Décisions
CA Versailles, ch. civ. 1-6, 27 juin 2024, n° 24/00042
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53A
Chambre civile 1-6
ARRET N°
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
DU 27 JUIN 2024
N° RG 24/00042 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WINU
AFFAIRE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA PORTE D'ALSACE
C/
[O] [B]
Madame [K] [B] épouse née [H]
S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL 'ACM VIE'
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 14 Décembre 2023 par le Juge de la mise en état de VERSAILLES
N° RG : 22/03732
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 27.06.2024
à :
Me Margaret BENITAH, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA PORTE D'ALSACE Association Coopérative de Crédit Mutuel inscrite au Tribunal Judiciaire de Mulhouse VIII/42
[Adresse 2]
[Localité 7]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Margaret BENITAH, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.409 - Représentant : Me Paul LUTZ, Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG
APPELANTE
****************
Monsieur [O] [B]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 8]
Madame [K] [H] épouse [B]
née le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2473158 - Représentant : Me Julien VISCONTI et Quentin BERTRAND, Plaidants, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL 'ACM VIE'
N° Siret : 332 377 597 (RCS STRASBOURG)
[Adresse 5]
[Localité 6]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Déclaration d'appel signifiée à personne habilitée le 26 Janvier 2024
INTIMÉE DÉFAILLANTE
****************Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère chargé du rapport et Madame Florence MICHON, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne PAGES, Présidente,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère,
Madame Florence MICHON, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE
Afin de financer un investissement immobilier locatif, M. [B] et Mme [H] épouse [B] ont contracté le 18 mai 2006 un prêt, dit in fine, auprès de l'association coopérative de Crédit mutuel de la porte d'Alsace portant sur la somme de 385 000 francs suisses pour une durée de 20 ans, remboursable en une unique échéance fixée au 30 avril 2026, avec un taux d'intérêts nominal de 2% l'an, indexé sur le « LIBOR 3 mois », tous les versements relatifs au prêt devant être effectués en francs suisses.
Par actes des 4 et 5 juillet 2022, M. [B] et Mme [H] épouse [B] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Versailles la société Assurances du Crédit mutuel vie et la Caisse de Crédit mutuel de la porte d'Alsace aux fins de faire déclarer abusives les clauses 4.2, 5.1, 5.3, et 11.5 figurant dans l'offre de prêt, et par voie de conséquence d'ordonner au Crédit Mutuel la restitution des sommes versées en exécution du prêt soit la contre-valeur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable à la date de leur paiement, contre la restitution par eux-mêmes des sommes mises à leur disposition, avec compensation des créances réciproques.
Par conclusions d'incident la banque a soulevé devant le juge de la mise en état la prescription des prétentions fondées sur la stipulation du franc suisse comme monnaie de paiement et sur l'indétermination ou la potestativité du cours du change, à fin d'irrecevabilité de la demande « en toutes ses dispositions et motivations » [sic].
Par ordonnance réputée contradictoire du 14 décembre 2023, le juge de la mise en état a :
dit et jugé abusives et non écrites les clauses 4.2, 5.1, 5.3 et 11.5 du contrat de prêt du 18 mai 2006 conclu entre l'association Caisse de Crédit mutuel de la porte d'Alsace d'une part et M. [B] et Mme [H] épouse [B] d'autre part
rejeté la fin de non-recevoir opposée au titre de la prescription par l'association Caisse de Crédit mutuel de la porte d'Alsace aux demandes de restitution fondées sur le caractère abusif des clauses 4.2, 5.1, 5.3 et 11.5 de M. [B] et Mme [H] épouse [B]
réservé les dépens
débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
renvoyé l'affaire à la mise en état du 26 février 2024 pour conclusions en défense.
