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Décisions

CA Angers, ch. a - com., 2 juillet 2024, n° 19/02366

ANGERS

Arrêt

Autre

CA Angers n° 19/02366

2 juillet 2024

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

CC/ILAF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/02366 - N° Portalis DBVP-V-B7D-ETGQ

jugement du 20 Septembre 2019

Tribunal de Commerce du MANS / FRANCE

n° d'inscription au RG de première instance 2018008937

ARRET DU 02 JUILLET 2024

APPELANTE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 8] AVESNIERES

représentée par son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me Christine DE PONTFARCY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS substitué par Me BENOIST

INTIMES :

Monsieur [F] [I]

né le [Date naissance 4] 1967 à [Localité 7]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représenté par Me Pierre-Emmanuel MEMIN, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20191181

Madame [Y] [U]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 10]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean Philippe HAMEIDAT, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Me Gora NGOM, avocat plaidant au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 07 Mai 2024 à 14'H'00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport et devant M. CHAPPERT, conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 02 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Julien CHAPPERT, conseiller pour la présidente de chambre empêchée et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

M. [F] [I] et Mme [Y] [U] étaient co-gérants de la société (SARL) Sablé [Localité 8] environnement.

Suivant acte sous seings privés du 29 janvier 2014, la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 8] Avesnières a consenti à la SARL Sablé [Localité 8] environnement, aux fins de financer l'acquisition d'un fonds de commerce, un prêt professionnel (n°154890476200083085002), d'un montant en principal de 50 000 euros, remboursable en 60 échéances mensuelles d'un montant de 874,20 euros chacune, au taux de 1,909% l'an hors assurances, et au taux effectif global (TEG) de 2,35623% l'an.

Aux termes de cet acte, M. [I] et Mme [U] se sont portés cautions solidaires de la SARL Sablé [Localité 8] environnement, pour une durée de 84'mois, dans la limite de la somme de 20 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard.

Par jugement du 11 avril 2017, le tribunal de commerce du Mans a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL Sablé [Localité 8] environnement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mai 2017, la Caisse fédérale de crédit mutuel Maine Anjou Basse-Normandie a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire, pour une somme de 19 779,71 euros, à titre chirographaire, outre intérêts et indemnités forfaitaires.

Par jugement du 27 mars 2018, le tribunal de commerce du Mans a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Sablé [Localité 8] environnement.

Par lettres recommandées du 17 mai 2017 avec avis de réception puis par lettres recommandées du 27 avril 2018, et 24 mai 2018 adressées à M.'[I] et à Mme [U], la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 8] Avesnières les a vainement mis en demeure d'honorer leurs engagements en qualité de cautions solidaires de la SARL Sablé [Localité 8] environnement.

Au 24 mai 2018, la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 8] Avesnières se prévalait de détenir, au titre du prêt précité, une créance de 21 744,43 euros, outre intérêts au taux de 1,90% l'an du 25 mai 2018 jusqu'à complet paiement et les cotisations d'assurance au taux de 0,50% l'an du 25 mai 2018 jusqu'à complet paiement.

Par actes d'huissier du 7 août 2018, la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières a fait assigner M. [I] et Mme [U], devant le tribunal de commerce du Mans.

Le 17 janvier 2019, la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières a fait inscrire au greffe du tribunal de commerce du Mans des nantissements judiciaires provisoires de parts sociales détenues respectivement par M. [I], ou par M. [I] et Mme [U] dans différentes sociétés, en garantie du paiement de sa créance.

En l'état de ses dernières conclusions devant le tribunal de commerce, la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières a entendu voir:

- condamner solidairement M. [I] et Mme [U] à lui payer la somme en principal de 20 000 euros outre intérêts au taux de 1,90% l'an du 25'mai 2018 jusqu'à complet paiement et les cotisations d'assurance au taux de 0,50% l'an du 25 mai 2018 jusqu'à complet paiement.

En défense, M. [I] a opposé la déchéance du droit aux intérêts de la banque pour défaut d'information de la caution. Il s'est également opposé aux prétentions de Mme [U], sollicitant la condamnation de celle-ci à lui payer une indemnité de 10 000 euros, outre une indemnité au titre de l'article 700'du code de procédure civile et les dépens.

