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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-6, 4 juillet 2024, n° 23/00944

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Garage Clb (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pages

Conseillers :

Mme Michon, Mme Nerot

Avocats :

Me Amann, Me Tosoni, Me Gourion-Richard, Me Nicolas

TJ Nanterre, du 14 nov. 2022, n° 20/0385…

14 novembre 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte notarié en date du 17 novembre 1994, à effet au 1er juillet 1993, Mme [G] a donné à bail à la société Garage [Adresse 4] divers locaux situés [Adresse 4] à [Localité 9] (92), destinés notamment à l'exploitation d'un garage pour automobiles, et tout ce qui concerne l'industrie automobile.

Suivant acte sous seing privé en date du 1er février 1999, Mme [G] a donné à bail à la société Garage [Adresse 4] un local attenant, situé [Adresse 1] à [Localité 9] (92), destiné à recevoir sa clientèle et à l'exercice des activités connexes et complémentaires du garage automobile situé [Adresse 4].

Le 2 juin 2004, le bail des locaux situés [Adresse 4] a été renouvelé entre Mme [G] et la société Garage Raspail, à effet au 1er juillet 2002, et le 24 juin 2010, celui des locaux situés [Adresse 1] l'a été à effet au 1er février 2008.

A la suite de la cession des actifs de la société Garage Raspail, placée en redressement judiciaire, arrêtée par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 7 décembre 2010, les baux des locaux situés [Adresse 4] et [Adresse 1] ont été transférés à la société Garage CLB.

Se plaignant de désordres affectant notamment la toiture des locaux situés [Adresse 4], la société Garage CLB a obtenu en référé la désignation d'un expert judiciaire, par ordonnance du 30 novembre 2012.

Un rapport a été déposé le 24 juin 2013, par M. [S], puis la société Garage CLB a assigné Mme [G] devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Saisie du litige sur appel de la société Garage CLB, déboutée de toutes ses demandes en première instance, la cour d'appel de Versailles, par arrêt partiellement infirmatif du 12 mai 2015, a condamné Mme [G] à payer à la société Garage CLB la somme de 21 408,40 euros TTC au titre du remboursement de la réfection de la charpente [réalisée par la locataire ] et la somme de 89 389,04 euros TTC correspondant au coût de la réfection de la toiture [ à réaliser par la locataire].

Mme [G], à qui l'arrêt, rendu par défaut, a été signifié le 10 juin 2015, s'est acquittée des condamnations mises à sa charge.

Par courrier du 21 janvier 2019, l'assureur de la société Garage CLB a informé le bailleur être saisi par son assurée à la suite d'un dégât des eaux ayant pour origine des infiltrations par la toiture, et a sollicité l'exécution des travaux nécessaires pour y remédier.

Après avoir vainement réclamé à la locataire les justificatifs relatifs aux travaux de réfection de la toiture correspondant à la somme versée par Mme [G] en exécution de l'arrêt du 12 mai 2015 susvisé, puis l'avoir mise en demeure de faire réaliser les dits travaux dans un délai de deux mois, l'indivision [O], venant aux droits de Mme [G], décédée le 20 avril 2016, a obtenu la désignation d'un huissier aux fins de constat.

Arguant que non seulement les travaux de réfection de la toiture pour lesquels elle avait perçu les fonds alloués par la cour d'appel de Versailles n'avaient pas été effectués, mais qu'au surplus, la société Garage CLB avait fait réaliser des travaux autres que ceux entérinés par cette juridiction, par une société ne présentant pas les garanties requises et sans l'autorisation préalable du bailleur, ce en infraction aux dispositions contractuelles, et lui reprochant, par ailleurs, de domicilier irrégulièrement au sein des locaux loués de nombreuses autres sociétés, les consorts [O] lui ont fait signifier, le 25 mai 2020, un commandement de faire visant la clause résolutoire du bail, requérant qu'elle leur transmette, sous un mois :

le consentement écrit du bailleur préalable à la mise en oeuvre des travaux réalisés par le locataire au sein des locaux litigieux, ayant fait l'objet de la facture n°2019051 établie par la société ' L'Enveloppe Industriel' le 15 janvier 2019,

l'ensemble des justificatifs relatifs à la désignation de l'homme de l'art chargé d'assurer la surveillance de ces travaux ;

l'ensemble des justificatifs d'assurance des locaux conformément aux dispositions du bail pour les années 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020 ;

les actes de domiciliation des sociétés Transports Carioca, Plaine Monceau Automobile, Nicotax et Marnaise au sein des locaux commerciaux sis [Adresse 4], ainsi que l'ensemble des autorisations administratives et de la bailleresse relatives auxdites domiciliations.