Le 26 décembre 2023, la société Caisse de Crédit mutuel de la porte d'Alsace a relevé appel de cette décision. La déclaration d'appel a été signifiée aux ACM Vie par acte du 26 janvier 2024 délivré à personne habilitée.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe le 20 février 2024, dûment signifiées aux ACM Vie par acte du 21 février 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'appelante demande à la cour de :
déclarer l'appel recevable et fondé
annuler l'ordonnance du juge de la mise en état du 14 décembre 2023 en ce qu'elle a statué au fond en déclarant abusives certaines clauses du contrat de prêt
infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 14 décembre 2023 en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir fondée sur la prescription des griefs et prétentions adverses
Statuant à nouveau :
déclarer prescrits l'ensemble des griefs et prétentions des époux [B], notamment ceux fondés sur la prétendue stipulation du franc suisse comme monnaie de paiement, sur le caractère abusif de certaines clauses et sur l'obligation de restitution qui en résulterait, sur la prétendue indétermination ou potestativité du cours de change appliqué, ou une prétendue responsabilité de la concluante pour défaut d'information et de conseil
condamner les intimés au paiement d'une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
les condamner solidairement aux entiers frais et dépens.
Par dernières conclusions transmises au greffe le 15 mars 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les consorts [B], intimés, demandent à la cour de :
confirmer dans l'intégralité de ses dispositions l'ordonnance rendue le 14 décembre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Versailles
Statuant à nouveau,
condamner la Caisse de Crédit mutuel de la porte d'Alsace à payer 6000 euros à M. [B] et Mme [H] épouse [B] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Les ACM Vie n'ont pas constitué avocat. L'arrêt sera réputé contradictoire.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 avril 2024.
Par conclusions du 25 avril 2024, l'appelante a demandé la révocation de l'ordonnance de clôture pour lui permettre de verser une pièce complémentaire que la banque a tardé à retrouver dans ses archives scannées, et elle a transmis le même jour un nouveau jeu de conclusions au fond, modifiant ses prétentions sur le fondement de cette pièce nouvelle, à la suite desquelles les intimés, sans se prononcer sur la demande de rabat de la clôture, ont à nouveau conclu au fond le 2 mai 2024.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 22 mai 2024 et le prononcé de l'arrêt au 27 juin 2024, par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture
En application de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture plus aucune conclusion ni pièce n'est recevable, hormis notamment les demandes de révocation de ladite ordonnance de clôture.
Mais l'article 803 ne permet cette révocation que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
En l'espèce, la banque entend se prévaloir d'un document signé par les emprunteurs peu après la conclusion du contrat démontrant selon elle, qu'ils disposaient de revenus en francs suisse. D'une part il s'agit d'une pièce utile à l'argumentation de la banque sur le fond du litige pendant devant le tribunal judiciaire et d'autre part, il s'agit d'un élément de preuve dont la banque dispose depuis 2009, qu'il ne tenait qu'à elle de faire sortir de ses archives scannées dès l'assignation au fond des demandeurs, qui remonte au 5 juillet 2022, de sorte qu'elle ne peut pas se prévaloir d'une cause grave de révocation de l'ordonnance de clôture qui se serait révélée depuis qu'elle a été rendue.
Il convient donc de rejeter la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, d'écarter des débats comme étant irrecevables les conclusions déposées le 25 avril 2024 et la pièce 8 communiquée à cette date par la partie appelante, ainsi que les conclusions en réponse déposées le 2 mai 2024 par M et Mme [B]. La cour statuera en contemplation des conclusions de l'appelante du 20 février 2024 et de celles des intimés du 15 mars 2024 telles que mentionnées dans l'exposé ci-dessus.
Sur l'assiette de la saisine de la cour
La cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond par conséquent aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.
Par ailleurs, l'article 542 du code de procédure civile dispose que l'appel tend par la critique du jugement à sa réformation ou à son annulation. En cas d'annulation l'effet dévolutif est en principe total.
En l'espèce, la Caisse de Crédit Mutuel demande à la cour au dispositif de ses conclusions qu'elle annule l'ordonnance du juge de la mise en état du 14 décembre 2023 en ce qu'elle a statué au fond en déclarant abusives certaines clauses du contrat de prêt et qu'elle infirme l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir fondée sur la prescription des griefs et prétentions adverses, et ce, sans que la seconde prétention ne soit soutenue à titre subsidiaire de la première, ce qui est incompatible, la nullité n'étant pas distributive. Si l'ordonnance est nulle elle l'est pour le tout.
