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Cass. com., 12 juin 2024, n° 22-23.213

COUR DE CASSATION

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Cassation

Cass. com. n° 22-23.213

12 juin 2024

COMM.

FM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juin 2024

Cassation

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 343 F-D

Pourvoi n° M 22-23.213

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 JUIN 2024

La société Leasecom, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 22-23.213 contre l'arrêt rendu le 13 mai 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'association Union sportive cheminots Ouest rive gauche, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société C. [C], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [O] [C], prise en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Print Platinium,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations écrites de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Leasecom, de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de l'association Union sportive cheminots Ouest rive gauche, après débats en l'audience publique du 30 avril 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mai 2022), le 9 septembre 2015, l'association Union sportive des cheminots Ouest rive gauche (l'USCORG) a conclu avec la société Leasecom un contrat de location financière portant sur des matériels de bureautique fournis par la société Print Platinium, laquelle a été chargée de leur maintenance.

2. Soutenant que la société Print Platinium s'était engagée, au titre d'un « contrat de partenariat », à verser diverses sommes compensant le montant des loyers payés, comme elle l'avait fait pour les matériels fournis par cette société depuis l'année 2007, l'USCORG a cessé de payer les loyers à compter du 1er janvier 2017.

3. Le 20 juillet 2017, la société Leasecom a assigné en paiement l'USCORG, laquelle a appelé en garantie la société Print Platinium le 27 novembre 2017 et demandé la nullité des contrats de fourniture et de location.

4. Le 13 septembre 2018, la société Print Platinium a été mise en liquidation judiciaire, M. [C] étant désigné liquidateur judiciaire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. La société Leasecom fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat de fourniture des matériels passé le 9 septembre 2015 entre l'USCORG et la société Print Platinium, de déclarer caduc le contrat de location financière passé le 9 septembre 2015 avec l'USCORG, de rejeter l'ensemble de ses demandes en paiement contre l'USCORG et de laisser à sa charge la reprise des matériels, alors « que seul peut être annulé sur la base de l'erreur ou du dol le contrat lors de la conclusion duquel l'erreur ou le dol a été commis ; que la cour d'appel, après avoir constaté que l'USCORG avait conclu un contrat de location financière avec la société Leasecom pour utiliser des matériels fournis par la société Print Platinium, a retenu que l'USCORG avait contracté en croyant faussement que la location serait assortie d'un contrat de partenariat par lequel la société Print Platinium contribuerait financièrement au paiement des loyers ; qu'elle a énoncé que l'USCORG avait été victime d'une manœuvre dolosive de la société Print Platinium, ou qu'elle avait à tout le moins commis une erreur cause de nullité, et a prononcé en conséquence, dans le dispositif de sa décision, l'annulation du contrat de fourniture des matériels passé le 9 septembre 2015 entre l'USCORG et la société Print Platinium ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que l'erreur avait été commise lors de la conclusion du contrat de location financière, seule convention à laquelle l'USCORG était partie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 1110, alinéa 1er, du code civil, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1116 du code civil, en sa rédaction antérieure à ladite ordonnance. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

7. Selon ce texte, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

8. Pour annuler le contrat de fourniture et prononcer par voie de conséquence la caducité du contrat de location financière, l'arrêt retient qu' « il est constant qu'aucun accord de partenariat n'a été assorti de la convention de location financière », ce qu'a déploré l'USCORG dans ses courriels comme dans sa lettre du 15 mai 2018 aux termes de laquelle elle reproche à la société Print Platinium d'avoir surpris son consentement en lui faisant subrepticement signer le contrat de location financière dans ses locaux, qu'il s'en déduit la preuve, si ce n'est d'une manoeuvre de la société Print Platinium, celle à tout le moins d'une erreur de l'Union sportive dans la souscription de la location financière sans contrepartie pour la promotion de son partenaire, de sorte qu'elle est bien fondée à poursuivre la nullité du partenariat passé avec la société Print Platinium entraînant par voie de conséquence la caducité du contrat de location financière dépendant de ce partenariat.

9. En se déterminant par de tels motifs, impropres à établir une erreur commise lors de la conclusion du contrat de fourniture dont elle a prononcé la nullité et dont elle a déduit la caducité du contrat de location financière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. La société Leasecom fait grief à l'arrêt de déclarer caduc le contrat de location financière passé le 9 septembre 2015 avec l'association, de rejeter ses demandes en paiement contre celle-ci et de laisser à sa charge la reprise des matériels, alors « que le juge doit se prononcer sur ce qui est demandé, et seulement sur ce qui est demandé ; qu'au cas présent, l'USCORG sollicitait l'annulation des contrats de fourniture et de location financière sur le fondement d'un dol ou, à tout le moins, d'une absence de consentement ; qu'elle ne se prévalait pas de l'interdépendance des contrats de fourniture et de location financière et ne sollicitait pas que soit prononcée la caducité du second en conséquence de l'annulation du premier ; qu'en prononçant pourtant la caducité du contrat de location financière en conséquence de l'annulation du contrat de fourniture, du fait de l'interdépendance de ces conventions, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

11. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

12. Pour déclarer caduc le contrat de location financière, l'arrêt retient que la nullité du partenariat passé avec la société Print Platinium entraîne par voie de conséquence la caducité du contrat de location financière dépendant de ce partenariat.

13. En statuant ainsi, alors que l'USCORG demandait, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, la nullité du contrat conclu avec la société Leasecom, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt prononçant la nullité du contrat de fourniture et la caducité du contrat de location financière entraîne la cassation des chefs de dispositif « relevant la responsabilité de la société Leasecom », laissant la reprise des matériels à sa charge, et fixant au passif de la société Print Platinium la créance de la société Leasecom à la somme de 103 950 euros qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne l'association Union sportive des cheminots Ouest rive gauche aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.