Cass. crim., 13 septembre 2023, n° 21-87.015
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. BONNAL
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Des enquêtes ordonnées à la suite de signalements de TRACFIN ont établi que M. [L] [M] démarchait des particuliers, notamment des personnes âgées, pour leur vendre des tapis ou leur proposer, en collaboration avec son fils M. [Z] [M], d'effectuer des travaux d'entretien.
3. Évoquant des difficultés financières, des problèmes familiaux, des tapis bloqués par les services des douanes, ou d'autres prétextes, M. [L] [M] sollicitait de ces personnes des prêts, qui n'étaient ensuite jamais ou très partiellement remboursés.
4. Les investigations ont permis de constater le versement sur les comptes de M. [L] [M] et de membres de sa famille d'importantes sommes d'argent.
5. Des plaintes ont été déposées pour escroquerie par plusieurs personnes concernées par ces agissements, dénonçant des promesses mensongères et des stratagèmes destinés à leur faire consentir des remises d'argent à M. [L] [M].
6. À l'issue de l'enquête, M. [L] [M] a été poursuivi pour escroqueries envers quatorze victimes, travail dissimulé et blanchiment. M. [Z] [M] et M. [B] [U] ont été poursuivis pour complicité d'escroquerie, travail dissimulé et blanchiment.
7. Par jugement du 4 juillet 2019, le tribunal correctionnel, après avoir prononcé des relaxes partielles et des requalifications, a condamné M. [L] [M] à dix-huit mois d'emprisonnement, et à la confiscation de quatre véhicules, M. [Z] [M] à douze mois d'emprisonnement avec sursis, et M. [U] à douze mois d'emprisonnement dont huit avec sursis, à la confiscation d'un véhicule et d'une somme d'argent. Sur l'action civile, le tribunal correctionnel a condamné les prévenus à payer à neuf parties civiles des dommages-intérêts en réparation de leurs préjudices matériel et moral.
8. Les prévenus, le ministère public et certaines parties civiles ont fait appel de ce jugement.
9. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] [M] coupable de blanchiment des délits d'escroquerie, de travail dissimulé et d'abus de faiblesse, alors :
« 1°/ que l'article 324-1, alinéa 1er, du code pénal n'est pas applicable à l'auteur du blanchiment de l'infraction qu'il a lui-même commise ; qu'en retenant, pour déclarer le prévenu coupable de blanchiment par justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit, que « les investigations mises en oeuvre ont démontré que [L] [M], sur la période de la prévention, s'est vu remettre par l'ensemble des personnes susvisées, des sommes pour un montant total estimé à environ 735 521 euros, provenant de la vente de tapis ou de travaux de rénovation de bien appartenant à ces mêmes personnes, lesquelles sommes, produits des escroqueries déjà rappelées, ou produit du travail dissimulé ont été dissimulées par ce dernier qui se faisait régulièrement remettre dans le cadre de ces deux activités, des paiements en espèces ou par chèques qui lui étaient remis sans ordre à sa demande, lesquels étaient ensuite déposés pour l'essentiel sur les comptes bancaires de ses enfants ou des concubins de ceux-ci », la cour d'appel a violé l'article 324-1, alinéa 1er, du code pénal ;
2°/ que l'article 324-1, alinéa 1er, du code pénal implique une justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ; qu'en déclarant le prévenu coupable de blanchiment par justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit pour avoir facilité le dépôt de sommes d'argent sur le compte bancaire de ses enfants ou des concubins de ceux-ci afin de dissimuler l'origine de ses revenus, circonstances impropres à caractériser une justification mensongère au sens de l'article 324-1, aliéna 1er, précité, la cour d'appel a violé l'article 324-1, alinéa 1er, du code pénal. »
11. Pour déclarer M. [L] [M] coupable de blanchiment, l'arrêt attaqué énonce que les investigations ont démontré que ce dernier s'est fait remettre des sommes, en espèces ou par chèques sans ordre, provenant de la vente de tapis ou de travaux de rénovation de biens, pour un montant total estimé à 735 521 euros.
12. Les juges ajoutent que ces sommes, produits d'escroqueries ou de travail dissimulé, ont été dissimulées par le prévenu, qui les déposait pour l'essentiel sur les comptes bancaires de ses enfants ou des concubins de ceux-ci, l'enquête ayant montré qu'il avait l'entière maîtrise du fonctionnement de certains des comptes bancaires.
13. Ils relèvent que M. [L] [M] a reconnu qu'il avait lui-même effectué les diligences nécessaires à l'ouverture des comptes, et désigné le bénéficiaire du chèque en remplissant l'ordre ou en le remettant directement à l'intéressé.
14. Ils ajoutent que cette infraction est reconnue par M. [L] [M], qui a admis avoir procédé de la sorte pour dissimuler les revenus tirés de ses activités de vente de tapis et de travaux d'entretien des maisons.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu le texte visé au moyen.
16. En effet, d'une part, l'article 324-1 du code pénal est applicable à l'auteur du blanchiment du produit d'une infraction qu'il a lui-même commise.
17. D'autre part, le versement de fonds sur des comptes de tiers, qui ont reconnu qu'ils retiraient ensuite des sommes en espèces pour les rendre à M. [L] [M], lui a permis de justifier d'une origine en apparence licite des fonds.
18. D'où il suit que le moyen doit être écarté.
Mais sur le premier moyen
Énoncé du moyen
19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a requalifié les faits d'escroquerie reprochés à M. [L] [M] au préjudice de Mme [BZ] [P] en délit d'abus de confiance, l'a déclaré coupable d'abus de faiblesse au préjudice de celle-ci, et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 1°/ que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition de n'y rien ajouter ou de ne pas substituer des faits distincts à ceux de la prévention, sauf acceptation expresse par le prévenu d'être jugé sur des faits et circonstances non compris dans la poursuite ; qu'en requalifiant le délit d'escroquerie en délit d'abus de faiblesse, dont les éléments constitutifs, distincts de ceux d'escroquerie, n'étaient pas compris dans la poursuite, lorsque le prévenu s'opposait à une telle requalification (conclusions du prévenu, p. 13 et 14), la cour d'appel a violé l'article 388 du code de procédure pénale ;
2°/ que le délit d'abus de faiblesse suppose la connaissance par le prévenu de l'état de vulnérabilité de la victime ; qu'en se bornant à constater, pour déclarer le prévenu coupable d'abus de faiblesse, que madame [BZ] [P] [N] était fragilisée par le décès de son époux quelques semaines seulement avant sa rencontre avec le prévenu, état de vulnérabilité également caractérisé par l'altération de ses capacités intellectuelles et difficultés mnésiques attestées par les tiers et confirmées par les investigations médicales ainsi que sa confusion dans la monnaie en cours, sans caractériser la connaissance par le prévenu de cet état de vulnérabilité, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 223-15-2 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 223-15-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
20. Il résulte du premier de ces textes qu'est punissable l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, pour conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.
21. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
22. Pour requalifier en délit d'abus de faiblesse les faits reprochés à M. [L] [M] concernant Mme [P], et déclarer celui-ci coupable de ce délit, l'arrêt attaqué énonce que le prévenu, par l'exercice de sollicitations, mensonges et pressions répétés dans un huis clos qu'il souhaitait préserver, noyant ses demandes d'argent au milieu d'une feinte sollicitude, a abusé frauduleusement de l'état de faiblesse de Mme [P], fragilisée par le décès de son époux quelques semaines seulement auparavant.
23. Les juges ajoutent que cet état de vulnérabilité est également caractérisé par l'altération de ses capacités intellectuelles et des difficultés mnésiques, attestées par les tiers et confirmées par les investigations médicales, ainsi que sa confusion entre francs et euros.
24. Ils retiennent que c'est ainsi que M. [L] [M] a obtenu son engagement à faire réaliser de nombreux travaux et à lui remettre de l'argent à titre de prêts, sans pour autant respecter ses propres obligations de remboursement, tous actes grandement préjudiciables à Mme [P], puisque, selon les factures produites, les travaux qu'elle avait sollicités s'élevaient à la somme totale de 39 050 euros, alors que c'est finalement une somme de 52 846 euros qui a été perçue par les consorts [M] au titre de ces travaux.
25. En se déterminant ainsi, sans autrement caractériser la connaissance qu'avait le prévenu de l'état de vulnérabilité de la victime, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
26. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Et sur le deuxième moyen
Énoncé du moyen
27. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] [M] coupable du délit d'escroquerie commis au préjudice de M. [JV] [JT] et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 4°/ que les juges correctionnels ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en retenant, au titre des manoeuvres frauduleuses, les allégations mensongères du prévenu auxquelles se sont ajoutés la rédaction de trois documents mettant par écrit les sommes dues par ce dernier à l'égard de [JV] [JT], outre un remboursement ponctuel d'une somme de 5 000 euros qui sont venus donner force et crédit à celles-ci, lorsque la prévention visait des allégations mensongères corroborées par « la présentation d'une fausse lettre d'avocat
attestant que le mis en cause possédait une grosse somme d'argent bloquée par la justice [ou par l'usage] d'excuses justifiant l'absence des remboursements sur lesquels il s'était engagé », la cour d'appel a excédé sa saisine et méconnu l'article 388 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 388 du code de procédure pénale :
28. Selon ce texte, les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention.
29. Pour déclarer M. [L] [M] coupable d'escroquerie au préjudice de M. [JT], l'arrêt attaqué énonce, notamment, que le prévenu a reconnu avoir avancé des motifs mensongers pour se faire remettre des sommes d'argent à plusieurs reprises par ce dernier.
30. Les juges relèvent qu'à ces allégations mensongères se sont ajoutés la rédaction de trois documents mettant par écrit les sommes dues par M. [L] [M], ainsi qu'un remboursement ponctuel de 5 000 euros, qui sont venus donner force et crédit à celles-ci, pour convaincre M. [JT] de la bonne foi de M. [L] [M] et le pousser à lui remettre encore des sommes d'argent.
31. Les juges en concluent que ces faits sont constitutifs de manoeuvres frauduleuses et caractérisent le délit d'escroquerie en tous ses éléments.
32. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
33. En effet, sans constater que le prévenu avait accepté d'être jugé sur ceux-ci, les juges ont retenu au titre des manoeuvres frauduleuses la rédaction de documents et un remboursement partiel, faits non visés par la prévention.
34. La cassation est par conséquent encore encourue de ce chef sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
Et sur le troisième moyen
Énoncé du moyen
35. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] [M] coupable du délit d'escroquerie commis au préjudice de M. [G] et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 1°/ qu'un mensonge ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse susceptible de caractériser le délit d'escroquerie, s'il ne s'y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d'un tiers destinés à donner force et crédit à l'allégation mensongère du prévenu ; que, pour déclarer le prévenu coupable d'escroquerie au préjudice de [C] [G], la cour d'appel énonce que pour justifier ses demandes régulières d'argent, [L] [M] avait évoqué des tapis retenus aux douanes et des frais d'avocat à payer, que les communications téléphoniques enregistrées entre [L] [M] et [C] [G] ont relevé d'incessantes demandes d'argent du prévenu et que celui-ci justifiait son retard de paiement du fait des douanes bloquant ces tapis et l'hospitalisation de sa mère, que le prévenu avait également promis de grosses sommes en bénéfice quand tout serait réglé et se proposait même d'apporter la preuve de ce qu'il disait grâce à un courrier de son avocat, que [C] [G], en grande difficulté financière, réclamait le remboursement des sommes à [L] [M] mais que ce dernier reportait inlassablement ce moment, qu'un enregistrement permettait aussi de constater que [L] [M] insistait pour recevoir un chèque de 6 000 euros qu'il s'engageait à ne pas encaisser et qu'en échange il promettait de lui déposer un bronze appartenant à sa mère et possédant selon lui une grande valeur, que dans ces conditions, [L] [M] a déclaré que le chèque de 6 000 euros réclamé était pour rembourser une dette personnelle de 14 000 euros, que dans ces circonstances, [C] [G] cédait et émettait un nouveau chèque de 3 000 euros, encaissé le 6 octobre 2015, que les communications téléphoniques démontraient également que [L] [M] voulait voir [C] [G] seul, pour parler d'argent et refusait de venir si les membres de son entourage étaient présents ; qu'en se bornant ainsi à faire état des différents mensonges du prévenu, sans constater l'existence d'éléments extérieurs destinés à donner force et crédit à ces allégations mensongères, la cour d'appel a violé les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que les manoeuvres frauduleuses, constitutives de l'escroquerie, doivent être déterminantes de la remise et antérieures à celle-ci ; qu'en retenant, au titre des manoeuvres frauduleuses, que le 6 août 2015, « [L] [M] appelait [B] [W] pour lui parler des chèques de [C] [G] et lui donner des consignes : il lui demandait d'appeler ce dernier pour lui dire que les autres chèques ne seraient pas encaissés, que plus tard, lui demander de ses nouvelles, et ne pas dire qu'il appelait de sa part », lorsque l'intervention de ce tiers était postérieure aux différentes remises, la cour d'appel a violé l'article 313-1 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
36. Il résulte du premier de ces textes que les manoeuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie doivent être déterminantes de la remise et antérieures à celles-ci.
37. Selon le second de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
38. Pour déclarer M. [L] [M] coupable d'escroquerie au préjudice de M. [G], l'arrêt attaqué énonce que constituent des événements venus donner force et crédit aux allégations mensongères, pour pousser ce dernier à lui remettre encore des sommes d'argent à plusieurs reprises, la promesse de la réception imminente d'une somme de 246 000 euros pouvant être accréditée par un courrier de son avocat, celle du dépôt en garantie d'un bronze d'une grande valeur, ainsi que l'intervention d'un tiers en la personne de M. [B] [W] pour le convaincre, à sa demande, de ce que les chèques remis ne seraient pas immédiatement encaissés.
39. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
40. En effet, d'une part, les juges, qui se contentent de constater que le prévenu a proposé de prouver ses dires par un courrier de son avocat et a promis de déposer une statuette en garantie, n'ont pas constaté la production effective de ce courrier ou la remise du bronze.
41. D'autre part, il ne ressort pas de leurs constatations que l'éventuelle intervention du tiers ait été antérieure au versement de sommes par M. [G].
42. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ces chefs.
Et sur le quatrième moyen
Énoncé du moyen
43. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] [M] coupable du délit d'escroquerie commis au préjudice de [SV] [H] et a prononcé sur les intérêts civils, alors que « les manoeuvres frauduleuses, constitutives de l'escroquerie, doivent être déterminantes de la remise et antérieures à celle-ci ; que, pour déclarer le prévenu coupable d'escroquerie au préjudice de [SV] [H], la cour d'appel énonce que le prévenu l'avait sollicité pour des prêts d'argent en affirmant être dans l'attente d'une rentrée d'argent importante correspondant à la restitution de ses biens saisis par la justice, que [SV] [H] a expliqué qu'en début d'année 2015, [L] [M] lui avait demandé un chèque de 4 000 euros pour « récupérer des tapis bloqués par les douanes », puis un peu plus tard, ce dernier lui avait redemandé cette même somme pour les mêmes raisons expliquant préférer des espèces, qu'en échange il s'était engagé à détruire le chèque précédemment remis, que pour autant il est apparu qu'en 2016, celui-ci avait falsifié la date en remplaçant le cinq de l'année 2015 par un 6, que malgré un premier rejet de ce chèque, [L] [M] l'avait remis à une autre personne lui ayant prêté de l'argent, [D] [SU] qui avait elle-même présenté ce chèque falsifié à l'encaissement, que l'enquête a établi que ce même procédé, soit la remise d'un chèque, puis la demande de cette même somme en espèce avec promesse de détruire ce chèque, lequel était tout de même encaissé plusieurs mois après, avait été reproduit au cours de l'année pour une somme de 2 000 euros, que les vérifications réalisées ont permis de constater qu'à partir de 2015, des remboursements ont été effectués en chèque sur le compte de [SV] [H] par [L] [M] pour un total de 9 000 euros, que [SV] [H] faisait également état d'un remboursement de sommes par [Z] [M] à hauteur théoriquement de 5 000 euros en espèces, pour lequel il avait signé un document en ce sens, même s'il avait constaté qu'en réalité il ne lui avait été remis par ce dernier qu'une somme de 500 euros après avoir compté les billets, qu'au jour de sa plainte [SV] [H], comme sa fille, estimait la dette de [L] [M] à 42 000 euros, que les relations téléphoniques entretenues avec les deux hommes permettaient de remarquer l'attitude de [L] [M] qui embrouillait [SV] [H] sur les chèques, qui utilisait des excuses pour éviter ou repousser un remboursement, qu'une interception téléphonique démontrait également qu'une lettre d'avocat avait bien été remise à [SV] [H] qui en lisait des extraits au téléphone, qu'entendue le 18 juillet 2017, [F] [H] a confirmé que son père lui avait dit fin 2016 que [L] [M] lui avait montré une lettre de son avocat attestant être solvable dans le but que celui-ci lui prête de l'argent, qu'elle informait également les enquêteurs que [L] [M] avait cherché à prendre contact avec son père n'étant pas informé du décès de celui-ci afin de le rembourser de la dette de 42 000 euros, qu'une communication téléphonique du 2 août 2015 laissait apparaître que [L] [M] demandait à [SV] [H] de retirer de l'argent pour payer son avocat qui gérer son affaire en précisant qu'il attendait un virement de 440 000 euros ; qu'en se bornant ainsi à retenir que « les allégations mensongères pour se faire remettre des sommes d'argent à plusieurs reprises par [SV] [H], auxquelles se sont ajoutés la promesse de la réception imminente d'une somme de 440 000 euros, la production auprès de ce dernier d'une lettre d'un avocat attestant de sa solvabilité, l'établissement de trois reconnaissances de dette, tous événements étant venus donner force et crédit aux allégations mensongères, pour convaincre [SV] [H] de sa bonne foi et le pousser à remettre encore des sommes d'argent, alors même que les précédents prêts n'étaient pas encore remboursés,
sont constitutives de manoeuvres frauduleuses », sans caractériser l'antériorité des manoeuvres par rapport à chacune des remises de fonds, la cour d'appel a violé les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
44. Il résulte du premier de ces textes que les manoeuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie doivent être déterminantes de la remise et antérieures à celles-ci.
45. Selon le second de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
46. Pour déclarer M. [L] [M] coupable d'escroquerie au préjudice de [SV] [H] commise entre le 1er décembre 2014 et le 17 octobre 2017, l'arrêt attaqué relève que sur la période du 2 février 2003 au 30 juin 2016, cinquante-deux chèques ont été émis par [SV] [H] au profit de M. [L] [M], pour un montant de 118 200 euros, dont 70 000 euros provenant de la vente de tapis, le montant des sommes prêtées s'élevant donc à 48 200 euros.
47. Les juges ajoutent qu'une interception téléphonique, dont ils ne précisent pas la date, démontre également qu'une lettre d'avocat avait bien été remise à [SV] [H], qui en a lu des extraits au téléphone.
48. La cour d'appel conclut que la production auprès de ce dernier d'une lettre d'un avocat attestant de sa solvabilité, l'établissement de trois reconnaissances de dette, événements étant venus donner force et crédit aux allégations mensongères pour convaincre [SV] [H] de sa bonne foi et le pousser à lui remettre encore des sommes d'argent, alors même que les précédents prêts n'étaient pas remboursés, sont constitutives de manoeuvres frauduleuses et caractérisent le délit d'escroquerie en tous ses éléments, l'élément intentionnel se déduisant des manoeuvres mises en place, et de ce que le prévenu a directement tiré un profit financier de ses agissements.
49. En prononçant ainsi, par des motifs ne suffisant pas à caractériser l'antériorité des manoeuvres frauduleuses par rapport à l'ensemble des remises de fonds retenues par les juges pour caractériser les escroqueries dont ils ont déclaré le prévenu coupable, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
50. La cassation est par conséquent encore encourue de ce chef.
Et sur le sixième moyen
Énoncé du moyen
51. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] [M] coupable du délit d'escroquerie commis au préjudice de M. [X] [K] et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 1°/ que les manoeuvres frauduleuses, constitutives de l'escroquerie, doivent être déterminantes de la remise et antérieures à celle-ci ; que, pour déclarer le prévenu coupable d'escroquerie au préjudice de [X] [K], la cour d'appel énonce que quelque jours après avoir acquis des tapis, [L] [M] lui avait demandé un chèque de 6 000 euros pour l'aider disait-il à débloquer des tapis arrivés par bateau et retenus par l'administration des douanes, que [L] [M] lui avait encore sollicité 15 jours plus tard pour un autre chèque de 10 000 euros, lui expliquant qu'un de ses investisseurs lui avait fait faux bond, que dans ces circonstances il lui avait remis un chèque de 5 000 euros, que quelques semaines après, [L] [M] l'avait de nouveau sollicité lui demandant un chèque de 8 000 euros, de nouveau pour débloquer des marchandises, que ces deux chèques avaient été crédités sur le compte de [ST] [I], qu'il indiquait qu'à ce moment-là il existait encore une relation de confiance, que [L] [M] lui promettait des intérêts à hauteur de 20 %, qu'il lui avait également présenté d'autres demandes d'argent, à hauteur de 1 000 ou 2 000 euros, en chèques et en espèces, prétextant qu'il ne pourrait jamais le rembourser s'il ne l'aidait pas préalablement, que [L] [M] lui proposait une sculpture en ivoire de 90 cm en gage de confiance, qu'il ajoutait que les chèques ne devaient pas être encaissés mais l'avait tout de même été, ce qui lui avait occasionné des problèmes financiers, que quelques remboursements étaient intervenus, environ à hauteur de 4 000 euros depuis février 2016 sur un préjudice d'environ 30 000 euros selon [X] [K], qu'il indiquait que [L] [M] avait profité de sa faiblesse lors de son burn out, que lors de l'audience, [X] [K] estimait son préjudice matériel à hauteur de 36 488 euros, qu'à l'époque, [X] [K], ingénieur, était effectivement en arrêt travail, congé de longue durée pour un burn out constaté médicalement du 6 février 2014 au 8 mars 2016 ; qu'en se bornant ainsi à retenir que « les allégations mensongères pour se faire remettre les sommes d'argent à plusieurs reprises par [X] [K], qui plus est en état de faiblesse à l'époque de leur rencontre au regard de ses problèmes de santé ayant justifié un arrêt de travail du 6 février 2014 à mars 2016, auxquelles s'est ajouté la remise d'une statue en ivoire en garantie de gage de confiance, évènement extérieur venu donner force et crédit aux allégations mensongères, pour convaincre [X] [K] de sa bonne foi et le pousser à lui remettre encore des sommes d'argent, alors même que les sommes déjà dues n'étaient pas remboursées, sont constitutives de manoeuvres
frauduleuses », sans caractériser l'antériorité des manoeuvres par rapport à chacune des remises de fonds, la cour d'appel a violé les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que les juges correctionnels ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en retenant, au titre des manoeuvres frauduleuses, « les allégations mensongères [du prévenu] pour se faire remettre des sommes d'argent à plusieurs reprises par [X] [K], qui plus est en état de faiblesse à l'époque de leur rencontre au regard de ses problèmes de santé ayant justifié un arrêt travail du 6 février 2014 à mars 2016, auxquelles s'est ajoutée la remise d'une statue en ivoire en garantie et en gage de confiance », lorsque la prévention visait des allégations mensongères corroborées par « la présentation d'une fausse lettre d'avocat attestant que le mis en cause possédait une grosse somme d'argent bloquée par la justice [ou par l'usage] d'excuses justifiant l'absence des remboursements sur lesquels il s'était engagé », la cour d'appel a excédé sa saisine et méconnu l'article 388 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 313-1 du code pénal, 388 et 593 du code de procédure pénale :
52. Il résulte du premier de ces textes que les manoeuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie doivent être déterminantes de la remise et antérieures à celles-ci.
53. Selon le second de ces textes, les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention.
54. Selon le troisième, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
55. Pour déclarer M. [L] [M] coupable d'escroquerie au préjudice de M. [K], l'arrêt attaqué retient, comme événement extérieur venu donner force et crédit aux allégations mensongères, destiné à convaincre M. [K] de la bonne foi du prévenu, et à le pousser à lui remettre encore des sommes, alors même que celles déjà dues n'étaient pas remboursées, l'état de faiblesse dans lequel se trouvait M. [K] en raison de ses problèmes de santé, ainsi que la remise par le prévenu d'une statue en ivoire en garantie et gage de confiance.
56. En prononçant ainsi, les juges, qui, d'une part, n'ont pas caractérisé l'antériorité des manoeuvres frauduleuses par rapport à l'ensemble des remises de fonds retenues pour caractériser les escroqueries dont ils ont déclaré le prévenu coupable, la date de remise de la statue d'ivoire n'étant pas précisée dans l'arrêt attaqué, d'autre part, ont retenu au titre des manoeuvres frauduleuses des faits non visés par la prévention, qui visait la présentation d'une fausse lettre d'un avocat attestant que le mis en cause possédait une grosse somme d'argent bloquée par la justice, sans constater que le prévenu avait accepté d'être jugé sur ceux-ci, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
57. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ces chefs.
Et sur le septième moyen
Énoncé du moyen
58. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] [M] coupable du délit d'escroquerie commis au préjudice de [O] [J] et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 2°/ que les manoeuvres frauduleuses, constitutives de l'escroquerie, doivent être déterminantes de la remise et antérieures à celle-ci ; que, pour déclarer le prévenu coupable d'escroquerie au préjudice de [O] [J], la cour d'appel énonce que [O] [J] déposait plainte le 10 août 2017 puis était de nouveau entendu le 3 octobre 2017, qu'il déclarait avoir rencontré [L] [M] en 2008 lors d'une vente de tapis, qu'à cette époque il lui avait acheté deux tapis à 4 000 euros chacun puis, [L] [M] avait commencé à le solliciter pour des prêts d'argent, qu'en dix années, [O] [J] déclarait avoir prêté près de 180 000 euros à [L] [M], qu'il ajoutait que [L] [M] lui avait demandé 1 500 euros qu'il ne devait pas encaisser immédiatement, que pour autant il avait encaissé le premier, puis lui avait rendu le second en lui disant qu'il n'en avait plus besoin, qu'il lui indiquait qu'il ne se souvenait pas avoir signé de reconnaissance de dette, qu'il lui donnait les chèques sans ordre, que lui-même notait tout sur des papiers mais qu'il ne retrouvait plus, soupçonnant que [L] [M] les lui avait dérobés lorsqu'il se trouvait dans une autre pièce, qu'il indiquait que sur ces sommes, [L] [M] lui avait remboursé 2 500 euros en quatre fois, qu'il disait lui avoir fait confiance car il connaissait son père qui était honnête et que lui-même « paraissait honnête, il était bien habillé », qu'il déclarait également le 10 août 2017, qu'un ou deux mois avant cette audition, [L] [M] avait appelé une personne au téléphone, dont il lui avait dit qu'il s'agissait d'un avocat très connu de [Localité 2], qu'il lui avait passé la communication avec celui-ci, que cet avocat lui avait dit que le compte de [L] [M] était bien approvisionné et qu'il allait lui envoyer des chèques de 25 000 euros pendant plusieurs mois jusqu'à apurement de la dette, que lors de son audition le 3 octobre 2017, [O] [J] ajoutait que pour lui demander de l'argent [L] [M] invoquait des problèmes douaniers avec une cargaison bloquée d'une valeur de 300 000 euros et lui avait présenté un courrier à l'en-tête de Maître [JW], [Adresse 1] à [Localité 2] confirmant ses affirmations, qu'une conversation téléphoniques au cours de laquelle [O] [J] se montrait impatient pour recevoir restitution des sommes due par [L] [M], corroborait les déclarations de [O] [J] puisque [L] [M] y faisait part de ce que si celui-ci n'était pas encore remboursé c'était juste parce que « le chèque n'était pas encore parti » car une employée du trésor public était en vacances, mais que son avocat lui avait affirmé qu'il aurait cette somme le 12 suivant, ajoutant : « j'ai le papier de l'avocat y a pas de problème », que la cour relève que Maître [JW] est effectivement l'avocat du prévenu et que [L] [M] a reconnu lors de la présente audience avoir fait état auprès de différentes victimes de ces agissements de son avocat pour accréditer ses dires, dont auprès de [O] [J], qu'il a également déclaré lors de la présente audience, avoir fait croire à [O] [J] qu'il s'agissait de son avocat au téléphone, mais qu'en réalité ce n'était pas le cas et qu'il avait faire semblant de transmettre à [O] [J] les propos qui auraient été tenus par son avocat ; qu'en se bornant ainsi à retenir que « les allégations mensongères pour se faire remettre des sommes d'argent à plusieurs reprises par [O] [J], auxquelles se sont ajoutés la promesse de la réception imminente d'une somme de 300 000 euros, la production auprès de ce dernier d'une lettre d'avocat attestant de sa solvabilité, la communication téléphonique avec un tiers ayant été présenté par [L] [M] comme son avocat, lequel a affirmé à [O] [J] que celui-ci était bien solvable, et qu'il allait le rembourser par émission de chèques successifs de 25 000 euros pendant plusieurs mois jusqu'à apurement de sa dette, tous événements étant venus donner force et crédit aux allégations mensongères, pour convaincre [O] [J] de sa bonne foi et le pousser à lui remettre encore des sommes d'argent, alors même que les précédents prêts n'étaient pas remboursés, sont constitutives de manoeuvres frauduleuses », sans caractériser l'antériorité des manoeuvres par rapport à chacune des remises de fonds, la cour d'appel a violé les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
59. Il résulte du premier de ces textes que les manoeuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie doivent être déterminantes de la remise et antérieures à celles-ci.
60. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
61. Pour déclarer M. [L] [M] coupable d'escroquerie au préjudice de [O] [J], l'arrêt attaqué énonce que sur la période de prévention, soit entre le 1er décembre 2014 et le 17 octobre 2017, M. [L] [M] s'est fait remettre une somme de 30 400 euros.
62. Il rappelle que [O] [J] a déclaré que le prévenu avait appelé une personne au téléphone, en lui disant qu'il s'agissait d'un avocat très connu de [Localité 2], qu'il lui avait passé la communication, que cet avocat lui avait dit que le compte de M. [L] [M] était bien approvisionné et qu'il allait lui envoyer des chèques de 25 000 euros pendant plusieurs mois jusqu'à apurement de la dette.
63. Les juges ajoutent que [O] [J] a indiqué que pour lui demander de l'argent, M. [L] [M] a invoqué des problèmes douaniers avec une cargaison bloquée d'une valeur de 300 000 euros, et lui a présenté un courrier à l'entête de M. [JW], avocat, [Adresse 1] à [Localité 2], confirmant ses affirmations.
64. Ils retiennent que cet avocat est effectivement l'avocat du prévenu, lequel a reconnu lors de l'audience avoir fait état auprès de différentes victimes des dires de son avocat pour accréditer les siens, notamment auprès de [O] [J], et avoir fait croire à ce dernier que son avocat était au téléphone, alors que ce n'était pas le cas.
65. La cour d'appel conclut que les allégations mensongères pour se faire remettre des sommes d'argent à plusieurs reprises par [O] [J], auxquelles se sont ajoutées la promesse de la réception imminente d'une somme de 300 000 euros, la production auprès de ce dernier d'une lettre d'un avocat attestant de sa solvabilité, la communication téléphonique avec un tiers ayant été présenté par le prévenu comme étant son avocat, lequel a affirmé à [O] [J] qu'il était bien solvable, et qu'il allait le rembourser par émission de chèques successifs jusqu'à apurement de sa dette, événements étant venus donner force et crédit aux allégations mensongères, pour convaincre [O] [J] de sa bonne foi et le pousser à lui remettre encore des sommes d'argent, alors même que les précédents prêts n'étaient pas remboursés, sont constitutives de manoeuvres frauduleuses.
66. En prononçant ainsi, par des motifs dont il ne ressort pas que les manoeuvres en question étaient antérieures à l'ensemble des remises de sommes consenties par [O] [J], la cour d'appel a insuffisamment justifié sa décision.
67. La cassation est par conséquent encore encourue de ce chef sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief.
Et sur le huitième moyen
Énoncé du moyen
68. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] [M] coupable de tentative d'escroquerie commise au préjudice de M. [Y] [T] et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 1°/ que le commencement d'exécution de l'escroquerie implique que l'auteur ait fait usage de l'un des procédés énoncés à l'article 313-1 du code pénal ; qu'il ne peut donc y avoir de commencement d'exécution en l'état de simples allégations mensongères ; que la cour d'appel énonce que les interceptions téléphoniques intervenues entre juillet et septembre 2015 révélaient l'insistance de [L] [M] qui souhaitait récupérer des sommes d'argent en proposant de laisser en gage une statuette en bronze d'une valeur de 30 000 euros disait-il, qu'il arguait également de sa mère hospitalisée, des impôts qu'il devait payer et du versement imminent d'une somme de 365 000 euros devant lui être réglée précisément le 12 septembre 2015, qu'il allait jusqu'à suggérer à son interlocuteur de solliciter un prêt de 5 000 euros auprès de sa banque, que dans une communication téléphonique du 31 juillet 2015, alors qu'il lui demandait une somme de 6 900 euros en lui faisant miroiter qu'il allait toucher incessamment une somme de 362 000 euros, [L] [M] disait encore à [Y] [T] qu'il allait venir le voir le lendemain pour lui parler et lui montrer la lettre que son avocat lui avait envoyée, qu'alors que son interlocuteur se montrait pour le moins suspicieux, [L] [M] répliquait « j'ai 50 ans, j'ai des cheveux blancs, je raconterai jamais de conneries. C'est pas dans mes habitudes », que le 26 août 2015, [L] [M] lui demandait d'encaisser un chèque de 1 000 euros et de lui remettre en contrepartie en espèces une somme de 800 euros, conservant pour lui une commission de 200 euros, que le lendemain, [Y] [T] ne cédait pas à une nouvelle demande d'argent, ce qui énervait fortement [L] [M] lequel cherchait alors de nouveau prétexte pour se faire remettre cette somme dans les termes suivant « faites-moi confiance un dernier coup bon sens pour 2 000 euros de merde, je m'en fous 2 000 euros, je vous en dois 70 000 », qu'à l'appui de ses dires [Y] [T] justifiait d'une dernière reconnaissance de dette en date du 18 mai 2013 faisant état d'une somme due par [L] [M] de 69 000 euros, somme à rapprocher des propos de [L] [M] du 26 août 2015 à l'occasion desquels celui-ci déclarait à [Y] [T] qu'il lui devait 70 000 euros, qu'il n'est pas établi dans la procédure la remise de sommes à [L] [M] par [Y] [T] sur la période de la prévention allant du 1er décembre 2014 au 17 octobre 2017, qu'en revanche il est établi que [L] [M] a tenté de se faire remettre, mais en vain du fait de la résistance de [Y] [T], encore les sommes de 6 900 euros le 31 juillet 2015 et de 2 000 euros le 26 août 2015 ; qu'en se bornant ainsi à faire état des différents mensonges du prévenu, sans constater l'existence d'éléments extérieurs destinés à donner force et crédit à ces allégations mensongères, la cour d'appel a violé les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en retenant tout à la fois qu'entre juillet et septembre 2015 le prévenu avait sollicité d'autres sommes d'argent en proposant de laisser en gage une statuette en bronze et en proposant d'aller voir la victime pour lui parler et lui montrer la lettre que son avocat lui avait envoyée et que le prévenu avait, pendant cette même période, sollicité d'autres sommes d'argent en remettant en gage ladite statuette et produisant auprès de la victime ladite lettre d'avocat, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires quant au point de savoir si le prévenu avait remis cette statuette et produit cette lettre ou s'il avait seulement proposé de remettre et de produire ces éléments et a ainsi violé l'article 593 du code de procédure pénale »
Réponse de la Cour
Vu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
69. Il résulte du premier de ces textes que les manoeuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie doivent être déterminantes de la remise et antérieures à celles-ci.
70. Selon le second de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
71. Pour déclarer M. [L] [M] coupable d'escroquerie au préjudice de M. [T], l'arrêt attaqué retient, comme événements extérieurs venus donner force et crédit aux allégations mensongères, pour convaincre celui-ci de sa bonne foi et le pousser à lui remettre encore des sommes d'argent, alors même que les sommes déjà dues sur des périodes antérieures n'étaient pas remboursées, la production auprès de ce dernier d'une lettre d'un avocat pour le rassurer sur sa solvabilité, et la remise en gage d'une statuette en bronze d'une valeur annoncée de 30 000 euros.
72. En prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a constaté par ailleurs que le prévenu avait proposé à M. [T] de venir le voir le lendemain pour lui montrer la lettre de son avocat, et avait proposé lors de conversations téléphoniques de laisser en gage une statuette en bronze, faits constituant de simples promesses, n'a pas justifié sa décision.
73. La cassation est par conséquent encore encourue de ce chef.
Et sur les onzième et douzième moyens, pris en leur première branche
Énoncé des moyens
74. Le onzième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré coupable M. [U] de blanchiment des délits d'escroquerie, de travail dissimulé et d'abus de faiblesse, alors :
« 1°/ que les juges correctionnels ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en retenant, pour déclarer le prévenu coupable de blanchiment, que ce dernier a reconnu qu'il aidait son beau-père à dissimuler les revenus issus de son activité de vente de tapis en encaissant sur son propre compte des chèques que [L] [M] lui remettait et qui provenaient selon lui de la vente de tapis et que l'enquête a établi que ce dernier avait déposé sur ses différents comptes bancaires ou ceux des membres de sa famille une somme totale de 217 230,26 euros, utilisée ensuite, pour répondre aux besoins au quotidien, mais aussi pour procéder à l'achat de véhicules et de caravane, lorsque monsieur [B] [U] était poursuivi pour avoir « facilité par tout moyen la justification mensongère de l'origine de ses biens ou des revenus notamment des véhicules et sommes d'argent en tant qu'auteur de délits d'escroquerie et de travail dissimulé », la cour d'appel a violé l'article 388 du code de procédure pénale. »
75. Le douzième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré coupable M. [Z] [M] de blanchiment des délits d'escroquerie, de travail dissimulé et d'abus de faiblesse, alors :
« 1°/ que les juges correctionnels ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en retenant, pour déclarer le prévenu coupable de blanchiment, que ce dernier a reconnu endosser et encaisser des chèques que son père, [L] [M], lui remettait dans le cadre de son activité de vente de tapis ou d'entretien des maisons pour les déposer sur les deux comptes bancaires de sa compagne, qu'il lui arrivait de remplir l'ordre des chèques en les mettant au nom de sa compagne, puis qu'il retirait des sommes en espèces qu'il remettait à son père pour partie, ou bien s'en servait pour acheter une caravane ou une voiture, lorsque monsieur [Z] [M] était poursuivi pour avoir « facilité par tout moyen la justification mensongère de l'origine de ses biens ou revenus notamment des véhicules et sommes d'argent en tant qu'auteur de délits d'escroquerie et de travail dissimulé », la cour d'appel a violé l'article 388 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
76. Les moyens sont réunis.
Vu l'article 388 du code de procédure pénale :
77. Selon ce texte, les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention.
78. Pour déclarer MM. [U] et [Z] [M] coupables de blanchiment des délits d'escroquerie, travail dissimulé et abus de faiblesse, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que M. [U] a reconnu encaisser sur son propre compte des chèques que M. [L] [M] lui remettait et qui provenaient selon lui de la vente de tapis, ajoutant qu'ensuite il retirait tout ou partie de ces sommes en numéraire pour les reverser à ce dernier, lequel lui remettait alors une somme variant entre 200 et 500 euros, le prévenu ayant reconnu qu'il aidait ainsi son beau-père à dissimuler les revenus issus de son activité de vente de tapis.
79. Il énonce encore que M. [Z] [M] a reconnu avoir endossé et encaissé des chèques que son père, M. [L] [M], lui remettait dans le cadre de son activité de vente de tapis ou d'entretien des maisons pour les déposer sur les deux comptes bancaires de sa compagne, qu'il lui arrivait de remplir l'ordre des chèques en les mettant au nom de sa compagne, puis qu'il retirait des sommes en espèces et les remettait à son père pour partie, ou bien s'en servait pour acheter une caravane ou une voiture.
80. En prononçant ainsi, alors que chacun des deux prévenus était poursuivi pour avoir facilité par tout moyen la justification mensongère de l'origine de ses biens ou revenus en tant qu'auteur de délits d'escroqueries et de travail dissimulé, et non des revenus d'une autre personne, la cour d'appel a méconnu le texte et le principe susvisés.
81. D'où il suit que la cassation est encore encourue.
Et sur le quinzième moyen
Énoncé du moyen
82. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné MM. [L] [M], [U] et [Z] [M] solidairement à payer à MM. [JT], [G], Mme [F] [H], MM. [E] [H], [A] [S] [V], [K], et à Mme [AN] et MM. [CA] et [JU] [J], respectivement les sommes de 30 000 euros, 58 500 euros, 18 666,66 euros, 9 333,33 euros, 50 000 euros, 24 488 euros
et 22 900 euros au titre de leur préjudice matériel, alors « que seul un préjudice qui trouve sa source dans l'infraction peut servir de base à l'action civile devant la juridiction répressive ; qu'en indemnisant les parties civiles pour chacune des remises lorsqu'elle n'avait caractérisé l'existence de manoeuvres frauduleuses que pour certaines d'entre elles, la cour d'appel a indemnisé des préjudices qui ne trouvaient pas leur source dans l'infraction et a ainsi violé l'article 2 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen en ce qu'il concerne M. [L] [M]
83. Le moyen est sans objet s'agissant des dommages-intérêts alloués à MM. [JT], [G], Mme [H], MM. [E] [H], venant aux droits de [SV] [H], [K], et à Mme [AN] et MM. [CA] et [JU] [J], venant aux droits de [O] [J], en raison des cassations prononcées sur les deuxième à quatrième moyens, sixième et septième moyens, qui entraînent la cassation sur les dispositions civiles de l'arrêt.
84. L'arrêt attaqué a alloué des dommages-intérêts à M. [S] [V] après avoir, pour déclarer M. [L] [M] coupable d'escroquerie, retenu au titre des manoeuvres frauduleuses la reprise de cinq tapis appartenant à M. [S] [V] contre la promesse de la remise d'une somme d'argent due par un tiers, la production auprès de la partie civile d'une lettre d'un avocat mentionnant un litige et la réception imminente d'une somme de 400 000 euros.
85. En prononçant ainsi, les juges ont justifié leur décision dès lors qu'il résulte de leurs énonciations que la reprise des cinq tapis, retenue comme manoeuvre frauduleuse, a précédé la première remise de fonds.
Sur le moyen en ce qu'il concerne MM. [Z] [M] et [U]
Vu l'article 2 du code de procédure pénale :
86. Il résulte de ce texte que l'action civile n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction.
87. La cassation des dispositions de l'arrêt attaqué relatives à la déclaration de culpabilité de MM. [Z] [M] et [U] du chef de blanchiment entraîne par voie de conséquence celle des dispositions civiles de l'arrêt les concernant.
Portée et conséquences de la cassation
88. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la culpabilité de M. [L] [M] pour les infractions reprochées au préjudice de Mme [P], MM. [JT], [G], [H], [K], [T], et de [O] [J], les dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de MM. [Z] [M] et [U] du chef de blanchiment, la condamnation sur l'action civile de MM. [L] [M], [Z] [M] et [U] à l'égard de Mme [P], MM. [JT], [G], [K], [T], des consorts [H] et des consorts [J], et de M. [S] [V], ainsi qu'aux peines prononcées contre les trois prévenus. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le seizième moyen, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes en date du 29 septembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la culpabilité de M. [L] [M] pour les infractions reprochées au préjudice de Mme [P], de MM. [JT], [G], [H], [K], [T], et de [O] [J], les dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de MM. [Z] [M] et [U] du chef de blanchiment, la condamnation sur l'action civile de MM. [L] [M], [Z] [M] et [U] à l'égard de Mme [P], MM. [JT], [G], [K], [T], des consorts [H] et des consorts [J], et de M. [S] [V], ainsi qu'aux peines prononcées contre les trois prévenus, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.