Par ailleurs, l'appelante n'a pas défendu son moyen d'annulation dans la partie discussion de ses écritures. Il se déduit implicitement de son propos qu'elle reproche au juge de la mise en état d'avoir excédé ses pouvoirs en se prononçant sur la demande principale relative au caractère abusif des clauses du contrat incriminées, mais elle mentionne en substance (page 11 de ses conclusions) que le premier juge a cru pouvoir déclarer ces clauses abusives pour déterminer le point de départ de la prescription, soit un incident qui relevait bien du champ de ses pouvoirs. Il en résulte que l'erreur de droit sur les questions de fond à trancher pour statuer sur la fin de non-recevoir dont le juge de la mise en état avait été saisi doit être analysée non pas comme un moyen d'annulation mais comme un moyen d'infirmation de l'ordonnance critiquée.
Il n'y a donc pas lieu d'annuler l'ordonnance déférée dans les limites demandées par l'appelante.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Le 6e de l'article 789 du code de procédure civile donne compétence exclusive au conseiller de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir en ajoutant que lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, il statue sur cette question.
Sa décision peut avoir pour effet le cas échéant de mettre fin à l'instance.
En l'espèce, le juge de la mise en état et la cour statuant en appel de sa décision, a été saisi exclusivement d'une exception de prescription.
Il n'a pas explicité sa démarche au regard des dispositions susvisées mais a d'emblée entrepris de statuer sur le caractère abusif des clauses qui constitue la prétention principale dont M et Mme [B] ont saisi le tribunal. Et en dans un deuxième temps de sa réflexion, en application de la jurisprudence de la Cour de cassation depuis son arrêt du 12 juillet 2023 (Civ 1ère n° pourvoi 22-17.030) il a retenu que le délai de prescription de l'action restitutoire commençant à courir à compter de la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses, soit sa propre décision, l'action n'est pas prescrite.
Les parties s'accordent sur le principe d'imprescriptibilité de l'action en déclaration de clause abusive conformément à la directive européenne 93/13 et à la jurisprudence de la CJUE.
Mais la Caisse de Crédit Mutuel fait valoir que cette jurisprudence de la CJUE n'a pas pour effet de rendre imprescriptibles quant à elles les demandes consécutives de caractère restitutif et que la jurisprudence de la Cour de cassation est erronée et même incompatible avec la jurisprudence communautaire qui doit prévaloir, et qui confère une force élevée au principe de sécurité juridique, nécessitant qu'une action ayant une incidence patrimoniale soit prescriptible.
Selon l'appelante, l'application de la directive 93/13 transposée en droit français à l'article L212-1 du code de la consommation, selon lequel le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, implique que la présente cour recherche in concreto à quelle date les emprunteurs ont eu la possibilité de connaître l'incidence pour eux de la hausse du franc suisse et le risque pris en souscrivant un prêt dans cette devise, ce qui constitue le point de départ de l'action restitutoire.
En réponse, M et Mme [B] maintiennent que le juge de la mise en état ne pouvait pas faire autrement que de statuer sur le caractère abusif des clauses incriminées pour résoudre la question de la prescription éventuelle de l'action restitutoire.
Sur ce point, ils ajoutent que la CJUE a condamné la soumission de l'action restitutoire à un délai de prescription courant à compter de la date d'acceptation de l'offre de prêt, c'est-à-dire à un moment où le consommateur n'avait pas la possibilité de connaître ses droits, et que, la cour imposant de tenir compte de la situation d'infériorité du consommateur, elle prohibe également le régime juridique ou les jurisprudences nationales faisant courir le délai de prescription de l'action restitutive à la date de chaque prestation exécutée par le consommateur en méconnaissance de ses droits, tant qu'il n'avait pas connaissance du caractère abusif de la clause mise à exécution. Ils en concluent que la jurisprudence de la Cour de cassation tirée de son arrêt du 12 juillet 2023 fait une bonne application de ces règles en fixant désormais le point de départ du délai de prescription de l'action restitutoire à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses.
Ceci étant exposé, la position de la banque tend à faire dépendre la recevabilité de l'action en constatation du caractère abusif d'une clause d'un contrat conclu avec un professionnel, de la recevabilité de l'action restitutoire qui n'en est que la conséquence, et ce, au mépris du caractère d'ordre public de la protection du consommateur contre les clauses abusives qui lui sont imposées, dont la jurisprudence de la CJUE s'attache à rappeler la supériorité en écartant les exceptions procédurales nationales susceptibles de la mettre en échec. Le principe posé par la Cour de cassation dans son arrêt du 12 juillet 2023 vise au contraire à garantir l'effectivité de cette protection, en reportant le délai de prescription de l'action restitutoire à la date de la décision déclarant abusives les clauses appliquées au détriment du consommateur.
Contrairement à ce que soutient la banque, cette jurisprudence nationale, certes favorable au consommateur, ne porte pas une atteinte disproportionnée au principe de sécurité juridique dès lors que comme elle le revendique elle-même, les critères de détermination de l'abusivité d'une clause incluent une part d'appréciation in concreto de la compréhension de la clause par le consommateur, et que par hypothèse, c'est seulement lorsque le caractère abusif d'une clause est reconnu en justice que l'action restitutoire consécutive peut prospérer, c'est-à-dire lorsqu'il est établi que le professionnel a tenté d'imposer illégalement au consommateur un déséquilibre significatif de l'économie du contrat au détriment de ce dernier.
Par conséquent, l'action en déclaration de clause abusive étant imprescriptible et le point de départ de l'action restitutoire étant fixé à la date de la déclaration d'abusivité, il n'était pas nécessaire de trancher au préalable la question du caractère abusif des clauses incriminées, au sens de l'article 789 du code de procédure civile. Il suffisait au juge de la mise en état de constater que le délai de prescription des demandes consécutives à caractère restitutif n'avait pas commencé à courir, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
L'ordonnance doit être infirmée en ce qu'elle a dit et jugé abusives et non écrites les clauses 4.2, 5.1, 5.3 et 11.5 du contrat de prêt du 18 mai 2006 conclu entre la Caisse de Crédit mutuel de la porte d'Alsace d'une part et M. [B] et Mme [H] épouse [B] d'autre part, cette question relevant de la seule compétence de la juridiction du fond saisie à cette fin à titre principal.
C'est devant le tribunal que la banque devra faire la démonstration, qui n'était pas opérante devant la présente cour d'appel, que les conditions permettant à M et Mme [B] de se prévaloir du caractère abusif de ces clauses ne sont pas réunies. Dans ce cas, ils seront déboutés de leurs demandes à caractère restitutif qui ne peuvent être qu'en lien direct avec la disparition des clauses reconnues abusives.
Il doit être constaté à cet égard afin d'être complet, que les fins de non-recevoir ne peuvent être opposées que pour faire échec aux prétentions formulées au dispositif des conclusions, et non pas aux moyens ou « griefs » tels que mentionnés dans les conclusions de la banque tirés de la nullité d'un contrat de prêt conclu en devise étrangère comme monnaie de compte et de paiement, de la prétendue indétermination ou potestativité du cours de change appliqué, ou une prétendue responsabilité de la concluante pour défaut d'information et de conseil, étant observé, au vu du dispositif de leur assignation saisissant le tribunal, qu'aucune prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile n'est formulée en ce sens par M et Mme [B].
En l'état, l'ordonnance sera confirmée seulement en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée aux demandes de restitution fondées sur le caractère abusif de certaines clauses.
Chaque partie succombant partiellement, il convient d'ordonner que le sort des dépens d'appel sur l'incident suive le sort du principal et dans cette attente, de les laisser à titre provisionnel à la charge de l'appelante.
