Livv
Décisions

CA Douai, ch. 8 sect. 1, 13 juin 2024, n° 22/02207

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 22/02207

13 juin 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 13/06/2024

N° de MINUTE : 24/519

N° RG 22/02207 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UIKS

Jugement (N° 21-002501) rendu le 21 Mars 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Lille

APPELANTS

Madame [E] [T] épouse [P]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 6] - de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 6]

Monsieur [M] [P]

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 10] - de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentés par Me Jérémie Boulaire, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉES

SA Cofidis venant aux droits de la SA Groupe Sofemo suite à une fusion absorption ayant effet au 1er octobre 2015

[Adresse 9]

[Localité 5]

Représentée par Me Xavier Hélain, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

Société BDR ET Associé pris en la personne de Maître [B] [Z] pris en la personne de Maître [B] [Z] ès qualité de mandataire ad hoc de la SARL Vivenci Energies immatriculée au RCS de Paris sous le n° 512 644 188 dont le siège est [Adresse 4]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 12 juillet 2022 par acte remis à tiers présent

DÉBATS à l'audience publique du 03 avril 2024 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 20 mars 2024

EXPOSE DU LITIGE

Le 15 mars 2013, M. [M] [P] et Mme [E] [T] épouse [P] ont contracté auprès de la société Vivenci Energies une prestation relative à la fourniture et la pose d'un système photovoltaïque, d'un pack écologique comprenant notamment une solution domotique et d'un chauffe-eau thermodynamique pour un montant total de 27'800 euros, dans le cadre d'un démarchage à domicile.

Le même jour, aux fins de financer cet achat, M. [P] et Mme [T] ont accepté une offre préalable de crédit affecté auprès de la société Groupe Sofemo d'un montant de 27'800 euros, remboursable en 180 mensualités, précédées d'un différé de paiement de 360 jours, au taux nominal annuel de 5,02 %.

Par jugement du 19 mars 2014, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Vivenci Energies et a désigné la SCP Brouard-[Z] en la personne de Me [B] [Z] ès qualité de mandataire liquidateur. Par jugement du 22 septembre 2015, le tribunal de commerce de Paris a prononcé une interdiction de gérer à l'encontre du gérant de la société Vivenci Energies d'une durée de sept ans.

Par jugement du 27 août 2020, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs et la société Vivenci Energies a été radiée.

Par ordonnance du 1er avril 2021, le président dans du tribunal de commerce de Paris a désigné la société BDR & associés, en la personne de Me [B] [Z] en qualité de mandataire ad'hoc afin de permettre la représentation de la société Vivenci Energies dans le cadre de la procédure.

Par actes d'huissier de justice des 16 et 21 juillet 2021, M. [P] et Mme [T] ont fait assigner en justice Me [B] [Z] ès qualité de mandataire ad'hoc de la société Vivenci Energies et la société Cofidis venant droit de la société Groupe Sofemo devant le juge des contentieux de la protection de Lille, aux fins notamment de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.

Par jugement réputé contradictoire du 21 mars 2022, le juge des contentieux la protection du tribunal judiciaire de Lille a :

- déclaré M. [P] et Mme [T] irrecevables à agir en nullité du contrat de vente conclu avec la société Vivenci Energies le 15 mars 2013, en nullité du contrat de crédit affecté conclu le même jour avec la société Groupe Sofemo aux droits de laquelle vient la société Cofidis et en privation du droit de celle-ci de recouvrer sa créance,

- rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts présentée par la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo à l'encontre de M. [P] et Mme [T],

- condamné in solidum M. [P] et Mme [T] à payer à la société Cofidis la somme de 850 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [P] et Mme [T] aux dépens de l'instance,

- rappelé que le présent jugement est assorti l'exécution provisoire de droit.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 5 mai 2022, M. [P] et Mme [T] ont relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement. Ils ont signifié leur déclaration d'appel à Me [B] [Z] ès qualité par acte d'huissier de justice délivré le 12 juillet 2022 à personne.