Mme [U] a demandé au tribunal de débouter la demanderesse de l'ensemble de ses demandes, de dire et juger que l'engagement de caution qu'elle a souscrit est nul et de nul effet en raison du dol émanant de M. [I] et condamner celui-ci à lui régler une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ; à titre subsidiaire, de condamner M. [I] à la relever et garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre, de dire et juger que l'engagement de caution qu'elle a souscrit est nul et de nul effet en raison d'une part de l'octroi fautif du financement à la SARL Sablé [Localité 8] environnement et d'autre part de la disproportion des garanties prises, de dire que la demanderesse a engagé sa responsabilité eu égard à l'absence de toute mise en garde et au caractère disproportionné des cautionnements qu'elle a souscrits et qu'elle est donc irrecevable à se prévaloir de l'engagement de caution à son encontre ; encore plus subsidiairement, de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale à l'encontre de M. [I] ; à titre infiniment subsidiaire, de constater que la demanderesse a manqué à ses obligations d'information dont elle lui était redevable, de prononcer la déchéance du droit de la demanderesse aux pénalités ou intérêts de retard échus depuis la conclusion de chaque cautionnement qu'elle a consenti, de dire et juger que ses faibles ressources justifient l'application des dispositions de l'article 1244-1 du code civil et de lui accorder les plus larges délais de grâce pour s'acquitter de la dette éventuellement mise à sa charge ; en tout état de cause, de condamner la demanderesse à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 20 septembre 2019, le tribunal de commerce du Mans, au vu de l'article L. 341-6 du code de la consommation, a :

- dit que la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières est déchue du droit aux intérêts et pénalités de retard, et ce depuis le 29 janvier 2015,

avant dire droit,

- ordonné la réouverture des débats et à la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières de produire un décompte, depuis l'origine du crédit, sur lequel apparaissent les intérêts et frais décomptés,

- renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état du 25'novembre 2019 à 9h00, le présent jugement valant convocation des parties,

- sursis à statuer sur le surplus des demandes,

- droit, moyens et dépens réservés.

Le tribunal ne s'est prononcé que sur les moyens de défense invoqués par M. [I] mais n'a statué ni sur les moyens et prétentions de Mme'[U] ni sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [I] contre Mme [U].

Par déclaration du 3 décembre 2019, la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions ; intimant M. [I] et Mme [U].

Les parties ont conclu.

Par ordonnance du 26 novembre 2020, le magistrat chargé de la mise en état de la cour d'appel d'Angers a déclaré irrecevables les conclusions déposées le 8 septembre 2020 par Mme [U] en ce qu'elles concernent l'appel principal formé à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 8] Avesnières et forment appel incident contre la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 8] Avesnières ; a déclaré recevables les conclusions déposées le 8 septembre 2020 par Mme [U] en ce qu'elles concernent l'appel incident formé contre elle par M. [I] ; a condamné Mme [U] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 8] Avesnières la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; a rejeté la demande formée par M. [I] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; a condamné Mme [U] aux dépens de l'incident et de l'appel principal la concernant.

Une ordonnance du 15 avril 2024 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières sollicite de la cour qu'elle :

vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier en sa rédaction issue de l'article 3 de l'ordonnance n°2013-544 du 27 juin 2013,

vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016,

- la dise et juge recevable en son appel du jugement contradictoire et en premier ressort rendu en date du 20 septembre 2019 par le tribunal de commerce du Mans (RG 2018 008937) limité aux dispositions ci-après, savoir :

'... dit que la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 8] Avesnières est déchue du droit aux intérêts et pénalités de retard, et ce depuis le 29 janvier 2015,

avant dire droit,

ordonne la réouverture des débats et à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 8] Avesnières de produire un décompte, depuis l'origine du crédit, sur lequel apparaissent les intérêts et frais décomptés... '

- infirme le jugement entrepris du chef des dispositions ci-dessus rappelées,

statuant à nouveau,

à titre principal,

- dise et juge qu'elle a satisfait à son obligation d'information annuelle des cautions à l'égard de M. [I] et Mme [U] en leur qualité de cautions solidaires de la SARL Sablé [Localité 8] environnement suivant actes sous seings privés en date du 29 janvier 2014 au titre du prêt n°154890476200083085002, ce, avec toute conséquence que de droit,

à titre subsidiaire,

- dise et juge qu'elle n'est déchue que des seuls intérêts échus depuis la précédente information annuelle jusqu'à la date de communication de la nouvelle information annuelle aux cautions à l'exclusion des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée aux cautions, soit en l'espèce à compter du 24 mai 2018, ainsi que des autres sommes dues en vertu du cautionnement savoir les intérêts de retard majorés de trois points demeurés dus et l'indemnité conventionnelle de 5% des montants échus conformément aux dispositions de l'article 'retard' des conditions générales des crédits amortissables,

