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Décisions

Cass. com., 10 juillet 2024, n° 22-15.836

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Financière de la Rochette (SAS), AMS investissement (SAS)

Défendeur :

Cyclopolitain (SAS), SDGL (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Ducloz

Avocat général :

M. Lecaroz

Avocats :

SCP Ohl et Vexliard, SCP Doumic-Seiller

Lyon, 3e ch. A, du 17 févr. 2022

17 février 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 février 2022), Mme [C] et M. [Z] ont créé la société par actions simplifiée Cyclopolitain, présidée par leur société holding personnelle, la société SDLG.

2. Courant 2007, la société Cyclopolitain a décidé la création d'actions de préférence « P » donnant droit, en application de l'article 8-1 de ses statuts, à un dividende prioritaire correspondant à 8 % du prix de souscription de ces actions ou à 50 % du bénéfice net consolidé par action.

3. Le 30 juin 2015, les sociétés Financière de la Rochette et AMS investissement (la société AMS) ont acquis des actions de préférence « P » de la société Cyclopolitain.

4. Le 22 décembre 2015, l'assemblée générale extraordinaire de la société Cyclopolitain a, d'une part, réduit le montant du dividende prioritaire attaché aux actions de préférence « P » à 3 % du prix de souscription ou 15 % du bénéfice net consolidé par action, d'autre part, modifié en conséquence l'article 8-1 des statuts.

5. Les sociétés Financière de la Rochette et AMS ont assigné la société Cyclopolitain ainsi que la société SDGL, Mme [C] et M. [Z] en nullité des résolutions de cette assemblée générale et en paiement de sommes à titre de complément de dividendes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.

Mais sur le moyen relevé d'office

7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

8. Il résulte de ce texte, que, lorsque les statuts d'une société par actions simplifiée ne prévoient pas les modalités selon lesquelles les droits attachés aux actions de préférence peuvent être modifiés, le consentement individuel des titulaires de ces actions est requis pour procéder à une telle modification.

9. Pour rejeter la demande d'annulation des résolutions de l'assemblée générale extraordinaire de la société Cyclopolitain du 22 décembre 2015 et les demandes en paiement de sommes à ce titre, l'arrêt énonce qu'aucune disposition légale n'exige que le consentement des associés à la modification de leurs droits particuliers attachés à certaines actions soit recueilli individuellement.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

11. Les sociétés Financière de la Rochette et AMS font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'annulation des résolutions de modification des actions de préférence « P » et de modification subséquente des statuts de la société Cyclopolitain adoptées lors de l'assemblée générale extraordinaire du 22 décembre 2015, et leurs demandes en paiement subséquentes, alors « que la modification des droits particuliers attachés aux actions d'une catégorie s'analysant en une conversion de ces actions en actions d'une autre catégorie, les titulaires des actions à convertir ne peuvent, à peine de nullité de la délibération, prendre part au vote sur la modification des droits particuliers attachés à leurs actions qui emporte création subséquente d'une autre catégorie d'actions ; qu'en jugeant l'article L. 228-15, alinéa 2, du code de commerce inapplicable au vote des associés de la société Cyclopolitain réunis en assemblée générale extraordinaire du 22 décembre 2015, au motif qu'il portait non pas sur la création d'une action de préférence mais sur la modification à la baisse des modalités de rémunération d'actions de préférence déjà existantes, la cour d'appel a violé le texte susvisé et l'article L. 235-1 du même code par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

12. Les sociétés Cyclopolitain et SDGL, Mme [C] et M. [Z] contestent la recevabilité du moyen, pris en sa seconde branche. Ils soutiennent qu'il est contraire à ce moyen, pris en sa première branche.

13. Cependant, le moyen, pris en sa seconde branche, n'est pas contraire à ce moyen, pris en sa première branche, chacune invoquant une cause distincte et autonome de nullité de la résolution litigieuse.

14. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 228-15, alinéa 2, du code de commerce :

15. Selon ce texte, les titulaires d'actions devant être converties en actions de préférence de la catégorie à créer ne peuvent, à peine de nullité de la délibération, prendre part au vote sur la création de cette catégorie.

16. Constitue une conversion d'actions au sens et pour l'application de ce texte toute opération emportant modification des droits attachés aux actions converties.

17. Pour rejeter la demande d'annulation des résolutions de l'assemblée générale extraordinaire de la société Cyclopolitain du 22 décembre 2015 et les demandes en paiement de sommes à ce titre, l'arrêt, après avoir relevé que, lors de cette assemblée, la totalité des associés avaient voté sur la modification de la rémunération des actions de préférence « P » et qu'il avait été décidé de modifier, en le réduisant, le dividende prioritaire attaché à ces actions, retient encore que les dispositions de l'article L. 228-15, alinéa 2, du code de commerce ne sont pas applicables en l'espèce dès lors que le vote soumis aux associés de la société Cyclopolitain ne portait pas sur la création d'une action de préférence, mais sur la modification à la baisse des modalités de rémunération d'actions de préférence déjà existantes.

18. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la modification des droits attachés aux actions de préférence « P » de la société Cyclopolitain, laquelle entraînait un changement de catégorie de ces actions, constituait une conversion d'actions au sens et pour l'application de l'article L. 228-15, alinéa 2, du code de commerce, quand bien même ces actions continuaient d'être désignées sous le même intitulé, ce dont elle aurait dû déduire que les associés titulaires d'actions de préférence « P » n'auraient pas dû prendre part au vote portant sur la modification du dividende prioritaire attaché à ces actions et que, par suite, les résolutions litigieuses étaient entachées de nullité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

19. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt qui rejettent les demandes des sociétés Financière de la Rochette et AMS d'annulation des résolutions de l'assemblée générale extraordinaire de la société Cyclopolitain du 22 décembre 2015 et en paiement de sommes à ce titre, entraîne la cassation du chef de dispositif qui condamne les sociétés Financière de la Rochette et AMS à verser une indemnité de procédure globale de 5 000 euros à la société SDGL et à Mme [C] et M. [Z], qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes des sociétés Financière de la Rochette et AMS investissement d'annulation des résolutions de modification des actions de préférence « P » et de modification subséquente des statuts de la société Cyclopolitain adoptées lors de l'assemblée générale extraordinaire du 22 décembre 2015 et les demandes en paiement subséquentes aux demandes d'annulation des résolutions votées le 22 décembre 2015, en ce qu'il condamne les sociétés Financière de la Rochette et AMS investissement à verser une indemnité de procédure globale de 5 000 euros à la société SDGL et à Mme [C] et M. [Z], et en ce qu'il statue sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 17 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.