Au termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées le 23 janvier 2023, les appelants demandent à la cour de :

Vu l'article liminaire du code de la consommation,

vu les anciens articles 1109 et 1116 du code civil,

vu l'article 16 de la loi n°2012-354 du 14 mars 2012 de finance rectificative pour 2012,

vu les articles L.121-23 à L.123-26 du code de la consommation dans leur rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993,

vu l'article L.121-28, tel qu'issu de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré M. [P] et Mme [T] irrecevables à agir en nullité du contrat de vente conclu avec la société Vivenci Energies le 15 mars 2013, en nullité du contrat de crédit affecté conclu le même jour avec la société Groupe Sofemo aux droits de laquelle vient la société Cofidis et en privation du droit de celle-ci de recouvrer sa créance,

- rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts présentée par la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo à l'encontre de M. [P] et Mme [T],

- condamné in solidum M. [P] et Mme [T] à payer à la société Cofidis la somme de 850 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [P] et Mme [T] aux dépens de l'instance,

statuant à nouveau et y ajoutant,

- déclarer les demandes de M. [P] et Mme [T] recevables et bien fondées,

- prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre M. [P] et Mme [T] et la société Vivenci Energies,

- prononcer en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre M. [P] et Mme [T] et la société Cofidis, venant aux droits de la société Groupe Sofemo,

- mettre à la charge de la liquidation les frais liés à l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de la toiture de l'immeuble de M. [P] et Mme [T],

- constater que la société Cofidis a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par M. [P] et Mme [T] au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,

- condamner la société Cofidis à verser à M. [P] et Mme [T] l'intégralité des sommes suivantes :

- 27 800 euros correspondant intégralité du prix de vente de l'installation,

- 20 405,10 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés M. [P] et Mme [T] en exécution du prêt souscrit,

- 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Cofidis et la société Vivenci Energies de l'intégralité leurs prétentions fins et conclusions contraires,

- condamner la société Cofidis à supporter les dépens de l'instance.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 24 octobre 2022, la société Cofidis demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire, si la cour venait à déclarer M. [P] et Mme [T] recevables en leurs demandes,

- déclarer M. [P] et Mme [T] mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter,

- condamner solidairement M. [P] et Mme [T] à poursuivre l'exécution du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles,

à titre plus subsidiaire, si la cour venait à déclarer M. [G] Mme [T] recevables et bien fondés en leur demande de nullité,

- condamner solidairement M. [P] et Mme [T] à rembourser le capital emprunté d'un montant de 27'800 euros, au taux légal à compter l'arrêt à intervenir déduction à faire des échéances payées, en l'absence de faute de la société Cofidis et en toute hypothèse en l'absence de préjudice et de lien de causalité,

en tout état de cause,

- condamner solidairement M. [P] et Mme [T] à payer à la société Cofidis une indemnité d'un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [P] et Mme [T] aux entiers dépens.

Me [B] [Z] ès qualité de mandataire ad'hoc de la société Vivenci Energies n'a pas constitué avocat ni conclu.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

La clôture de l'affaire a été rendue le 20 mars 2024 et l'affaire plaidée à l'audience de la cour du 3 avril 2024.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes en nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté

M. [P] et Mme [T] sollicitent la nullité du contrat de vente conclu avec la société Vivenci Energies au motif qu'il comporte des irrégularités au regard des dispositions du code de la consommation en matière de vente hors établissement et à raison d'un prétendu dol commis par la société venderesse, qui les aurait trompés en leur promettant l'autofinancement de l'installation photovoltaïque. Ils demandent la nullité subséquente du contrat de crédit en application des dispositions de l'article L.311-32 du code de la consommation dans sa version issue de la loi n° 2010-137 du 1er juillet 2010.

La société Cofidis, au visa des articles 2224 et suivant du code civil oppose la prescription de ces demandes.

L'article 2224 du code civil dispose que 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'

Aux termes des dispositions de l'article 1304 du code civil , l'action en nullité doit être exercée dans le délai de cinq ans à compter de la découverte du dol ou de l'erreur.