- dise en conséquence qu'elle produira dans le cadre de l'instance au fond actuellement pendante devant le tribunal de commerce du Mans un décompte de créance, depuis l'origine du crédit, sur lequel apparaîtront non seulement les intérêts contractuels échus depuis la précédente information annuelle jusqu'à la date de communication de la nouvelle information annuelle aux cautions mais aussi les intérêts au taux légal dus par ces dernières à compter du 24 mai 2018, date de la mise en demeure adressée aux cautions, et, conformément aux dispositions de l'article 'retard' des conditions générales des crédits amortissables, les intérêts de retard au taux majoré de trois points et l'indemnité conventionnelle de 5% des montants échus également demeurés dus,

en tout état de cause,

- condamne solidairement M. [I] et Mme [U] à lui payer une somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne enfin solidairement M. [I] et Mme [U] aux entiers dépens d'appel.

M. [I] demande à la cour de :

- déclarer la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières irrecevable et en tous les cas mal fondée en son appel, ses demandes,

- l'en débouter,

- confirmer la décision entreprise en ce que la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières avait été déchue de tout droit à perception d'intérêts et frais de retard,

- le déclarer lui-même recevable et fondé en son appel incident,

faisant droit à son appel incident,

- condamner Mme [U] au paiement d'une indemnité de 10 000 euros à son profit à titre de dommages et intérêts,

en toute hypothèse,

- condamner in solidum la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières et Mme [U] au paiement d'une somme de 3 000 euros à son profit au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Memin, membre de la SCP Lalanne Godard Héron Boutard Simon Villemont Mémin Gibaud.

Mme [U] demande à la cour de :

vu l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020,

vu les articles 561 et suivants du code de procédure civile,

vu l'article L. 650-1 du code de commerce,

vu les articles L. 341-1, L. 341-2, L. 341-3 et L. 341-4 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au moment des faits,

vu les articles 1116, 1147, 1240 et 1244-1 du code civil,

vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier,

- déclarer l'appel principal de la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières mal fondé,

- déclarer l'appel incident de M. [I] mal fondé et irrecevable,

- débouter la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières et M. [I] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il pourrait avoir implicitement validé son cautionnement et :

'- dit que la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 8] Avesnières est déchue du droit aux intérêts et pénalités de retard, et ce depuis le 29 janvier 2015,

avant dire droit,

- ordonné la réouverture des débats et à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 8] Avesnières de produire un décompte, depuis l'origine du crédit, sur lequel apparaissent les intérêts et frais décomptés,

- renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état du 25'novembre 2019 à 9h00, le présent jugement valant convocation des parties,

- sursis à statuer sur le surplus des demandes' ;

- la recevoir en son appel incident,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement attaqué - après avoir précisé que cela ne valait pas reconnaissance de la validité de son cautionnement - en ce qu'il a :

- 'dit que la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 8] Avesnières est déchue du droit aux intérêts et pénalités de retard, et ce depuis le 29 janvier 2015,

avant dire droit,

- ordonné la réouverture des débats et à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 8] Avesnières de produire un décompte, depuis l'origine du crédit, sur lequel apparaissent les intérêts et frais décomptés,

- renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état du 25'novembre 2019 à 9h00, le présent jugement valant convocation des parties,

- sursis à statuer sur le surplus des demandes' ;

en conséquence, statuant à nouveau :

- condamner la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières et M.'[I] à lui payer une somme de 4 000 euros chacun au titre de ses frais irrépétibles,

- condamner la même aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe':

- le 18 août 2020 pour la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières',

- le 3 juin 2020 pour M. [I],

- le 4 septembre 2020 pour Mme [U], conclusions recevables seulement en ce qu'elles répondent à 'l'appel incident' formé contre elle par M.'[I].

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la recevabilité des demandes de Mme [U]

Compte tenu de l'irrecevabilité des conclusions déposées tardivement par Mme [U] en ce qu'elles répondent à l'appel principal formé à la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières et en ce qu'elles forment appel incident du jugement, prononcée par l'ordonnance du 26 novembre 2020 qui n'a pas été déférée à la cour, tous les moyens concernant la validité de son cautionnement, le soutien abusif, la disproportion de ses engagements sont irrecevables.

En conséquence de cette irrecevabilité, Mme [U], en application du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, est censée avoir adopté les motifs du jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux pénalités ou intérêts de retard échus depuis la conclusion des cautionnements.

Seules sont recevables les prétentions de Mme [U] qu'elle oppose aux demandes formées contre elle par M. [I] et sur lesquelles le tribunal n'a, d'ailleurs, pas statué.

Sur l'information des cautions

Sur l'information donnée

M. [I] rappelle que la banque est tenue à une obligation d'information annuelle de la caution, tant en vertu de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier qui sanctionne son inexécution d'une déchéance du droit à tout intérêt échu entre la précédente information et jusqu'à la date de communication de la nouvelle information, que de l'article L. 341-6 du code de la consommation qui prévoit une sanction de déchéance de tout droit à pénalités, intérêts et frais de retard. Il ajoute qu'elle était aussi tenue d'une obligation d'information du premier incident de paiement en vertu de l'article L. 341-1 du code de la consommation sanctionnée par la déchéance de tout droit à perception des pénalités ou intérêts de retard.

Il estime que la banque échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de ce qu'elle a respecté son obligation. Il souligne qu'il n'est pas justifié de l'envoi du moindre courrier avant 2017 et que les lettres produites aux débats d'une personne morale totalement distincte de la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières, alors que les textes relatifs aux obligations d'information envers les cautions, d'ordre public de protection de la caution, précisent que le débiteur de l'obligation est seulement le créancier professionnel, et non un tiers. Il reproche à l'appelante de modifier l'objet de ses propres statuts desquels il estime ressortir que la Caisse de crédit mutuel Maine Anjou Basse Normandie n'est habilitée à procéder qu'à des opérations de recouvrement, ce en quoi ne s'analyse pas l'information aux cautions. En outre, il affirme que les procès-verbaux de constat que la Caisse de crédit mutuel Maine Anjou Basse Normandie a fait dresser n'apportent pas la preuve requise, dès lors que les constatations de l'huissier de justice ne permettent pas d'établir que les enveloppes auraient été reçues par la poste pour être expédiées ni même qu'elles comportaient un courrier relatif au litige. Il note des discordances entre les dates d'établissement des procès-verbaux et les dates des prétendues lettres d'information aux cautions.

La Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières prétend rapporter la preuve d'avoir satisfait à son obligation d'information annuelle des cautions, estimant démontrer qu'elle leur a envoyé des lettres d'information annuelles en 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, en produisant les copies de ces lettres établies à son en-tête, ainsi que des procès-verbaux d'huissier de justice dressés les 21'mars 2017, 20 mars 2018 et 19 mars 2019 à la demande de la Caisse de crédit mutuel Maine Anjou Basse Normandie, mandatée par elle en vertu de ses statuts et conformément aux dispositions du règlement général de fonctionnement, et qui attestent globalement des envois annuels depuis leur édition, en passant par leur stockage, la fermeture des plis et l'affranchissement avant leur expédition de toutes les lettres d'information. Elle souligne que les lettres produites aux débats comportent la référence au lot d'envoi auxquelles elles appartiennent et qui figure sur les procès-verbaux de constat.

Sur ce,

* Sur l'information de la défaillance de la débitrice principale

L'article L. 341-1 du code de commerce, dans sa version applicable exige que toute personne physique qui s'est portée caution soit informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.

M. [I] affirme que cette exigence n'aurait pas été respectée sans indiquer quelles seraient les défaillances dont il n'aurait pas été informées.

La déclaration de créance montre que la seule échéance impayée déclarée au mandataire judiciaire est celle du mois de février 2017. La banque produit une lettre du 17 mars 2017 l'informant du retard de paiement de la débitrice principale du prêt professionnel n° 83085002 lui demandant de couvrir l'échéance impayée.

Au vu de ces pièces, il apparaît que la banque a satisfait à la formalité prévue par l'article précité.

* Sur l'information annuelle des cautions

L'article L. 313-22 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au litige, dispose que les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

De même, aux termes de l'article L. 341-6 du code de la consommation dans sa version issue de la loi du 1er août 2003, le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personnel physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Il incombe à l'établissement de crédit d'établir qu'il a envoyé à la caution les informations requises, sans avoir à démontrer que la caution les a effectivement reçues. La preuve de la délivrance de ces informations peut être rapportée par tous moyens.

La seule production en copie de lettres est insuffisante pour rapporter la preuve de l'envoi aux cautions des informations exigées. Tel est le cas des lettres envoyées à Mme [U] portant la date du 20 février 2015 et du 18 février 2016, étant rappelé que la première information devant intervenir avant le 31 mars 2015 au regard de la date de la souscription de l'engagement, de sorte que la déchéance, si elle était encourue, ne pourrait être avoir lieu qu'à compter du 1er avril 2015 et non du 29 janvier 2015 comme l'a retenu la tribunal.

Pour les informations qui devaient intervenir l'année suivante avant le 31 mars 2017, la banque produit les lettres d'information adressées à Mme'[U] portant la date du 17 février 2017, celle du 19 février 2018 et les lettres d'information adressées à Mme [U] et à M. [I] portant la date du 18 février 2019, donnant les informations requises pour le cautionnement du prêt professionnel n°154890476200083085002.

Aucune lettre d'information à destination de M. [I] n'est produite pour les années 2016 à 2018.

Pour tenter de démontrer l'envoi de ces lettres, la banque produit des procès-verbaux de constat dressés le 21 mars 2017, le 20 mars 2018 et le 19 mars 2019 à la demande de la Caisse de crédit mutuel Maine Anjou Basse-Normandie.

Il est démontré par le règlement général de fonctionnement des caisses de crédit mutuel que la Caisse de crédit mutuel Maine Anjou Basse Normandie à laquelle la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières est adhérente, a reçu de cette dernière mandat de procéder au recouvrement des sommes dues sur les dossiers gérés par les services recouvrement ou contentieux, ce dont M.'[I] a été informé par une lettre du 17 mars 2017 dans laquelle la première lui indiquait que le dossier de la SARL Sablé [Localité 8] environnement lui avait été transmis aux fins de recouvrement. La mise en oeuvre de l'engagement des cautions après ouverture de la procédure collective de la débitrice principale s'inscrit pleinement dans le mandat confié à la caisse fédérale de crédit mutuel Maine Anjou Basse Normandie et quand bien même les actes accomplis ne rentreraient-ils pas dans le mandat, il ne s'agirait alors que d'un dépassement de mandat dont la caution ne peut se prévaloir. Ainsi, M. [I] n'est pas fondé à contester que la Caisse de crédit mutuel Maine Anjou Basse Normandie était mandatée par la créancière, à compter du 17 mars 2017, pour faire établir par huissier de justice la réalité de l'envoi des informations annuelles à destination des cautions.

Dans ces procès-verbaux, l'huissier de justice déclare s'être transporté dans les locaux de l'atelier chargé de l'édition des lettres d'information des cautions, avoir constaté l'édition des lots dont le numéro est précisé, la mise sous pli des lettres éditées dans une enveloppe à fenêtre de façon automatique, avoir, procédant par sondage, en prélevant au hasard trois lettres par établissement, constaté que toutes les mentions requises figuraient sur les lettres et qu'elles étaient identiques à celles contenues sur le fichier enregistré sur les CD ROM qui avaient permis l'édition des lettres, avoir indiqué qu'il conservait en son étude une enveloppe scellée contenant le DVD ROM sur lequel ont été gravées les listes 'Recap. Inform. Aux cautions' de la banque, avoir constaté la présence d'un nombre de plis imprimés conforme au document répertoriant les listes de pointage des éditions, enfin avoir constaté, concernant la prise en charge des plis par un sous-traitant de la poste, que les plis affranchis et répartis dans un nombre donné de cassettes PTT avaient été pris en charge par un camion de la société sous-traitante dont il a donné le numéro d'immatriculation et le nom du chauffeur et le numéro de scellé sur la porte arrière.

Mais il ne ressort pas de ces constatations que figuraient parmi les lettres mises sous plis puis acheminées par un transporteur jusqu'à la poste les lettres adressées à Mme [U] et à M. [I] à défaut de savoir ce que contenaient les supports à partir desquels les lettres ont été éditées en présence de l'huissier et les CD ROM remis à l'huissier, le nombre de plis constaté ne permettant pas de tirer quelque enseignement sur ce point. Contrairement à ce que prétend la banque la référence en marge à gauche sur les lettres d'information d'un numéro de lot d'envoi ne correspond pas à celle figurant dans les procès-verbaux de l'huissier.

Il s'ensuit que la déchéance du droit aux intérêts est encourue mais seulement à compter du 1er avril 2015 pour les trois concours garantis, et non depuis le 29 janvier 2015 comme l'a retenu le tribunal.

Sur l'étendue de la déchéance encourue

La Caisse de Crédit Mutuel [Localité 8] Avesnières fait valoir que la sanction applicable au défaut d'information annuelle est la déchéance des seuls intérêts échus à l'exclusion des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 mai 2018 adressée aux intimés, ainsi que des autres sommes dues en vertu de leurs cautionnements, notamment la pénalité prévue à l'article 'retard' des conditions générales des crédits amortissables et l'indemnité conventionnelle de 5% des montants échus demeurés dus.

M. [I] réplique que la banque ne peut demander une substitution aux intérêts contractuels des intérêts légaux alors que le créancier personnel défaillant au titre de son obligation d'information est déchargé de tous droits à intérêts et pénalités de retard.

Sur ce,

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 313-22 du code monétaire et financier emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

L'article L 341-6 du code de la consommation, qui a étendu l'obligation d'information à tout créancier professionnel, prévoit qu'en cas de non respect de cette information, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.

Il en résulte que le créancier professionnel est déchu non seulement des intérêts conventionnels mais aussi de toutes les pénalités de retard, ce qui engloble la majoration du taux des intérêts de retard sur la période pendant laquelle s'applique la déchéance, et ce, jusqu'à la communication d'une nouvelle information, mais non des indemnités pour résiliation anticipée que le créancier pour demander.

Et lorsque le créancier est déchu de son droit aux intérêts conventionnels pour inobservation de son obligation d'information annuelle de la caution, cette dernière est tenue à titre personnel aux intérêts au taux légal à compter de sa mise en demeure ou de l'assignation qui en tient lieu.

Par suite, la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnièresdevra produire au tribunal un décompte de ses créances expurgé des intérêts contractuels à compter du 1er avril 2015 et portant imputation des paiements faits par la débitrice principale en priorité sur la capital, et ne comprenant aucune pénalité de retard.

Sur la demande de M. [I] contre Mme [U]

M. [I] reproche à Mme [U] de soutenir de mauvaise foi une demande de garantie à son égard dans le but de lui nuire. Il fait valoir qu'une caution solidaire ne peut pas se dédouaner de son engagement de caution en sollicitant d'être relevée indemne de la garantie par quiconque, en actionnant la responsabilité des autres cautions solidaires. Il s'estime en droit d'obtenir des dommages et intérêts de Mme [U] lui reprochant d'adopter une attitude abusive en voulant se servir de la procédure pour régler ses comptes avec lui, alors qu'il est son ex- compagnon et qu'elle suivait les finances de la SARL au quotidien. Il estime que Mme [U] se livre à des accusations particulièrement graves de fraude de sa part, pour les besoins de la cause, sans preuve.

Mme [U] conclut à l'irrecevabilité de la demande de M. [I] formées contre elle comme se heurtant aux articles 561 et suivants du code de procédure civile, dès lors que le premier juge n'a pas tranché la question des dommages et intérêts sollicités. Sur le fond, elle réfute toute accusation gratuite de sa part à l'endroit de M. [I], concluant au rejet de sa demande indemnitaire à son encontre.

Le jugement frappé d'appel n'a statué que sur une partie des demandes. Le tribunal n'est donc pas dessaisi du litige en dehors des chefs sur lesquels il s'est prononcé et dont ne fait pas partie la demande de M. [I] en paiement de dommages et intérêts formée contre Mme [U]. De ce fait, l'effet dévolutif de l'appel ne peut opérer concernant ce chef de demande.

La demande de M. [I] est donc irrecevable.

Sur les frais et dépens

la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières, succombant en grande partie en son appel, sera condamnée aux dépens d'appel excepté ceux de l'instance concernant Mme [U] sur lesquels il a déjà été statué.

PAR CES MOTIFS,

la cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevable la demande en paiement de dommages et intérêts formée par M. [I] contre Mme [U].

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le point de départ de la déchéance du droit aux intérêts de la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières est déchue de son droit aux intérêts contractuels à compter du 1er avril 2015 au titre du cautionnement en cause.

En conséquence,

Invite la Caisse de crédit mutuel [Localité 8] Avesnières à produire devant le tribunal un décompte expurgé des intérêts contractuels à compter du 1er avril 2015, portant imputation des paiements faits par la débitrice principale depuis le 1er avril 2015 en priorité sur la capital et ne comprenant aucune pénalité de retard ou intérêts de retard à compter de cette date, et ce, jusqu'à communication d'une nouvelle information.

Dit que la banque est en droit de réclamer les intérêts au taux légal dus par les cautions à compter du 24 mai 2018, date de la mise en demeure.

Condamne la Caisse de crédit mutuel Pays Sabolien aux dépens d'appel excepté ceux de l'instance concernant Mme [U].

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, P/LA PRESIDENTE empêchée,

S. TAILLEBOIS J. CHAPPERT