Le même jour, ils l'ont assignée devant le tribunal judiciaire de Nanterre en résiliation du bail commercial.

Le 25 juin 2020, la société Garage CLB a pour sa part assigné les consorts [O] devant le tribunal judiciaire de Nanterre, pour obtenir la nullité du commandement de faire visant la clause résolutoire du bail, et subsidiairement la suspension de l'acquisition de cette clause.

Les deux instances ayant été jointes par ordonnance du 17 juin 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre, par jugement contradictoire rendu le 14 novembre 2022, a :

débouté la société Garage CLB de sa demande en annulation du commandement de faire visant la clause résolutoire qui lui a été délivré le 25 mai 2020, à la requête de Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] ;

débouté la société Garage CLB de sa demande de suspension de la réalisation des effets de la clause résolutoire et d'octroi de délais ;

constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail du 17 novembre 1994 liant d'une part, la société Garage CLB et, d'autre part, Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C], portant sur les locaux commerciaux sis [Adresse 4] à [Localité 9], avec effet au 25 juin 2020 ;

prononcé la caducité du bail du 1er février 1999 liant, d'une part, la société Garage CLB et, d'autre part, Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C], portant sur les locaux commerciaux sis [Adresse 1] à [Localité 9], avec effet au 25 juin 2020 ;

ordonné en conséquence à la société Garage CLB, et tous occupants de son chef, de libérer les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 9] et les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 9] ;

dit qu'à défaut de départ volontaire, la société Garage CLB et tous occupants de son chef pourront être expulsés à la requête de Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C], au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;

ordonné, en tant que de besoin, le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, aux frais, risques et périls de la société Garage CLB après avoir été listés, décrits avec précision et photographiés par l'huissier chargé de l'exécution ;

condamné la société Garage CLB à payer à Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] :

une indemnité mensuelle d'occupation à hauteur de 1 294,25 euros pour les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 9]

une indemnité mensuelle d'occupation à hauteur de 448,81 euros pour les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 9], outre toutes les indexations, taxes et charges éligibles conformément aux baux résolu et caduc, et ce à compter du 25 juin 2020 et jusqu'à la libération effective des lieux avec remise des clefs ;

débouté Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] de leur demande de paiement d'indemnités de relocation ;

condamné la société Garage CLB à payer à Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] la somme de 122 698,95 euros à titre de dommages et intérêts ;

débouté la société Garage CLB de sa demande de paiement d'une somme supplémentaire au titre des travaux de toiture ;

condamné la société Garage CLB à payer à Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Garage CLB aux entiers dépens ;

rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties,

dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la présente décision.

Le 10 février 2023, la société Garage CLB a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance rendue le 21 mai 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction, sous réserve de l'appréciation des parties ( par conclusions de procédure) sur le respect des dispositions de l'article 15 du code de procédure civile par les conclusions de la partie appelante du 17 mai 2024, et a fixé la date des plaidoiries au 29 mai suivant.

Aux termes de ses conclusions n°3 remises au greffe le 15 janvier 2024 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Garage CLB, appelante, demande à la cour de :

la juger recevable et bien fondée en ses demandes, dires, fins et conclusions ;

rejeter toutes les demandes, dires, fins et conclusions de Mme [N] [O], M. [H] [O] et Mme [R] [C] ;

Y faisant droit,

infirmer le jugement rendu le 14 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a débouté la société Garage CLB de sa demande en annulation du commandement de faire visant la clause résolutoire qui lui a été délivré le 25 mai 2020, à la requête de Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] ; débouté la société Garage CLB de sa demande de suspension de la réalisation des effets de la clause résolutoire et d'octroi de délais ; constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail du 17 novembre 1994 liant d'une part, la société Garage CLB et, d'autre part, Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C], portant sur les locaux commerciaux sis [Adresse 4] à [Localité 9], avec effet au 25 juin 2020 ; prononcé la caducité du bail du 1er février 1999 liant, d'une part, la société Garage CLB et, d'autre part, Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C], portant sur les locaux commerciaux sis [Adresse 1] à [Localité 9], avec effet au 25 juin 2020 ; ordonné en conséquence à la société Garage CLB, et tous occupants de son chef, de libérer les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 9] et les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 9] ; dit qu'à défaut de départ volontaire, la société Garage CLB et tous occupants de son chef pourront être expulsés à la requête de Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C], au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ; ordonné, en tant que de besoin, le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, aux frais, risques et périls de la société Garage CLB après avoir été listés, décrits avec précision et photographiés par l'huissier chargé de l'exécution ; condamné la société Garage CLB à payer à Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] : une indemnité mensuelle d'occupation à hauteur de 1 294,25 euros pour les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 9] // une indemnité mensuelle d'occupation à hauteur de 448,81 euros pour les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 9], outre toutes les indexations, taxes et charges éligibles conformément aux baux résolu et caduc, et ce à compter du 25 juin 2020 et jusqu'à la libération effective des lieux avec remise des clefs ; condamné la société Garage CLB à payer à Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] la somme de 122 698,95 euros à titre de dommages et intérêts ; débouté la société Garage CLB de sa demande de paiement d'une somme supplémentaire au titre des travaux de toiture ; condamné la société Garage CLB aux entiers dépens ; dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la présente décision ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

À titre principal,

prononcer la nullité du commandement de faire à elle délivré le 25 mai 2020 par les consorts [O], ce commandement ayant été délivré de mauvaise foi (a minima quant à l'injonction se rapportant aux domiciliations, le commandement doit donc être annulé dans son intégralité, un acte judiciaire ne pouvait pas être annulé partiellement) et juger en conséquence que la clause résolutoire n'est pas acquise et que le bail n'a pas été résilié judiciairement ;

À titre subsidiaire, si par extraordinaire il était jugé que le commandement de faire visant la clause résolutoire était régulier,

juger que le preneur a de toutes les façons correctement répondu aux 4 injonctions du bailleur contenues dans le commandement du 25 mai 2020 et juger en conséquence que la clause résolutoire n'est pas acquise et que le bail n'a pas été résilié judiciairement ;

À titre très subsidiaire, si par extraordinaire il était jugé que le commandement de faire visant la clause résolutoire était régulier et que le preneur n'avait pas déféré aux injonctions du bailleur contenues dans le commandement du 25 mai 2020,

suspendre les effets de la clause résolutoire compte tenu du programme complet de travaux qui va être mis en oeuvre par elle ( pièces n°33 a, 33 b et 33 c) mais également au regard des conséquences économiques et sociales délétères que l'expulsion de la société preneuse produirait ;

lui accorder un délai de 24 mois pour faire réaliser les travaux de réfection de la toiture tels que préconisés par M. [B], architecte ;

lui accorder un délai de 24 mois pour déférer à l'injonction de produire l'ensemble des justificatifs d'assurance des locaux pour les années 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020 ;

juger que les délais octroyés pourront agir de manière rétroactive afin de neutraliser les effets de la clause résolutoire ;

En tout état de cause,

juger que les deux baux à elle octroyés ont encore une pleine validité ;

rejeter toutes demandes de résiliation judiciaire des baux et toutes les demandes découlant de cette même résiliation judiciaire (demandes tendant aux mêmes fins qu'en cas de constatation d'acquisition de clause résolutoire). A titre subsidiaire, si par extraordinaire une demande de résiliation judiciaire était retenue, accorder des délais similaires à ceux sollicités en cas de constatation d'acquisition de la clause résolutoire au preneur dans les mêmes termes que ce qui est demandé 'supra' ,

rejeter toutes les demandes incidentes du bailleur comme cela est développé dans le corps des présentes (dont indexation du devis entériné en première instance, octroi d'indemnités de relocation, expulsions sous astreintes, octroi d'une somme supplémentaire de 50 000 euros au profit des bailleurs et rejet de la pièce n°25 des débats) ;

condamner les consorts [O] à lui payer la somme de 412 000 euros TTC cf pièces n° 33a, 33b et 33c (somme indexée sur la variation de l'indice BT01, entre le moment d'établissement du devis le plus ancien et la survenance de la décision à intervenir) de sorte que le preneur puisse réaliser des travaux de toiture pérennes et complets ;

condamner les consorts [O] à lui payer la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de leurs conclusions n°3 remises au greffe le 2 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leur prétentions et moyens, Mme [N] [O], M. [H] [O] et Mme [R] [C], agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'héritiers de M. [V] [O], décédé le 19 février 2023, intimés, appelants incidents, demandent à la cour de :

débouter la société Garage CLB des fins de son appel principal,

les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions, tant à titre personnel qu'en qualité d'héritiers de M. [V] [O],

