Décisions
CA Paris, Pôle 4 - ch. 10, 27 juin 2024, n° 21/06346
PARIS
Arrêt
Autre
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 10
ARRET DU 27 JUIN 2024
(n° , 17 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06346 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDNW4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Décembre 2020 - Tribunal judiciaire de MEAUX RG n° 18/04576
APPELANT
Monsieur [D] [C]
né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 5] (ILE MAURICE)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
Assisté à l'audience de Me Ghislain AMSELLEM, avocat au barreau de PARIS, toque : A0081
INTIMÉ
Monsieur [T] [F]
né le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté et assisté à l'audience par Me Sandy Christ BHAGANOOA, avocat au barreau de PARIS, toque L 218
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été appelée le 02 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Florence PAPIN, Présidente
Madame Valérie MORLET, Conseillère
Madame Anne ZYSMAN, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne ZYSMAN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine SILVAN, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
EXPOSE DU LITIGE
S'estimant victime de manoeuvres frauduleuses et trompeuses de la part de M. [C] dans le cadre d'un projet d'investissement immobilier à l'Ile Maurice pour le convaincre de lui remettre directement plus de 200.000 euros qu'il a utilisés pour acquérir un bien immobilier en son nom propre et qu'il ne lui a jamais restitués, M. [T] [F] l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire de Meaux par actes d'huissier des 5 novembre et 17 décembre 2018, pour obtenir sa condamnation, au visa des articles 14, 1240 et 1241 du code civil, à lui payer les sommes de :
- 389.104,89 euros et subsidiairement de 243.482,89 euros au titre du préjudice patrimonial subi,
- 50.000 euros au titre du préjudice moral subi,
- 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.
M. [C] n'ayant pas constitué avocat, le tribunal, par jugement réputé contradictoire du 23 décembre 2020, a :
- condamné M. [C] à payer à M. [F] :
' la somme de 171.745,36 euros en réparation de son préjudice patrimonial,
' la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,
- rejeté toutes autres demandes,
- condamné M. [C] aux entiers dépens,
- condamné M. [C] à payer à M. [F] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 3 avril 2021, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2023, M. [D] [C] demande à la cour de :
Vu les articles 42, 43, 44, 46, 1353, 1240, 1241, 1301, 1103, 1104 et 1231-1 du code civil,
Vu les articles 1301 et suivants du code civil,
Vu les articles 112 et 114 du code de procédure civile,
Vu les articles 654 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles 482 et suivants du code de procédure civile,
Vu l'article 41 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1881,
Vu l'article 9, 24 et 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 3 du code civil mauricien,
Vu l'article 2.2.1 du protocole de procédure civile conclu le 11 juillet 2012 entre le tribunal de grande instance de Paris et l'Ordre des avocats du Barreau de Paris,
Vu l'ordonnance de Villers-Cotterêts,
Vu la décision du tribunal judiciaire de Meaux en date du 23 décembre 2020,
- Déclarer nulle l'assignation des 5 novembre et 17 décembre 2018 et le jugement subséquent,
A défaut,
- Déclarer le tribunal judiciaire de Meaux incompétent au profit de la juridiction mauricienne,
Y faisant droit,
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Meaux le 23 décembre 2020,
Avant dire droit,
- Ecarter des débats la pièce n°24 en langue anglaise non traduite,
À titre subsidiaire, sur le fond,
- Déclarer M. [C] recevable et bien fondée en son appel,
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Meaux le 23 décembre 2020,
Statuant à nouveau,
- Débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- Ordonner la mainlevée immédiate de l'inscription d'hypothèque judiciaire pratiquée à titre conservatoire par M. [F] sur le fondement de l'ordonnance du juge de l'exécution en date du 14 septembre 2018 pour un montant de 183.482,39 euros,
- Condamner M. [F] au paiement de la somme de 50.000 euros à M. [D] [C] à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis,
- Condamner M. [F] au paiement de la somme de 1.000 euros à M. [D] [C] à titre de dommages et intérêts pour propos injurieux,
Le cas échéant,
- Fixer l'application des intérêts à partir de la décision à intervenir en cas de condamnation de M. [C],
Subsidiairement,
- Condamner M. [F] au paiement de la somme de 50.000 euros à M. [D] [C] au titre de sa rémunération dans le cadre de la gestion du projet,
A titre infiniment subsidiaire,
- Condamner M. [F] au paiement de la somme de 50.000 euros à M. [D] [C] à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis au titre de l'enrichissement sans cause,
En tout état de cause,
- Condamner M. [T] [F] au paiement à M. [C] de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Il explique que M. [F], ami de longue date, ayant exprimé le souhait d'investir dans l'immobilier dans un lieu touristique, il lui a proposé de s'associer afin de créer une société à l'Ile Maurice, dont l'activité consisterait à acquérir des biens immobiliers nécessitant une rénovation pour ensuite les proposer à la location ou les revendre avec une plus-value ; qu'il était convenu entre les parties que dans un premier temps, M. [F] apporterait les fonds nécessaires aux opérations d'investissement et que lui-même aurait la charge de superviser la mise en 'uvre de ces opérations ; qu'un premier terrain a été trouvé à la « [Localité 8] » au mois de novembre 2015 ; que conformément aux accords entre les deux associés, il s'est adressé à M. [F] afin qu'il mette à sa disposition les fonds nécessaires à cette acquisition ; que la société n'ayant pas encore été créée, M. [F] a transféré au mois de novembre 2015 la somme de 100.000 euros sur son compte personnel à l'Ile Maurice ; que les propriétaires du terrain s'étant ravisés, il a trouvé un autre bien situé à [Localité 7], les 100.000 euros reçus de M. [F] ayant servi à l'acquisition de ce bien ainsi qu'au paiement des frais d'agence et des honoraires du notaire et le solde affecté au démarrage des travaux; que la signature du contrat de vente du bien est intervenue le 5 février 2016 ; que la société FR.VS Property Ltée a été constituée au mois de juin 2016 ; qu'aussitôt après l'acquisition du bien, il a engagé les travaux de rénovation, des sommes supplémentaires ayant été affectées par M. [F] à la réalisation de ces travaux ; qu'au mois de décembre 2017, M. [F] lui a annoncé qu'il entendait modifier ses projets et développer une activité en France plutôt qu'à l'Ile Maurice et lui a demandé de lui restituer les sommes qu'il avait investies dans l'achat et la rénovation de la maison située à [Localité 7] ; que les sommes apportées par M. [F] ayant été investies dans ledit bien, il était impossible de lui verser une quelconque somme sans procéder à la vente de la maison ; qu'ainsi, face à la décision unilatérale de M. [F], il a dû mettre en vente la maison de [Localité 7]. Il indique qu'au mois de juillet 2018, il a transféré à M. [F] la somme de 10.000 euros empruntée à un membre de sa famille ; qu'après de nombreux efforts, il a réussi à vendre la maison de [Localité 7], le 6 décembre 2021, au prix de 7.700.000 roupies Mauriciennes, soit environ 155.897 euros ; qu'après déduction des frais, il a perçu la somme de 143.930,04 euros.
Il soulève, in limine litis, l'incompétence de la juridiction de Meaux au profit de la juridiction mauricienne et la nullité de l'assignation délivrée les 5 novembre et 17 décembre 2018.
Sur le fond, il demande le rejet des débats des pièces produites en langue étrangère ainsi que l'infirmation du jugement rendu le 23 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Meaux qui a retenu sa responsabilité sur le fondement des articles 1240, 1241 et 1301 du code civil. Il conclut au rejet des demandes en paiement formées par M. [F] en faisant valoir qu'il n'est pas à l'origine du préjudice invoqué par celui-ci, le non-remboursement immédiat de son investissement résultant en réalité de la décision unilatérale et immédiate de M. [F] de se retirer du projet à l'Ile Maurice. Il relève que M. [F] savait que les sommes qu'il réclamait avaient été investies dans le bien immobilier et que la seule solution consistait en la vente dudit bien. Il fait valoir qu'il n'a fait que subir les conséquences de la rupture des engagements de M. [F], ce d'autant plus qu'il a réalisé un véritable travail d'entrepreneur et de maître d'oeuvre sans percevoir de salaire ni de dividendes.
Il ajoute que M. [F] avait parfaitement connaissance que, dans un premier temps, la maison ne serait pas à son nom conformément à leur accord de partenariat ; qu'en outre, il s'est entouré de professionnels sur place pour démarrer l'entreprise commune.
Il expose que le fait d'avoir consigné, le 12 janvier 2022, la somme de 130.000 euros auprès de la CARPA après la vente du bien immobilier démontre sa bonne foi. Il estime que M. [F] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une faute qu'il aurait commise ou d'un vice de son consentement et ne justifie pas des préjudices allégués.
Il invoque l'existence de liens contractuels entre les parties du fait de la création de la société FR.VS Property Ltée dont l'objet consiste en l'acquisition de biens immobiliers à l'Ile Maurice en vue de leur mise en location ou de leur revente moyennant une plus-value. Il reproche à M. [F] d'avoir commis une faute contractuelle au sens de l'article 1231-1 du code civil en décidant de se retirer du projet et en exerçant des pressions à son encontre, le sommant continuellement de lui verser des sommes d'argent alors même qu'il savait que les fonds avaient été investis dans le bien de Pereybère La Salette, ce qui lui a causé un préjudice dont il demande réparation, sollicitant la condamnation de M. [F] à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts.
A titre subsidiaire, il demande le paiement d'une indemnité de 50.000 euros au titre de sa rémunération dans le cadre de la gestion du projet sur le fondement des articles 1301 et suivants du code civil et, subsidiairement, sur le fondement de l'enrichissement sans cause.
