Décisions
CA Colmar, ch. 2 a, 4 juillet 2024, n° 21/03244
COLMAR
Arrêt
Autre
MINUTE N° 270/2024
Copie exécutoire
aux avocats
Le 4 juillet 2024
La greffière,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 4 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03244 -
N° Portalis DBVW-V-B7F-HUFT
Décision déférée à la cour : 19 février 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse
APPELANT :
Monsieur [G] [S]
demeurant [Adresse 1] à [Localité 2]
représenté par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, Avocat à la cour
INTIMÉE :
La S.A.S. CTBG ENERGY PERFORMANCE prise en la personne de son représentant légal.
ayant siège [Adresse 3]
représentée par Me Pégah HOSSEINI SARADJEH, Avocat à la cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 1er Février 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre
Madame Myriam DENORT, Conseillère
Madame Nathalie HERY, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE
ARRÊT contradictoire
- prononcé publiquement, après prorogation le 6 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte introductif d'instance du 26 novembre 2020, signifié le 21 décembre 2020 à la société CTBG Energy Performance, M. [G] [S] a saisi le tribunal judiciaire de Mulhouse d'une action en responsabilité contre cette dernière.
Il exposa qu'elle avait réalisé des travaux d'isolation thermique et phonique à son domicile dans le cadre de l'opération à un euro, sans signature du moindre contrat. Une isolation au sol avait été effectuée dans son grenier, alors qu'il souhaitait une isolation des rampants. De plus, les travaux n'avaient pas été terminés et ils présentaient des risques d'incendie. La société CTBG Energy Performance était intervenue à son domicile en son absence et toute l'isolation était à refaire, la remise en état des lieux représentant un coût de 10 963,30 euros. Il précisait n'avoir rien réglé.
Par jugement réputé contradictoire du 19 février 2021, le tribunal a rejeté les demandes d'indemnisation de M. [S] pour son préjudice matériel et pour son préjudice moral. Il l'a condamné aux dépens et a rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Rappelant que le contrat d'entreprise est un contrat consensuel, que M. [S] précisait avoir donné un accord verbal aux travaux et avoir laissé la société CTBG Energy Performance intervenir à son domicile, le tribunal a considéré qu'il existait bien un contrat liant les parties, observant qu'un procès-verbal de constat d'huissier de justice produit par le demandeur évoquait la signature d'un devis du 14 novembre 2019, qui n'était pas produit.
Le premier juge a rejeté les demandes de M. [S], au motif que ce dernier était défaillant dans l'administration de la preuve des manquements contractuels invoqués à l'encontre de la société CTBG Energy Performance.
Il a considéré que M. [S] ne démontrait pas que l'isolation dans les combles aurait dû être réalisée en sous-toit et non au sol et qu'une isolation aurait dû être mise en place dans la buanderie, ne rapportant pas la preuve des obligations qu'il invoquait à l'encontre de la société CTBG Energy Performance à ce titre. Il n'établissait pas non plus que les travaux effectués par la défenderesse n'étaient pas conformes aux règles de l'art et entraînaient un risque d'incendie, ne produisant aucune pièce sur ce point.
M. [S] a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 15 juillet 2021.
Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 27 janvier 2022, il a sollicité l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il avait rejeté sa demande d'indemnisation pour préjudice matériel et moral et l'avait condamné aux dépens, et il a notamment demandé que la cour, statuant à nouveau, ordonne avant dire droit une expertise judiciaire portant sur les travaux réalisés par la société CTBG Energy Performance.
Bien que régulièrement assignée par acte déposé à l'étude de l'huissier de justice le 28 octobre 2021, la société CTBG Energy Performance n'a pas constitué avocat à ce stade de la procédure d'appel.
Par un arrêt avant dire droit rendu par défaut le 7 octobre 2022, la cour a ordonné une expertise confiée à M. [Y], expert judiciaire, afin notamment de dire, après les avoir examinés, si les travaux d'isolation réalisés par la société CTBG Energy Performance étaient conformes aux normes applicables et aux règles de l'art et s'ils étaient adaptés à la spécificité des lieux, ou s'il existait des malfaçons, mais aussi, s'il y avait lieu, de décrire les désordres et préciser leur(s) cause(s) et imputabilité éventuelle(s) et évaluer le coût de leurs réparations et les différents préjudices susceptibles de résulter des éventuelles malfaçons constatées.
L'expert a déposé son rapport le 22 mars 2023.
Concernant l'isolation des combles, il a conclu que celle-ci ne correspondait pas à la demande de M. [S] mais qu'une isolation sous rampant, dans cette configuration, ne lui aurait pas permis d'obtenir les aides CEE.
Par ailleurs, il a relevé que l'isolation avait été posée de manière discontinue, ce qui entraînait des ponts thermiques, et qu'aucune isolation n'avait été posée autour de la trappe d'accès aux combles, ce qui entraînait d'importantes déperditions. De même, la trappe n'avait pas non plus été isolée.
Par ailleurs les distances de sécurité autour des deux conduits de fumée n'avaient pas été respectées, ce qui entraînait un danger grave et imminent d'incendie. Il a vivement conseillé la mise en place d'un coffrage autour des deux conduits.
Concernant l'isolation en sous face de plancher, l'expert a relevé qu'elle avait été mise en place sur seulement 50 % de la surface du plancher, alors que la facture prenait en compte la totalité de cette surface. De plus, elle avait été collée au plafond, alors que la réglementation imposait une fixation mécanique. De nombreuses discontinuités d'isolation engendraient aussi d'importants ponts thermiques au travers de la dalle. Enfin, les distances insuffisantes entre les lampes et l'isolant combustible représentaient un danger grave et imminent d'incendie.
L'expert a considéré que la société CTBG Energy Performance était seule responsable de ces désordres, soulignant que l'absence de visite préalable, pourtant obligatoire et mentionnée sur le devis et la facture, était probablement le point de départ du litige, tout en observant que cette société avait commis de nombreuses erreurs de mise en 'uvre.
L'expert a chiffré la reprise des désordres à 1 600 euros pour l'isolation des combles et à 9 914 euros hors-taxes pour l'isolation en sous face de plancher.
L'appelant a fait signifier ses dernières conclusions récapitulatives à l'intimée par acte d'huissier qui a été remis le 3 août 2023 à une personne habilitée à la représenter.
L'intimée a constitué avocat le 25 septembre 2023, postérieurement au dépôt du rapport d'expertise judiciaire.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 3 octobre 2023.
* MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 13 juin 2023, M. [S] demande à être déclaré recevable et fondé en son appel, et que la cour, y faisant droit, infirme le jugement déféré et :
- déclare la société CTBG Energy Performance responsable des non-conformités et des malfaçons affectant les travaux réalisés,
En conséquence,
- condamne la société CTBG Energy Performance :
* à lui payer la somme de 17 626,40 euros,
* à lui payer la somme de 5 000 euros pour préjudice moral,
- condamne la société CTBG Energy Performance aux entiers dépens des deux instances, y compris les frais d'expertise, et à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [S] expose avoir contacté la société CTBG Energy Performance suite à des publicités diffusées sur Internet, relatives à des offres d'isolation à un euro, dispositif selon lequel le coût de l'isolation, sous déduction d'un euro à la charge du client, est financé par l'État.
Il souligne que la société CTBG Energy Performance est intervenue une journée à son domicile, en son absence, sans plus aucun contact et sans répondre à ses relances téléphoniques, à la mise en demeure de son conseil et à l'assignation devant le tribunal.
Il indique ne disposer d'aucun contrat, ayant cependant retrouvé un devis établi le 14 novembre 2019 pour un montant de 3 895 euros moyennant une prime CEE EDF de 3 894 euros, devis non signé et ne mentionnant ni les conditions générales de vente, ni l'abandon du droit de rétractation.
Or, il dénonce des travaux non conformes présentant un risque pour la sécurité du logement, dont la société CTBG Energy Performance est seule responsable, ce qu'elle aurait reconnu par un courrier du 9 décembre 2020, faisant cependant état d'une proposition d'intervention refusée, ce qu'il conteste.
L'appelant se réfère aux conclusions de l'expert relatives aux importantes non-conformités aux règles de l'art, dans la mise en 'uvre des travaux d'isolation par l'intimée.
Il précise cependant, s'agissant du montant de sa demande, qu'il a fait établir un devis actualisé dans la mesure où, si l'expert a prévu une reprise partielle de l'isolation des combles sur la base des travaux réalisés, reprises effectuées par la société CTBG Energy Performance, il indique ne plus avoir confiance en elle et vouloir faire intervenir une autre société, ajoutant qu'une reprise totale étant nécessaire, aucune entreprise n'était susceptible de reprendre à son compte et donc d'accepter les travaux de l'intimée.
Par ailleurs, M. [S] invoque un important préjudice moral, au motif qu'il vit dans cette maison considérée comme dangereuse avec sa femme et ses deux jeunes enfants.
* Pour l'exposé complet des prétentions et moyens du demandeur, la cour se réfère à ses conclusions notifiées et transmises à la date susvisée.
MOTIFS
I - Sur la demande de M. [S]
Le rapport d'expertise judiciaire, dont les conclusions ont été rappelées plus haut, confirme très largement les premiers éléments produits par l'appelant, relatifs aux désordres affectant les travaux d'isolation réalisés par la société CTBG Energy Performance à son domicile.
En effet, il en résulte que, concernant l'isolation des combles, si une isolation sous rampants, correspondant à la demande de M. [S] n'aurait pas permis d'obtenir les aides CEE, contrairement à l'isolation au sol choisie à bon escient par la société CTBG Energy Performance, cette isolation a été posée de façon discontinue, cette opération ayant été terminée par la pose de chutes d'isolant, les unes à côté des autres, mais non jointives, ce qui entraîne des ponts thermiques. De plus, cette isolation n'a été que partielle, n'ayant pas été posée sur la trappe d'accès aux combles et autour d'elle, ce qui entraîne d'importantes déperditions, outre que la surface facturée (mais non réglée par le maître de l'ouvrage) est supérieure de 20 % à la surface réellement isolée.
Par ailleurs, ces travaux d'isolation des combles entraînent un danger grave et imminent d'incendie, du fait du non-respect des distances de sécurité autour des deux conduits de fumée.
Concernant l'isolation en sous face de plancher, qui n'a été que partielle, malgré la facturation correspondant au double de la surface réellement objet des travaux, il résulte du rapport d'expertise que cette isolation n'est pas conforme à la réglementation, dans la mesure où elle a été collée et non pas fixée mécaniquement au plafond. De plus, elle comporte de nombreuses discontinuités, à l'origine là aussi d'importants ponts thermiques au travers de la dalle, alors que des travaux préalables de déplacement de certaines tuyauteries et de certains câbles auraient permis sa continuité.
Par ailleurs, là aussi, ces travaux d'isolation entraînent un danger grave et imminent d'incendie, en raison de distances insuffisantes entre les lampes et l'isolant combustible.
Il résulte de ces constatations de l'expert que la responsabilité de la société CTBG Energy Performance, s'agissant de ces désordres, est pleinement établie et qu'elle est exclusive, du fait de tous les manquements de sa part à la réglementation, mais aussi aux règles de l'art dont relèvent ces désordres, étant observé au surplus que l'absence de visite préalable, pourtant obligatoire et faussement mentionnée sur le devis et la facture, ne lui a pas permis de prendre en compte les surfaces réelles à isoler, d'entendre les demandes de M. [S] et d'établir avec lui un dialogue sur ce point.
Il résulte donc des éléments qui précèdent que l'obligation de la société CTBG Energy Performance de réparer l'ensemble des préjudices résultant pour l'appelant de ses manquements et des désordres qu'ils ont causés, est entière. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation présentées par M. [S].
S'agissant du préjudice matériel de l'appelant, concernant l'isolation en sous face de plancher, l'expert préconise la dépose complète de l'isolation posée par l'intimée, avec sa mise en déchetterie et mise en place d'une isolation identique dans le garage, la chaufferie, le local de la cuve à fioul et la salle de jeux. Il y a donc lieu de prendre en compte les frais de réfection totale de cette isolation.
Concernant l'isolation des combles, l'expert a chiffré à 1 200 euros le coût de la réparation des désordres, consistant selon lui à mettre en place des coffrages autour des conduits de fumée, et à remplacer les morceaux d'isolant au sol par une isolation continue, incluant la trappe d'accès aux combles. Cependant, au vu du caractère discontinu de cette isolation posée par la société CTBG Energy Performance dans les combles, et de l'utilisation de chutes d'isolant, l'une à côté de l'autre, mais non jointives, entraînant des ponts thermiques, il n'apparaît pas envisageable qu'un autre entrepreneur puisse accepter de tels travaux, avant de les achever par la pose d'isolant sur la trappe et autour de celle-ci.
C'est pourquoi, manifestement, la réfection totale de l'isolation des combles s'impose également et il y a lieu de prendre en compte les frais y afférents.
Il en résulte que sera pris en compte le montant total du devis produit par M. [S] durant l'expertise judiciaire, soit 16 024 euros HT, ce qui représente 17 626,40 euros TTC, montant au paiement duquel la société CTBG Energy Performance sera condamnée, au titre de la réparation du préjudice matériel de l'appelant.
Les manquements de l'intimée ont également causé à M. [S] un préjudice moral, dans la mesure où, depuis leur réalisation, ses travaux l'ont exposé, ainsi que sa famille, à un danger continu, lié au risque « grave et imminent d'incendie », tant dans les combles qu'au sous-sol, étant observé qu'il n'est pas contesté que l'appelant est père de deux jeunes enfants. L'angoisse ainsi créée, de même que toutes les tracasseries liées à la nécessité d'une procédure judiciaire contre la société CTBG Energy Performance, justifient l'évaluation de son préjudice moral au montant de 2 500 euros, que l'intimée sera condamnée à lui régler.
II - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions principales, il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.
Dans la mesure où il est fait droit pour l'essentiel aux demandes de M. [S], la société CTBG Energy Performance assumera les dépens de première instance et d'appel et lui réglera, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme totale de 3 000 euros au titre des frais exclus des dépens engagés par ce dernier en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement rendu entre les parties le 19 février 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse,
Statuant à nouveau et ajoutant au dit jugement,
CONDAMNE la SAS CTBG Energy Performance à régler à M. [G] [S] :
- la somme de 17 626,40 euros (dix-sept mille six cent vingt-six euros et quarante centimes) en réparation de son préjudice matériel,
- la somme de 2 500,00 euros (deux mille cinq cents euros) en réparation de son préjudice moral,
CONDAMNE la SAS CTBG Energy Performance aux dépens de première instance et d'appel,
CONDAMNE la SAS CTBG Energy Performance à payer à M. [G] [S] la somme de 3 000,00 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens engagés par ce dernier en première instance et en appel.
La greffière, La présidente,
Copie exécutoire
aux avocats
Le 4 juillet 2024
La greffière,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 4 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03244 -
N° Portalis DBVW-V-B7F-HUFT
Décision déférée à la cour : 19 février 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse
APPELANT :
Monsieur [G] [S]
demeurant [Adresse 1] à [Localité 2]
représenté par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, Avocat à la cour
INTIMÉE :
La S.A.S. CTBG ENERGY PERFORMANCE prise en la personne de son représentant légal.
ayant siège [Adresse 3]
représentée par Me Pégah HOSSEINI SARADJEH, Avocat à la cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 1er Février 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre
Madame Myriam DENORT, Conseillère
Madame Nathalie HERY, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE
ARRÊT contradictoire
- prononcé publiquement, après prorogation le 6 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte introductif d'instance du 26 novembre 2020, signifié le 21 décembre 2020 à la société CTBG Energy Performance, M. [G] [S] a saisi le tribunal judiciaire de Mulhouse d'une action en responsabilité contre cette dernière.
Il exposa qu'elle avait réalisé des travaux d'isolation thermique et phonique à son domicile dans le cadre de l'opération à un euro, sans signature du moindre contrat. Une isolation au sol avait été effectuée dans son grenier, alors qu'il souhaitait une isolation des rampants. De plus, les travaux n'avaient pas été terminés et ils présentaient des risques d'incendie. La société CTBG Energy Performance était intervenue à son domicile en son absence et toute l'isolation était à refaire, la remise en état des lieux représentant un coût de 10 963,30 euros. Il précisait n'avoir rien réglé.
Par jugement réputé contradictoire du 19 février 2021, le tribunal a rejeté les demandes d'indemnisation de M. [S] pour son préjudice matériel et pour son préjudice moral. Il l'a condamné aux dépens et a rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Rappelant que le contrat d'entreprise est un contrat consensuel, que M. [S] précisait avoir donné un accord verbal aux travaux et avoir laissé la société CTBG Energy Performance intervenir à son domicile, le tribunal a considéré qu'il existait bien un contrat liant les parties, observant qu'un procès-verbal de constat d'huissier de justice produit par le demandeur évoquait la signature d'un devis du 14 novembre 2019, qui n'était pas produit.
Le premier juge a rejeté les demandes de M. [S], au motif que ce dernier était défaillant dans l'administration de la preuve des manquements contractuels invoqués à l'encontre de la société CTBG Energy Performance.
Il a considéré que M. [S] ne démontrait pas que l'isolation dans les combles aurait dû être réalisée en sous-toit et non au sol et qu'une isolation aurait dû être mise en place dans la buanderie, ne rapportant pas la preuve des obligations qu'il invoquait à l'encontre de la société CTBG Energy Performance à ce titre. Il n'établissait pas non plus que les travaux effectués par la défenderesse n'étaient pas conformes aux règles de l'art et entraînaient un risque d'incendie, ne produisant aucune pièce sur ce point.
M. [S] a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 15 juillet 2021.
Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 27 janvier 2022, il a sollicité l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il avait rejeté sa demande d'indemnisation pour préjudice matériel et moral et l'avait condamné aux dépens, et il a notamment demandé que la cour, statuant à nouveau, ordonne avant dire droit une expertise judiciaire portant sur les travaux réalisés par la société CTBG Energy Performance.
Bien que régulièrement assignée par acte déposé à l'étude de l'huissier de justice le 28 octobre 2021, la société CTBG Energy Performance n'a pas constitué avocat à ce stade de la procédure d'appel.
Par un arrêt avant dire droit rendu par défaut le 7 octobre 2022, la cour a ordonné une expertise confiée à M. [Y], expert judiciaire, afin notamment de dire, après les avoir examinés, si les travaux d'isolation réalisés par la société CTBG Energy Performance étaient conformes aux normes applicables et aux règles de l'art et s'ils étaient adaptés à la spécificité des lieux, ou s'il existait des malfaçons, mais aussi, s'il y avait lieu, de décrire les désordres et préciser leur(s) cause(s) et imputabilité éventuelle(s) et évaluer le coût de leurs réparations et les différents préjudices susceptibles de résulter des éventuelles malfaçons constatées.
L'expert a déposé son rapport le 22 mars 2023.
Concernant l'isolation des combles, il a conclu que celle-ci ne correspondait pas à la demande de M. [S] mais qu'une isolation sous rampant, dans cette configuration, ne lui aurait pas permis d'obtenir les aides CEE.
Par ailleurs, il a relevé que l'isolation avait été posée de manière discontinue, ce qui entraînait des ponts thermiques, et qu'aucune isolation n'avait été posée autour de la trappe d'accès aux combles, ce qui entraînait d'importantes déperditions. De même, la trappe n'avait pas non plus été isolée.
Par ailleurs les distances de sécurité autour des deux conduits de fumée n'avaient pas été respectées, ce qui entraînait un danger grave et imminent d'incendie. Il a vivement conseillé la mise en place d'un coffrage autour des deux conduits.
Concernant l'isolation en sous face de plancher, l'expert a relevé qu'elle avait été mise en place sur seulement 50 % de la surface du plancher, alors que la facture prenait en compte la totalité de cette surface. De plus, elle avait été collée au plafond, alors que la réglementation imposait une fixation mécanique. De nombreuses discontinuités d'isolation engendraient aussi d'importants ponts thermiques au travers de la dalle. Enfin, les distances insuffisantes entre les lampes et l'isolant combustible représentaient un danger grave et imminent d'incendie.
L'expert a considéré que la société CTBG Energy Performance était seule responsable de ces désordres, soulignant que l'absence de visite préalable, pourtant obligatoire et mentionnée sur le devis et la facture, était probablement le point de départ du litige, tout en observant que cette société avait commis de nombreuses erreurs de mise en 'uvre.
L'expert a chiffré la reprise des désordres à 1 600 euros pour l'isolation des combles et à 9 914 euros hors-taxes pour l'isolation en sous face de plancher.
L'appelant a fait signifier ses dernières conclusions récapitulatives à l'intimée par acte d'huissier qui a été remis le 3 août 2023 à une personne habilitée à la représenter.
L'intimée a constitué avocat le 25 septembre 2023, postérieurement au dépôt du rapport d'expertise judiciaire.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 3 octobre 2023.
* MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 13 juin 2023, M. [S] demande à être déclaré recevable et fondé en son appel, et que la cour, y faisant droit, infirme le jugement déféré et :
- déclare la société CTBG Energy Performance responsable des non-conformités et des malfaçons affectant les travaux réalisés,
En conséquence,
- condamne la société CTBG Energy Performance :
* à lui payer la somme de 17 626,40 euros,
* à lui payer la somme de 5 000 euros pour préjudice moral,
- condamne la société CTBG Energy Performance aux entiers dépens des deux instances, y compris les frais d'expertise, et à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [S] expose avoir contacté la société CTBG Energy Performance suite à des publicités diffusées sur Internet, relatives à des offres d'isolation à un euro, dispositif selon lequel le coût de l'isolation, sous déduction d'un euro à la charge du client, est financé par l'État.
Il souligne que la société CTBG Energy Performance est intervenue une journée à son domicile, en son absence, sans plus aucun contact et sans répondre à ses relances téléphoniques, à la mise en demeure de son conseil et à l'assignation devant le tribunal.
Il indique ne disposer d'aucun contrat, ayant cependant retrouvé un devis établi le 14 novembre 2019 pour un montant de 3 895 euros moyennant une prime CEE EDF de 3 894 euros, devis non signé et ne mentionnant ni les conditions générales de vente, ni l'abandon du droit de rétractation.
Or, il dénonce des travaux non conformes présentant un risque pour la sécurité du logement, dont la société CTBG Energy Performance est seule responsable, ce qu'elle aurait reconnu par un courrier du 9 décembre 2020, faisant cependant état d'une proposition d'intervention refusée, ce qu'il conteste.
L'appelant se réfère aux conclusions de l'expert relatives aux importantes non-conformités aux règles de l'art, dans la mise en 'uvre des travaux d'isolation par l'intimée.
Il précise cependant, s'agissant du montant de sa demande, qu'il a fait établir un devis actualisé dans la mesure où, si l'expert a prévu une reprise partielle de l'isolation des combles sur la base des travaux réalisés, reprises effectuées par la société CTBG Energy Performance, il indique ne plus avoir confiance en elle et vouloir faire intervenir une autre société, ajoutant qu'une reprise totale étant nécessaire, aucune entreprise n'était susceptible de reprendre à son compte et donc d'accepter les travaux de l'intimée.
Par ailleurs, M. [S] invoque un important préjudice moral, au motif qu'il vit dans cette maison considérée comme dangereuse avec sa femme et ses deux jeunes enfants.
* Pour l'exposé complet des prétentions et moyens du demandeur, la cour se réfère à ses conclusions notifiées et transmises à la date susvisée.
MOTIFS
I - Sur la demande de M. [S]
Le rapport d'expertise judiciaire, dont les conclusions ont été rappelées plus haut, confirme très largement les premiers éléments produits par l'appelant, relatifs aux désordres affectant les travaux d'isolation réalisés par la société CTBG Energy Performance à son domicile.
En effet, il en résulte que, concernant l'isolation des combles, si une isolation sous rampants, correspondant à la demande de M. [S] n'aurait pas permis d'obtenir les aides CEE, contrairement à l'isolation au sol choisie à bon escient par la société CTBG Energy Performance, cette isolation a été posée de façon discontinue, cette opération ayant été terminée par la pose de chutes d'isolant, les unes à côté des autres, mais non jointives, ce qui entraîne des ponts thermiques. De plus, cette isolation n'a été que partielle, n'ayant pas été posée sur la trappe d'accès aux combles et autour d'elle, ce qui entraîne d'importantes déperditions, outre que la surface facturée (mais non réglée par le maître de l'ouvrage) est supérieure de 20 % à la surface réellement isolée.
Par ailleurs, ces travaux d'isolation des combles entraînent un danger grave et imminent d'incendie, du fait du non-respect des distances de sécurité autour des deux conduits de fumée.
Concernant l'isolation en sous face de plancher, qui n'a été que partielle, malgré la facturation correspondant au double de la surface réellement objet des travaux, il résulte du rapport d'expertise que cette isolation n'est pas conforme à la réglementation, dans la mesure où elle a été collée et non pas fixée mécaniquement au plafond. De plus, elle comporte de nombreuses discontinuités, à l'origine là aussi d'importants ponts thermiques au travers de la dalle, alors que des travaux préalables de déplacement de certaines tuyauteries et de certains câbles auraient permis sa continuité.
Par ailleurs, là aussi, ces travaux d'isolation entraînent un danger grave et imminent d'incendie, en raison de distances insuffisantes entre les lampes et l'isolant combustible.
Il résulte de ces constatations de l'expert que la responsabilité de la société CTBG Energy Performance, s'agissant de ces désordres, est pleinement établie et qu'elle est exclusive, du fait de tous les manquements de sa part à la réglementation, mais aussi aux règles de l'art dont relèvent ces désordres, étant observé au surplus que l'absence de visite préalable, pourtant obligatoire et faussement mentionnée sur le devis et la facture, ne lui a pas permis de prendre en compte les surfaces réelles à isoler, d'entendre les demandes de M. [S] et d'établir avec lui un dialogue sur ce point.
Il résulte donc des éléments qui précèdent que l'obligation de la société CTBG Energy Performance de réparer l'ensemble des préjudices résultant pour l'appelant de ses manquements et des désordres qu'ils ont causés, est entière. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation présentées par M. [S].
S'agissant du préjudice matériel de l'appelant, concernant l'isolation en sous face de plancher, l'expert préconise la dépose complète de l'isolation posée par l'intimée, avec sa mise en déchetterie et mise en place d'une isolation identique dans le garage, la chaufferie, le local de la cuve à fioul et la salle de jeux. Il y a donc lieu de prendre en compte les frais de réfection totale de cette isolation.
Concernant l'isolation des combles, l'expert a chiffré à 1 200 euros le coût de la réparation des désordres, consistant selon lui à mettre en place des coffrages autour des conduits de fumée, et à remplacer les morceaux d'isolant au sol par une isolation continue, incluant la trappe d'accès aux combles. Cependant, au vu du caractère discontinu de cette isolation posée par la société CTBG Energy Performance dans les combles, et de l'utilisation de chutes d'isolant, l'une à côté de l'autre, mais non jointives, entraînant des ponts thermiques, il n'apparaît pas envisageable qu'un autre entrepreneur puisse accepter de tels travaux, avant de les achever par la pose d'isolant sur la trappe et autour de celle-ci.
C'est pourquoi, manifestement, la réfection totale de l'isolation des combles s'impose également et il y a lieu de prendre en compte les frais y afférents.
Il en résulte que sera pris en compte le montant total du devis produit par M. [S] durant l'expertise judiciaire, soit 16 024 euros HT, ce qui représente 17 626,40 euros TTC, montant au paiement duquel la société CTBG Energy Performance sera condamnée, au titre de la réparation du préjudice matériel de l'appelant.
Les manquements de l'intimée ont également causé à M. [S] un préjudice moral, dans la mesure où, depuis leur réalisation, ses travaux l'ont exposé, ainsi que sa famille, à un danger continu, lié au risque « grave et imminent d'incendie », tant dans les combles qu'au sous-sol, étant observé qu'il n'est pas contesté que l'appelant est père de deux jeunes enfants. L'angoisse ainsi créée, de même que toutes les tracasseries liées à la nécessité d'une procédure judiciaire contre la société CTBG Energy Performance, justifient l'évaluation de son préjudice moral au montant de 2 500 euros, que l'intimée sera condamnée à lui régler.
II - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions principales, il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.
Dans la mesure où il est fait droit pour l'essentiel aux demandes de M. [S], la société CTBG Energy Performance assumera les dépens de première instance et d'appel et lui réglera, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme totale de 3 000 euros au titre des frais exclus des dépens engagés par ce dernier en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement rendu entre les parties le 19 février 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse,
Statuant à nouveau et ajoutant au dit jugement,
CONDAMNE la SAS CTBG Energy Performance à régler à M. [G] [S] :
- la somme de 17 626,40 euros (dix-sept mille six cent vingt-six euros et quarante centimes) en réparation de son préjudice matériel,
- la somme de 2 500,00 euros (deux mille cinq cents euros) en réparation de son préjudice moral,
CONDAMNE la SAS CTBG Energy Performance aux dépens de première instance et d'appel,
CONDAMNE la SAS CTBG Energy Performance à payer à M. [G] [S] la somme de 3 000,00 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens engagés par ce dernier en première instance et en appel.
La greffière, La présidente,