Par ailleurs, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque à ce stade de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, et dans les limites de l'effet dévolutif de l'appel,
INFIRME la décision entreprise en ce qu'elle a dit et jugé abusives et non écrites les clauses 4.2, 5.1, 5.3 et 11.5 du contrat de prêt du 18 mai 2006 conclu entre l'association Caisse de Crédit mutuel de la porte d'Alsace d'une part et M. [B] et Mme [H] épouse [B] d'autre part ;
Confirme l'ordonnance pour le surplus ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne que le sort des dépens d'appel sur l'incident suive le sort du principal, et dans cette attente, dit qu'ils seront à titre provisionnel laissés à la charge de l'appelante.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
DE
VERSAILLES
Code nac : 53A
Chambre civile 1-6
ARRET N°
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
DU 27 JUIN 2024
N° RG 24/00042 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WINU
AFFAIRE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA PORTE D'ALSACE
C/
[O] [B]
Madame [K] [B] épouse née [H]
S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL 'ACM VIE'
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 14 Décembre 2023 par le Juge de la mise en état de VERSAILLES
N° RG : 22/03732
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 27.06.2024
à :
Me Margaret BENITAH, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA PORTE D'ALSACE Association Coopérative de Crédit Mutuel inscrite au Tribunal Judiciaire de Mulhouse VIII/42
[Adresse 2]
[Localité 7]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Margaret BENITAH, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.409 - Représentant : Me Paul LUTZ, Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG
APPELANTE
****************
Monsieur [O] [B]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 8]
Madame [K] [H] épouse [B]
née le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2473158 - Représentant : Me Julien VISCONTI et Quentin BERTRAND, Plaidants, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL 'ACM VIE'
N° Siret : 332 377 597 (RCS STRASBOURG)
[Adresse 5]
[Localité 6]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Déclaration d'appel signifiée à personne habilitée le 26 Janvier 2024
INTIMÉE DÉFAILLANTE
****************Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère chargé du rapport et Madame Florence MICHON, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne PAGES, Présidente,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère,
Madame Florence MICHON, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE
Afin de financer un investissement immobilier locatif, M. [B] et Mme [H] épouse [B] ont contracté le 18 mai 2006 un prêt, dit in fine, auprès de l'association coopérative de Crédit mutuel de la porte d'Alsace portant sur la somme de 385 000 francs suisses pour une durée de 20 ans, remboursable en une unique échéance fixée au 30 avril 2026, avec un taux d'intérêts nominal de 2% l'an, indexé sur le « LIBOR 3 mois », tous les versements relatifs au prêt devant être effectués en francs suisses.
Par actes des 4 et 5 juillet 2022, M. [B] et Mme [H] épouse [B] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Versailles la société Assurances du Crédit mutuel vie et la Caisse de Crédit mutuel de la porte d'Alsace aux fins de faire déclarer abusives les clauses 4.2, 5.1, 5.3, et 11.5 figurant dans l'offre de prêt, et par voie de conséquence d'ordonner au Crédit Mutuel la restitution des sommes versées en exécution du prêt soit la contre-valeur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable à la date de leur paiement, contre la restitution par eux-mêmes des sommes mises à leur disposition, avec compensation des créances réciproques.
Par conclusions d'incident la banque a soulevé devant le juge de la mise en état la prescription des prétentions fondées sur la stipulation du franc suisse comme monnaie de paiement et sur l'indétermination ou la potestativité du cours du change, à fin d'irrecevabilité de la demande « en toutes ses dispositions et motivations » [sic].
Par ordonnance réputée contradictoire du 14 décembre 2023, le juge de la mise en état a :
dit et jugé abusives et non écrites les clauses 4.2, 5.1, 5.3 et 11.5 du contrat de prêt du 18 mai 2006 conclu entre l'association Caisse de Crédit mutuel de la porte d'Alsace d'une part et M. [B] et Mme [H] épouse [B] d'autre part
rejeté la fin de non-recevoir opposée au titre de la prescription par l'association Caisse de Crédit mutuel de la porte d'Alsace aux demandes de restitution fondées sur le caractère abusif des clauses 4.2, 5.1, 5.3 et 11.5 de M. [B] et Mme [H] épouse [B]
réservé les dépens
débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
renvoyé l'affaire à la mise en état du 26 février 2024 pour conclusions en défense.
Le 26 décembre 2023, la société Caisse de Crédit mutuel de la porte d'Alsace a relevé appel de cette décision. La déclaration d'appel a été signifiée aux ACM Vie par acte du 26 janvier 2024 délivré à personne habilitée.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe le 20 février 2024, dûment signifiées aux ACM Vie par acte du 21 février 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'appelante demande à la cour de :
déclarer l'appel recevable et fondé
annuler l'ordonnance du juge de la mise en état du 14 décembre 2023 en ce qu'elle a statué au fond en déclarant abusives certaines clauses du contrat de prêt
infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 14 décembre 2023 en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir fondée sur la prescription des griefs et prétentions adverses
Statuant à nouveau :
déclarer prescrits l'ensemble des griefs et prétentions des époux [B], notamment ceux fondés sur la prétendue stipulation du franc suisse comme monnaie de paiement, sur le caractère abusif de certaines clauses et sur l'obligation de restitution qui en résulterait, sur la prétendue indétermination ou potestativité du cours de change appliqué, ou une prétendue responsabilité de la concluante pour défaut d'information et de conseil
condamner les intimés au paiement d'une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
les condamner solidairement aux entiers frais et dépens.
Par dernières conclusions transmises au greffe le 15 mars 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les consorts [B], intimés, demandent à la cour de :
confirmer dans l'intégralité de ses dispositions l'ordonnance rendue le 14 décembre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Versailles
Statuant à nouveau,
condamner la Caisse de Crédit mutuel de la porte d'Alsace à payer 6000 euros à M. [B] et Mme [H] épouse [B] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Les ACM Vie n'ont pas constitué avocat. L'arrêt sera réputé contradictoire.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 avril 2024.
Par conclusions du 25 avril 2024, l'appelante a demandé la révocation de l'ordonnance de clôture pour lui permettre de verser une pièce complémentaire que la banque a tardé à retrouver dans ses archives scannées, et elle a transmis le même jour un nouveau jeu de conclusions au fond, modifiant ses prétentions sur le fondement de cette pièce nouvelle, à la suite desquelles les intimés, sans se prononcer sur la demande de rabat de la clôture, ont à nouveau conclu au fond le 2 mai 2024.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 22 mai 2024 et le prononcé de l'arrêt au 27 juin 2024, par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture
En application de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture plus aucune conclusion ni pièce n'est recevable, hormis notamment les demandes de révocation de ladite ordonnance de clôture.
Mais l'article 803 ne permet cette révocation que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
En l'espèce, la banque entend se prévaloir d'un document signé par les emprunteurs peu après la conclusion du contrat démontrant selon elle, qu'ils disposaient de revenus en francs suisse. D'une part il s'agit d'une pièce utile à l'argumentation de la banque sur le fond du litige pendant devant le tribunal judiciaire et d'autre part, il s'agit d'un élément de preuve dont la banque dispose depuis 2009, qu'il ne tenait qu'à elle de faire sortir de ses archives scannées dès l'assignation au fond des demandeurs, qui remonte au 5 juillet 2022, de sorte qu'elle ne peut pas se prévaloir d'une cause grave de révocation de l'ordonnance de clôture qui se serait révélée depuis qu'elle a été rendue.
Il convient donc de rejeter la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, d'écarter des débats comme étant irrecevables les conclusions déposées le 25 avril 2024 et la pièce 8 communiquée à cette date par la partie appelante, ainsi que les conclusions en réponse déposées le 2 mai 2024 par M et Mme [B]. La cour statuera en contemplation des conclusions de l'appelante du 20 février 2024 et de celles des intimés du 15 mars 2024 telles que mentionnées dans l'exposé ci-dessus.
Sur l'assiette de la saisine de la cour
La cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond par conséquent aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.
Par ailleurs, l'article 542 du code de procédure civile dispose que l'appel tend par la critique du jugement à sa réformation ou à son annulation. En cas d'annulation l'effet dévolutif est en principe total.
En l'espèce, la Caisse de Crédit Mutuel demande à la cour au dispositif de ses conclusions qu'elle annule l'ordonnance du juge de la mise en état du 14 décembre 2023 en ce qu'elle a statué au fond en déclarant abusives certaines clauses du contrat de prêt et qu'elle infirme l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir fondée sur la prescription des griefs et prétentions adverses, et ce, sans que la seconde prétention ne soit soutenue à titre subsidiaire de la première, ce qui est incompatible, la nullité n'étant pas distributive. Si l'ordonnance est nulle elle l'est pour le tout.