Il soutient par ailleurs qu'en prétendant avoir été victime de « manoeuvres frauduleuses et trompeuses », M. [F] a tenu des propos injurieux, justifiant sa condamnation à lui payer une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 41, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881 et de l'article 24 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 novembre 2023, M. [T] [F] demande à la cour de :
Vu les articles 42 à 46, 112 à 121 et 564 du code de procédure civile,
Vu l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire,
Vu les articles 1240 et suivants, 1301 et suivants du code civil,
Vu les articles 1108, 1109, 1110 et 1116 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,
In limine litis : :
- Rejeter l'exception d'incompétence de la juridiction française, plus précisément du tribunal judiciaire de Meaux soulevée par M. [C],
- Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a considéré que le tribunal judiciaire de Meaux était compétent pour trancher le litige,
- Confirmer la compétence de la juridiction française pour trancher le litige,
- Rejeter la demande de M. [C] tendant à faire déclarer nulle l'assignation délivrée les 5 novembre et 17 décembre 2018,
- Se déclarer incompétent pour ordonner la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire ordonnée par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Meaux en date du 14 septembre 2018,
- Débouter M. [C] de sa demande de voir écarter des débats la pièce n° 24
Sur le fond :
Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles de M. [C] en appel :
- Rejeter l'intégralité des demandes de M. [C] en appel car s'agissant de demandes nouvelles formulées en appel,
A titre principal : Sur la responsabilité extra-contractuelle de M. [C] et le préjudice causé à M. [F] :
- Infirmer et réformer le jugement attaqué sur le quantum retenu au titre du préjudice
patrimonial et condamner M. [C] à verser à M. [F] la somme de 389.904,89 euros au titre du préjudice patrimonial subi, montant que la cour peut éventuellement compenser avec les 10.000 euros que M. [C] a restitué à M. [F],
- Infirmer et réformer le jugement attaqué sur le quantum retenu au titre du préjudice moral et condamner M. [D] [C] à verser à M. [F] la somme de 50.000 euros au titre du préjudice moral subi,
- A défaut d'infirmation ou de réformation, confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné M. [C] à verser à M. [F] la somme de 171.745,36 euros en réparation du préjudice patrimonial et 10.000 euros au titre du préjudice moral,
A titre subsidiaire, si la cour devait considérer qu'il y avait eu un contrat entre M. [T] [F] et M. [C] :
- Annuler le contrat pour vices du consentement et en conséquence condamner M. [D] [C] à verser à M. [F] la somme de 389.904,89 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice patrimonial subi et 50.000 euros pour le préjudice moral subi, montants que la cour peut éventuellement compenser avec les 10.000 euros que M. [C] a restitué à M. [F],
A défaut, et à titre infiniment subsidiaire, si la cour ne devait pas annuler le contrat :
- Prononcer la résolution du contrat pour inexécution et condamner M. [C] à verser les montants suivants à M. [F] :
' 190.000 euros au titre de la restitution des fonds versés par M. [F] à M. [C],
' 50.000 euros au titre de la restitution des fonds par M. [F] à M. [C] par l'interface de la société liquidée FR.VS Property Ltée,
' 99.904,89 euros au titre du préjudice patrimonial subi par M. [F] au titre de l'exécution fautive et de mauvaise foi du contrat par M. [C],
' 50.000 euros au titre de dommages et intérêts pour le temps de travail que M. [F] a consacré au projet ayant bénéficié exclusivement à M. [C],
' 50.000 euros au titre du préjudice moral subi par M. [F] au titre de l'exécution fautive et de mauvaise foi du contrat par M. [C],
Et éventuellement compenser le montant de la condamnation avec la somme de 10.000 euros restituée par M. [C] à M. [F],
Sur les demandes de M. [C] :
- Débouter M. [C] de sa demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire,
- Débouter M. [C] de sa demande de condamnation de M. [F] à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudices subis,
- Débouter M. [C] de sa demande de voir condamner à 1.000 euros de dommages et intérêts pour propos injurieux,
- Débouter M. [C] de sa demande de condamnation de M. [F] à 50.000 euros pour « gestion du projet »,
- Débouter M. [C] de sa demande de condamnation de M. [F] à 50.000 euros pour « enrichissement sans cause »,
- Débouter M. [C] de sa demande de condamnation de M. [F] à 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance,
Sur les frais et dépens de la première instance :
A titre principal :
- Réformer le jugement en ce qu'il a condamné M. [C] à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner M. [D] [C] à verser à M. [T] [F] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (frais irrépétibles de première instance),
A titre subsidiaire :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [C] à verser la somme de 5.000 euros à M. [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause :
- Condamner M. [C] à la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de la procédure d'appel,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [C] aux entiers dépens de la première instance et de l'instance d'appel, dont distraction au bénéfice de Me Sandy Christ Bhaganooa, avocat, pour les dépens qu'il aurait avancé sans en recevoir provision,
- Rejeter toutes prétentions, fins et conclusions contraires.
Il explique avoir manifesté le souhait d'investir dans l'immobilier et émis l'idée d'acquérir des biens immobiliers dans des zones touristiques en vue de leur location ou de leur revente avec une plus-value ; que son ami M. [C], de nationalité française et mauricienne et disposant d'un domicile en France et à l'Ile Maurice, lui a proposé de constituer une société à l'Ile Maurice, dont ils seraient actionnaires à parts égales, laquelle ferait l'acquisition de terrains ; qu'il proposait de remplir toutes les formalités administratives et réglementaires sur place ; qu'ainsi, au mois de novembre 2015, M. [C] lui a proposé de faire l'acquisition d'un terrain à la [Localité 8], village situé au nord de l'île, en son nom propre puis de le transférer à la société dès qu'elle serait constituée ; qu'il a effectué un virement de 100.000 à M. [C] euros pour lui permettre de « bloquer le terrain » ; qu'après plusieurs échanges, il a appris que les propriétaires du terrain de la [Localité 8] ne souhaitaient plus vendre ; que M. [C] l'a informé d'une nouvelle opportunité plus intéressante à Pereybère La Salette, ville côtière très touristique, où un terrain était en vente avec une maison partiellement achevée ; qu'il a accepté ce nouveau projet, M. [C] lui réclamant à cette occasion divers documents administratifs en vue des démarches ; que le contrat de vente a été signé le 5 février 2016 ; que l'investissement s'élevant à 72.000 euros, les 28.000 euros restants devaient financer les frais de notaire et d'enregistrement ainsi qu'une partie des travaux de rénovation ; que par la suite, à la demande de M. [C], il lui a remis la somme de 10.000 euros en espèces à l'occasion d'une visite en France en avril 2016 puis la somme de 30.000 euros par virement bancaire le 6 mai suivant ; que la société FR.VS Property Ltée a finalement été constituée en juin 2016, chacun des associés possédant 50 % des parts ; qu'à la demande de M. [C], il a effectué un nouveau virement de 100.000 euros pour l'achèvement des travaux, à hauteur de 50.000 euros sur le compte bancaire de ce dernier le 27 septembre 2016 et de 50.000 euros sur le compte de la société, le 23 septembre 2016.
Il indique qu'à l'occasion de son voyage à l'Ile Maurice en novembre 2016, il a donné à M. [C] une procuration totale sur le compte bancaire de la société et lui a réclamé le compte détaillé des dépenses effectuées, en vain, M. [C] se contentant de lui envoyer, en avril 2017, quelques devis de travaux ; qu'en novembre 2017, à l'achèvement des travaux, il était convenu de vendre la villa de [Localité 7] et de verser le prix de la vente sur le compte bancaire de la société ; qu'au mois de décembre 2017, il a demandé à M. [C] de lui remettre la somme de 10.000 euros depuis le compte bancaire de la société afin de lancer son entreprise en France ; que M. [C] a alors reconnu lui devoir la somme de 240.000 euros et a exprimé son intention de mettre fin unilatéralement au projet ; que ce n'est qu'en avril 2018 que M. [C] a concédé ne plus avoir suffisamment d'argent pour le rembourser de l'intégralité des sommes remises ; qu'à la suite de l'examen de l'ensemble des relevés bancaires de la société FR.VS Property Ltée, il a constaté que M. [C] avait fait un usage personnel de ces fonds, notamment pour l'acquisition, en son nom propre, de biens immobiliers ; qu'à la suite d'un déplacement à l'Ile Maurice en juin 2018, il a pu récupérer certains documents administratifs et M. [C] a effectué un virement de 10.000 euros sur son compte bancaire mais ne lui a jamais restitué l'intégralité des fonds remis pour financer l'achat de la maison et les travaux de rénovation, malgré une mise en demeure du 16 août 2018.
M. [F] recherche la responsabilité extra-contractuelle de M. [C], à titre principal sur le fondement des articles 1240 et 1241 et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la gestion d'affaires prévue par l'article 1301 du code civil en faisant valoir, en substance, qu'il a été victime de man'uvres frauduleuses et trompeuses de la part de M. [C] pour se faire remettre la somme de 190.000 euros, outre celle de 50.000 euros à une société de façade créée pour les besoins de la cause en lui faisant croire qu'il pourrait devenir propriétaire de biens immobiliers à l'Ile Maurice et avoir le statut d'investisseur alors que les biens acquis avec son argent sont restés la propriété personnelle de M. [C] et n'ont pas été transmis à la société FR.VS Property Ltée qui n'a jamais été une société de construction, contrairement à ce qui était prévu, et a servi de prétexte à l'obtention de fonds destinés en réalité à l'usage personnel de M. [C].
A titre subsidiaire, si la cour retenait l'existence d'un contrat entre les parties, il en demande la nullité sur le fondement des vices du consentement (erreur et dol) et, à défaut, invoque la faute contractuelle de M. [C].
Il soutient que les agissements de M. [C] lui ont causé un préjudice patrimonial ainsi qu'un préjudice moral.
Il conclut à l'irrecevabilité et, subsidiairement, au rejet des demandes reconventionnelles de M. [C].
La clôture a été prononcée le 21 février 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la compétence territoriale
M. [C] soulève in limine litis l'incompétence du tribunal judiciaire de Meaux au profit de la juridiction Mauricienne en faisant valoir qu'il résulte des articles 42 et suivants du code de procédure civile et 3 du code civil mauricien que la compétence géographique du tribunal est fixée selon le lieu où demeure le défendeur, le lieu où est situé l'immeuble ou le lieu de la livraison effective de la chose ou celui de l'exécution de la prestation de service.
Il soutient qu'en l'espèce, il s'agit d'un litige contractuel lié à l'acquisition et la revente d'un bien immobilier situé à l'Ile Maurice puisque M. [F], résident français et lui-même, résident de l'Ile Maurice, ont décidé de s'unir dans un projet immobilier dont l'exécution s'est déroulée exclusivement à l'Ile Maurice. Il considère que le présent litige est né à la suite du manquement de M. [F] à ses obligations contractuelles de par sa décision unilatérale de se retirer brusquement et abusivement du projet initial et que la restitution des sommes apportées par M. [F] dépend uniquement de la vente de la Maison située à [Localité 7] à l'Ile Maurice ; qu'ainsi, le présent litige concerne un bien immobilier situé à l'Ile Maurice, solution acceptée contractuellement par M. [F] dès l'origine de la transaction.
M. [F] conclut à la compétence des juridictions françaises en raison de la nature personnelle et mobilière du litige et à la compétence du tribunal judiciaire de Meaux, lieu du domicile de M. [C] situé en France à Vaudoy-en-Brie et du fait dommageable.
Sur ce
Par application de l'article 42 du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. S'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux. Si le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s'il demeure à l'étranger.
L'article 43 du même code précise que le lieu où demeure le défendeur s'entend, s'il s'agit d'une personne physique, du lieu où celle-ci a son domicile ou, à défaut, sa résidence.
L'article 44 du même code énonce qu'en matière réelle immobilière, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble est seule compétente.
Enfin, l'article 46 prévoit que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :
- en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service ;
- en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
- en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble ;
- en matière d'aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier.
En l'espèce, M. [F] fonde sa demande en paiement dirigée à l'encontre de M. [C], dont il n'est pas discuté qu'il est de nationalité française et mauricienne, à titre principal sur la responsabilité délictuelle et, à titre subsidiaire, sur la gestion d'affaires, qui constitue un quasi-contrat.
Contrairement à ce que soutient M. [C], le litige n'est pas de nature contractuelle dès lors que l'acquisition du bien immobilier à l'Ile Maurice n'a pas été réalisée par la société FR.VS Property Ltée. En outre, l'action intentée par M. [F] n'est pas de nature réelle immobilière dès lors que le bien immobilier, certes situé à l'Ile Maurice, a été acquis par M. [C] et que M. [F] ne revendique aucun droit réel sur ce bien.
En outre, il est établi par les pièces produites aux débats que M. [C] dispose d'un domicile en France situé [Adresse 4], adresse reprise dans sa déclaration d'appel enregistrée le 3 avril 2021.
Dès lors, par application des articles 42 et 43 du code de procédure civile donnant compétence à la juridiction où est établi le défendeur, le tribunal judiciaire de Meaux était compétent pour connaître de la demande en paiement formée par M. [F].
L'exception d'incompétence soulevée par M. [C] au profit de la juridiction mauricienne sera en conséquence rejetée.
Sur la nullité de l'assignation
M. [C] demande à la cour de déclarer nulles les assignations des 5 novembre et 17 décembre 2018 pour violation du principe du contradictoire aux motifs que sa résidence était située, au moment de l'assignation, à l'Ile Maurice et qu'il n'a pas eu connaissance de l'existence de la procédure judiciaire à son encontre.
M. [F] rappelle qu'en vertu de l'article 43 du code de procédure civile, l'assignation doit être délivrée au domicile du défendeur et que ce n'est qu'à défaut de domicile que la résidence peut être choisie. Il ajoute qu'il a également fait délivrer l'assignation aux deux adresses de M. [C] qu'il connaissait à l'Ile Maurice
Sur ce
M. [C] a été valablement assigné le 5 novembre 2018 à son adresse en France située [Adresse 4] (remise en l'étude en l'huissier après que le domicile a été certifié) ainsi que le 17 décembre 2018 à ses adresses déclarées à l'Ile Maurice par remise de l'acte à parquet conformément aux prescriptions de l'article 684 du code de procédure civile, après deux convocations de l'ambassade de France à Maurice les 12 août et 22 octobre 2019 demeurées vaines ainsi que l'ont relevé les premiers juges.
