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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 9 juillet 2024, n° 23/02549

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

M et M (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pascot

Conseillers :

M. Vetu, M. Lecler

Avocats :

Me Clerc, Jean-Paul Polleux, Me Pilon

CA Poitiers n° 23/02549

8 juillet 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 28 juin 2012, la SCI M et M a consenti à Monsieur [W] [H] un bail commercial portant sur un local commercial situé à [Adresse 7] sur la commune de [Localité 8], moyennant un loyer annuel de 12.000 € HT.

Par jugement du 22 juillet 2014, le tribunal de commerce de Poitiers a arrêté un plan de redressement à l'égard de Monsieur [H], prévoyant l'apurement du passif sur 10 ans, désignant Maître [U] [Y] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Constatant des défaillances dans le versement des échéances, la SCI M et M a mis en demeure Monsieur [H] de régler les sommes dues, ou de proposer un plan d'apurement.

Le 02 décembre 2022, un commandement de payer la somme de 16.851€ visant la clause résolutoire a été signifié à Monsieur [H].

Les 23 et 28 mars 2023, la SCI M et M a attrait Monsieur [H], la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4] (le CCM), créancier inscrit, et Maître [Y], créancière inscrite, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers.

Dans le dernier état de ses demandes, la SCI M et M a notamment demandé qu'il soit constaté, à compter du 03 janvier 2023, la résiliation du bail commercial par l'effet de la clause résolutoire, que Monsieur [H] soit expulsé sous astreinte et qu'il lui verse la somme de 16.851 € à titre de provision sur les arriérés de loyers jusqu'au 30 novembre 2022 et la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance en date du 27 septembre 2023, le président du tribunal judiciaire de Poitiers a statué ainsi :

- Constate la résiliation du bail commercial au 02 janvier 2023,

- Ordonne, à défaut de libération des lieux dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, l'expulsion de Monsieur [H] des lieux loués, ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique,

- Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de "toutes pièces occupées par lui",

- Condamne Monsieur [H] à payer à titre provisionnel à la SCI M et M la somme de 16.851€ au titre des loyers impayés au 30 novembre 2022,

- Condamne Monsieur [H] à payer à titre provisionnel à la SCI M et M la somme mensuelle de 1.800 € TTC à titre d'indemnité d'occupation à compter du 03 janvier 2023 et jusqu'au complet départ,

- Rejette la demande de délai de paiement,

- Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de condamnations reconventionnelles,

- Condamne Monsieur [H] à payer à la SCI M et M la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et le déboutons de sa demande sur ce fondement,

- Rappelle que le présente ordonnance est exécutoire par prévision de plein droit,

- Rappelle qu'il sera procédé à la signification de la présente ordonnance par la partie la plus diligente,

- Condamne Monsieur [H] aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer.

Par déclaration du 21 novembre 2023, Monsieur [H] a relevé appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués.

Monsieur [H] et Maître [Y], par dernières conclusions transmises le 20 décembre 2023, demandent à la cour de :

- Déclarer Monsieur [W] [H] bien fondé en son appel,

Y faisant droit,

- Réformer l'ordonnance du juge des référés du Tribunal Judiciaire en date du 27 septembre 2023 en que qu'elle a :

constaté la résiliation du bail commercial au 2 janvier 2023,

ordonné, à défaut de libération des lieux dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, l'expulsion de Monsieur [W] [H] des lieux loués, ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique,

condamné Monsieur [W] [H] à payer à titre provisionnel à la SCI M et M la somme de 16.851 euros au titre des loyers impayés au 30 novembre 2022,

condamné Monsieur [W] [H] à payer à titre provisionnel à la SCI M et M la somme mensuelle de 1.800 € TTC à titre d'indemnité d'occupation à compter du 03 janvier 2023 et jusqu'au complet départ,

rejeté la demande de délais de paiement,

dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de condamnations reconventionnelles,

condamné Monsieur [W] [H] à payer à la SCI M et M la somme de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et l'a débouté de sa demande sur ce fondement,

rappelé que la présente ordonnance est exécutoire par provision de plein droit,

condamné Monsieur [W] [H] aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer.

Statuant à nouveau,

- Condamner à titre provisionnel la SCI M et M à payer à Monsieur [W] [H] la somme de 57.960 € à titre de dommages et intérêts ou subsidiairement la somme de 27.720 €,

- Ordonner la compensation des sommes dues entre les parties,

- Constater que les prétentions de la SCI M et M se heurtent à une contestation sérieuse faisant obstacle à la constatation de la résiliation du bail et au prononcé d'une condamnation au paiement d'une provision à l'encontre de Monsieur [W] [H] en référé,

- En conséquence, débouter la SCI M et M de toutes ses demandes formées contre Monsieur [W] [H] dans le cadre de la procédure de référé et la renvoyer à se pourvoir au fond,

A titre subsidiaire,

- Accorder à Monsieur [W] [H] des délais de paiement en l'autorisant à se libérer de sa dette en 23 versements mensuels de 700 € et un 24ème versement du solde,

- Suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire du bail,

- Juger que la clause pénale fixant le montant de l'indemnité d'occupation doit être modéré en fixant le montant de l'indemnité d'occupation au montant du loyer, sans majoration.

En tout état de cause,

- Condamner la SCI M et M à payer à Monsieur [W] [H] la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens,

La SCI M et M, par dernières conclusions RPVA du 18 janvier 2024, demande à la cour de :

- Confirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers datée du 27 septembre 2023 en ce qu'elle :

Constate la résiliation du bail commercial au 02 janvier 2023,

Ordonne, à défaut de libération des lieux dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, l'expulsion de Monsieur [H] des lieux loués, ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique,

Condamne Monsieur [H] à payer à titre provisionnel à la SCI M et M la somme de 16 851 € au titre des loyers impayés au 30 novembre 2022,

Condamne Monsieur [H] à payer à titre provisionnel à la SCI M et M la somme mensuelle de 1 800 € TTC à titre d'indemnité d'occupation à compter du 3 janvier 2023 et jusqu'au complet départ, - Rejette la demande de délai de paiement,

Dis n'y avoir lieu à référé sur les demandes de condamnations reconventionnelles,

Condamne Monsieur [H] à payer à la SCI M et M la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le déboutons de sa demande sur ce fondement,

Rappelle que le présente ordonnance est exécutoire par prévision de plein droit,

Rappelle qu'il sera procédé à la signification de la présente ordonnance par la partie la plus diligente,

Condamne Monsieur [H] aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer.

- Infirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers datée du 27 septembre 2023 en ce qu'elle dit n'y avoir lieu à astreinte,

En conséquence,

- Constater la résiliation du bail commercial au 02 janvier 2023,

- Ordonner, à défaut de libération des lieux dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, l'expulsion de Monsieur [H] des lieux loués, ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique,

- Enjoindre à Monsieur [H] de quitter les lieux, et ce sous astreinte provisoire de 150 € par jour de retard à compter du 16ème jour suivant la signification de la décision à intervenir, pour une durée de 15 jours, et à l'expiration de cette période fixer une astreinte définitive de 200 € par jour de retard jusqu'à parfaite libération des lieux et restitution des clés,

- Condamner Monsieur [H] à payer à titre provisionnel à la SCI M et M la somme de 16.851 € au titre des loyers impayés au 30 novembre 2022,

- Condamner Monsieur [H] à payer à titre provisionnel à la SCI M et M la somme mensuelle de 1 800 € TTC à titre d'indemnité d'occupation à compter du 03 janvier 2023 et jusqu'au complet départ,

- Rejeter la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire,

- Dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes de condamnations reconventionnelles,

- Condamner Monsieur [H] à payer à la SCI M et M la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le déboutons de sa demande sur ce fondement,

- Condamne Monsieur [H] aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer.

- Subsidiairement, si des délais de paiement devaient être accordés et la suspension des effets de la clause résolutoire prononcée, l'arrêt à intervenir dira qu'à défaut de paiement d'une seule échéance au terme convenu et 8 jours après réception d'une mise en demeure demeurée infructueuse, l'intégralité de la dette deviendra immédiatement exigible,

Y ajoutant,

- Condamner Monsieur [H] à payer à la SCI M et M la somme de 1.200 € au titre du loyer du mois de décembre 2022,

- Condamner Monsieur [H] à payer à la SCI M et M la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner Monsieur [H] aux dépens en appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

Régulièrement intimé à personne habilité par exploit du 1er décembre 2023, le CCM [Localité 4] n'a pas constitué avocat. Conformément à l'article 473 du Code de procédure civile, le présent arrêt sera réputé contradictoire.

L'instruction de l'affaire a été clôturée à l'audience des plaidoiries du 14 mai 2024, date à compter de laquelle elle a été mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de modération de la clause pénale

1. L'article 1152 du code civil, dans sa version applicable au litige antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et repris à l'article 1231-5 du code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

2. La cour rappelle qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'évidence de faire droit à une demande de modération d'une clause pénale, seuls les juges du fond pouvant examiner cette demande.

3. Il n'y a dès lors pas lieu à référé sur cette demande.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire et ses suites

4. La cour observe que, sur l'acquisition de la clause résolutoire et ses suites, de même que les contestations qui feraient obstacles à l'acquisition de la clause résolutoire (l'absence de délivrance conforme et l'indemnité provisionnelle sollicitée au tire du préjudice de jouissance qui en découle), les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.

5. Conformément aux dispositions de l'article 955 du Code de procédure civile, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties.

6. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée de l'ensemble des chefs qui concernent, l'acquisition de la clause résolutoire et la demande fixation d'une astreinte, l'indemnité d'éviction ainsi que les demandes reconventionnelles opposées en vue d'y faire échec.

Sur la demande de délais de paiement

7. L'article L.145-41 du code de commerce dispose :

Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.»

8. L'article 1343-5 du code civil dispose notamment que le 'juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite'.

9. Les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si des délais de grâce peuvent être accordés au débiteur sans que cela ne soit nécessairement subordonné à l'existence d'une capacité de remboursement de ses dettes par le débiteur. Lorsque ce dernier ne dispose d'aucune capacité de remboursement, le juge peut lui accorder un report de paiement en lieu et place d'un rééchelonnement de sa dette.

10. Toutefois, l'octroi de ces délais est subordonné à la preuve que le débiteur soit de bonne foi et, en l'espèce, que ce délai lui permettra d'apurer sa dette dans de meilleures conditions que s'il était immédiatement expulsé.

11. L'appelant verse au soutien de cette demande ses comptes annuels arrêtés au 30 septembre 2022 attestant de sa capacité à honorer les délais de paiement et indique que les collectivités alentours en raison du service de qualité qu'il rend, ont lancé, via la mairie, une étude pour un relogement, qui ne pourra pas intervenir avant les mois de mai-juin 2025.

12. La SCI M et M objecte que l'appelant se contente de verser aux débats les mêmes comptes annuels anciens portant sur l'année 2022 et allègue toujours, sans en justifier, disposer d'une capacité à honorer les délais de paiement sollicités et indique, à l'analyse de ses documents comptables, que la situation serait préoccupante. La créance, selon lui, aurait triplé depuis le 30 novembre 2022 et l'intimé souligne, si un étalement de la dette était consenti sur 24 mois, que cela reviendrait à régler une dernière échéance de 23.551 € en principal, ce qu'évidemment, Monsieur [H] ne peut supporter.

13. Une fois de plus, Monsieur [H] reprend devant la cour une argumentation qui a été justement écartée par le premier juge en conclusion d'une pertinente motivation que la cour fait sienne, notamment en considération de ce que sa situation financière lui donnait la possibilité de régler les loyers courants, étant remarqué qu'il ressort des éléments produits au débat, que le respect du plan dont il se prévaut se fait au détriment de son bailleur.

14. La décision entreprise sera, là encore, confirmée sur ce point.

Sur les autres demandes

15. Il apparaît équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

16. Monsieur [H] qui échoue en ses prétentions supportera la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions contestées l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers en date du 27 septembre 2023,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de modération de la clause pénale,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Monsieur [W] [H] aux dépens d'appel.