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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 13 juin 2024, n° 23/01780

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 23/01780

13 juin 2024

N° RG 23/01780 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JL4C

COUR D'APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 13 JUIN 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2020F00016

Tribunal de commerce d'Evreux du 27 avril 2023

APPELANT :

Monsieur [M] [B]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Fabien LACAILLE, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

S.A. BRED BANQUE POPULAIRE

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Marion QUEFFRINEC de la SCP PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocat au barreau d'EURE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 mars 2024 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, conseillère, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, présidente

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 21 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 mai 2024 puis prorogé à ce jour.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme FOUCHER-GROS, présidente et par Mme RIFFAULT, greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 3 juin 2016, la société anonyme coopérative de Banque Populaire Bred a consenti à la SAS Just In Wears For Men, un prêt professionnel de 45 000 euros remboursable en quatre-vingt-quatre échéances mensuelles de 605,14 euros.

Monsieur [M] [B], gérant de ladite société, s'est porté caution solidaire à hauteur de 54 000 euros, par acte du 3 mai 2016.

Par jugement du 20 décembre 2017, le tribunal de commerce d'Evreux a prononcé le redressement judiciaire de la société Just In Wears For Men.

Par courrier du 26 Janvier 2018, la banque a déclaré sa créance auprès de Maître [D], es-qualités de mandataire judiciaire.

Par courrier du même jour, la banque a mis en demeure Monsieur [B], en sa qualité de caution, de poursuivre le règlement des échéances du prêt.

Par jugement du 12 décembre 2018, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Just In Wears For Men.

Par courrier du 14 janvier 2019, la Bred Banque Populaire a confirmé sa créance auprès de Maître [D], à hauteur de 48 415, 69 euros à titre privilégié.

Par courrier recommandé du même jour, la banque a mis en demeure Monsieur [B] d'avoir à procéder au règlement de l'intégralité de sa créance soit la somme de 48 415, 69 euros outre les intérêts contractuels.

Par acte d'huissier du 4 février 2020, la S.A. Bred Banque Populaire a fait assigner Monsieur [B], en sa qualité de caution solidaire, en vue d'obtenir sa condamnation au paiement notamment de la somme de 48.415 euros.

Par jugement du 27 avril 2023, le tribunal de commerce d'Evreux a :

- débouté Monsieur [B] de sa demande de nullité de la caution,

- débouté Monsieur [B] de sa demande du caractère disproportionné de son engagement de caution,

- débouté Monsieur [B] de sa demande de manquement au devoir de mise en garde,

- condamné Monsieur [B] à payer à la société Bred Banque Populaire la somme de quarante-huit mille quatre cent quinze euros soixante-neuf centimes (48 415,69 euros) avec intérêts au taux contractuel à compter du 11 décembre 2018, date du décompte, et jusqu'à parfait paiement,

- dit que les intérêts échus des capitaux porteront intérêts de la date du décompte jusqu'à complet paiement,

- débouté Monsieur [B] de toutes ses autres demandes,

- condamné Monsieur [B] à la somme de deux mille euros (2 000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [B] aux dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 73,22 euros,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision.

Monsieur [M] [B] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 mai 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 20 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Monsieur [M] [B] qui demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé, et l'y accueillant, y faire droit,

- infirmer totalement le jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 27 avril 2023, et statuant à nouveau :

A titre principal,

- prononcer la nullité du contrat de cautionnement en raison du dol manifeste de la S.A. Bred Banque Populaire et du vice de consentement, empêchant ainsi celle-ci de se prévaloir de son engagement de caution contre Monsieur [B],

- débouter la S.A. Bred Banque Populaire de toutes ses demandes en paiement,

- débouter la S.A. Bred Banque Populaire de sa demande d'exécution provisoire,

A titre subsidiaire,

- prononcer le caractère disproportionné de l'engagement de caution de Monsieur [B] eu égard à ses biens et revenus à la date de conclusion de l'engagement de caution et en tirer toutes les conséquences de droit,

- débouter la S.A. Bred Banque Populaire de toutes ses demandes en paiement,

- débouter la S.A Bred Banque Populaire de sa demande d'exécution provisoire,

A titre infiniment subsidiaire,

- condamner la S.A. Bred Banque Populaire sur le fondement du manquement à son devoir de mise en garde'à payer à Monsieur [B] la somme de 58 000 euros à titre de dommages et intérêts'et ordonner la compensation des sommes avec celles réclamées par la S.A. Bred Banque Populaire, la caution devant être déchargée totalement de son obligation de paiement au titre de son engagement de caution.