L'exception de nullité de l'assignation doit dès lors être rejetée.
Sur le rejet des débats des pièces en langue étrangère
M. [C] demande que la pièce n° 24 produite par M. [F] en langue anglaise non traduite soit écartée des débats en application de l'article 2.2.1 du protocole de procédure civile conclu le 11 juillet 2012 entre le tribunal de grande instance de Paris et l'Ordre des avocats du Barreau de Paris et de l'article 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêts.
M. [F] conclut au rejet de cette demande en faisant valoir que les pièces en anglais qu'il verse aux débats sont accompagnées de leur traduction officielle en français.
Sur ce
Si l'ordonnance de Villers-Cotterêts d'août 1539 ne vise que les actes de procédure, le juge est fondé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère , faute de production d'une traduction en langue française.
En l'occurrence, force est de constater que la pièce n° 24 de M. [F] est accompagnée d'une traduction officielle en français.
Il n'y a donc pas lieu de l'écarter des débats.
Sur la qualification des relations existant entre M. [F] et M. [C]
Les demandes de M. [F] sont fondées, à titre principal, sur la responsabilité délictuelle de M. [C] et, à titre subsidiaire, sur la gestion d'affaires.
Les demandes reconventionnelles de M. [C] sont fondées, à titre principal, sur la responsabilité contractuelle de M. [F] et, subsidiairement, sur la gestion d'affaires.
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et l'article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La responsabilité suppose l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
La gestion d'affaires est un quasi-contrat définit par l'article 1300, alinéa 1er, du code civil comme un fait purement volontaire dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement de leur auteur envers autrui.
Selon l'article 1301 du code civil, celui qui, sans y être tenu, gère sciemment et utilement l'affaire d'autrui, à l'insu ou sans opposition du maître de cette affaire, est soumis, dans l'accomplissement des actes juridiques et matériels de sa gestion, à toutes les obligations d'un mandataire.
La gestion d'affaires suppose la réunion de deux éléments, d'une part, la volonté de gérer l'affaire d'autrui et, d'autre part, l'utilité de cette intervention, laquelle s'apprécie au moment même où la gestion est entreprise, et non à son issue.
Il est admis que la communauté d'intérêt du gérant et du maître n'est pas, par elle-même, de nature à exclure l'existence d'une gestion d'affaires.
L'existence d'une convention entre le gérant et le supposé maître de l'affaire est incompatible avec l'existence d'une gestion d'affaires.
Enfin, la responsabilité contractuelle suppose l'existence, d'une part, d'un contrat entre l'auteur du dommage et la victime, lequel est définit à l'article 1101 du code civil comme un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations et, d'autre part, d'un dommage causé par un manquement contractuel de son cocontractant.
En l'espèce, il ressort des débats et des pièces produites les faits suivants :
M. [F] ayant exprimé le souhait d'investir dans l'immobilier dans une zone touristique, M. [C] lui a proposé de s'associer dans le cadre d'une société à l'Ile Maurice dont tous deux seraient associés à parts égales et dont l'activité consisterait à acquérir des biens immobiliers à rénover ou à construire pour ensuite les mettre en location ou les revendre avec une plus-value.
Compte tenu de la réglementation mauricienne qui impose une autorisation préalable du Bureau du Premier Ministre pour l'acquisition de biens immobiliers sur le territoire de la république de Maurice par des non-citoyens mauriciens, l'opération ainsi conçue permettait de contourner la difficulté.
Au mois de novembre 2015, M. [C] a trouvé un terrain à acheter à la [Localité 8] et, la société n'ayant pas encore été créée, M. [F] a transféré la somme de 100.000 euros sur le compte bancaire mauricien de M. [C].
La vente n'ayant pas abouti, M. [C] a trouvé un autre bien immobilier comprenant un terrain et une maison en construction situé à [Localité 7] qu'il a acquis, par acte notarié du 26 février 2016 (et non 5 février comme indiqué par les parties) moyennant la somme de 3.000.000 de roupies mauriciennes (soit environ 72.000 à 75.000 euros) soit 1.200.000 Rs pour le terrain et 1.800.000 Rs pour la maison, en son nom propre et avec les 100.000 euros précédemment versés par M. [F]. Le jour-même, M. [C] a envoyé à M. [F] un message via l'application WhatsApp dans les termes suivants : « C bon [T], j'ai signé pour nous, notre première acquisition à Maurice. Félicitations ».
Le 6 mai 2016, M. [F] a effectué un virement de 30.000 euros sur le compte bancaire mauricien de M. [C] pour financer les travaux de rénovation, de nombreux messages accompagnés de photos de l'avancement des travaux étant échangés entre les parties à compter du mois de mars 2016.
La société FR.VS Property Ltée, constituée entre M. [F] et M. [C], a été enregistrée le 8 juin 2016, chacun des associés disposant de 50 % des actions et étant désigné en qualité de directeur. Le 13 juin 2016, M. [C] écrit à M. [F] en ces termes : « Bonsoir [T] tu as maintenant une société de construction à Maurice ».
Deux virements de 50.000 euros ont été effectués par M. [F], le premier en date du 27 septembre 2016 sur le compte bancaire français de M. [C] et le second en date du 4 octobre 2016 (ordre de virement du 1er octobre 2016) sur le compte bancaire de la société FR.VS Property Ltée.
A compter du 13 novembre 2017, les parties ont échangés les messages suivants :
- messages de M. [C] « [M] » du 13 novembre 2017 : « Salut [T] comment vas tu' ici ça cour toujours j'ai rdv jeudi avec une agence à pereybere pour prendre des photos de Ia maison (...) je tapelle jeudi pour faire Ie point »
- message de M. [F] « [T] » du 13 novembre 2017 : « Hello [M]..tout va bien et en plein lancement de mes produits donc bcp de boulot .. super pour l'agence. As tu pu faire poser Ies barrières avant Ies photos '' J'aurais aussi besoin que tu me transfères de l'argent sur mon compte société sur Paypal pour pouvoir lancer mon business. Bon courage pour la suite »
- message de « [T] » du 6 décembre 2017 : « Salut [M]. Pas de nouvelles bonnes nouvelles '''' Tiens moi au courant pour Ies choses dont on avait parlé (photos de la maison dans une agence, retrait de 10000 euros et Ies docs de Ia banque) C'est assez urgent maintenant. merci »
- message de « [M] » du 6 décembre 2017 : « Salut [T] La maison a bien était mise en vente sur une agence sérieuse, j'ai demandé au directeur de vendre vite comme tu pourras voir sur Ie mail que je v t'envoyer. lls ont bien pris des photos et vont décider du prix de vente .Ils sont basées dans le nord et connaissent très bien la valeur des biens du secteur. j'ai aussi mis en vente un terrain pour te restituer une bonne partie
de ton argent et dès que possible la totalité. Je comprends que tu en a besoin pour tes affaires ».
- message de « [T] » du 6 décembre 2017 : « Salut [M] (...) Tu m'avais dis qu'il restait de l'argent sur le compte société et aujourd'hui tu m'annonces que je suis obligé d'attendre que tu vendes ton terrain ou la maison pour me verser l'argent..j'ai du mal à comprendre. Peux tu m'envoyer Ies relevés du compte Société stp... Merci et à bientôt »
- message de « [M] » du 6 décembre 2017 : « Comme je t'ai dis en été il restait de l'argent sur le compte société je comptais dessus pour finir les travaux. J'irai voir à la banque combien on dispose et aussi dans un premier temps te transférer les 10000 euros et ensuite Ies 230000 euros .C mieux ainsi. »
- message de « [T] » du 13 décembre 2017 : « Salut [M], Je ne pense pas avoir été offensant et il n'y a rien d'anormal à te demander certaines choses concernant la Société, surtout qu'on en avait parlé 15 jours auparavant et que je n'avais pas de tes nouvelles depuis. Si je me suis permis de te poser des questions c'est aussi parce que je me suis aperçu que tu m'informes moins sur la maison et tes démarches. Je respecte
complètement tes choix concernant l'avenir de la Société mais, en tant qu'associé et ami, je compte sur toi et la confiance que je te porte pour respecter tous nos engagements jusqu'a la fin de notre association. Merci à toi de m'informer pour la maison et quand elle sera vendue tu pourras me reverser les 240000 euros et on pourra effectuer Ie partage équitable des profits effectués sur la vente de la maison. Je t'en remercie tout en espérant que la maison soit rapidement vendue et que notre association se termine bien. »
- message de « [M] » du 15 décembre 2017 : « Salut [T]. J'ai eu l'estimation pour le prix de vente de la maison. Tu verras sur ton mail ce que l'agence en pense. J'ai été à la banque hier pour avoir la balance comme tu m'as demandé. Je suis en train de faire le point sur tous Ies dépenses qu'on a eu je vais tout te détailler avec Ies factures. espérons que la maison se vende vite. »
- message de « [T] » du 15 décembre 2017 : « Salut [M]. Je te remercie pour toutes les infos..j'ai trouvé l'estimation faible.. Après avoir regardé ailleurs on pourrait mettre la maison au prix de10 600 000 ou 11 000 000 pour garder une marge de négociation. Qu'en penses tu '' Aussi pourrais tu stp me transférer 10 000 euros du compte Société sur mon compte Société Paypal..ci-joint Ie IBAN du compte à créditer. »
- message de « [M] » du 13 janvier 2018 : « Salut [T] .Je te souhaite une bonne année 2018 que tu réussis dans tes projets. ll faut que tu m'envoie le nom de la personne du compte Paypal et I adresse de la banque afin que je puisse te faire le transfert. (...) Ne t'inquiète pas tu retrouveras ton argent. »
- message de « [T] » du 28 mars 2018 : « Salut [M]. J'espère que tu as passé l'annonce pour le terrain..stp envoie moi une photo de l'annonce ainsi que des photos de l'avancée des travaux à la maison..c'est urgent de vendre et j'ai besoin de savoir que tu avances dans le bon sens. Merci et à bientôt. »
- message de « [T] » du 9 avril 2018 « Salut [M]..pour la énième fois je te demande de m'envoyer des photos des travaux déja effectués pour la maison..aussi quand tu auras remis Ies 500 000 roupies sur la Société, merci de me virer la même somme sur mon compte en France..soit environ 12 500 euros et j'espère que l'argent sera déposé cette semaine..je ne peux plus attendre ».
- message de « [M] » du 10 avril 2018 : « [Y] que mon beau-père me verse la totalité de la somme demandé pour que je puisse faire le virement. Je ne peux pas lui mettre la presion c déja bien qu'il m'aide à sortir de ce cauchemar. »
- message de « [T] » du 26 avril 2018 : « A quel jeu tu joues '' Voleur, menteur, truqueur, arnaqueur, et maintenant silencieux depuis 15 jours. »
Il résulte de ces éléments que si les parties avaient pour projet la constitution d'une société dont l'activité consisterait à acquérir des biens immobiliers à rénover ou à construire pour ensuite les mettre en location ou les revendre avec une plus-value, l'acquisition du bien immobilier situé à [Localité 7], par acte notarié du 26 février 2016, a été faite au seul nom de M. [C] mais avec les fonds de M. [F], la société FR.VS Property Ltée n'ayant été constituée entre les parties que le 8 juin 2016.
Le bien immobilier litigieux n'ayant pas été acquis par la société FR.VS. Property Ltée ni transféré à cette dernière, les manquements allégués ne relèvent pas de l'inexécution ou d'une mauvaise exécution du contrat.
En outre, le fait ayant donné lieu au litige n'est pas un fait quelconque mais un fait volontaire, de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il convenait d'analyser la relation existant entre les parties par référence aux quasi-contrats, et plus particulièrement la gestion d'affaires.
En effet, M. [F] a volontairement remis les fonds à M. [C] pour l'acquisition d'un bien immobilier et n'ignorait pas qu'à cette date, la société n'étant pas constituée, l'acquisition ne pourrait se faire qu'au nom de M. [C].
S'il est constant que le bien immobilier dont s'agit n'a pas été transféré à la société FR.VS Property Ltée, sans qu'il soit démontré que ce transfert aurait été impossible du fait de la qualité de non-citoyen mauricien de M. [F], il ne ressort pas des messages échangés entre les parties que M. [F] ait sollicité ce transfert de propriété, le projet commun étant de vendre le bien rapidement après l'achèvement des travaux de rénovation afin que les fonds versés par M. [F] lui soient restitués et que la plus-value soit partagée, M. [C] ne discutant alors pas le principe de la restitution à M. [F] de la somme globale de 240.000 euros.
Il convient d'observer que, contrairement à ce que soutient M. [C], M. [F] n'a pas pris la décision de se retirer du projet et n'a pas exigé, dans un premier temps, la restitution immédiate des fonds investis par ses soins qui impliquait nécessairement la vente du bien. Ce n'est que lorsque M. [F] a souhaité obtenir le versement d'une somme de 10.000 euros (argent non utilisé pour les travaux) pour lui permettre de lancer un autre projet en France que, face à l'impossibilité de M. [C] de lui verser cette somme, il a sollicité des informations sur l'utilisation des fonds versés au profit de ce dernier et de la société, demandant des justificatifs des travaux réalisés ainsi que les relevés du compte bancaire de la société.
A cet égard, l'examen des relevés du compte bancaire de la société FR.VS Property Ltée ouvert à la Mauritius Commercial Bank fait apparaître des virements intitulés « ACHAT D'UN TERRAIN 1ERE ACTE ME REDMOND HART DE KEATING » (500.000 Rs) « PURCHASE OF PROPERTY » au profit de « MAITRE M. L. [I] » (894.000 Rs), ou de « ME [N] M.J. [V] » (430.000 Rs) pour lesquels M. [C] ne donne aucune explication, le compte présentant, à la date du 1er juin 2018, un solde créditeur de 3.331,43 Rs.
Alors que le gérant est tenu d'agir avec diligence et doit, en application de l'article 1301-1 du code civil, gérer l'affaire d'autrui en y apportant tous les soins d'une personne raisonnable et qu'il doit en outre rendre compte de sa gestion auprès du maître de l'affaire, il est suffisamment établi par les éléments précités que M. [C] n'a pas justifié de l'utilisation des fonds versés par M. [F] pour financer les travaux de rénovation et ne lui a pas restitué les fonds ayant servi à l'acquisition du bien immobilier après sa revente, n'exécutant pas les opérations d'investissement conformément au projet initialement conçu entre les parties, et engage ainsi sa responsabilité.
Sur les préjudices subis par M. [F]
- Sur le préjudice patrimonial
Comme l'ont justement relevé les premiers juges, la non-restitution par M. [C] des fonds qui lui ont été remis par M. [C] et dont l'utilisation n'a pas rendu leur auteur bénéficiaire de biens ou services est constitutif d'un préjudice patrimonial dont il est fondé à être indemnisé.
Il est établi que M. [F] a versé à M. [C] la somme totale de 180.000 euros par virements des 17 novembre 2015 (100.000 euros), 6 mai 2016 (30.000 euros) et 27 septembre 2016 (50.000 euros).
M. [F] invoque en outre un paiement en espèces de 10.000 euros au mois d'avril 2016 et produit un relevé de son compte bancaire faisant apparaître un retrait de cette somme le 15 avril 2016. Si les premiers juges ont pu estimer, en l'absence de comparution de M. [C], que la preuve du retrait ne suffisait pas à établir la réalité de la remise de cette somme à celui-ci, il ressort du message précité de M. [C] en date du 6 décembre 2017 qu'il n'a pas contesté la remise par M. [F] de la somme de totale de 240.000 euros, dont 50.000 euros ont été versés sur le compte de la société FR.VS Property Ltée. Dans ses conclusions d'appelant, M. [C] ne conteste pas davantage la remise en espèces de la somme de 10.000 euros.
M. [F] est donc fondé à obtenir la restitution de la somme de 190.000 euros, dont il convient de déduire celle de 10.000 euros remboursée par M. [C] le 19 juillet 2018.
S'agissant de la somme de 50.000 euros versée le 4 octobre 2016 sur le compte bancaire de la société FR.VS Property, les premiers juges ont estimé que M. [F] n'était pas fondé à la réclamer à M. [C], la société FR.VS Property Ltée n'étant pas partie à l'instance.
Il ressort cependant de l'extrait du registre des sociétés à la date du 24 avril 2021 produit par M. [F] en pièce n° 25 que la société FR.VS Property Ltée, dont les parties sont associées à parts égales, a été liquidée le 16 juillet 2019, de sorte que M. [F] est bien fondé à réclamer à M. [C] la somme de 50.000 euros versée sur le compte bancaire de la société.
Le préjudice de M. [F] s'élève donc à la somme de 230.000 euros (100.000 + 30.000 + 10.000 + 50.000 + 50.000 - 10.000).
S'agissant des frais exposés pour lui et ses deux conseils à l'occasion de son déplacement à l'Ile Maurice (billets et frais d'hébergement), comme l'ont justement retenu les premiers juges, si la nécessité de se rendre sur place apparaît légitime comme étant le lieu des opérations immobilières et compte tenu du silence opposé par M. [C], M. [F] ne justifie pas de la nécessité de se déplacer avec deux conseils, relevant en tout état de cause que les frais de déplacement de ces derniers sont seulement susceptibles d'être intégrés dans les frais irrépétibles. Au vu des justificatifs produits, le préjudice de ce chef sera évalué à la somme de 1.160,48 euros (858,98 euros de billet d'avion + 301,50 euros de frais d'hébergement).
Les frais de notaire mauricien pour l'établissement du certificat de coutume et les frais d'huissier pour l'établissement du procès-verbal de constat du 13 juin 2018 relèvent des frais irrépétibles.
M. [F] réclame en outre la somme de 95.622 euros au titre des « gains manqués », en expliquant qu'il a quitté son travail en 2016 pour se consacrer exclusivement au projet d'investissement à l'Ile Maurice alors qu'il percevait un salaire moyen de 31.874 euros,
soit un manque à gagner pendant trois années. Il sollicite par ailleurs la somme de 50.000 euros correspondant au temps de travail consacré aux opérations immobilières de M. [C].
Si M. [F] justifie par la production de son relevé de carrière avoir été au chômage en 2016 et 2017 et percevoir, depuis le 17 août 2018, l'allocation de solidarité spécifique, il ne justifie pas des conditions dans lesquelles il a quitté son emploi et ne produit aucun élément de nature à établir le lien entre les agissements de M. [C] et la perte de son emploi. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation formée de ce chef par M. [F].
La demande au titre de la valorisation du temps de travail consacré au projet d'investissement sera également rejetée en l'absence de tout justificatif.
Au terme de ces développements et par infirmation du jugement, M. [C] sera condamné à payer à M. [F] la somme totale de 231.160,48 euros en réparation de son préjudice patrimonial. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement du 23 décembre 2020 à hauteur des sommes accordées en première instance et à compter du présent arrêt pour le surplus.
- Sur le préjudice moral
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [C] à payer à M. [F] la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral dès lors qu'il est établi que les agissements de M. [C], qui n'ont pu aboutir qu'en raison du lien de confiance né de leur amitié, ont généré chez M. [F] un sentiment de trahison, générateur d'un préjudice moral.
Sur les demandes de M. [C]
- Sur la recevabilité
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
En l'occurrence, M. [C] étant défaillant en première instance, il n'a formé aucune demande devant les premiers juges, de sorte que ses demandes formées en cause d'appel ne sont pas nouvelles et sont donc recevables.
- Sur la demande de dommages et intérêts
Ainsi qu'il a été dit précédemment, la faute alléguée par M. [C], à savoir la décision brutale et unilatérale de M. [F] de mettre fin au projet, ne relève pas de l'inexécution ou d'une mauvaise exécution du contrat. M. [C] n'est donc pas fondé à rechercher la responsabilité contractuelle de M. [F]. En tout état de cause, aucun comportement fautif ne peut être imputé à M. [F] qui n'a pas décidé de manière brutale et unilatérale de mettre fin au projet d'investissement à l'Ile Maurice.
M. [C] n'est pas davantage fondé à réclamer à M. [F] le paiement d'une indemnité sur le fondement de la gestion d'affaires, l'article 1301-2 du code civil n'accordant au gérant que le remboursement des dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites, mais non le paiement d'une rémunération.
S'agissant enfin de sa demande fondée sur l'enrichissement sans cause, l'article 1301-5 du code civil prévoit que si les conditions de la gestion d'affaires ne sont pas réunies mais que l'action du gérant profite néanmoins au maître de l'affaire, celui-ci doit indemniser le gérant selon les règles de l'enrichissement injustifié. Dans le cas présent, les conditions de la gestion d'affaires étant réunies, M. [C] n'est pas fondé à se prévaloir de l'enrichissement sans cause, au demeurant non caractérisé.
M. [C] sera, en conséquence, débouté de ses demandes indemnitaires.
- Sur les propos injurieux
Aux termes de l'article 24 du code de procédure civile, les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice. Le juge peut, suivant la gravité des manquements, prononcer, même d'office, des injonctions, supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l'impression et l'affichage de ses jugements.
Selon l'article 41, alinéas 4 et 5, ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte-rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins, les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages et intérêts.
La teneur des écrits produits devant les juridictions, qui relève de la liberté fondamentale de la défense, ne peut connaître d'autres limites que celles fixées par ces dispositions, qui permettent aux juridictions, dans les causes dont elles sont saisies, de prononcer la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires produits devant elles. Cependant, c'est seulement s'ils sont étrangers à l'instance judiciaire que les passages de conclusions peuvent être supprimés et justifier une condamnation à indemnisation en raison de leur caractère diffamatoire.
En l'espèce, les propos figurant dans les conclusions de M. [F] selon lesquels il aurait été victime de « manoeuvres frauduleuses et trompeuses » de la part de M. [C], l'accusant d'avoir monté un « stratagème fallacieux » ne présentent pas un caractère injurieux, calomnieux ou outrageants pour la justice et ne relèvent donc pas de l'article 24 du code de procédure civile.
En outre, les propos litigieux s'inscrivent parfaitement dans le cadre de la problématique juridique soulevée devant la cour, ne sont en aucun cas étrangers aux faits de la cause et n'excèdent pas les droits reconnus à la défense.
La demande de dommages et intérêts formée de chef par M. [C] sera en conséquence rejetée.
- Sur la demande de mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire
Compte tenu du sens du présent arrêt, cette demande ne peut qu'être rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance, mis à la charge de M. [C], seront confirmées.
Ajoutant au jugement, il y a lieu de condamner M. [C], qui succombe en son recours, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par Maître Sandy Christ Bhaganooa, conseil de M. [F] qui en fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Enfin, tenu aux dépens, M. [C] sera condamné à payer à M. [F] la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile et ne peut lui-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette l'exception d'incompétence au profit de la juridiction mauricienne soulevée par M. [D] [C],
Rejette l'exception de nullité de l'assignation délivrée les 5 novembre et 17 décembre 2018 soulevée par M. [D] [C],
Dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce n° 24 produite par M. [T] [F],
Infirme le jugement rendu le 23 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Meaux en ce qu'il a condamné M. [D] [C] à payer à M. [T] [F] la somme de 171.745,36 euros en réparation de son préjudice patrimonial,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Condamne M. [D] [C] à payer à M. [T] [F] la somme de 231.160,48 euros en réparation de son préjudice patrimonial,
Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement du 23 décembre 2020 à hauteur de la somme de 171.745,36 euros accordée en première instance et à compter du présent arrêt pour le surplus,
Déclare recevables les demandes reconventionnelles formulées par M. [D] [C] en cause d'appel,
Déboute M. [D] [C] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
Déboute M. [D] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour propos injurieux,
Déboute M. [D] [C] de sa demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire,
Condamne M. [D] [C] à payer à M. [T] [F] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [D] [C] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par Maître Sandy Christ Bhaganooa conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 10
ARRET DU 27 JUIN 2024
(n° , 17 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06346 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDNW4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Décembre 2020 - Tribunal judiciaire de MEAUX RG n° 18/04576
APPELANT
Monsieur [D] [C]
né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 5] (ILE MAURICE)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
Assisté à l'audience de Me Ghislain AMSELLEM, avocat au barreau de PARIS, toque : A0081
INTIMÉ
Monsieur [T] [F]
né le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté et assisté à l'audience par Me Sandy Christ BHAGANOOA, avocat au barreau de PARIS, toque L 218
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été appelée le 02 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Florence PAPIN, Présidente
Madame Valérie MORLET, Conseillère
Madame Anne ZYSMAN, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne ZYSMAN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine SILVAN, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
EXPOSE DU LITIGE
S'estimant victime de manoeuvres frauduleuses et trompeuses de la part de M. [C] dans le cadre d'un projet d'investissement immobilier à l'Ile Maurice pour le convaincre de lui remettre directement plus de 200.000 euros qu'il a utilisés pour acquérir un bien immobilier en son nom propre et qu'il ne lui a jamais restitués, M. [T] [F] l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire de Meaux par actes d'huissier des 5 novembre et 17 décembre 2018, pour obtenir sa condamnation, au visa des articles 14, 1240 et 1241 du code civil, à lui payer les sommes de :
- 389.104,89 euros et subsidiairement de 243.482,89 euros au titre du préjudice patrimonial subi,
- 50.000 euros au titre du préjudice moral subi,
- 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.
M. [C] n'ayant pas constitué avocat, le tribunal, par jugement réputé contradictoire du 23 décembre 2020, a :
- condamné M. [C] à payer à M. [F] :
' la somme de 171.745,36 euros en réparation de son préjudice patrimonial,
' la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,
- rejeté toutes autres demandes,
- condamné M. [C] aux entiers dépens,
- condamné M. [C] à payer à M. [F] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 3 avril 2021, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2023, M. [D] [C] demande à la cour de :
Vu les articles 42, 43, 44, 46, 1353, 1240, 1241, 1301, 1103, 1104 et 1231-1 du code civil,
Vu les articles 1301 et suivants du code civil,
Vu les articles 112 et 114 du code de procédure civile,
Vu les articles 654 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles 482 et suivants du code de procédure civile,
Vu l'article 41 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1881,
Vu l'article 9, 24 et 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 3 du code civil mauricien,
Vu l'article 2.2.1 du protocole de procédure civile conclu le 11 juillet 2012 entre le tribunal de grande instance de Paris et l'Ordre des avocats du Barreau de Paris,
Vu l'ordonnance de Villers-Cotterêts,
Vu la décision du tribunal judiciaire de Meaux en date du 23 décembre 2020,
- Déclarer nulle l'assignation des 5 novembre et 17 décembre 2018 et le jugement subséquent,
A défaut,
- Déclarer le tribunal judiciaire de Meaux incompétent au profit de la juridiction mauricienne,
Y faisant droit,
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Meaux le 23 décembre 2020,
Avant dire droit,
- Ecarter des débats la pièce n°24 en langue anglaise non traduite,
À titre subsidiaire, sur le fond,
- Déclarer M. [C] recevable et bien fondée en son appel,
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Meaux le 23 décembre 2020,
Statuant à nouveau,
- Débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- Ordonner la mainlevée immédiate de l'inscription d'hypothèque judiciaire pratiquée à titre conservatoire par M. [F] sur le fondement de l'ordonnance du juge de l'exécution en date du 14 septembre 2018 pour un montant de 183.482,39 euros,
- Condamner M. [F] au paiement de la somme de 50.000 euros à M. [D] [C] à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis,
- Condamner M. [F] au paiement de la somme de 1.000 euros à M. [D] [C] à titre de dommages et intérêts pour propos injurieux,
Le cas échéant,
- Fixer l'application des intérêts à partir de la décision à intervenir en cas de condamnation de M. [C],
Subsidiairement,
- Condamner M. [F] au paiement de la somme de 50.000 euros à M. [D] [C] au titre de sa rémunération dans le cadre de la gestion du projet,
A titre infiniment subsidiaire,
- Condamner M. [F] au paiement de la somme de 50.000 euros à M. [D] [C] à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis au titre de l'enrichissement sans cause,
En tout état de cause,
- Condamner M. [T] [F] au paiement à M. [C] de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Il explique que M. [F], ami de longue date, ayant exprimé le souhait d'investir dans l'immobilier dans un lieu touristique, il lui a proposé de s'associer afin de créer une société à l'Ile Maurice, dont l'activité consisterait à acquérir des biens immobiliers nécessitant une rénovation pour ensuite les proposer à la location ou les revendre avec une plus-value ; qu'il était convenu entre les parties que dans un premier temps, M. [F] apporterait les fonds nécessaires aux opérations d'investissement et que lui-même aurait la charge de superviser la mise en 'uvre de ces opérations ; qu'un premier terrain a été trouvé à la « [Localité 8] » au mois de novembre 2015 ; que conformément aux accords entre les deux associés, il s'est adressé à M. [F] afin qu'il mette à sa disposition les fonds nécessaires à cette acquisition ; que la société n'ayant pas encore été créée, M. [F] a transféré au mois de novembre 2015 la somme de 100.000 euros sur son compte personnel à l'Ile Maurice ; que les propriétaires du terrain s'étant ravisés, il a trouvé un autre bien situé à [Localité 7], les 100.000 euros reçus de M. [F] ayant servi à l'acquisition de ce bien ainsi qu'au paiement des frais d'agence et des honoraires du notaire et le solde affecté au démarrage des travaux; que la signature du contrat de vente du bien est intervenue le 5 février 2016 ; que la société FR.VS Property Ltée a été constituée au mois de juin 2016 ; qu'aussitôt après l'acquisition du bien, il a engagé les travaux de rénovation, des sommes supplémentaires ayant été affectées par M. [F] à la réalisation de ces travaux ; qu'au mois de décembre 2017, M. [F] lui a annoncé qu'il entendait modifier ses projets et développer une activité en France plutôt qu'à l'Ile Maurice et lui a demandé de lui restituer les sommes qu'il avait investies dans l'achat et la rénovation de la maison située à [Localité 7] ; que les sommes apportées par M. [F] ayant été investies dans ledit bien, il était impossible de lui verser une quelconque somme sans procéder à la vente de la maison ; qu'ainsi, face à la décision unilatérale de M. [F], il a dû mettre en vente la maison de [Localité 7]. Il indique qu'au mois de juillet 2018, il a transféré à M. [F] la somme de 10.000 euros empruntée à un membre de sa famille ; qu'après de nombreux efforts, il a réussi à vendre la maison de [Localité 7], le 6 décembre 2021, au prix de 7.700.000 roupies Mauriciennes, soit environ 155.897 euros ; qu'après déduction des frais, il a perçu la somme de 143.930,04 euros.
Il soulève, in limine litis, l'incompétence de la juridiction de Meaux au profit de la juridiction mauricienne et la nullité de l'assignation délivrée les 5 novembre et 17 décembre 2018.
Sur le fond, il demande le rejet des débats des pièces produites en langue étrangère ainsi que l'infirmation du jugement rendu le 23 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Meaux qui a retenu sa responsabilité sur le fondement des articles 1240, 1241 et 1301 du code civil. Il conclut au rejet des demandes en paiement formées par M. [F] en faisant valoir qu'il n'est pas à l'origine du préjudice invoqué par celui-ci, le non-remboursement immédiat de son investissement résultant en réalité de la décision unilatérale et immédiate de M. [F] de se retirer du projet à l'Ile Maurice. Il relève que M. [F] savait que les sommes qu'il réclamait avaient été investies dans le bien immobilier et que la seule solution consistait en la vente dudit bien. Il fait valoir qu'il n'a fait que subir les conséquences de la rupture des engagements de M. [F], ce d'autant plus qu'il a réalisé un véritable travail d'entrepreneur et de maître d'oeuvre sans percevoir de salaire ni de dividendes.
Il ajoute que M. [F] avait parfaitement connaissance que, dans un premier temps, la maison ne serait pas à son nom conformément à leur accord de partenariat ; qu'en outre, il s'est entouré de professionnels sur place pour démarrer l'entreprise commune.
Il expose que le fait d'avoir consigné, le 12 janvier 2022, la somme de 130.000 euros auprès de la CARPA après la vente du bien immobilier démontre sa bonne foi. Il estime que M. [F] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une faute qu'il aurait commise ou d'un vice de son consentement et ne justifie pas des préjudices allégués.
Il invoque l'existence de liens contractuels entre les parties du fait de la création de la société FR.VS Property Ltée dont l'objet consiste en l'acquisition de biens immobiliers à l'Ile Maurice en vue de leur mise en location ou de leur revente moyennant une plus-value. Il reproche à M. [F] d'avoir commis une faute contractuelle au sens de l'article 1231-1 du code civil en décidant de se retirer du projet et en exerçant des pressions à son encontre, le sommant continuellement de lui verser des sommes d'argent alors même qu'il savait que les fonds avaient été investis dans le bien de Pereybère La Salette, ce qui lui a causé un préjudice dont il demande réparation, sollicitant la condamnation de M. [F] à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts.
A titre subsidiaire, il demande le paiement d'une indemnité de 50.000 euros au titre de sa rémunération dans le cadre de la gestion du projet sur le fondement des articles 1301 et suivants du code civil et, subsidiairement, sur le fondement de l'enrichissement sans cause.
Il soutient par ailleurs qu'en prétendant avoir été victime de « manoeuvres frauduleuses et trompeuses », M. [F] a tenu des propos injurieux, justifiant sa condamnation à lui payer une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 41, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881 et de l'article 24 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 novembre 2023, M. [T] [F] demande à la cour de :
Vu les articles 42 à 46, 112 à 121 et 564 du code de procédure civile,
Vu l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire,
Vu les articles 1240 et suivants, 1301 et suivants du code civil,
Vu les articles 1108, 1109, 1110 et 1116 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,
In limine litis : :
- Rejeter l'exception d'incompétence de la juridiction française, plus précisément du tribunal judiciaire de Meaux soulevée par M. [C],
- Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a considéré que le tribunal judiciaire de Meaux était compétent pour trancher le litige,
- Confirmer la compétence de la juridiction française pour trancher le litige,
- Rejeter la demande de M. [C] tendant à faire déclarer nulle l'assignation délivrée les 5 novembre et 17 décembre 2018,
- Se déclarer incompétent pour ordonner la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire ordonnée par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Meaux en date du 14 septembre 2018,
- Débouter M. [C] de sa demande de voir écarter des débats la pièce n° 24
Sur le fond :
Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles de M. [C] en appel :
- Rejeter l'intégralité des demandes de M. [C] en appel car s'agissant de demandes nouvelles formulées en appel,
A titre principal : Sur la responsabilité extra-contractuelle de M. [C] et le préjudice causé à M. [F] :
- Infirmer et réformer le jugement attaqué sur le quantum retenu au titre du préjudice
patrimonial et condamner M. [C] à verser à M. [F] la somme de 389.904,89 euros au titre du préjudice patrimonial subi, montant que la cour peut éventuellement compenser avec les 10.000 euros que M. [C] a restitué à M. [F],
- Infirmer et réformer le jugement attaqué sur le quantum retenu au titre du préjudice moral et condamner M. [D] [C] à verser à M. [F] la somme de 50.000 euros au titre du préjudice moral subi,
- A défaut d'infirmation ou de réformation, confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné M. [C] à verser à M. [F] la somme de 171.745,36 euros en réparation du préjudice patrimonial et 10.000 euros au titre du préjudice moral,
A titre subsidiaire, si la cour devait considérer qu'il y avait eu un contrat entre M. [T] [F] et M. [C] :
- Annuler le contrat pour vices du consentement et en conséquence condamner M. [D] [C] à verser à M. [F] la somme de 389.904,89 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice patrimonial subi et 50.000 euros pour le préjudice moral subi, montants que la cour peut éventuellement compenser avec les 10.000 euros que M. [C] a restitué à M. [F],
A défaut, et à titre infiniment subsidiaire, si la cour ne devait pas annuler le contrat :
- Prononcer la résolution du contrat pour inexécution et condamner M. [C] à verser les montants suivants à M. [F] :
' 190.000 euros au titre de la restitution des fonds versés par M. [F] à M. [C],
' 50.000 euros au titre de la restitution des fonds par M. [F] à M. [C] par l'interface de la société liquidée FR.VS Property Ltée,
' 99.904,89 euros au titre du préjudice patrimonial subi par M. [F] au titre de l'exécution fautive et de mauvaise foi du contrat par M. [C],
' 50.000 euros au titre de dommages et intérêts pour le temps de travail que M. [F] a consacré au projet ayant bénéficié exclusivement à M. [C],
' 50.000 euros au titre du préjudice moral subi par M. [F] au titre de l'exécution fautive et de mauvaise foi du contrat par M. [C],
Et éventuellement compenser le montant de la condamnation avec la somme de 10.000 euros restituée par M. [C] à M. [F],
Sur les demandes de M. [C] :
- Débouter M. [C] de sa demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire,
- Débouter M. [C] de sa demande de condamnation de M. [F] à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudices subis,
- Débouter M. [C] de sa demande de voir condamner à 1.000 euros de dommages et intérêts pour propos injurieux,
- Débouter M. [C] de sa demande de condamnation de M. [F] à 50.000 euros pour « gestion du projet »,
- Débouter M. [C] de sa demande de condamnation de M. [F] à 50.000 euros pour « enrichissement sans cause »,
- Débouter M. [C] de sa demande de condamnation de M. [F] à 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance,
Sur les frais et dépens de la première instance :
A titre principal :
- Réformer le jugement en ce qu'il a condamné M. [C] à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner M. [D] [C] à verser à M. [T] [F] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (frais irrépétibles de première instance),
A titre subsidiaire :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [C] à verser la somme de 5.000 euros à M. [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause :
- Condamner M. [C] à la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de la procédure d'appel,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [C] aux entiers dépens de la première instance et de l'instance d'appel, dont distraction au bénéfice de Me Sandy Christ Bhaganooa, avocat, pour les dépens qu'il aurait avancé sans en recevoir provision,
- Rejeter toutes prétentions, fins et conclusions contraires.
Il explique avoir manifesté le souhait d'investir dans l'immobilier et émis l'idée d'acquérir des biens immobiliers dans des zones touristiques en vue de leur location ou de leur revente avec une plus-value ; que son ami M. [C], de nationalité française et mauricienne et disposant d'un domicile en France et à l'Ile Maurice, lui a proposé de constituer une société à l'Ile Maurice, dont ils seraient actionnaires à parts égales, laquelle ferait l'acquisition de terrains ; qu'il proposait de remplir toutes les formalités administratives et réglementaires sur place ; qu'ainsi, au mois de novembre 2015, M. [C] lui a proposé de faire l'acquisition d'un terrain à la [Localité 8], village situé au nord de l'île, en son nom propre puis de le transférer à la société dès qu'elle serait constituée ; qu'il a effectué un virement de 100.000 à M. [C] euros pour lui permettre de « bloquer le terrain » ; qu'après plusieurs échanges, il a appris que les propriétaires du terrain de la [Localité 8] ne souhaitaient plus vendre ; que M. [C] l'a informé d'une nouvelle opportunité plus intéressante à Pereybère La Salette, ville côtière très touristique, où un terrain était en vente avec une maison partiellement achevée ; qu'il a accepté ce nouveau projet, M. [C] lui réclamant à cette occasion divers documents administratifs en vue des démarches ; que le contrat de vente a été signé le 5 février 2016 ; que l'investissement s'élevant à 72.000 euros, les 28.000 euros restants devaient financer les frais de notaire et d'enregistrement ainsi qu'une partie des travaux de rénovation ; que par la suite, à la demande de M. [C], il lui a remis la somme de 10.000 euros en espèces à l'occasion d'une visite en France en avril 2016 puis la somme de 30.000 euros par virement bancaire le 6 mai suivant ; que la société FR.VS Property Ltée a finalement été constituée en juin 2016, chacun des associés possédant 50 % des parts ; qu'à la demande de M. [C], il a effectué un nouveau virement de 100.000 euros pour l'achèvement des travaux, à hauteur de 50.000 euros sur le compte bancaire de ce dernier le 27 septembre 2016 et de 50.000 euros sur le compte de la société, le 23 septembre 2016.
Il indique qu'à l'occasion de son voyage à l'Ile Maurice en novembre 2016, il a donné à M. [C] une procuration totale sur le compte bancaire de la société et lui a réclamé le compte détaillé des dépenses effectuées, en vain, M. [C] se contentant de lui envoyer, en avril 2017, quelques devis de travaux ; qu'en novembre 2017, à l'achèvement des travaux, il était convenu de vendre la villa de [Localité 7] et de verser le prix de la vente sur le compte bancaire de la société ; qu'au mois de décembre 2017, il a demandé à M. [C] de lui remettre la somme de 10.000 euros depuis le compte bancaire de la société afin de lancer son entreprise en France ; que M. [C] a alors reconnu lui devoir la somme de 240.000 euros et a exprimé son intention de mettre fin unilatéralement au projet ; que ce n'est qu'en avril 2018 que M. [C] a concédé ne plus avoir suffisamment d'argent pour le rembourser de l'intégralité des sommes remises ; qu'à la suite de l'examen de l'ensemble des relevés bancaires de la société FR.VS Property Ltée, il a constaté que M. [C] avait fait un usage personnel de ces fonds, notamment pour l'acquisition, en son nom propre, de biens immobiliers ; qu'à la suite d'un déplacement à l'Ile Maurice en juin 2018, il a pu récupérer certains documents administratifs et M. [C] a effectué un virement de 10.000 euros sur son compte bancaire mais ne lui a jamais restitué l'intégralité des fonds remis pour financer l'achat de la maison et les travaux de rénovation, malgré une mise en demeure du 16 août 2018.
M. [F] recherche la responsabilité extra-contractuelle de M. [C], à titre principal sur le fondement des articles 1240 et 1241 et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la gestion d'affaires prévue par l'article 1301 du code civil en faisant valoir, en substance, qu'il a été victime de man'uvres frauduleuses et trompeuses de la part de M. [C] pour se faire remettre la somme de 190.000 euros, outre celle de 50.000 euros à une société de façade créée pour les besoins de la cause en lui faisant croire qu'il pourrait devenir propriétaire de biens immobiliers à l'Ile Maurice et avoir le statut d'investisseur alors que les biens acquis avec son argent sont restés la propriété personnelle de M. [C] et n'ont pas été transmis à la société FR.VS Property Ltée qui n'a jamais été une société de construction, contrairement à ce qui était prévu, et a servi de prétexte à l'obtention de fonds destinés en réalité à l'usage personnel de M. [C].
A titre subsidiaire, si la cour retenait l'existence d'un contrat entre les parties, il en demande la nullité sur le fondement des vices du consentement (erreur et dol) et, à défaut, invoque la faute contractuelle de M. [C].
Il soutient que les agissements de M. [C] lui ont causé un préjudice patrimonial ainsi qu'un préjudice moral.
Il conclut à l'irrecevabilité et, subsidiairement, au rejet des demandes reconventionnelles de M. [C].
La clôture a été prononcée le 21 février 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la compétence territoriale
M. [C] soulève in limine litis l'incompétence du tribunal judiciaire de Meaux au profit de la juridiction Mauricienne en faisant valoir qu'il résulte des articles 42 et suivants du code de procédure civile et 3 du code civil mauricien que la compétence géographique du tribunal est fixée selon le lieu où demeure le défendeur, le lieu où est situé l'immeuble ou le lieu de la livraison effective de la chose ou celui de l'exécution de la prestation de service.
Il soutient qu'en l'espèce, il s'agit d'un litige contractuel lié à l'acquisition et la revente d'un bien immobilier situé à l'Ile Maurice puisque M. [F], résident français et lui-même, résident de l'Ile Maurice, ont décidé de s'unir dans un projet immobilier dont l'exécution s'est déroulée exclusivement à l'Ile Maurice. Il considère que le présent litige est né à la suite du manquement de M. [F] à ses obligations contractuelles de par sa décision unilatérale de se retirer brusquement et abusivement du projet initial et que la restitution des sommes apportées par M. [F] dépend uniquement de la vente de la Maison située à [Localité 7] à l'Ile Maurice ; qu'ainsi, le présent litige concerne un bien immobilier situé à l'Ile Maurice, solution acceptée contractuellement par M. [F] dès l'origine de la transaction.
M. [F] conclut à la compétence des juridictions françaises en raison de la nature personnelle et mobilière du litige et à la compétence du tribunal judiciaire de Meaux, lieu du domicile de M. [C] situé en France à Vaudoy-en-Brie et du fait dommageable.
Sur ce
Par application de l'article 42 du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. S'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux. Si le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s'il demeure à l'étranger.
L'article 43 du même code précise que le lieu où demeure le défendeur s'entend, s'il s'agit d'une personne physique, du lieu où celle-ci a son domicile ou, à défaut, sa résidence.
L'article 44 du même code énonce qu'en matière réelle immobilière, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble est seule compétente.
Enfin, l'article 46 prévoit que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :
- en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service ;
- en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
- en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble ;
- en matière d'aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier.
En l'espèce, M. [F] fonde sa demande en paiement dirigée à l'encontre de M. [C], dont il n'est pas discuté qu'il est de nationalité française et mauricienne, à titre principal sur la responsabilité délictuelle et, à titre subsidiaire, sur la gestion d'affaires, qui constitue un quasi-contrat.
Contrairement à ce que soutient M. [C], le litige n'est pas de nature contractuelle dès lors que l'acquisition du bien immobilier à l'Ile Maurice n'a pas été réalisée par la société FR.VS Property Ltée. En outre, l'action intentée par M. [F] n'est pas de nature réelle immobilière dès lors que le bien immobilier, certes situé à l'Ile Maurice, a été acquis par M. [C] et que M. [F] ne revendique aucun droit réel sur ce bien.
En outre, il est établi par les pièces produites aux débats que M. [C] dispose d'un domicile en France situé [Adresse 4], adresse reprise dans sa déclaration d'appel enregistrée le 3 avril 2021.
Dès lors, par application des articles 42 et 43 du code de procédure civile donnant compétence à la juridiction où est établi le défendeur, le tribunal judiciaire de Meaux était compétent pour connaître de la demande en paiement formée par M. [F].
L'exception d'incompétence soulevée par M. [C] au profit de la juridiction mauricienne sera en conséquence rejetée.
Sur la nullité de l'assignation
M. [C] demande à la cour de déclarer nulles les assignations des 5 novembre et 17 décembre 2018 pour violation du principe du contradictoire aux motifs que sa résidence était située, au moment de l'assignation, à l'Ile Maurice et qu'il n'a pas eu connaissance de l'existence de la procédure judiciaire à son encontre.
M. [F] rappelle qu'en vertu de l'article 43 du code de procédure civile, l'assignation doit être délivrée au domicile du défendeur et que ce n'est qu'à défaut de domicile que la résidence peut être choisie. Il ajoute qu'il a également fait délivrer l'assignation aux deux adresses de M. [C] qu'il connaissait à l'Ile Maurice
Sur ce
M. [C] a été valablement assigné le 5 novembre 2018 à son adresse en France située [Adresse 4] (remise en l'étude en l'huissier après que le domicile a été certifié) ainsi que le 17 décembre 2018 à ses adresses déclarées à l'Ile Maurice par remise de l'acte à parquet conformément aux prescriptions de l'article 684 du code de procédure civile, après deux convocations de l'ambassade de France à Maurice les 12 août et 22 octobre 2019 demeurées vaines ainsi que l'ont relevé les premiers juges.
L'exception de nullité de l'assignation doit dès lors être rejetée.
Sur le rejet des débats des pièces en langue étrangère
M. [C] demande que la pièce n° 24 produite par M. [F] en langue anglaise non traduite soit écartée des débats en application de l'article 2.2.1 du protocole de procédure civile conclu le 11 juillet 2012 entre le tribunal de grande instance de Paris et l'Ordre des avocats du Barreau de Paris et de l'article 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêts.
M. [F] conclut au rejet de cette demande en faisant valoir que les pièces en anglais qu'il verse aux débats sont accompagnées de leur traduction officielle en français.
Sur ce
Si l'ordonnance de Villers-Cotterêts d'août 1539 ne vise que les actes de procédure, le juge est fondé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère , faute de production d'une traduction en langue française.
En l'occurrence, force est de constater que la pièce n° 24 de M. [F] est accompagnée d'une traduction officielle en français.
Il n'y a donc pas lieu de l'écarter des débats.
Sur la qualification des relations existant entre M. [F] et M. [C]
Les demandes de M. [F] sont fondées, à titre principal, sur la responsabilité délictuelle de M. [C] et, à titre subsidiaire, sur la gestion d'affaires.
Les demandes reconventionnelles de M. [C] sont fondées, à titre principal, sur la responsabilité contractuelle de M. [F] et, subsidiairement, sur la gestion d'affaires.
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et l'article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La responsabilité suppose l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
La gestion d'affaires est un quasi-contrat définit par l'article 1300, alinéa 1er, du code civil comme un fait purement volontaire dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement de leur auteur envers autrui.
Selon l'article 1301 du code civil, celui qui, sans y être tenu, gère sciemment et utilement l'affaire d'autrui, à l'insu ou sans opposition du maître de cette affaire, est soumis, dans l'accomplissement des actes juridiques et matériels de sa gestion, à toutes les obligations d'un mandataire.
La gestion d'affaires suppose la réunion de deux éléments, d'une part, la volonté de gérer l'affaire d'autrui et, d'autre part, l'utilité de cette intervention, laquelle s'apprécie au moment même où la gestion est entreprise, et non à son issue.
Il est admis que la communauté d'intérêt du gérant et du maître n'est pas, par elle-même, de nature à exclure l'existence d'une gestion d'affaires.
L'existence d'une convention entre le gérant et le supposé maître de l'affaire est incompatible avec l'existence d'une gestion d'affaires.
Enfin, la responsabilité contractuelle suppose l'existence, d'une part, d'un contrat entre l'auteur du dommage et la victime, lequel est définit à l'article 1101 du code civil comme un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations et, d'autre part, d'un dommage causé par un manquement contractuel de son cocontractant.
En l'espèce, il ressort des débats et des pièces produites les faits suivants :
M. [F] ayant exprimé le souhait d'investir dans l'immobilier dans une zone touristique, M. [C] lui a proposé de s'associer dans le cadre d'une société à l'Ile Maurice dont tous deux seraient associés à parts égales et dont l'activité consisterait à acquérir des biens immobiliers à rénover ou à construire pour ensuite les mettre en location ou les revendre avec une plus-value.
Compte tenu de la réglementation mauricienne qui impose une autorisation préalable du Bureau du Premier Ministre pour l'acquisition de biens immobiliers sur le territoire de la république de Maurice par des non-citoyens mauriciens, l'opération ainsi conçue permettait de contourner la difficulté.
Au mois de novembre 2015, M. [C] a trouvé un terrain à acheter à la [Localité 8] et, la société n'ayant pas encore été créée, M. [F] a transféré la somme de 100.000 euros sur le compte bancaire mauricien de M. [C].
La vente n'ayant pas abouti, M. [C] a trouvé un autre bien immobilier comprenant un terrain et une maison en construction situé à [Localité 7] qu'il a acquis, par acte notarié du 26 février 2016 (et non 5 février comme indiqué par les parties) moyennant la somme de 3.000.000 de roupies mauriciennes (soit environ 72.000 à 75.000 euros) soit 1.200.000 Rs pour le terrain et 1.800.000 Rs pour la maison, en son nom propre et avec les 100.000 euros précédemment versés par M. [F]. Le jour-même, M. [C] a envoyé à M. [F] un message via l'application WhatsApp dans les termes suivants : « C bon [T], j'ai signé pour nous, notre première acquisition à Maurice. Félicitations ».
Le 6 mai 2016, M. [F] a effectué un virement de 30.000 euros sur le compte bancaire mauricien de M. [C] pour financer les travaux de rénovation, de nombreux messages accompagnés de photos de l'avancement des travaux étant échangés entre les parties à compter du mois de mars 2016.
La société FR.VS Property Ltée, constituée entre M. [F] et M. [C], a été enregistrée le 8 juin 2016, chacun des associés disposant de 50 % des actions et étant désigné en qualité de directeur. Le 13 juin 2016, M. [C] écrit à M. [F] en ces termes : « Bonsoir [T] tu as maintenant une société de construction à Maurice ».
Deux virements de 50.000 euros ont été effectués par M. [F], le premier en date du 27 septembre 2016 sur le compte bancaire français de M. [C] et le second en date du 4 octobre 2016 (ordre de virement du 1er octobre 2016) sur le compte bancaire de la société FR.VS Property Ltée.
A compter du 13 novembre 2017, les parties ont échangés les messages suivants :
- messages de M. [C] « [M] » du 13 novembre 2017 : « Salut [T] comment vas tu' ici ça cour toujours j'ai rdv jeudi avec une agence à pereybere pour prendre des photos de Ia maison (...) je tapelle jeudi pour faire Ie point »
- message de M. [F] « [T] » du 13 novembre 2017 : « Hello [M]..tout va bien et en plein lancement de mes produits donc bcp de boulot .. super pour l'agence. As tu pu faire poser Ies barrières avant Ies photos '' J'aurais aussi besoin que tu me transfères de l'argent sur mon compte société sur Paypal pour pouvoir lancer mon business. Bon courage pour la suite »
- message de « [T] » du 6 décembre 2017 : « Salut [M]. Pas de nouvelles bonnes nouvelles '''' Tiens moi au courant pour Ies choses dont on avait parlé (photos de la maison dans une agence, retrait de 10000 euros et Ies docs de Ia banque) C'est assez urgent maintenant. merci »
- message de « [M] » du 6 décembre 2017 : « Salut [T] La maison a bien était mise en vente sur une agence sérieuse, j'ai demandé au directeur de vendre vite comme tu pourras voir sur Ie mail que je v t'envoyer. lls ont bien pris des photos et vont décider du prix de vente .Ils sont basées dans le nord et connaissent très bien la valeur des biens du secteur. j'ai aussi mis en vente un terrain pour te restituer une bonne partie
de ton argent et dès que possible la totalité. Je comprends que tu en a besoin pour tes affaires ».
- message de « [T] » du 6 décembre 2017 : « Salut [M] (...) Tu m'avais dis qu'il restait de l'argent sur le compte société et aujourd'hui tu m'annonces que je suis obligé d'attendre que tu vendes ton terrain ou la maison pour me verser l'argent..j'ai du mal à comprendre. Peux tu m'envoyer Ies relevés du compte Société stp... Merci et à bientôt »
- message de « [M] » du 6 décembre 2017 : « Comme je t'ai dis en été il restait de l'argent sur le compte société je comptais dessus pour finir les travaux. J'irai voir à la banque combien on dispose et aussi dans un premier temps te transférer les 10000 euros et ensuite Ies 230000 euros .C mieux ainsi. »
- message de « [T] » du 13 décembre 2017 : « Salut [M], Je ne pense pas avoir été offensant et il n'y a rien d'anormal à te demander certaines choses concernant la Société, surtout qu'on en avait parlé 15 jours auparavant et que je n'avais pas de tes nouvelles depuis. Si je me suis permis de te poser des questions c'est aussi parce que je me suis aperçu que tu m'informes moins sur la maison et tes démarches. Je respecte
complètement tes choix concernant l'avenir de la Société mais, en tant qu'associé et ami, je compte sur toi et la confiance que je te porte pour respecter tous nos engagements jusqu'a la fin de notre association. Merci à toi de m'informer pour la maison et quand elle sera vendue tu pourras me reverser les 240000 euros et on pourra effectuer Ie partage équitable des profits effectués sur la vente de la maison. Je t'en remercie tout en espérant que la maison soit rapidement vendue et que notre association se termine bien. »
- message de « [M] » du 15 décembre 2017 : « Salut [T]. J'ai eu l'estimation pour le prix de vente de la maison. Tu verras sur ton mail ce que l'agence en pense. J'ai été à la banque hier pour avoir la balance comme tu m'as demandé. Je suis en train de faire le point sur tous Ies dépenses qu'on a eu je vais tout te détailler avec Ies factures. espérons que la maison se vende vite. »
- message de « [T] » du 15 décembre 2017 : « Salut [M]. Je te remercie pour toutes les infos..j'ai trouvé l'estimation faible.. Après avoir regardé ailleurs on pourrait mettre la maison au prix de10 600 000 ou 11 000 000 pour garder une marge de négociation. Qu'en penses tu '' Aussi pourrais tu stp me transférer 10 000 euros du compte Société sur mon compte Société Paypal..ci-joint Ie IBAN du compte à créditer. »
- message de « [M] » du 13 janvier 2018 : « Salut [T] .Je te souhaite une bonne année 2018 que tu réussis dans tes projets. ll faut que tu m'envoie le nom de la personne du compte Paypal et I adresse de la banque afin que je puisse te faire le transfert. (...) Ne t'inquiète pas tu retrouveras ton argent. »
- message de « [T] » du 28 mars 2018 : « Salut [M]. J'espère que tu as passé l'annonce pour le terrain..stp envoie moi une photo de l'annonce ainsi que des photos de l'avancée des travaux à la maison..c'est urgent de vendre et j'ai besoin de savoir que tu avances dans le bon sens. Merci et à bientôt. »
- message de « [T] » du 9 avril 2018 « Salut [M]..pour la énième fois je te demande de m'envoyer des photos des travaux déja effectués pour la maison..aussi quand tu auras remis Ies 500 000 roupies sur la Société, merci de me virer la même somme sur mon compte en France..soit environ 12 500 euros et j'espère que l'argent sera déposé cette semaine..je ne peux plus attendre ».
- message de « [M] » du 10 avril 2018 : « [Y] que mon beau-père me verse la totalité de la somme demandé pour que je puisse faire le virement. Je ne peux pas lui mettre la presion c déja bien qu'il m'aide à sortir de ce cauchemar. »
- message de « [T] » du 26 avril 2018 : « A quel jeu tu joues '' Voleur, menteur, truqueur, arnaqueur, et maintenant silencieux depuis 15 jours. »
Il résulte de ces éléments que si les parties avaient pour projet la constitution d'une société dont l'activité consisterait à acquérir des biens immobiliers à rénover ou à construire pour ensuite les mettre en location ou les revendre avec une plus-value, l'acquisition du bien immobilier situé à [Localité 7], par acte notarié du 26 février 2016, a été faite au seul nom de M. [C] mais avec les fonds de M. [F], la société FR.VS Property Ltée n'ayant été constituée entre les parties que le 8 juin 2016.
Le bien immobilier litigieux n'ayant pas été acquis par la société FR.VS. Property Ltée ni transféré à cette dernière, les manquements allégués ne relèvent pas de l'inexécution ou d'une mauvaise exécution du contrat.
En outre, le fait ayant donné lieu au litige n'est pas un fait quelconque mais un fait volontaire, de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il convenait d'analyser la relation existant entre les parties par référence aux quasi-contrats, et plus particulièrement la gestion d'affaires.
En effet, M. [F] a volontairement remis les fonds à M. [C] pour l'acquisition d'un bien immobilier et n'ignorait pas qu'à cette date, la société n'étant pas constituée, l'acquisition ne pourrait se faire qu'au nom de M. [C].
S'il est constant que le bien immobilier dont s'agit n'a pas été transféré à la société FR.VS Property Ltée, sans qu'il soit démontré que ce transfert aurait été impossible du fait de la qualité de non-citoyen mauricien de M. [F], il ne ressort pas des messages échangés entre les parties que M. [F] ait sollicité ce transfert de propriété, le projet commun étant de vendre le bien rapidement après l'achèvement des travaux de rénovation afin que les fonds versés par M. [F] lui soient restitués et que la plus-value soit partagée, M. [C] ne discutant alors pas le principe de la restitution à M. [F] de la somme globale de 240.000 euros.
Il convient d'observer que, contrairement à ce que soutient M. [C], M. [F] n'a pas pris la décision de se retirer du projet et n'a pas exigé, dans un premier temps, la restitution immédiate des fonds investis par ses soins qui impliquait nécessairement la vente du bien. Ce n'est que lorsque M. [F] a souhaité obtenir le versement d'une somme de 10.000 euros (argent non utilisé pour les travaux) pour lui permettre de lancer un autre projet en France que, face à l'impossibilité de M. [C] de lui verser cette somme, il a sollicité des informations sur l'utilisation des fonds versés au profit de ce dernier et de la société, demandant des justificatifs des travaux réalisés ainsi que les relevés du compte bancaire de la société.
A cet égard, l'examen des relevés du compte bancaire de la société FR.VS Property Ltée ouvert à la Mauritius Commercial Bank fait apparaître des virements intitulés « ACHAT D'UN TERRAIN 1ERE ACTE ME REDMOND HART DE KEATING » (500.000 Rs) « PURCHASE OF PROPERTY » au profit de « MAITRE M. L. [I] » (894.000 Rs), ou de « ME [N] M.J. [V] » (430.000 Rs) pour lesquels M. [C] ne donne aucune explication, le compte présentant, à la date du 1er juin 2018, un solde créditeur de 3.331,43 Rs.
Alors que le gérant est tenu d'agir avec diligence et doit, en application de l'article 1301-1 du code civil, gérer l'affaire d'autrui en y apportant tous les soins d'une personne raisonnable et qu'il doit en outre rendre compte de sa gestion auprès du maître de l'affaire, il est suffisamment établi par les éléments précités que M. [C] n'a pas justifié de l'utilisation des fonds versés par M. [F] pour financer les travaux de rénovation et ne lui a pas restitué les fonds ayant servi à l'acquisition du bien immobilier après sa revente, n'exécutant pas les opérations d'investissement conformément au projet initialement conçu entre les parties, et engage ainsi sa responsabilité.
Sur les préjudices subis par M. [F]
- Sur le préjudice patrimonial
Comme l'ont justement relevé les premiers juges, la non-restitution par M. [C] des fonds qui lui ont été remis par M. [C] et dont l'utilisation n'a pas rendu leur auteur bénéficiaire de biens ou services est constitutif d'un préjudice patrimonial dont il est fondé à être indemnisé.
Il est établi que M. [F] a versé à M. [C] la somme totale de 180.000 euros par virements des 17 novembre 2015 (100.000 euros), 6 mai 2016 (30.000 euros) et 27 septembre 2016 (50.000 euros).
M. [F] invoque en outre un paiement en espèces de 10.000 euros au mois d'avril 2016 et produit un relevé de son compte bancaire faisant apparaître un retrait de cette somme le 15 avril 2016. Si les premiers juges ont pu estimer, en l'absence de comparution de M. [C], que la preuve du retrait ne suffisait pas à établir la réalité de la remise de cette somme à celui-ci, il ressort du message précité de M. [C] en date du 6 décembre 2017 qu'il n'a pas contesté la remise par M. [F] de la somme de totale de 240.000 euros, dont 50.000 euros ont été versés sur le compte de la société FR.VS Property Ltée. Dans ses conclusions d'appelant, M. [C] ne conteste pas davantage la remise en espèces de la somme de 10.000 euros.
M. [F] est donc fondé à obtenir la restitution de la somme de 190.000 euros, dont il convient de déduire celle de 10.000 euros remboursée par M. [C] le 19 juillet 2018.
S'agissant de la somme de 50.000 euros versée le 4 octobre 2016 sur le compte bancaire de la société FR.VS Property, les premiers juges ont estimé que M. [F] n'était pas fondé à la réclamer à M. [C], la société FR.VS Property Ltée n'étant pas partie à l'instance.
Il ressort cependant de l'extrait du registre des sociétés à la date du 24 avril 2021 produit par M. [F] en pièce n° 25 que la société FR.VS Property Ltée, dont les parties sont associées à parts égales, a été liquidée le 16 juillet 2019, de sorte que M. [F] est bien fondé à réclamer à M. [C] la somme de 50.000 euros versée sur le compte bancaire de la société.
Le préjudice de M. [F] s'élève donc à la somme de 230.000 euros (100.000 + 30.000 + 10.000 + 50.000 + 50.000 - 10.000).
S'agissant des frais exposés pour lui et ses deux conseils à l'occasion de son déplacement à l'Ile Maurice (billets et frais d'hébergement), comme l'ont justement retenu les premiers juges, si la nécessité de se rendre sur place apparaît légitime comme étant le lieu des opérations immobilières et compte tenu du silence opposé par M. [C], M. [F] ne justifie pas de la nécessité de se déplacer avec deux conseils, relevant en tout état de cause que les frais de déplacement de ces derniers sont seulement susceptibles d'être intégrés dans les frais irrépétibles. Au vu des justificatifs produits, le préjudice de ce chef sera évalué à la somme de 1.160,48 euros (858,98 euros de billet d'avion + 301,50 euros de frais d'hébergement).
Les frais de notaire mauricien pour l'établissement du certificat de coutume et les frais d'huissier pour l'établissement du procès-verbal de constat du 13 juin 2018 relèvent des frais irrépétibles.
M. [F] réclame en outre la somme de 95.622 euros au titre des « gains manqués », en expliquant qu'il a quitté son travail en 2016 pour se consacrer exclusivement au projet d'investissement à l'Ile Maurice alors qu'il percevait un salaire moyen de 31.874 euros,
soit un manque à gagner pendant trois années. Il sollicite par ailleurs la somme de 50.000 euros correspondant au temps de travail consacré aux opérations immobilières de M. [C].
Si M. [F] justifie par la production de son relevé de carrière avoir été au chômage en 2016 et 2017 et percevoir, depuis le 17 août 2018, l'allocation de solidarité spécifique, il ne justifie pas des conditions dans lesquelles il a quitté son emploi et ne produit aucun élément de nature à établir le lien entre les agissements de M. [C] et la perte de son emploi. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation formée de ce chef par M. [F].
La demande au titre de la valorisation du temps de travail consacré au projet d'investissement sera également rejetée en l'absence de tout justificatif.
Au terme de ces développements et par infirmation du jugement, M. [C] sera condamné à payer à M. [F] la somme totale de 231.160,48 euros en réparation de son préjudice patrimonial. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement du 23 décembre 2020 à hauteur des sommes accordées en première instance et à compter du présent arrêt pour le surplus.
- Sur le préjudice moral
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [C] à payer à M. [F] la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral dès lors qu'il est établi que les agissements de M. [C], qui n'ont pu aboutir qu'en raison du lien de confiance né de leur amitié, ont généré chez M. [F] un sentiment de trahison, générateur d'un préjudice moral.
Sur les demandes de M. [C]
- Sur la recevabilité
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
En l'occurrence, M. [C] étant défaillant en première instance, il n'a formé aucune demande devant les premiers juges, de sorte que ses demandes formées en cause d'appel ne sont pas nouvelles et sont donc recevables.
- Sur la demande de dommages et intérêts
Ainsi qu'il a été dit précédemment, la faute alléguée par M. [C], à savoir la décision brutale et unilatérale de M. [F] de mettre fin au projet, ne relève pas de l'inexécution ou d'une mauvaise exécution du contrat. M. [C] n'est donc pas fondé à rechercher la responsabilité contractuelle de M. [F]. En tout état de cause, aucun comportement fautif ne peut être imputé à M. [F] qui n'a pas décidé de manière brutale et unilatérale de mettre fin au projet d'investissement à l'Ile Maurice.
M. [C] n'est pas davantage fondé à réclamer à M. [F] le paiement d'une indemnité sur le fondement de la gestion d'affaires, l'article 1301-2 du code civil n'accordant au gérant que le remboursement des dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites, mais non le paiement d'une rémunération.
S'agissant enfin de sa demande fondée sur l'enrichissement sans cause, l'article 1301-5 du code civil prévoit que si les conditions de la gestion d'affaires ne sont pas réunies mais que l'action du gérant profite néanmoins au maître de l'affaire, celui-ci doit indemniser le gérant selon les règles de l'enrichissement injustifié. Dans le cas présent, les conditions de la gestion d'affaires étant réunies, M. [C] n'est pas fondé à se prévaloir de l'enrichissement sans cause, au demeurant non caractérisé.
M. [C] sera, en conséquence, débouté de ses demandes indemnitaires.
- Sur les propos injurieux
Aux termes de l'article 24 du code de procédure civile, les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice. Le juge peut, suivant la gravité des manquements, prononcer, même d'office, des injonctions, supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l'impression et l'affichage de ses jugements.
Selon l'article 41, alinéas 4 et 5, ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte-rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins, les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages et intérêts.
La teneur des écrits produits devant les juridictions, qui relève de la liberté fondamentale de la défense, ne peut connaître d'autres limites que celles fixées par ces dispositions, qui permettent aux juridictions, dans les causes dont elles sont saisies, de prononcer la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires produits devant elles. Cependant, c'est seulement s'ils sont étrangers à l'instance judiciaire que les passages de conclusions peuvent être supprimés et justifier une condamnation à indemnisation en raison de leur caractère diffamatoire.
En l'espèce, les propos figurant dans les conclusions de M. [F] selon lesquels il aurait été victime de « manoeuvres frauduleuses et trompeuses » de la part de M. [C], l'accusant d'avoir monté un « stratagème fallacieux » ne présentent pas un caractère injurieux, calomnieux ou outrageants pour la justice et ne relèvent donc pas de l'article 24 du code de procédure civile.
En outre, les propos litigieux s'inscrivent parfaitement dans le cadre de la problématique juridique soulevée devant la cour, ne sont en aucun cas étrangers aux faits de la cause et n'excèdent pas les droits reconnus à la défense.
La demande de dommages et intérêts formée de chef par M. [C] sera en conséquence rejetée.
- Sur la demande de mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire
Compte tenu du sens du présent arrêt, cette demande ne peut qu'être rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance, mis à la charge de M. [C], seront confirmées.
Ajoutant au jugement, il y a lieu de condamner M. [C], qui succombe en son recours, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par Maître Sandy Christ Bhaganooa, conseil de M. [F] qui en fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Enfin, tenu aux dépens, M. [C] sera condamné à payer à M. [F] la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile et ne peut lui-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette l'exception d'incompétence au profit de la juridiction mauricienne soulevée par M. [D] [C],
Rejette l'exception de nullité de l'assignation délivrée les 5 novembre et 17 décembre 2018 soulevée par M. [D] [C],
Dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce n° 24 produite par M. [T] [F],
Infirme le jugement rendu le 23 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Meaux en ce qu'il a condamné M. [D] [C] à payer à M. [T] [F] la somme de 171.745,36 euros en réparation de son préjudice patrimonial,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Condamne M. [D] [C] à payer à M. [T] [F] la somme de 231.160,48 euros en réparation de son préjudice patrimonial,
Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement du 23 décembre 2020 à hauteur de la somme de 171.745,36 euros accordée en première instance et à compter du présent arrêt pour le surplus,
Déclare recevables les demandes reconventionnelles formulées par M. [D] [C] en cause d'appel,
Déboute M. [D] [C] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
Déboute M. [D] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour propos injurieux,
Déboute M. [D] [C] de sa demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire,
Condamne M. [D] [C] à payer à M. [T] [F] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [D] [C] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par Maître Sandy Christ Bhaganooa conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,