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Décisions

Cass. crim., 25 octobre 2023, n° 22-86.731

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. BONNAL

Aix-en-Provence, du 8 nov. 2022

8 novembre 2022

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [R] [V] a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef d'escroquerie. Selon lui, un bien immobilier lui appartenant par l'intermédiaire de la société Riviera invest immo aurait été vendu à son insu le 14 février 2013. Cette vente aurait été réalisée par une personne se présentant comme l'associé unique de la société et l'escroquerie aurait été permise par l'utilisation d'un faux procès-verbal d'assemblée générale de la société en date du 3 juillet 2012 par lequel cet associé unique autorisait la vente.

3. Par ordonnance du 29 octobre 2021, le juge d'instruction a rejeté une demande d'acte de M. [V] tendant à la mise en examen du notaire ayant réalisé la vente litigieuse et, à défaut, à ce qu'il soit procédé à l'audition de ce notaire, à la saisie du dossier notarial et du dossier judiciaire relatifs à cette vente et à la saisie d'actes au service de la publicité foncière et à la conservation des hypothèques.

4. Par ordonnance du 24 mars 2022, le juge d'instruction a conclu au non-lieu en l'absence de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les faits d'escroquerie.

5. M. [V] a relevé appel de ces décisions.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens

6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de non-lieu entreprise du chef de faux en écriture publique, alors :

« 1°/ que la fabrication d'un document, forgé pour servir de preuve, constitue un faux matériel susceptible de porter préjudice à un tiers, même si ce document est conforme à l'original ; qu'en l'espèce, M. [V] faisait valoir que le procès-verbal d'assemblée générale du 3 juillet 2012 annexé à l'acte authentique de vente de la bastide était un faux en ce qu'il avait été établi postérieurement à cette vente et que plusieurs de ses mentions étaient inexactes ; que dès lors, en énonçant pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise du chef de faux, qu'aucun élément ne permet de soutenir que ce document contiendrait une altération de la vérité puisque ses informations substantielles sont les mêmes que celles contenues dans le procès-verbal original figurant en cote D37, quand cette circonstance était indifférente en présence d'un faux matériel, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 176, 184, 211, 212, 593 du code de procédure pénale, 441-1 et 441-4 du Code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 441-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

8. Il résulte du premier de ces textes que la fabrication d'un document, forgé pour établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, constitue un faux matériel susceptible de porter préjudice à un tiers même si ce document est conforme à l'original.

9. Il résulte du second que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

10. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt attaqué énonce que, s'agissant du procès-verbal d'assemblée générale du 3 juillet 2012 argué de faux figurant en côte D 38, qui a été annexé à l'acte authentique de vente, il convient de relever que les informations substantielles contenues dans ce document sont similaires à celles contenues dans le document figurant en côte D 37, soit le procès-verbal de cette même assemblée générale sous la forme d'une impression sur internet.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le procès-verbal d'assemblée générale du 3 juillet 2012 figurant en côte D 38 constitue un faux matériel susceptible de porter préjudice à un tiers, alors qu'il ressort des motifs de la décision et qu'il était soutenu que ce procès-verbal avait été rédigé et signé après la vente du bien litigieux, soit après le 14 février 2013, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.

12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation sera limitée à la confirmation de l'ordonnance de non-lieu, dès lors que la confirmation de l'ordonnance de refus d'acte du 29 octobre 2021 n'encourt pas la censure.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 8 novembre 2022, mais en ses seules dispositions ayant confirmé l'ordonnance de non-lieu en date du 24 mars 2022, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.