En tout état de cause,

- condamner la S.A. Bred Banque Populaire aux dépens et au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions du 5 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Bred Banque Populaire qui demande à la cour de :

- débouter Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Evreux en date du 28 avril 2023, en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [B] de sa demande de nullité de la caution,

- débouté Monsieur [B] de sa demande du caractère disproportionné de son engagement de caution,

- débouté Monsieur [B] de sa demande de manquement au devoir de mise en garde,

- condamné Monsieur [B] à payer à la société Bred Banque Populaire la somme de 48 415,69 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter du 11 décembre 2018 date du décompte et jusqu' à parfait paiement,

- dit que les intérêts échus des capitaux porteront intérêts de la date du décompte jusqu'à complet paiement,

- débouté Monsieur [B] de toutes ses autres demandes,

- condamné Monsieur [B] à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [B] aux dépens, dont frais de greffe liquidés à la somme de 73,22 euros,

- actualiser la créance de la Bred Banque Populaire à la somme de 56 397,92 euros suivant décompte en date du 3 octobre 2023,

- condamner Monsieur [B] au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile en cause d'appel,

- condamner Monsieur [B] aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de nullité du cautionnement

Monsieur [B] soutient que :

* il a cru s'engager en sa qualité de caution pour un montant à hauteur de 25 % du prêt ainsi que cela figure dans la proposition commerciale du 20 avril 2016 ;

* il s'étonne que cette condition essentielle ait été modifiée sans son consentement et surtout sans avoir été préalablement informé de cette modification substantielle portant sur son engagement ;

* l'intention de la banque est d'autant plus frauduleuse que l'acte de caution a été régularisé avant la signature du prêt et qu'il ne comporte aucune mention manuscrite laquelle aurait pu l'alerter sur la différence de montant entre la proposition et le contrat.

La société Bred Banque Populaire réplique que :

* la proposition commerciale n'a jamais tendu à être incluse dans le champ contractuel ; elle portait sur les modalités d'octroi du prêt accordé et non sur les garanties que comportait ce prêt ;

* la pièce litigieuse prévoyait une validité jusqu'au 20 mai 2016, à défaut elle était nulle et non avenue ;

* la régularisation de l'acte de caution avant la signature du prêt n'est pas frauduleuse ;

* Monsieur [B] a été informé de la modification du montant de la caution en signant l'acte de cautionnement et il a eu un délai de réflexion avant de s'engager le 3 juin 2016.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1116 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, Monsieur [B] s'étant engagé comme caution le 3 mai 2016, '' le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.''

Il appartient à Monsieur [B] qui invoque le dol de démontrer l'existence de man'uvre dolosive, d'un mensonge ou encore d'une dissimulation intentionnelle d'information et d'une volonté pour l'organisme prêteur de tromper intentionnellement le cocontractant pour le déterminer à conclure.

Aux termes de l'article L 341-2 du code de la consommation dans sa version en vigueur du 5 février 2004 au 1er juillet 2016 : « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même. »

Il résulte de ce texte que les éléments qui doivent être précisés dans la mention manuscrite ont pour objet de permettre à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement.

Une proposition commerciale de financement à hauteur de 45 000 euros a été établie par la Bred Banque Populaire, à [Localité 8], le 20 avril 2016, aux fins de permettre à la société Just In Wears For Men, représentée par Monsieur [B], de procéder à l'achat d'un droit au bail et à la réalisation de travaux dans des locaux professionnels.

Aux termes de cette proposition commerciale portant sur un prêt, il est mentionné que ce dernier devait être garanti notamment par l'engagement de caution solidaire de Monsieur [B] à concurrence de la somme de 11 250 euros avec consentement du conjoint. Il y est indiqué que le document est une simulation et qu'il n'a pas de valeur contractuelle en l'absence de l'accord du comité de crédit et de l'étude des pièces du dossier.

Le 3 mai 2016, Monsieur [B] s'est engagé comme caution de la société Just In Wears For Men.

Contrairement à ce que soutient Monsieur [B], il a inscrit dans cet acte de caution la mention manuscrite de son engagement à hauteur de la somme de 54 000 euros exprimé en chiffres et en lettres suivie de sa signature de sorte qu'il ne peut pas prétendre ne pas avoir été alerté sur la différence de montant entre son engagement du 3 mai 2016 et celui de 11 250 euros indiqué dans la proposition commerciale du 20 avril 2016 dénuée de valeur contractuelle.

Son engagement ayant été exprimé dans les formes légales prescrites, il est vain pour Monsieur [B] d'imputer à la banque une quelconque man'uvre dolosive résultant de sa proposition commerciale.

Cet acte du 3 mai 2016 précise que la caution est donnée en garantie d'un prêt équipement professionnel d'un montant de 45 000 euros remboursable en 84 mensualités au taux fixe de 2,50 % l'an consenti à la société Just In Wears For Men.

Dès lors que le cautionnement d'une dette future est admis et que le prêt consenti le 3 juin 2016 à la société Just In Wears For Men reprend les caractéristiques présentées dans l'engagement de caution soit un financement de 45 000 euros remboursable en 84 mensualités et au taux fixe de 2,50 % l'an, l'intention frauduleuse prêtée à la banque pour avoir recueilli la garantie de Monsieur [B] le 3 mai 2016 préalablement à l'octroi du prêt fait défaut.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [B] de sa demande de nullité de la caution.

Sur la disproportion de l'engagement de caution

Monsieur [B] soutient que :

* la fiche communiquée par la S.A. Bred Banque Populaire fait apparaître un revenu annuel pour deux d'un montant total de 25.000 euros par an, soit un revenu mensuel de 1.041 euros pour lui ;

* il ne touchait aucune aide et n'a bénéficié d'aucun revenu en suite de l'exploitation de son affaire ; sa compagne était salariée de la structure à temps partiel ; le prêt était disproportionné par rapport à ses revenus.

La société Bred Banque Populaire réplique que :

* Monsieur [B] n'apporte aucune preuve de la disproportion de son engagement de caution ;

* elle pouvait légitimement croire que l'entreprise de Monsieur [B] serait lucrative ;

* Monsieur [B] et sa compagne n'ont déclaré aucune dette ou aucun endettement annexe.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L 341-4 du code de commerce, dans sa version en vigueur du 5 août 2003 au 1er juillet 2016 : '' Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.''

Il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement au jour de la signature par rapport à ses biens et revenus. Lorsque le créancier professionnel fait établir par celui qui entend s'engager en qualité de caution une fiche de renseignements sur son patrimoine, il appartient à cette dernière de déclarer loyalement ses biens, ses revenus, ses charges et ses dettes. En signant la fiche de renseignements, la caution en approuve le contenu. Elle ne pourra pas se prévaloir de l'inexactitude de ses propres déclarations ou de ses omissions. Le créancier professionnel n'a pas à vérifier l'exhaustivité et l'exactitude des informations fournies par la caution dans la fiche de renseignements en l'absence d'anomalies apparentes sauf s'il avait connaissance ou ne pouvait pas ignorer l'existence d'autres charges pesant sur la caution non déclarée sur la fiche de renseignements.

Le 3 mai 2016, Monsieur [B] s'est porté caution de la société Just In Wears For Men dans la limite de la somme de 54 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités et intérêts de retard pour la durée de 132 mois au titre du prêt d'un montant de 45 000 euros en principal consenti à la société.

Il est indiqué dans la fiche de renseignements que Monsieur [B] est marié sous le régime de la communauté de sorte qu'il y a lieu de tenir compte de la valeur totale du patrimoine commun et des revenus de la caution et de son épouse à la date de l'engagement de caution soit le 3 mai 2016 pour en apprécier la disproportion éventuelle.

Au titre des renseignements de caution, Monsieur [B] qui a certifié exacts les renseignements le concernant et signé la fiche ''Renseignements fournis à titre confidentiel'', a indiqué être propriétaire avec son épouse de leur habitation principale située à [Localité 7], percevoir des revenus professionnels nets annuels de 10 000 euros comme chef d'entreprise de la société Just In Wears For Men et son épouse de 15 000 euros employée en contrat à durée indéterminée par cette société. Il n'est mentionné aucune charge. Le taux d'endettement indiqué est de 0 % et le revenu disponible de 2083,33 euros.

Cette fiche de renseignements est incomplète en ce qu'elle ne donne aucune information sur la valeur du patrimoine notamment immobilier de Monsieur [B] alors qu'il a indiqué être propriétaire avec son épouse de l'habitation principale.

Cette fiche étant incomplète, ce que la banque ne pouvait pas ignorer, Monsieur [B] est libre de démontrer quelle était sa situation réelle le 3 mai 2016. Il conserve toutefois la charge de la preuve du caractère disproportionné de son engagement qui s'apprécie non seulement par rapport aux revenus mais aussi à ses biens.

Or, à l'exception du contrat de travail à durée indéterminée de son épouse signé le 1er juillet 2016, Monsieur [B] ne produit aucune pièce de sorte qu'il ne démontre pas la disproportion manifeste de son engagement de caution par rapport à ses biens et revenus et plus particulièrement par rapport à son patrimoine immobilier.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [B] de sa demande tendant à voir reconnaître le caractère disproportionné de son engagement de caution.

Sur la responsabilité de la banque au titre du devoir de mise en garde

Moyens des parties

Monsieur [B] soutient que :

* il est fondé à solliciter la condamnation de l'établissement bancaire au paiement de dommages et intérêts à hauteur de son engagement, devant se compenser avec les sommes dues ;

* il était profane dans le milieu des affaires ; avant la création de sa structure, il exerçait comme simple salarié.

La société Bred Banque Populaire réplique que :

* le tribunal a considéré Monsieur [B] comme une caution avertie, à partir du moment où il disposait des éléments d'information lui permettant d'apprécier le risque encouru, en souscrivant le cautionnement, étant lui-même gérant de la société ;

* il n'est pas justifié quel aurait été le manquement de la Bred ;

* faute d'engagement excessif, la banque n'est tenue à aucun devoir de mise en garde et en l'absence de disproportion de l'engagement de caution, elle n'était pas tenue à un devoir particulier de mise en garde.

Réponse de la cour

Le banquier dispensateur de crédit est tenu à un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie lorsqu'au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

Le devoir de mise en garde à raison de la capacité financière de la caution n'est pas limité au caractère disproportionné de son engagement au regard de ses biens et ressources.

La banque doit établir que la caution est avertie. A défaut, elle est présumée profane.

La qualité de dirigeant ne fait pas présumer le caractère averti de la caution.

Il ressort du curriculum vitae de Monsieur [B] qu' il a été responsable informatique de sites logistiques puis d'hypermarchés de 1985 à 2014, avant de devenir gérant de la société SAS Just In Wears For Men créée le 23 mai 2016 de sorte que le 3 mai 2016 lorsque Monsieur [B] s'est engagé comme caution il n'avait aucune expérience de gestion.

S'il a bénéficié en décembre 2015 d'une formation ''comptabilité et contrôle de gestion'' comme mentionné dans son CV cela ne suffit pas à démontrer qu'il disposait d'une compétence particulière en matière de cautionnement de nature à lui conférer la qualité de caution avertie. Il s'ensuit que Monsieur [B] était lors de la souscription de son engagement une caution profane.

La caution non avertie doit rapporter la preuve que, lors de sa souscription, son engagement n'était pas adapté à ses capacités financières personnelles ou qu'il existait un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur débiteur principal.

Ainsi qu'il a été exposé plus haut, Monsieur [B] ne justifie pas de sa situation financière en 2016. Il en résulte qu'il n'établit pas que son engagement de caution était inadapté à ses capacités financières.

Quant au risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti résultant de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur, Monsieur [B] ne produit pas davantage d'élément se bornant à faire valoir la liquidation judiciaire de la société.

Or, il ressort du courrier de la société Bred Banque Populaire du 26 janvier 2018 adressé à Maître [D], mandataire judiciaire, qu'à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire le 19 décembre 2017, le compte de la société Just In Wears For Men présentait un solde créditeur.

Il s'ensuit que Monsieur [B] ne démontre pas qu'à la date de son engagement, il existait pour lui un risque d'endettement né de l'inadaptation du prêt octroyé aux capacités financières la société emprunteuse

Il convient dès lors de confirmer le jugement qui a débouté Monsieur [B] de sa demande présentée au titre du manquement de la banque à son devoir de mise en garde.

Monsieur [B] n'oppose aucun autre moyen à sa demande de débouté de la S.A. Bred Banque Populaire de toutes ses demandes en paiement.

Sur la créance de la société Bred Banque populaire

La société Bred Banque Populaire sollicite, outre la confirmation du jugement en sa condamnation de Monsieur [B] à lui payer la somme de 48 415,69 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 11 décembre 2018 et capitalisation des intérêts, l'actualisation de sa créance à la somme de 56 397,92 euros suivant décompte en date du 3 octobre 2023.

Il ressort du décompte arrêté au 11 décembre 2018 que la créance de la banque Bred s'élève à :

- 43 862,96 euros en principal,

- 2 359,59 euros au titre des intérêts du 19 décembre 2017 au 11 décembre 2018 au taux de 5,50 %,

- 2 193,14 euros au titre de l'indemnité forfaitaire.

Monsieur [B] ne fait aucun développement sur la créance de la banque Bred.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [B] à payer à la société Bred Banque Populaire la somme de 48 415,69 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 11 décembre 2018.

Il ressort du décompte au 3 octobre 2023 de la société Bred Banque Populaire que « l'actualisation de sa créance » n'est autre que l'ajout des intérêts de retard et des frais irrépétibles de première instance. Mais dès lors que le présent arrêt est confirmatif, elle dispose d'un titre pour le recouvrement de ces frais irrépétibles et pour le paiement des intérêts de retard. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande tendant à les inclure dans le principal.

Pour le surplus de ses dispositions le jugement sera confirmé.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société Bred Banque de sa demande tendant au paiement de la somme de 56 397,92 euros en principal ;

Condamne Monsieur [M] [B] aux dépens de l'appel,

Condamne Monsieur [M] [B] à payer à la Bred Banque Populaire la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

La greffière, La présidente,