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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 4, 3 juillet 2024, n° 21/19346

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/19346

3 juillet 2024

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 03 JUILLET 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/19346 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CET57

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2021 - Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2019070345

APPELANTE

S.A.R.L. DIRECT DISTRIBUTION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 491 470 746

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et assistée de Me Sophie Moins de la SELARL DGM & Associés, avocat au barreau de Paris, toque : L0027

INTIMEE

Société HEINEKEN BROUWERIJEN B.V., société de droit étranger, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3] (Pays-Bas)

Représentée par Me Arnaud Guyonnet de la SCP AFG, avocat au barreau de Paris, toque : L0044

Assistée de Me Jean-Louis Fourgoux de l'AARPI Fourgoux Djavadi et associes - FDA, avocat au barreau de Paris, toque : P0069

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Agnès Bodard-Hermant, présidente de la chambre 5.4, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Agnès Bodard-Hermant, présidente de la chambre 5.4

Mme Sophie Depelley, conseillère

M. Julien Richaud, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Yulia Trefilova

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Agnès Bodard-Hermant, présidente de la chambre 5.4, et par M. Maxime Martinez, greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Direct Distribution a pour activité l'importation et la distribution en gros de boissons.

La société Heineken BV est la holding du groupe Heineken.

Les sociétés Direct Distribution et Heineken BV se sont rapprochées pour organiser la distribution des produits de la société Heineken BV en France.

Pour ce faire, la société Direct Distribution a passé plusieurs commandes auprès de la société Heineken, payables à 30 jours à réception de la facture correspondante.

Par courriel du 27 juin 2018, la société Heineken a informé la société Direct Distribution que ses commandes seraient bloquées tant qu'une facture datée du 4 avril 2018 à hauteur de 31 374 euros ne serait pas payée.

Les parties se sont, par la suite, opposées sur l'existence et la consistance de diverses factures en souffrance émises par chacune d'elle.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 octobre 2018, la société Heineken a notifié à la société Direct Distribution la fin de leur relation commerciale à compter du 1er mai 2019.

S'estimant victime d'une rupture brutale de cette relation commerciale établie, la société Direct Distribution a, par acte du 13 novembre 2019, saisi le tribunal de commerce de Paris qui, par jugement du 27 septembre 2021 :

- Se déclare compétent et dit le droit français applicable au litige ;

- Déboute la société Direct Distribution de sa demande de dommages et intérêts au titre de la brutalité de la rupture ;

- Condamne la société Direct Distribution à payer à la société de droit hollandais Heineken Brouwerijen BV la somme de 5 916,56 euros au titre des montants impayés ;

- Condamne la société Direct Distribution à payer à la société de droit hollandais Heineken Brouwerijen BV la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- Ordonne l'exécution provisoire ;

- Condamne la société Direct Distribution aux dépens, dont ceux à recouvrer par la greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA.

La société Direct Distribution a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la Cour le 5 novembre 2021.

Vu les dernières conclusions de la société Direct Distribution, déposées et notifiées le 3 décembre 2021 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l'article L 442-6 (ancien) du code de commerce

Vu l'article L. 442-1 (nouveau) du code de commerce

- Déclarer recevable et bien fondée la société Direct Distribution en ses prétentions,

- Condamner la société Heineken BV à payer à la société Direct Distribution la somme de 201 553,00 euros, au titre des préjudices subis du fait de la rupture brutale et abusive de leurs rapports contractuels,

- Condamner la société Heineken BV à payer à la société Direct Distribution la somme de 25 000,00 euros, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner, enfin, la société Heineken BV aux entiers dépens de la présente instance.

Vu les dernières conclusions de la société Heineken, déposées et notifiées le 27 avril 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l'ancien article L.442-6 du code de commerce

Vu le nouvel article L.442-1 du code de commerce

Vu l'article 1103 du code civil

Vu l'article 1106 du code civil

Vu les pièces versées aux débats,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté direct distribution de sa demande de condamnation de la société Heineken BV Brouwerijen pour rupture brutale des relations commerciales et en ce qu'il a condamné direct distribution au paiement de la somme de 5 916,56 euros à Heineken en règlement des factures restant dues ;

- Débouter la société Direct Distribution de sa demande de réparation du préjudice ;

- Condamner la société direct distribution au paiement de la somme de 25 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Direct Distribution aux entiers dépens d'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mars 2024

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

A l'audience du 14 mai 2024, la Cour a informé les parties qu'elle envisageait de tirer les conséquences, au visa des articles 542 et 954 du code de procédure civile, de l'absence de demande d'infirmation du jugement formée dans le dispositif des conclusions de l'appelante et les a invitées à formuler toutes observations de ce chef.

Par note en délibéré du 15 mai 2024, la société Heineken a notamment fait valoir que les conclusions d'appel de la société Direct Distribution ne saisissent pas la Cour en application des articles 542 et 954 du code de procédure civile et qu'au vu de la jurisprudence en la matière, la Cour ne peut que replacer les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient et confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté la société Direct Distribution de sa demande de condamnation de la société Heineken pour rupture brutale des relations commerciales

- et condamné Direct Distribution au paiement de la somme de 5 915,56 euros à Heineken en règlement des factures restant dues.

Par note en délibéré du 17 mai 2024, la société Direct Distribution a fait valoir que l'interprétation, retenue par la Cour de cassation dans plusieurs de ses arrêts, selon laquelle il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, pose des exigences contraignantes non prévues par les textes et aboutit à la priver du droit à un procès équitable. Elle ajoute que sa déclaration d'appel vise expressément les chefs du jugement critiqués et qu'il n'est pas contestable que dans ses conclusions elle a critiqué le jugement du 27 septembre 2021 et sollicité sa réformation sur la question des conditions de la rupture des relations commerciales établies. Elle soutient que dans son dispositif, la société Direct Distribution, n'a certes pas expressément repris les termes de sa déclaration d'appel, mais a sollicité la recevabilité et le bien fondé de ses prétentions lesquelles ont clairement été exposées et discutées dans l'exposé de ses moyens en droit et en fait.

MOTIVATION

Il résulte des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement.

En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel.

Cette règle de procédure, qui résulte d'un arrêt publié de la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (Cass. 2e civ., 17 sept. 2020, n° 18-23.626), ne s'applique que dans les instances introduites par une déclaration d'appel postérieure à cette date, afin de ne pas priver les appelants du droit à un procès équitable.

En l'espèce, l'instance a été introduite par une déclaration d'appel en date du 5 novembre 2021, donc postérieure au 17 septembre 2020. Dès lors, la règle de procédure relative au défaut de demande d'infirmation ou de confirmation des chefs du jugement critiqués lui est applicable.

Or, les dernières écritures de la société Direct Distribution, remises au greffe le 3 décembre 2021 qui déterminent l'objet du litige dans les conditions prévues par les articles 910-1 et 954 du code de procédure civile, mentionnent dans leur dispositif :

"Vu l'article L. 442-6 (ancien) du code de commerce

Vu l'article L. 442-1 (nouveau) du code de commerce

- Déclarer recevable et bien fondée la société direct distribution en ses prétentions,

- Condamner la société Heineken BV à payer à la société direct distribution la somme de 201 553,00 euros, au titre des préjudices subis du fait de la rupture brutale et abusive de leurs rapports contractuels,

- Condamner la société Heineken BV à payer à la société direct distribution la somme de 25 000,00 euros, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner, enfin, la société Heineken BV aux entiers dépens de la présente instance."

Il convient, dès lors, de constater que l'appelante ne demande ni l'infirmation, ni la confirmation des chefs du jugement critiqués.

Dans ces conditions, et sans priver les appelants du droit à un procès équitable, la Cour ne peut que confirmer le jugement entrepris.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la Cour,

Y ajoutant,

Condamne la société Direct Distribution à verser à la société Heineken la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Direct Distribution aux dépens d'appel qui seront recouvrés suivant la procédure de l'article 699 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE