visites et des divers diagnostics immobiliers et de leur réactualisation, dont distraction au profit de maître Virginie Rosenfeld.
Elle fonde sa demande de vente forcée sur les dispositions de l'article 1413 du code civil aux motifs que ce dernier régit les droits du créancier des époux communs en biens et tenus solidairement d'une dette commune. Elle soutient que si elle a accepté un moratoire à l'égard de madame [S], cette mesure de surendettement est une mesure personnelle, laquelle s'applique uniquement entre cette dernière et son créancier. Monsieur [D] ne peut s'en prévaloir de sorte qu'elle est fondée à poursuivre la vente forcée du bien immobilier saisi à l'égard de ce dernier.
Aux termes de leurs dernières écritures, notifiées le 9 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, madame [S] et monsieur [D] demandent à la cour :
- Donner acte à madame [S] de ce qu'elle bénéfice d'un plan conventionnel de redressement, adressé en date du 27 avril 2023, et applicable au plus tard, le 31 mai 2023, avec un moratoire de 24 mois pour permettre la finalisation de la procédure de saisie immobilière.
- Suspendre la procédure de saisie immobilière pour la durée du plan,
En tout état de cause, confirmer le jugement du 09 mai 2023, sur les points suivants :
- vu les clauses abusives en lien avec le prononcé de la déchéance du terme, au visa de l'article 17, « Exigibilité immédiate ».
- condamner la Banque SA CIC Lyonnaise de Banque au paiement d'une somme de 5000 € de dommages-intérêts, au visa de l'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution,
- condamner la Banque SA CIC Société Lyonnaise de Banque au paiement de la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Banque SA CIC Lyonnaise de Banque aux entiers dépens de l'instance d'appel, distraits au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj, avocats, au titre des articles 695 et suivants du code de procédure civile.
Ils affirment que seule madame [S] bénéficie d'un plan conventionnel de redressement à effet au 31 mai 2023 avec un moratoire de 24 mois sur la dette immobilière pour finaliser la saisie immobilière. Ils invoquent un abus de saisie de nature à fonder l'octroi de 5 000 € de dommages et intérêts alloués par le premier juge.
Monsieur le Responsable du Pôle de Recouvrement Spécialisé de [Localité 9], cité à personne, n'a pas comparu.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
L'arrêt mixte du 18 janvier 2024 statue sur les demandes de la Lyonnaise de Banque sauf sur l'orientation de la procédure de saisie immobilière, les dommages et intérêts, les frais irrépétibles et les dépens. Il a donc autorité de chose jugée et il n'y a pas lieu de statuer à nouveau sur les demandes de l'appelante autres que celles objet du sursis à statuer.
- Sur l'orientation de la procédure de saisie immobilière,
L'article 1413 du code civil dispose que le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s'il y a lieu.
Cependant, le droit positif considère au visa des articles 67 de la loi du 13 janvier 1989, 22 de la loi du 31 décembre 1993, applicables à une personne rapatriée d'Afrique du Nord, et 1413 du code civil, que la suspension des poursuites dont bénéficie un rapatrié interdit aux créanciers de son conjoint, marié sous le régime de la communauté légale, d'exercer des poursuites sur les biens communs pendant la durée de celle-ci ( Civ 1ère 19 janvier 1999 n°96-15.353 )
L'article 731-1 du code de la consommation dispose que si l'examen de la demande de traitement de la situation de surendettement fait apparaître que le débiteur se trouve dans la situation définie au premier alinéa de l'article L. 724-1 et que le débiteur est propriétaire d'un bien immobilier, la commission s'efforce de concilier les parties en vue de l'élaboration d'un plan conventionnel de redressement approuvé par le débiteur et ses principaux créanciers.
En l'espèce, si l'article 1413 du code civil permet aux créanciers du chef des deux époux tenus solidairement au paiement des échéances impayées d'un prêt immobilier, de poursuivre le recouvrement de sa créance sur un bien immobilier commun, la Lyonnaise de Banque a accepté un plan conventionnel de surendettement à l'égard de madame [S], lequel stipule un moratoire de deux ans à compter du 31 mai 2023 sur la dette immobilière.
Ledit plan précise la production de deux mandats de recherche dans un délai de deux mois à actualiser si la vente tarde à se réaliser. Dans le cadre juridique du plan conventionnel de redressement, cette précision induit l'accord de la Lyonnaise de Banque pour une vente amiable du bien immobilier, objet de la saisie immobilière en cours.
Il existe donc une incompatibilité entre la volonté du créancier poursuivant de poursuivre la vente forcée du bien immobilier commun saisi et son obligation de respecter le plan conventionnel de redressement de madame [S], lequel stipule un moratoire d'une durée de deux ans de sa dette immobilière, en vue de finaliser une vente amiable.
Ainsi, l'orientation de la saisie immobilière en vente forcée aurait pour effet de mettre à néant le plan conventionnel de redressement de madame [S] accepté par la Lyonnaise de Banque et qui a donc force obligatoire à son encontre, avec pour finalité la réalisation d'une vente amiable du bien immobilier commun.
Par conséquent, la suspension de la procédure de saisie immobilière sera prononcée.
- Sur les demandes accessoires,
La nullité du jugement déféré prononcée par l'arrêt du 18 janvier 2024, revêtue de l'autorité de chose jugée, a pour effet la disparition de la condamnation à dommages et intérêts prononcée par le premier juge. Il ne peut donc y avoir lieu à confirmation de ce chef et la cour n'est pas saisie d'une demande de condamnation à ce titre en cas de nullité du jugement.
Chacune des parties succombe partiellement et conservera donc les dépens qu'elle a engagés.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après débats en audience publique et en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
Vu l'arrêt mixte du 18 janvier 2024 et la nullité du jugement déféré,
PRONONCE la suspension de la procédure de saisie immobilière et dit qu'elle sera reprise, le cas échéant, à l'initiative de la partie la plus diligente à l'expiration du plan conventionnel de redressement de madame [O] [S],
RAPPELLE que la nullité du jugement déféré a pour effet de supprimer la condamnation à dommages et intérêts pour abus de saisie,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a engagés.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE