Cass. 1re civ., 10 juillet 2024, n° 23-11.007
COUR DE CASSATION
Autre
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Cofidis (SA)
Défendeur :
Solution éco énergie (SAS), Époux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Champalaune
Rapporteur :
Mme Robin-Raschel
Avocats :
Me Boutet et Hourdeaux, Me Zribi et Texier
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Cofidis du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Solution éco énergie et Mme [T], prise en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Solution éco énergie.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 17 novembre 2022), le 25 janvier 2016, par contrat conclu hors établissement, M. [O] a commandé auprès de la société Solution éco énergie (le vendeur) la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, d'un chauffe-eau thermodynamique et d'un optimisateur, dont le prix a été financé par un crédit souscrit le même jour, avec Mme [O], auprès de la société Groupe Sofemo, aux droits de laquelle se trouve la société Cofidis (la banque).
3. Les 29 et 30 janvier 2019, invoquant le défaut de fonctionnement de l'installation, M. et Mme [O] (les emprunteurs) ont assigné le vendeur et la banque en annulation des contrats de vente et de crédit affecté.
4. Par un jugement du 19 mai 2021, le vendeur a été placé en liquidation judiciaire. Mme [T], désignée en qualité de liquidateur, a été appelée en cause.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en condamnation des emprunteurs à lui restituer les fonds prêtés, alors :
« 1°/ que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute ; qu'en dispensant les emprunteurs, de la preuve de l'existence d'un préjudice pour la raison que compte tenu de la faute commise par l'organisme prêteur qui a débloqué les fonds sans vérification des conditions légales du contrat de vente, les époux (sic) fondés à ne pas demander la restitution du prix de vente auprès du vendeur depuis placée en liquidation judiciaire mais voir la banque privée de son droit à restitution du capital prêté, les emprunteurs ne devant pas supporter les conséquences financières des fautes commises par les professionnels", la cour d'appel a violé l'article 1231-1 du code civil ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, la banque critiquait le jugement ayant retenu que le vendeur avait l'obligation, au titre de son obligation de délivrance, d'assureur la mise en service effective de l'installation photovoltaïque, et avait été défaillante dans l'exécution de celle-ci, en faisant valoir que le la société venderesse prouvait avoir payé les frais de raccordement au réseau ERDF ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 445 du code de procédure civile ;
3°/ que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était expressément invitée, si l'absence de mise en service de l'installation photovoltaïque n'était pas le fait exclusif des acheteurs, de sorte qu'ils n'établissaient pas l'existence d'un préjudice en relation avec la faute de la société Cofidis ayant omis de vérifier la régularité du bon de commande, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil ;
4°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Cofidis faisait valoir que si le matériel n'a pas été raccordé au réseau ERDF au jour de la rédaction des présentes, c'est uniquement parce que les emprunteurs ont pu s'opposer audit raccordement, étant observé qu'il leur appartient d'apporter en toute hypothèse la preuve de cela" et ajoutait que nul ne pouvant invoquer sa propre turpitude, s'il était démontré que le matériel n'avait pas été mis en service, cela ne serait que de la faute des emprunteurs puisque la société venderesse a payé les frais de raccordement au réseau ERDF ; dès lors, les emprunteurs ne peuvent invoquer leur propre turpitude et doivent au minimum être condamnés au remboursement du capital" ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. En cas de résolution ou d'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, la faute du prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, ne dispense l'emprunteur de restituer le capital emprunté que si celui-ci justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
7. Lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
8. Après avoir annulé la vente en raison des irrégularités qui affectaient le bon de commande et constaté que le vendeur avait été placé en liquidation judiciaire, l'arrêt retient qu'en libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, la banque avait manqué à ses obligations et que les conséquences financières de ce manquement ne devaient pas être supportées par les emprunteurs.
9. En l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résultait que les emprunteurs, privés de la possibilité d'obtenir du vendeur insolvable la restitution du prix de vente d'un matériel dont ils n'étaient plus propriétaires, avaient subi un préjudice qui ne l'aurait pas été sans la faute de la banque, c'est à bon droit que la cour d'appel, sans être tenue de procéder à la recherche inopérante invoquée à la troisième branche du moyen ni de répondre à des conclusions que ces constatations rendaient inopérantes, a condamné celle-ci à payer aux emprunteurs, à titre de dommages et intérêts, une somme correspondant au capital emprunté.
10. Partiellement inopérant, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cofidis aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cofidis et la condamne à payer à M. et Mme [O] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.