Par ailleurs, l'appelante n'a pas défendu son moyen d'annulation dans la partie discussion de ses écritures. Il se déduit implicitement de son propos qu'elle reproche au juge de la mise en état d'avoir excédé ses pouvoirs en se prononçant sur la demande principale relative au caractère abusif des clauses du contrat incriminées, mais elle mentionne en substance (page 11 de ses conclusions) que le premier juge a cru pouvoir déclarer ces clauses abusives pour déterminer le point de départ de la prescription, soit un incident qui relevait bien du champ de ses pouvoirs. Il en résulte que l'erreur de droit sur les questions de fond à trancher pour statuer sur la fin de non-recevoir dont le juge de la mise en état avait été saisi doit être analysée non pas comme un moyen d'annulation mais comme un moyen d'infirmation de l'ordonnance critiquée.
Il n'y a donc pas lieu d'annuler l'ordonnance déférée dans les limites demandées par l'appelante.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Le 6e de l'article 789 du code de procédure civile donne compétence exclusive au conseiller de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir en ajoutant que lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, il statue sur cette question.
Sa décision peut avoir pour effet le cas échéant de mettre fin à l'instance.
En l'espèce, le juge de la mise en état et la cour statuant en appel de sa décision, a été saisi exclusivement d'une exception de prescription.
Il n'a pas explicité sa démarche au regard des dispositions susvisées mais a d'emblée entrepris de statuer sur le caractère abusif des clauses qui constitue la prétention principale dont M et Mme [B] ont saisi le tribunal. Et en dans un deuxième temps de sa réflexion, en application de la jurisprudence de la Cour de cassation depuis son arrêt du 12 juillet 2023 (Civ 1ère n° pourvoi 22-17.030) il a retenu que le délai de prescription de l'action restitutoire commençant à courir à compter de la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses, soit sa propre décision, l'action n'est pas prescrite.
Les parties s'accordent sur le principe d'imprescriptibilité de l'action en déclaration de clause abusive conformément à la directive européenne 93/13 et à la jurisprudence de la CJUE.
Mais la Caisse de Crédit Mutuel fait valoir que cette jurisprudence de la CJUE n'a pas pour effet de rendre imprescriptibles quant à elles les demandes consécutives de caractère restitutif et que la jurisprudence de la Cour de cassation est erronée et même incompatible avec la jurisprudence communautaire qui doit prévaloir, et qui confère une force élevée au principe de sécurité juridique, nécessitant qu'une action ayant une incidence patrimoniale soit prescriptible.
Selon l'appelante, l'application de la directive 93/13 transposée en droit français à l'article L212-1 du code de la consommation, selon lequel le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, implique que la présente cour recherche in concreto à quelle date les emprunteurs ont eu la possibilité de connaître l'incidence pour eux de la hausse du franc suisse et le risque pris en souscrivant un prêt dans cette devise, ce qui constitue le point de départ de l'action restitutoire.
En réponse, M et Mme [B] maintiennent que le juge de la mise en état ne pouvait pas faire autrement que de statuer sur le caractère abusif des clauses incriminées pour résoudre la question de la prescription éventuelle de l'action restitutoire.
Sur ce point, ils ajoutent que la CJUE a condamné la soumission de l'action restitutoire à un délai de prescription courant à compter de la date d'acceptation de l'offre de prêt, c'est-à-dire à un moment où le consommateur n'avait pas la possibilité de connaître ses droits, et que, la cour imposant de tenir compte de la situation d'infériorité du consommateur, elle prohibe également le régime juridique ou les jurisprudences nationales faisant courir le délai de prescription de l'action restitutive à la date de chaque prestation exécutée par le consommateur en méconnaissance de ses droits, tant qu'il n'avait pas connaissance du caractère abusif de la clause mise à exécution. Ils en concluent que la jurisprudence de la Cour de cassation tirée de son arrêt du 12 juillet 2023 fait une bonne application de ces règles en fixant désormais le point de départ du délai de prescription de l'action restitutoire à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses.
Ceci étant exposé, la position de la banque tend à faire dépendre la recevabilité de l'action en constatation du caractère abusif d'une clause d'un contrat conclu avec un professionnel, de la recevabilité de l'action restitutoire qui n'en est que la conséquence, et ce, au mépris du caractère d'ordre public de la protection du consommateur contre les clauses abusives qui lui sont imposées, dont la jurisprudence de la CJUE s'attache à rappeler la supériorité en écartant les exceptions procédurales nationales susceptibles de la mettre en échec. Le principe posé par la Cour de cassation dans son arrêt du 12 juillet 2023 vise au contraire à garantir l'effectivité de cette protection, en reportant le délai de prescription de l'action restitutoire à la date de la décision déclarant abusives les clauses appliquées au détriment du consommateur.
Contrairement à ce que soutient la banque, cette jurisprudence nationale, certes favorable au consommateur, ne porte pas une atteinte disproportionnée au principe de sécurité juridique dès lors que comme elle le revendique elle-même, les critères de détermination de l'abusivité d'une clause incluent une part d'appréciation in concreto de la compréhension de la clause par le consommateur, et que par hypothèse, c'est seulement lorsque le caractère abusif d'une clause est reconnu en justice que l'action restitutoire consécutive peut prospérer, c'est-à-dire lorsqu'il est établi que le professionnel a tenté d'imposer illégalement au consommateur un déséquilibre significatif de l'économie du contrat au détriment de ce dernier.
Par conséquent, l'action en déclaration de clause abusive étant imprescriptible et le point de départ de l'action restitutoire étant fixé à la date de la déclaration d'abusivité, il n'était pas nécessaire de trancher au préalable la question du caractère abusif des clauses incriminées, au sens de l'article 789 du code de procédure civile. Il suffisait au juge de la mise en état de constater que le délai de prescription des demandes consécutives à caractère restitutif n'avait pas commencé à courir, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
L'ordonnance doit être infirmée en ce qu'elle a dit et jugé abusives et non écrites les clauses 4.2, 5.1, 5.3 et 11.5 du contrat de prêt du 18 mai 2006 conclu entre la Caisse de Crédit mutuel de la porte d'Alsace d'une part et M. [B] et Mme [H] épouse [B] d'autre part, cette question relevant de la seule compétence de la juridiction du fond saisie à cette fin à titre principal.
C'est devant le tribunal que la banque devra faire la démonstration, qui n'était pas opérante devant la présente cour d'appel, que les conditions permettant à M et Mme [B] de se prévaloir du caractère abusif de ces clauses ne sont pas réunies. Dans ce cas, ils seront déboutés de leurs demandes à caractère restitutif qui ne peuvent être qu'en lien direct avec la disparition des clauses reconnues abusives.
Il doit être constaté à cet égard afin d'être complet, que les fins de non-recevoir ne peuvent être opposées que pour faire échec aux prétentions formulées au dispositif des conclusions, et non pas aux moyens ou « griefs » tels que mentionnés dans les conclusions de la banque tirés de la nullité d'un contrat de prêt conclu en devise étrangère comme monnaie de compte et de paiement, de la prétendue indétermination ou potestativité du cours de change appliqué, ou une prétendue responsabilité de la concluante pour défaut d'information et de conseil, étant observé, au vu du dispositif de leur assignation saisissant le tribunal, qu'aucune prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile n'est formulée en ce sens par M et Mme [B].
En l'état, l'ordonnance sera confirmée seulement en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée aux demandes de restitution fondées sur le caractère abusif de certaines clauses.
Chaque partie succombant partiellement, il convient d'ordonner que le sort des dépens d'appel sur l'incident suive le sort du principal et dans cette attente, de les laisser à titre provisionnel à la charge de l'appelante.
Par ailleurs, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque à ce stade de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, et dans les limites de l'effet dévolutif de l'appel,
INFIRME la décision entreprise en ce qu'elle a dit et jugé abusives et non écrites les clauses 4.2, 5.1, 5.3 et 11.5 du contrat de prêt du 18 mai 2006 conclu entre l'association Caisse de Crédit mutuel de la porte d'Alsace d'une part et M. [B] et Mme [H] épouse [B] d'autre part ;
Confirme l'ordonnance pour le surplus ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne que le sort des dépens d'appel sur l'incident suive le sort du principal, et dans cette attente, dit qu'ils seront à titre provisionnel laissés à la charge de l'appelante.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente