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Décisions

Cass. 3e civ., 4 juillet 2024, n° 23-16.019

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Établissements Moncassin (SA)

Défendeur :

Établissement public foncier d'Île-de-France

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Rat

Avocat général :

Mme Vassallo

Avocats :

Me Cabinet François Pinet, Me SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Cass. 3e civ. n° 23-16.019

3 juillet 2024

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 mars 2023), à la suite de l'expropriation à son profit d'une parcelle louée à la société Etablissements Moncassin, l'établissement public foncier d'Ile-de-France (l'EPFIF) a saisi le juge de l'expropriation en fixation des indemnités revenant à celle-ci.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La société Etablissements Moncassin fait grief à l'arrêt de déclarer caduc son appel, alors « que lorsque l'appel est interjeté par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, c'est à compter de la réception de cette lettre par le greffe de la cour d'appel que court le délai de trois mois imparti à l'appelant pour déposer ou adresser ses conclusions et les documents qu'il entend produire ; que l'arrêt retient que les Etablissements Moncassin avaient un délai de trois mois pour conclure qui courait de l'expédition de leur déclaration d'appel le 15 juillet 2020 et qui expirait donc le 15 octobre 2020, la date d'enregistrement par le greffe étant sans incidence à cet égard ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles R. 311-24 et R. 311-26 du code de l'expropriation et, par fausse application, l'article 930-1 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 311-26, alinéa 1er, et R. 311-29 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'article 930-1, alinéa 3, du code de procédure civile :

3. Aux termes du premier de ces textes, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

4. Il résulte du deuxième que, sous réserve des articles R. 311-24 à R. 311-28, R. 311-19, R. 311-22 et R. 312-2 du même code, la procédure devant la cour d'appel statuant en matière d'expropriation est régie par les dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile.

5. Selon le dernier, rendu applicable par le texte qui précède, lorsque la déclaration d'appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l'acte à la date figurant sur le cachet du bureau d'émission.

6. En matière d'expropriation, il est jugé que le délai pour déposer ou adresser le mémoire d'appel au greffe de la cour d'appel court à compter de la date de réception, par le greffe, de l'appel formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (3e Civ., 20 octobre 1981, pourvoi n° 80-70.328, Bull. n° 165 ; 3eCiv., 11 mai 2006, pourvoi n° 05-70.020, Bull. 2006, III, n° 121 ; 3e Civ., 22 juin 2023, pourvoi n° 22-15.569).

7. Toutefois, en matière de procédure d'appel ordinaire avec représentation obligatoire, ce point de départ est fixé au jour de l'expédition de cette lettre (2e Civ., 9 janvier 2020, n° 18-24.107, publié).

8. L'objectif d'harmonisation et de simplification des charges procédurales pesant sur les parties doit conduire à juger désormais que le délai de trois mois accordé à l'appelant, à peine de caducité, pour adresser au greffe son mémoire d'appel et les documents qu'il entend produire, court à compter de l'expédition de la déclaration d'appel par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

9. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutirait à priver la société Etablissements Moncassin, qui n'a pu raisonnablement anticiper ce revirement de jurisprudence, d'un procès équitable, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en lui interdisant l'accès au juge.

10. Dès lors, il ne peut être fait application de la nouvelle règle de procédure énoncée au paragraphe 8 à l'occasion du présent pourvoi.

11. En conséquence, en faisant courir le délai de dépôt des conclusions à compter de l'expédition de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne l'établissement public foncier d'Ile-de-France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'établissement public foncier d'Ile-de-France et le condamne à payer à la société Etablissements Moncassin la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.