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Cass. 3e civ., 11 juillet 2024, n° 22-23.678

COUR DE CASSATION

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Rejet

Cass. 3e civ. n° 22-23.678

11 juillet 2024

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 juillet 2024

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 442 FS-B

Pourvoi n° S 22-23.678

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024

1°/ M. [V] [N],

2°/ Mme [T] [J], épouse [N],

tous deux domiciliés [Adresse 5],

3°/ le GFA du Verclausois, groupement foncier agricole, dont le siège est [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° S 22-23.678 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2022 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [E] [N], épouse [M],

2°/ à M. [I] [M],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

3°/ à M. [W] [Y] notaire associé de l'Office notarial du Gapençais, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont l'étude est [Adresse 4],

4°/ à Mme [R] [Z], notaire associé, dont l'étude est [Adresse 2],

5°/ à la société anonyme d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) Auvergne Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. et Mme [N] et du groupement foncier agricole du Verclausois, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [W] [Y], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. et Mme [M], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société anonyme d'aménagement foncier et d'établissement rural Auvergne Rhône-Alpes, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Proust, Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. et Mme [N] ainsi qu'au groupement foncier agricole du Verclausois (le GFA) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [Z].
Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 29 novembre 2022), par acte du 18 octobre 2016, M. [D] [S] et Mme [U] [S] ont promis de vendre un domaine agricole à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Auvergne Rhône-Alpes (la SAFER), avec faculté pour cette dernière de se substituer une ou plusieurs personnes pour acquérir les biens.

3. Le 18 novembre 2016, le comité technique départemental de la SAFER a proposé d'attribuer le domaine agricole à M. et Mme [M].

4. Le 13 décembre 2016, M. et Mme [M] ont consenti à la SAFER une première promesse unilatérale d'achat portant sur l'ensemble de la propriété puis, le 15 juin 2017, une seconde promesse unilatérale d'achat portant uniquement sur le corps de ferme.

5. Le 27 mars 2017, M. et Mme [N], le premier étant le frère de Mme [M], ont constitué le GFA, dont ils sont les uniques associés et gérants.

6. La SAFER s'étant substituée, d'une part, M. et Mme [M], d'autre part, le GFA, M. [D] [S] et Mme [U] [S] ont vendu, par deux actes du 13 juillet 2017, dressés par M. [Y], notaire, assisté de Mme [Z], notaire, à M. et Mme [M] une maison d'habitation avec dépendances et au GFA plusieurs parcelles de terres, l'acte de la vente consentie au GFA comportant un cahier des charges, que l'acquéreur devait respecter pendant une durée minimale de quinze ans et selon lequel le GFA s'engageait à louer les biens acquis à Mme [M] ou à toute personne pouvant se substituer.

7. M. et Mme [N] et le GFA ont assigné M. et Mme [M], la SAFER, M. [Y] et Mme [Z] en nullité de la clause portant engagement de louer les biens à Mme [M], en expulsion de celle-ci et en indemnisation.

8. Mme [M] a demandé, à titre reconventionnel, la condamnation, sous astreinte, du GFA à conclure à son profit un bail rural.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses première et quatrième branches, et le troisième moyen

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

10. M. et Mme [N] et le GFA font grief à l'arrêt de condamner, sous astreinte, le GFA à conclure au bénéfice de Mme [M] ou de toute société pouvant s'y substituer, un bail rural pour une durée de quinze ans pour un montant établi conformément aux arrêtés en vigueur, alors :

« 2°/ qu'il n'entre pas dans les compétences du juge judiciaire d'ordonner la conclusion judiciaire forcée d'un contrat et d'en déterminer les conditions ; qu'en condamnant le GFA à conclure un bail au bénéfice de Mme [M] dont le montant sera fixé conformément aux arrêtés en vigueur, la cour d'appel a outrepassé ses pouvoirs et violé les articles 1101 et 1102 du code civil ;

3°/ que seule constitue une promesse unilatérale de contrat le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ; que le montant du loyer est un élément constitutif du bail à ferme ; qu'en condamnant le GFA à conclure un bail au bénéfice de Mme [M], par des motifs dont il résulte que le montant du loyer n'était pas fixé dans la clause prévoyant la conclusion d'un bail, la cour d'appel a violé l'article 1224 du code civil [lire 1124]. »

Réponse de la Cour

11. Selon l'article L. 141-1, II, 2°, du code rural et de la pêche maritime, pour la réalisation des missions qui leur sont confiées, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peuvent se substituer un ou plusieurs attributaires pour réaliser la cession de tout ou partie des droits conférés, soit par une promesse unilatérale de vente, soit par une promesse synallagmatique de vente, portant sur les biens ruraux, les terres, les exploitations agricoles ou forestières.

12. Aux termes de l'article R. 142-1, alinéa 2, du même code, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peuvent céder ces biens à des personnes qui s'engagent à les louer, par bail rural ou par conventions visées à l'article L. 481-1, à des preneurs, personnes physiques ou morales, répondant aux critères de l'alinéa précédent et ayant reçu l'agrément de la société, à condition que l'opération permette l'installation ou la réinstallation d'agriculteurs, le maintien de ceux-ci sur leur exploitation ou la consolidation d'exploitations afin que celles-ci atteignent une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles.

13. Ce dernier texte est applicable lorsque les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural attribuent les biens par substitution en application de l'article L. 141-1, II, 2°, du code rural et de la pêche maritime.

14. Il en résulte que lorsque le substitué prend l'engagement de louer le bien acquis à un preneur agréé par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural dans les conditions prévues par l'article R. 142-1, alinéa 2, précité, ce dernier peut demander l'exécution forcée de cet engagement.

15. Ayant constaté qu'aux termes du cahier des charges, inséré à l'acte de vente du 13 juillet 2017, le GFA, acquéreur substitué, s'était engagé à l'égard de la SAFER, pendant une durée minimale de quinze années, à mettre le bien acquis à la disposition de Mme [M], ou de toute personne pouvant se substituer, par bail, et retenu que cet engagement avait un caractère contraignant, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit que la demande de Mme [M] en condamnation du GFA à conclure un bail à son profit devait être accueillie.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [N] et le groupement foncier agricole du Verclausois aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [N] et le groupement foncier agricole du Verclausois, et les condamne à payer, d'une part, à M. [Y] la somme de 1 500 euros, d'autre part, in solidum à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Auvergne Rhône-Alpes la somme de 1 500 euros et, enfin, à M. et Mme [M] la somme globale de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.