En l'espèce, la découverte du dol allégué doit être considéré comme acquise à réception de la première facture annuelle d'électricité, soit en l'espèce le 6 juillet 2016, d'un montant de 797,42 euros. En effet, l'acheteur pouvaient parfaitement se rendre compte dès cette date, par un simple calcul du coût annuel du crédit et en le comparant au montant de la première facture annuelle de revente d'électricité, que l'installation ne pourrait pas s'autofinancer.

Dès lors, l'action en nullité pour dol engagée par assignation du 16 juillet 2021, plus de cinq ans après le 6 juillet 2016 est manifestement prescrite.

En second lieu, le délai de prescription de l'action en nullité fondée sur le non-respect des dispositions du code de la consommation, à raison d'irrégularités formelles du contrat qui, à les supposer avérées, étaient visibles par le contractant à la date de la conclusion du contrat, court à compter de cette date. Les acheteurs ne peuvent invoquer une méconnaissance du droit applicable pour faire échec à cette prescription, alors que les conditions générales de vente portées au verso du bon de commande litigieux reproduisaient intégralement les dispositions des textes applicables en matière de vente hors établissement, et que M. [P] et Mme [T] étaient dès lors en en mesure de vérifier par eux-même si le bon de commande était conforme aux dispositions du code de la consommation.

Le contrat de vente ayant été signé le 15 mars 2013, l'action en nullité formée sur le fondement des irrégularités formelle de l'acte par M. [P] et Mme [T], suivant assignation en date du 16 juillet 2021, est également prescrite.

Dès lors que la demande de nullité du contrat de vente n'est pas recevable, il suit que la demande de nullité du contrat de crédit affecté conclu avec la société Cofidis, formée en conséquence de la nullité du contrat de vente en application de l'article L. 311-32 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-137 du 1er juillet 2010 est également irrecevable.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables car prescrites les demandes de nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté formées par M. [P] et Mme [T].

En l'absence de nullité des contrats de vente et de crédit, il n'y a pas lieu à restitution entre les parties.

Dès lors, les demandes de M. [P] et Mme [T] visant à voir priver la société Cofidis de sa créance de restitution à raison des fautes prétendument commises par elle et à se voir rembourser l'intégralité des sommes qu'ils auraient prétendument versées en exécution du crédit, à savoir l'intégralité du capital prêté et les intérêts conventionnels, sont sans objet.

Le contrat de vente n'étant pas annulé, ils seront également déboutés de leur demande visant à voir condamner la société Cofidis à leur payer la somme de

10 000 euros au titre des frais d'enlèvement de l'installation et de remise en état de l'immeuble.

Il n'y a pas lieu d'ordonner aux époux [P] de poursuivre l'exécution du contrat de crédit, l'obligation de l'exécuter résultant du contrat lui-même, et la société Cofidis sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Les appelants sollicitent la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral résultant des fautes commises par la banque dans le déblocage des fonds.

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, à supposer même que la demande de dommages et intérêts ne soit pas prescrite, voire que la banque ait commis des fautes lors du déblocage des fonds, force est de constater que M. [P] et Mme [T] ne qualifient ni ne démontrent aucunement l'existence d'un préjudice moral imputable à la banque, aucune pièce justificative d'un tel préjudice n'étant versée aux débats.

Ils seront en conséquence déboutés de leurs demande à ce titre.

Sur les demandes accessoires

Les motifs du premier juge méritant d'être adoptés, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant en appel, les époux [P] seront condamnés in solidum aux dépens d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il ne paraît pas inéquitable de les condamner à payer à la société cofidis la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de les débouter de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire ;

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant ;

Déclare les demandes en paiement formées par M. [M] [P] et Mme [E] [T] sans objet ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner la poursuite du contrat de crédit ;

Rejette la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formée par M. [M] [P] et Mme [E] [T]

Rejette la demande formée par M. [M] [P] et Mme [E] [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [M] [P] et Mme [E] [T] à payer à la société Cofidis la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [M] [P] et Mme [E] [T] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier

Ismérie CAPIEZ

Le président

Yves BENHAMOU