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Décisions

CA Douai, ch. 8 sect. 1, 13 juin 2024, n° 22/02426

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 22/02426

13 juin 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 13/06/2024

N° de MINUTE : 24/498

N° RG 22/02426 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UJBL

Jugement (N° 21-002528) rendu le 21 Mars 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Lille

APPELANTS

Monsieur [G] [F]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 11] - de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 7]

Madame [P] [U] épouse [F]

née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 9] - de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentés par Me Jérémie Boulaire, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉS

SELARL BRMJ représentée par son gérant, Maître [T] [M] ès qualité de mandataire liquidateur de la SA BSP GROUPE VPF SA immatriculée au RCS d'Avignon sous le n° 491 253 605 dont le siège social est [Adresse 6]

[Adresse 8]

[Localité 4]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 18 juillet 2022 par acte remis à personne

SA Cofidis

[Adresse 10]

[Localité 5]

Représentée par Me Xavier Hélain, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 03 avril 2024 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 20 mars 2024

EXPOSE DU LITIGE

Le 14 janvier 2009, M. [G] [F] a contracté auprès de la SA BSP Groupe VPF une prestation relative à la fourniture et la pose d'un système photovoltaïque pour un montant de 21'800 euros TTC, dans le cadre d'un démarchage à domicile, suivant bon de commande numéro 2210.

Afin de financer cette acquisition, M. [F] a, le même jour, accepté une offre préalable de crédit affecté auprès de la société Groupe Sofemo d'un montant de 21'800 euros, remboursable en 180 mensualités précédées d'un différé de paiement de 240 jours, au taux nominal annuel de 6,48 %.

Par jugement du 19 novembre 2009, le tribunal de commerce d'Avignon a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société SA BSP Groupe VPF, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 6 janvier 2010, Me [T] [M] ayant été désigné en qualité de liquidateur judiciaire. Par ordonnance du 20 avril 2017, le président du tribunal de commerce d'Avignon a désigné la SELARL BRMJ prise en la personne de Me [M] en lieu et place de celui-ci.

Par actes d'huissier de justice des 12 et 13 juillet 2021, M. [F] et Mme [P] [U] épouse [F] ont fait assigner en justice Me [M] ès qualité de mandataire ad'hoc de la SA BSP Groupe VPF et la société Cofidis, venant droit de la société Groupe Sofemo, aux fins notamment de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.

Par jugement réputé contradictoire du 21 mars 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a :

- déclaré Mme [P] [U] épouse [F] irrecevable à agir pour défaut d'intérêt,

- déclaré M. [F] irrecevable à agir en nullité des contrats de vente conclu le 14 janvier 2009 avec la SA BSP Groupe VPF et de crédit affecté conclu le même jour avec la société Groupe Sofemo, ainsi qu'en privation du droit de la société Cofidis, venant aux droits de cette dernière, de recouvrer sa créance,

- condamné in solidum M. [F] et Mme [U] à payer à la société Cofidis la somme de 850 euros au titre des dispositions article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [F] et Mme [U] aux dépens d'instance,

- rappelé que l'exécution provisoire de droit.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 17 mai 2022, M. [F] et Mme [U] ont relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement. Ils ont signifier leur déclaration d'appel à la SARL DRM MJ représentée par Me [T] [M] ès qualité de mandataire liquidateur de la SA BSP Groupe VPF par acte huissier de justice délivrée le 18 juillet 2022 à personne.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées le 8 février 2023, les appelants demandent à la cour de :

Vu l'article liminaire du code de la consommation,

vu les anciens articles 1109 et 1116 du code civil,

vu l'article 16 de la loi n°2012-354 du 14 mars 2012 de finance rectificative pour 2012,

vu les articles L.121-23 à L.123-26 du code de la consommation dans leur rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993,

vu l'article L.121-28, tel qu'issu de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré Mme [P] [U] épouse [F] irrecevable à agir pour défaut d'intérêt,

- déclaré M. [F] irrecevable à agir en nullité des contrats de vente conclu le 14 janvier 2009 avec la SA BSP Groupe VPF et de crédit affecté conclu le même jour avec la société Groupe Sofemo, ainsi qu'en privation du droit de la société Cofidis, venant aux droits de cette dernière, de recouvrer sa créance,

- condamné in solidum M. [F] et Mme [U] à payer à la société Cofidis la somme de 850 euros au titre des dispositions article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [F] et Mme [U] aux dépens d'instance,

statuant à nouveau et y ajoutant,

- déclarer les demandes de M. [F] et Mme [U] recevables et bien fondées,

- prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre M. [F] et Mme [U] et la société BSP Groupe VPF,

- prononcer en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre M. [F] Mme [U] et la société Cofidis, venant aux droits de la société Groupe Sofemo,

- mettre à la charge de la liquidation les frais liés à l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de la toiture de l'immeuble de M. [F] et Mme [U],

- constater que la société Cofidis a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par M. [F] et Mme [U] au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,

- condamner la société Cofidis à verser à M. [F] et Mme [U] l'intégralité des sommes suivantes :

- '2 180 euros' correspondant intégralité du prix de vente de l'installation,

- '22 877,80 euros'correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par M. [F] et Mme [U] en exécution du prêt souscrit,

- 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Cofidis et la société BSP Groupe VPF de l'intégralité leurs prétentions fins et conclusions contraires,

- condamner la société Cofidis à supporter les dépens de l'instance.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 10 novembre 2022, la société Cofidis demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire, si la cour venait à déclarer M. [F] et Mme [U] recevables leurs demandes,

- déclarer M. [F] et Mme [U] mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter,

- condamner solidairement M. [F] et Mme [U] à poursuivre l'exécution du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles,

à titre plus subsidiaire, si la cour venait à déclarer M. [F] et Mme [U] recevables et bien fondés en leur demande de nullité,

- condamner solidairement M. [F] et Mme [U] à rembourser le capital emprunté d'un montant de 21'800 euros, au taux légal à compter l'arrêt à intervenir déduction à faire des échéances payées, en l'absence de faute de la société Cofidis et en toute hypothèse en l'absence de préjudice et de lien de causalité,

en tout état de cause,

- condamner solidairement M. [F] et Mme [U] à payer à la société Cofidis une indemnité d'un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [F] et Mme [U] aux entiers dépens.

La SARL DRM MJ représentée par Me [T] [M] ès qualité de mandataire liquidateur de la SA BSP Groupe VPF n'a pas constitué avocat, ni conclu.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

La clôture de l'affaire a été rendue le 20 mars 2024 et l'affaire plaidée à l'audience de la cour du 3 avril 2024.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes formées par Mme [U] épouse [F]

En vertu de l'article 122 du code de procédure civile 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge, relevant que Mme [U], épouse [F] n'a pas signé le contrat de vente et l'offre de crédit, elle était irrecevable à agir en nullité des conventions qu'elle n'a pas conclues et en responsabilité à l'égard de la banque au titre du contrat de crédit, faute d'intérêt à agir.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré Mme [U], épouse irrecevable pour défaut d'intérêt à agir.

Sur la recevabilité de l'action en nullité du contrat de vente et de crédit affecté

M. [F] sollicite la nullité du contrat de vente conclu avec la société BSP Groupe VPF au motif qu'il comporte des irrégularités au regard des dispositions du code de la consommation en matière de vente hors établissement et à raison d'un prétendu dol commis par la société venderesse qui l'aurait trompé en lui promettant l'autofinancement de l'installation photovoltaïque. Il demande la nullité subséquente du contrat de crédit en application de l'article L.311-32 du code de la consommation dans sa version issue de la loi n° 2010-137 du 1er juillet 2010.

La société Cofidis, au visa des articles 2224 et suivant du code civil oppose la prescription de ces demandes.

L'article 2224 du code civil dispose que 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'

Aux termes des dispositions de l'article 1304 du code civil , l'action en nullité doit être exercée dans le délai de cinq ans à compter de la découverte du dol ou de l'erreur.

En l'espèce, la découverte du dol allégué doit être considéré comme acquise à réception de la première facture d'électricité, soit le 29 septembre 2010, d'un montant de 1 476,72 euros. En effet, l'acheteur pouvaient parfaitement se rendre compte dès cette date, par un simple calcul du coût annuel du crédit et en le comparant au montant de la première facture annuelle de revente d'électricité, que l'installation ne pourrait pas s'autofinancer.

Dès lors, l'action en nullité pour dol engagée par assignation du 12 juillet 2021, plus de cinq ans après le 29 septembre 2010, est manifestement prescrite.

En second lieu, le délai de prescription de l'action en nullité fondée sur le non-respect des dispositions des articles L. 121-23 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 93-949 du 27 juillet 1993, à raison d'irrégularités formelles du contrat qui, à les supposer avérées, étaient visibles par le contractant à la date de la conclusion du contrat, court à compter de cette date. L'acheteur ne peut invoquer une méconnaissance du droit applicable pour faire échec à cette prescription, alors que les conditions générales de vente portées au verso du bon de commande litigieux reproduisaient intégralement les dispositions des textes applicables en matière de démarchage à domicile, et notamment l'article L.121-23 du code de la consommation, et que M. [F] étant dès lors en mesure de vérifier par lui-même si le bon de commande était conforme aux dispositions du code de la consommation.

Le contrat de vente ayant été signé le 14 janvier 2009, l'action en nullité formée sur le fondement des irrégularités formelle de l'acte par M. [F], suivant assignation en date du 12 juillet 2021, est également prescrite.

Dès lors que la demande de nullité du contrat de vente n'est pas recevable, il suit que la demande subséquente de nullité du contrat de crédit affecté conclu avec la société Cofidis, formée en conséquence de la nullité du contrat de vente en application de l'article L. 311-21 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-137 du 1er juillet 2010 (et non L.311-32 du code de la consommation dans sa version issue de la loi n° 2010-137 du 1er juillet 2010 applicable à compter du 1er mai 2011), est également irrecevable.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables car prescrites les demandes de nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté formées par M. [F].

En l'absence de nullité des contrats de vente et de crédit, il n'y a pas lieu à restitution entre les parties.

Dès lors, les demandes de M. [F] visant à voir priver la société Cofidis de sa créance de restitution à raison de prétendues fautes commise par elle et à se voir rembourser l'intégralité des sommes qu'il aurait prétendument versées en exécution du crédit sont sans objet.

Il n'y a pas lieu d'ordonner à M. [F] de poursuivre l'exécution du contrat de crédit, l'obligation de l'exécuter résultant du contrat lui-même, et la société Cofidis sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

M. [F] sollicite la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral résultant des fautes commises par la banque dans le déblocage des fonds.

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, à supposer même que la demande de dommages et intérêts ne soit pas prescrite, voire que la banque ait commis des fautes lors du déblocage des fonds, force est de constater que M. [F] ne qualifie ni ne démontre aucunement l'existence d'un préjudice moral imputable à la banque, aucune pièce justificative d'un tel préjudice n'étant versée aux débats.

Il sera en conséquence débouté de sa demande à ce titre.

Sur les demandes accessoires

Les motifs du premier juge méritant d'être adoptés, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant en appel, les époux [F] seront condamnés in solidum aux dépens d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Il ne paraît pas inéquitable de les condamner à payer à la société Cofidis la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de les débouter de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire ;

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant ;

Déclare les demandes en paiement formées par M. [G] [F] sans objet ;

Rejette la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formée par M. [G] [F] ;

Rejette la demande de la société Cofidis visant à voir condamner M. [G] [F] à poursuivre l'exécution du contrat de crédit ;

Rejette la demande formée par M. [G] [F] et Mme [P] [U] épouse [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [G] [F] et Mme [P] [U] épouse [F] à payer à la société Cofidis la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [G] [F] et Mme [P] [U] épouse [F] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier

Ismérie CAPIEZ

Le président

Yves BENHAMOU