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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 10, 24 juin 2024, n° 22/01149

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/01149

24 juin 2024

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 24 JUIN 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01149 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFBG7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Novembre 2021 -Tribunal de Commerce de Paris RG n° 2018067954

APPELANTE

S.A.R.L. NEW ROYALE

[Adresse 1]

[Localité 3]

N° SIRET : 809 749 237

Représentée par Me Olivier DILLENSCHNEIDER de la SELARL HUGO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0866

INTIMEE

S.A. NATIXIS

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 542 044 524

Représentée par Me Julien MARTINET, avocat au barreau de PARIS, toque : T04

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente

Monsieur Xavier BLANC, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christine SIMON-ROSSENTHAL, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

La société New Royale exerce une activité de promoteur immobilier.

Le 20 décembre 2013, les sociétés Natixis Lease Immo et Sogefimur ont acquis un ensemble immobilier à [Localité 5] et ont signé le même jour un contrat de crédit-bail avec la société New Royale. Le contrat portait sur un investissement de 11 111 070 euros donnant lieu à des loyers commençant à courir le 20 décembre 2013 pour une durée de 11 ans et 6 mois.

La société New Royale s'est engagée à payer des intérêts sur la quote-part des loyers de Natixis Lease Immo au taux annuel d'Euribor 3 mois + 1,85% l'an et de Sogefimur au taux annuel d'Euribor 3 mois + 1,75 % l'an.

Le 13 mai 2014, pour assurer sa couverture contre le risque de taux que représentait la quote-part des loyers dus à la société Natixis Lease Immo, la société New Royale a conclu avec la société Natixis un contrat d'échange de taux d'intérêts, ou contrat de swap, pour assurer sa couverture contre le risque de taux, aux termes duquel la société New Royale payait des intérêts calculés sur l'encours restant dû au titre du crédit-bail au taux de 1,49 % par an à la société Natixis, tandis que cette dernière lui payait des intérêts calculés sur le même encours au taux Euribor 3 mois.

La société New Royale devait donc payer l'équivalent de 3,34% l'an (Euribor 3 mois + 1,85% à Natixis Lease Immo + 1,49% à Natixis, cette dernière lui remboursant l'Euribor 3 mois).

A compter d'avril 2015, le taux Euribor est devenu négatif et la société Natixis a facturé à la société New Royale, au titre du contrat de swap, les intérêts correspondant au taux fixe de 1,49 % par an et les intérêts correspondant à l'application de la valeur absolue du taux, négatif, Euribor 3 mois.

La société New Royale expose avoir payé à Natixis à la fois le taux variable et le taux fixe et demande l'annulation du contrat de swap ou le remboursement des sommes payées au titre de l'Euribor négatif.

Par acte d'huissier du 29 novembre 2018, la société New Royale a fait assigner la société Natixis devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement rendu le 3 novembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit:

Déboute la société New Royale de toutes ses demandes ;

Condamne la société New Royale à payer à la société Natixis la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société New Royale aux dépens de la présente instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA ;

Ordonne l'exécution provisoire, sans constitution de garantie.

Par déclaration du 10 janvier 2022, la société New Royale a interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 5 octobre 2022, la société New Royale demande à la cour de :

Vu les articles 1110, 1116, 1131, 1134, 1147, 1165 et 1235 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; vu l'article L. 533-11 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1107 du 22 juin 2017.

Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Ce faisant, statuant à nouveau :

A titre principal :

Prononcer la nullité du contrat de swap du 13 mai 2014, signé par Natixis et New Royale le 15 mai suivant ;

Condamner en conséquence Natixis à payer à New Royale la somme de 306.795,56 euros, à parfaire, au titre de la restitution des sommes que cette dernière à déboursée en exécution du contrat ;

A titre subsidiaire :

Juger que Natixis a manqué à ses obligations d'information et de conseil à l'égard de New Royale

Condamner, en conséquence, Natixis à payer à New Royale la somme de 306.795,56 euros, à parfaire, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que cette dernière a subi du fait de ces manquements ;

Juger que Natixis a commis des fautes dans l'exécution du contrat de swap conclu avec New Royale ;

Condamner, en conséquence, Natixis à payer à New Royale la somme de 49.076,80 euros, à parfaire, au titre du remboursement des sommes que cette dernière a indument payées en exécution du contrat ;

Juger que Natixis a fait preuve de déloyauté et de mauvaise foi lors de la négociation et de l'exécution du contrat de swap conclu avec New Royale ;

Condamner, en conséquence, Natixis à payer à New Royale la somme de 306.795,56 euros, à parfaire, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que cette dernière a subi du fait de ce comportement ;

En toute hypothèse :

Débouter Natixis de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Condamner Natixis à verser à New Royale la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Natixis aux entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 12 mai 2023, la société Natixis demande à la cour de:

Confirmer le jugement attaqué en toutes ces dispositions.

Par conséquent, débouter la société New Royal de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent.

La condamner, au titre de l'instance d'appel, au paiement d'une indemnité de 10.000 € au profit de Natixis sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 juin 2023.

MOTIVATION

Sur la nullité du contrat de swap pour erreur sur la substance, dol et absence de cause

La société New Royale soutient que le contrat de swap conclu en 2014 encourt la nullité pour principalement vices du consentement et absence de cause ; que le contrat de swap est autonome par rapport au contrat d'emprunt et qu'étant synallagmatique, les parties s'engagent à des obligations réciproques.

Elle soulève une erreur quant à la substance du contrat de swap (art.1110 du code civil) , elle soutient qu'elle s'est engagée en pensant, au regard des informations dont elle disposait, qu'elle ne serait débitrice que d'une seule obligation, celle de payer les sommes résultantes de l'application du taux fixe. Or, en réalité deux obligations de paiement différentes ont été cumulativement mises à sa charge (taux fixe + taux variable dans l'hypothèse où celui-ci serait de valeur négative), alors que le contrat prévoyait le paiement d'un taux fixe.

Sur le dol (art.1116 du code civil) elle soutient que la circonstance selon laquelle le taux Euribor 3 mois pouvait avoir une valeur négative était nécessairement déterminante de son consentement, dès lors qu'il avait pour effet de modifier l'étendue de ses obligations de paiement, objet même du contrat. Elle estime que la société Natixis aurait dû l'informer sur ce point, ce qu'elle n'a fait à aucun moment. Bien au contraire, les échanges qu'elle a entretenus avec elle évoquait plutôt une augmentation de ce taux. Elle estime que la société Natixis a volontairement dissimulé cette information.

Sur l'absence de cause (art.1131 du code civil) : elle soutient que dans un contrat de swap, la cause réside dans l'exécution des obligations réciproques et non dans la rentabilité de celui-ci. Or, dès lors qu'elle peut être amenée à devoir à la société Natixis des sommes au titre de l'application du taux variable, cette circonstance permet de considérer que la cause des obligations respectives des parties fait défaut, puisque la contrepartie est inexistante dans ce cas.

La société Natixis rétorque que le contrat de swap est valable. Aucune erreur ne peut être soulevée car l'objet même du contrat était de prémunir la société New Royale de l'évolution du taux d'intérêt variable. Ce qui a été le cas en l'espèce dans la mesure où, la société a bénéficié d'un taux fixe à 3,34 %. En affirmant qu'elle ne devait payer aucune autre somme que le taux d'intérêt fixe, la société New Royale entretient une confusion sur l'origine du risque couvert par le contrat. Le risque considéré par le contrat de swap n'est pas celui de la variation du taux Euribor 3 mois dans le cadre de ce même contrat, mais celui résultant du contrat de crédit-bail. Ainsi, le contrat de swap a permis, comme prévu, de figer le coût de l'endettement de la société New Royale au titre du contrat de crédit-bail.

Quant au dol, elle assure que le fait que le taux Euribor 3 mois soit devenu négatif, n'a pas eu d'incidence sur les obligations des parties. D'ailleurs, elle soutient avoir alerté, via les documents contractuels, la société New Royale du risque d'un maintien durable dudit taux à un niveau bas, qui entrainerai une opération économique défavorable et non un défaut de couverture.

Enfin, elle affirme que le contrat a une cause déterminée, qui réside dans l'espérance de gain de la société New Royale. La circonstance qu'un aléa affecte l'une ou l'autre des obligations du contrat, ne suffisant pas à conclure à l'absence de cause et à la nullité du contrat.

Réponse de la cour

Aux termes des articles 1109 et 1110 anciens du code civil, applicables aux contrats querellés, la nullité est encourue lorsqu'est caractérisée une erreur sur la substance de la chose qui en est l'objet.

A cet égard, la société New Royal expose que la qualité substantielle du contrat conclu avec Natixis était de la prémunir contre l'évolution du taux d'intérêt variable auquel elle était soumise dans le cadre du contrat de crédit -bail conclu avec Natixis Lease Immo. Au regard des informations dont elle disposait, elle pensait qu'elle ne serait débitrice que d'une seule obligation, celle de payer les sommes résultantes de l'application du taux fixe. Le taux étant devenu négatif elle estime que la banque ne devait pas facturer les intérêts négatifs.

L'objet du contrat de swap consiste, pour chacune des parties, à prendre en charge les intérêts dus par l'autre.

L'article 1107 du code civil dispose que "Le contrat est à titre onéreux lorsque chacune des parties reçoit de l'autre un avantage en contrepartie de celui qu'elle procure", l'avantage retiré par le prêteur d'une somme d'argent résidant dans sa marge et/ou dans le fait de se prémunir d'un risque.

La qualité substantielle du contrat de swap de couverture est de garantir l'une des parties contre le risque de variation de taux, étant précisé qu'un tel contrat est par nature aléatoire, ce qui expose donc l'autre partie à un risque.

En l'espèce, en novembre 2013, Natixis a remis à la société New Royale une plaquette d'information relative à la couverture contre le risque de taux, décrivant l'opération aux termes de laquelle Natixis payerait à la société New Royale le taux Euribor 3 Mois et recevrait un taux fixe, à l'époque donné à 2,0925 %, précisant que :

« - Si le fixing de l'indice EUR 3M est supérieur à 2.0925% : vous recevez de Natixis, au titre du swap, le différentiel entre EUR 3M et le taux fixe du swap.

« - Si le fixing de l'indice EUR 3M est inférieur à 2.0925% : vous versez à Natixis, au titre du swap, le différentiel entre le taux fixe du swap et EUR 3M » (Piece 14 )

L'objectif indiqué dans la plaquette d'information émise par Natixis est de : « figer [le] coût d'endettement », endettement résultant du contrat de crédit-bail.

Le contrat de crédit-bail prévoyait que la société New Royale payait à la société Natixis Lease, sur la quote-part des loyers, des intérêts au taux annuel Euribor 3 mois + 1,85 %, tandis qu'en exécution du contrat de swap, elle échangeait avec la société Natixis des intérêts, calculés sur la même quote-part des loyers, au taux de 1,49 % par an contre des intérêts au taux Euribor 3 mois.

Au regard de ces éléments, les clauses contractuelles sont claires et précises. Elles délimitent les obligations de chacune des parties. Le contrat de swap prévoyait une obligation de paiement à la charge de New Royale et une obligation de paiement à la charge de Natixis.

L'objectif était de prémunir l'emprunteur contre l'évolution d'un d'intérêt variable. Ainsi New Royale était « payeur des montants fixes », tandis que Natixis était « payeur des montants variables », (pièce n°5, p. 3).

La substance du contrat de swap en l'espèce est la couverture assurée contre le risque de variation du taux auquel elle était soumise au titre du contrat de crédit-bail , en tenant compte de l' endettement qui résulte du contrat de crédit-bail.

Le contrat de swap a eu pour effet de neutraliser les conséquences de la variation du taux Euribor 3 mois sur la charge des intérêts dus au titre du contrat de crédit bail. La société New Royale a bénéficié d'un taux fixe moyen de 3,34% et s'est prémunie contre une évolution du taux variable.

Il sera observé, à cet égard, qu'il n'est pas soutenu que le taux Euribor 3 mois ait jamais été inférieur, au cours de la période considérée, à -1,85 % par an, de sorte que le taux d'intérêt des loyers dus à la société Natixis Lease (Euribor 3 mois + 1,85 % par an) n'est lui-même jamais devenu négatif et qu'en définitive, le paiement par la société New Royale d'un intérêt négatif à la société Natixis ne l'a jamais conduite à payer, en exécution des deux contrats, des intérêts à un taux supérieur à 3,34 % par an, sous réserve des effets liés à un décalage de date du taux Euribor pris en compte.

Dans ces conditions, le contrat a répondu aux objectifs poursuivis, la société New Royale n'est pas fondée à soutenir que le swap ne devait jamais entraîner un paiement autre que le taux fixe contractuellement prévu. Au regard de l'engagement pris, cet objectif ne pouvait être atteint dans le cadre du contrat de swap et du contrat de crédit-bail, le contrat ne contenant aucun encadrement contractuel à l'évolution du taux Euribor 3 mois.

Il en résulte que l'objectif de couverture a été atteint et que la société New Royale n'établit pas l'erreur quant à la substance du contrat de swap viciant son consentement. C'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de nullité sur le fondement de l'erreur.

S'agissant du dol,

l'article 1116 anciendu code civil, applicable à l'espèce, stipulait que « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Si la société New Royale n'a pas bénéficié de l'avantage qu'elle aurait pu tirer de la baisse du taux Euribor, si elle n'avait pas conclu le contrat de swap, du fait que le taux Euribor 3mois s'est maintenu à un niveau bas, puis à un niveau négatif, il ressort des pièces produites que la société Natixis a informé la société New Royale du risque encouru. Ces informations figuraient dans la plaquette remise à la société New Royale, dans la rubrique 'inconvénients' évoquant l'hypothèse d'un maintien durable d'un taux à un niveau bas.

Il convient dès lors de confirmer que l'information ayant été délivrée, le dol n'est pas établi, étant rappelé que le fait que la couverture contre le risque de hausse du taux Euribor 3 mois ait privé la société New Royale de l'avantage économique des avantages économiques qu'elle aurait pu tirer de la baisse du taux Euribor, du fait que les taux sont restés durablement bas, ne remet pas en cause l'existence de la couverture qui a été conclue.

S'agissant de l'absence de cause, l'ancien article 1131 du code civil disposait que « L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

Dans le cadre de contrats aléatoires, il est admis que : la cause de l'obligation assumée par l'une des parties est la contrepartie convenue dont l'objet est, par nature ou conventionnellement, affecté d'un aléa ou que dans le cadre de contrats aléatoires, « la cause est l'existence de l'aléa'

En toute hypothèse, la circonstance qu'un aléa affecte l'une ou l'autre des obligations du contrat ne suffit pas à conclure à l'absence de cause et à la nullité du contrat.

S'agissant du contrat de swap, ledit contrat est un contrat aléatoire au sens du nouvel article 1108 du code civil. Les parties se sont engagées en sachant que leurs engagements dépendaient d'un évènement aléatoire.

La cause du contrat de swap est l'espérance de gain de la société New Royale tirée de sa couverture contre le risque de hausse du taux euribor 3 mois dans le cadre du contrat de crédit-bail, risque dont le contrat de swap a neutralisé les effets.

En l'espèce, l'aléa du contrat de swap résidait dans la variation du taux Euribor 3 mois et le différentiel que cette variation entraînait entre la charge d'intérêts dus par la société New Royale au titre du contrat de crédit-bail et celle figée par le contrat de swap. La cause du contrat de swap résidait dans l'espérance d'une économie sur la charge du contrat crédit-bail. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les manquements fautifs de la société Natixis

La société New Royale reproche subsidiairement, à la société Natixis d'avoir manqué à son devoir d'information et de conseil. Elle soutient qu'elle ne lui a fourni aucune précision sur la mise en 'uvre concrète du SWAP avec simulations chiffrées, la possibilité que le taux Euribor 3 mois devienne négatif et l'incidence que cet événement aurait, selon elle, sur les obligations des parties. Elle ajoute que ce sont les relances incessantes de la société Natixis qui l'ont poussée à contracter, alors même qu'elle était au début hésitante. Elle a donc manqué à son devoir de conseil en insistant sur la conclusion du contrat, sans faire preuve d'aucune prudence ou mesure. Si elle avait été correctement informée et mise en garde des risques encourus en cas de taux négatif, elle n'aurait pas souscrit le Swap.

La société Natixis estime avoir valablement rempli ses obligations car elle a dûment informé la société New Royale, via la remise d'une plaquette d'information en 2013 décrivant clairement le mécanisme du swap, les caractéristiques du contrat de couverture et les hypothèses défavorables pouvant survenir. Elle ajoute que le contrat de swap qu'elle a conclu ne présente aucun caractère spéculatif, constituant un simple instrument de couverture, de sorte qu'aucune obligation de mise en garde ou conseil ne saurait être mise à sa charge.

Réponse de la cour

Le devoir d'information et de conseil de la banque s'applique dans le cadre de contrats complexes, tels que les contrats de swap.

L'information dispensée par le banquier qui propose un contrat de swap doit être complète et permettre à son cocontractant d'avoir une parfaite compréhension du fonctionnement du contrat et de la mise en oeuvre de celui-ci, notamment au regard des risques encourus.

En l'espèce, il résulte des développements précédents que la société Natixis a fourni une plaquette d'information expliquant le mécanisme du swap , les prévisions d'Euribor, ses avantages et inconvenients.

S'il est indéniable que l'éventualité d'un taux Euribor 3 mois pouvant être négatif n'a pas été spécifiquement mentionnée, la société Natixis a toutefois indiqué :

'Toute opération de marché sur instrument financier à terme comporte des risques, du fait notamment des variations de taux d'intérêts, des parités de change, des cours des actions, des marchandises, des denrées ou des indices boursiers'

Il s'en déduit que la société NewRoyale a été informée des risques encourus, notamment des conséquences défavorables que cela pouvait avoir sur les obligations des parties.

En outre, si la société Natixis n'a pas informé la société New Royale qu'elle pourrait être amenée à payer, non seulement la jambe fixe, mais également la jambe variable, si le taux d'intérêt de cette dernière devenait négatif, la société New Royale ne peut lui en faire grief, dès lors qu'en définitive, elle n'a pas été conduite à payer des intérêts à un taux supérieur au taux, fixe, de 3,34 % par an que cette opération de couverture devait lui garantir.

Sur l'exécution fautive du Swap

La société New Royale soutient qu'elle n'est pas tenue de payer les sommes au titre du taux variable. En effet, l'objet du contrat est l'échange de taux par la prévision de deux obligations de paiement croisées, chacune à la charge d'une partie et fondée sur l'application d'un taux spécifique. Elle ajoute que sauf à dénaturer les termes clairs et précis de l'acte, la société New Royale ne pourrait être amenée à payer autre chose que les montants résultant de l'application du taux fixe.

Enfin, elle prétend que la société Natixis a fait preuve de mauvaise foi, a agi en contradiction avec l'esprit et la lettre du contrat de swap et ainsi manqué à son obligation de l'exécuter de bonne foi, violant ainsi l'article L533-11 du CMF.

La société Natixis répond qu'elle a exécuté le contrat swap de bonne foi. Les termes du contrat sont clairs et précis : aucun encadrement de la variation du taux Euribor 3 mois, pas plus à la hausse qu'à la baisse n'est prévu. Le contrat de swap étant un contrat de couverture qui a rempli sa fonction en figeant le montant des intérêts dus par la société New Royale.

Elle souligne que la répétition de l'indu implique un enrichissement sans cause et un appauvrissement corrélatif. Or, l'enrichissement a une cause légitime quand il trouve sa source dans un acte juridique et spécialement, un contrat. Dès lors, la théorie de la répétition de l'indu ne peut s'appliquer en l'espèce car la cause des paiements effectués par la société réside dans le Swap.

Réponse de la cour

Il résulte des développements qui précèdent que les termes du contrat ont été négociés et acceptés.

Le juge ne peut dénaturer la convention des parties, dont les termes sont clairs et précis. En l'espèce le contrat de swap ne prévoyait pas un encadrement à la variation du taux Euribor 3 mois, ni à la hausse ni à la baisse. La société Natixis a pû facturer les montants calculés en application du taux variable négatif, en appliquant les modalités contractuelles souscrites. Contrairement à ce que soutient la société New Royale, la stipulation d'un contrat de swap aux termes de laquelle l'une des parties « paye » à l'autre un taux d'intérêt donné s'interprète nécessairement comme permettant au « payeur » de recevoir les intérêts si le taux devient négatif. Il en résulte que la société New Royale est mal fondée en sa demande de répétition de l'indu.

Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

La société New Royale, partie perdante,en application de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens.

Il paraît équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qui ont été exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société New Royale aux entiers dépens dont distraction au profit de conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

S.MOLLÉ C.SIMON-ROSSENTHAL