Y faisant droit,

À titre principal,

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Garage CLB de sa demande en annulation du commandement de faire visant la clause résolutoire qui lui a été délivré le 25 mai 2020, à la requête de Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] ; débouté la société Garage CLB de sa demande de suspension de la réalisation des effets de la clause résolutoire et d'octroi de délais ; constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail du 17 novembre 1994 liant d'une part, la société Garage CLB et, d'autre part, Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] portant sur les locaux commerciaux sis [Adresse 4] à [Localité 9], avec effet au 25 juin 2020 ; prononcé la caducité du bail du 1er février 1999 liant, d'une part, la société Garage CLB et, d'autre part, Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C], portant sur les locaux commerciaux sis [Adresse 1] à [Localité 9], avec effet au 25 juin 2020 ; ordonné en conséquence à la société Garage CLB, et tous occupants de son chef, de libérer les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 9] et les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 9] ; dit qu'à défaut de départ volontaire, la société Garage CLB et tous occupants de son chef pourront être expulsés à la requête de Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C], au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ; ordonné, en tant que de besoin, le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, aux frais, risques et périls de la société Garage CLB après avoir été listés, décrits avec précision et photographiés par l'huissier chargé de l'exécution ; condamné la société Garage CLB à payer à Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] une indemnité mensuelle d'occupation à hauteur de 1 294,25 euros pour les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 9] et une indemnité mensuelle d'occupation à hauteur de 448,81 euros pour les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 9], outre toutes les indexations, taxes et charges éligibles conformément aux baux résolu et caduc, et ce à compter du 25 juin 2020 et jusqu'à la libération effective des lieux avec remise des clefs ; condamné la société Garage CLB à payer à Mme [N] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] la somme de 122 698,95 euros à titre de dommages et intérêts ; débouté la société Garage CLB de sa demande de paiement d'une somme supplémentaire au titre des travaux de toiture ; condamné la société Garage CLB à payer à Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la société Garage CLB aux entiers dépens ;

À titre subsidiaire,

les déclarer recevables et bien fondés, tant à titre personnel qu'en qualité d'héritiers de M. [V] [O], en leur appel incident,

Y faisant droit,

Si par extraordinaire, la cour d'appel de céans devait réformer le jugement déféré, en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail du 17 novembre 1994 et en a tiré toutes conséquences, la cour devrait,

Statuant à nouveau,

juger que les manquements de la société Garage CLB revêtent un caractère de gravité suffisant ;

prononcer en conséquence la résiliation judiciaire du bail commercial portant sur les locaux sis [Adresse 4] ;

fixer la date de résiliation du bail à la date de l'assignation en résiliation judiciaire du bail commercial, soit le 25 mai 2020 ;

prononcer la caducité du bail commercial portant sur les locaux sis [Adresse 1] à compter de la date de la résiliation judiciaire du bail commercial principal portant sur les locaux sis [Adresse 4], soit à compter du 25 mai 2020 ;

ordonner l'expulsion de la société Garage CLB des locaux sis [Adresse 4], devenue sans droit ni titre, ainsi que de tout occupant de son chef et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier s'il y a lieu, à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

ordonner l'expulsion de la société Garage CLB des locaux sis [Adresse 1] [Localité 9], devenue sans droit ni titre, ainsi que de tout occupant de son chef et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier s'il y a lieu, à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

condamner la société Garage CLB à payer à Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] une indemnité mensuelle d'occupation à hauteur de 1 367,98 euros pour les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 9] et une indemnité mensuelle d'occupation à hauteur de 474,34 euros pour les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 9], outre toutes les indexations, taxes et charges éligibles conformément aux baux résolu et caduc, et ce à compter du jour de la résiliation des contrats et jusqu'à la libération effective des lieux avec remise des clefs ;

condamner la société au paiement d'une indemnité correspondant au coût de réfection de la toiture, soit à la somme de 122 698,95 euros T.T.C tel que le prévoit le devis de la société CLV Couverture, laquelle devra être indexée sur l'indice du coût de la construction, arrêté au jour du paiement de la somme par le preneur ;

En tout état de cause,

La cour d'appel devra

réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes plus amples ou contraires formées par Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] ; débouté Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] de leur demande de paiement d'indemnité de relocation ; débouté Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] de leurs demandes tendant à voir ordonnée l'expulsion des lieux sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ; débouté Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] de leur demande tendant à voir la somme de 122 698,95 euros T.T.C. être indexée sur l'indice du coût de la construction, arrêté au jour du paiement de la somme par le preneur ;

Et, statuant à nouveau, la cour devra, en tout état de cause,

condamner la société Garage CLB à leur verser une indemnité de relocation d'un montant de 8 207,88 euros, correspondant à 6 mois de loyers, augmentés des charges, s'agissant des locaux sis [Adresse 4] à [Localité 9] ;

condamner la société Garage CLB à leur verser une indemnité de relocation d'un montant de 2 846,04 euros, correspondant à 6 mois de loyers, augmentés des charges, s'agissant des locaux sis [Adresse 1] [Localité 9] ;

ordonner l'expulsion de la société Garage CLB des locaux sis [Adresse 4], devenue sans droit ni titre, ainsi que de tout occupant de son chef et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier s'il y a lieu, à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

ordonner l'expulsion de la société Garage CLB des locaux sis [Adresse 1] [Localité 9], devenue sans droit ni titre, ainsi que de tout occupant de son chef et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier s'il y a lieu, à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Garage CLB à payer à Mme [N] [O], M. [H] [O], M. [V] [O] et Mme [R] [C] une indemnité mensuelle d'occupation à hauteur de 1 294,25 euros pour les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 9] et une indemnité mensuelle d'occupation à hauteur de 448,81 euros pour les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 9], outre toutes les indexations, taxes et charges éligibles conformément aux baux résolu et caduc, et ce à compter du 25 juin 2020 et jusqu'à la libération effective des lieux avec remise des clefs ;

condamner la société Garage CLB à leur verser une somme complémentaire de 37 678,32 euros TTC (à parfaire) à titre de dommages et intérêts, somme indexée sur l'indice du coût de la construction, arrêté au jour du paiement de la somme par le preneur ;

débouter la société Garage CLB de sa demande de suspension de la réalisation et des effets de la clause résolutoire et d'octroi de délais ;

débouter la société Garage CLB de sa demande de condamnation par les consorts [O] de la somme de 412 000 euros TTC (à parfaire) ;

écarter des débats la pièce communiquée par la société Garage CLB n°25 ;

condamner la société Garage CLB à leur payer la somme de 15 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouter la société Garage CLB de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner la société Garage CLB aux entiers dépens ;

dire qu'ils pourront être directement recouvrés par Maître Julie Gourion-Richard, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Postérieurement à l'ordonnance de clôture, le 23 mai 2024, les intimés, appelants incidents, ont déposé, à destination du conseiller de la mise en état, des conclusions aux fins de révocation de la clôture, et, à destination de la cour, des conclusions aux fins de rejet des débats des dernières écritures adverses, puis, le 28 mai 2024, le conseiller de la mise en état les ayant informés qu'il n'entendait pas révoquer l'ordonnance de clôture avant les plaidoiries, des conclusions destinées à la cour, aux fins, à titre principal, de révocation de l'ordonnance de clôture et de réouverture des débats, et à titre subsidiaire, de rejet des dernières conclusions et pièces adverses.

A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 4 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu'elle ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Elle rappelle également, s'agissant des prétentions énoncées au dispositif saisissant la cour, que les demandes de 'juger' qui ne tendent qu'au rappel des moyens invoqués à l'appui des demandes sans conférer de droit à la partie qui les requiert, ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur les demandes de rabat de la clôture et de rejet de conclusions

Aux termes de leurs conclusions destinées à la cour, remises au greffe le 28 mai 2024, Mme [N] [O], M. [H] [O] et Mme [R] [C], agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'héritiers de M. [V] [O], lui demandent de :

À titre principal,

révoquer l'ordonnance de clôture intervenue le 21 mai 2024,

admettre aux débats et déclarer recevables les conclusions et pièces par eux déposées postérieurement à l'ordonnance de clôture, en réplique aux éléments adverses tardifs,

fixer toute nouvelle date de clôture qu'il plaira au plus tard le 29 mai 2024,

dire que l'audience de plaidoiries fixée le 29 mai 2024 à 14 heures est maintenue,

À titre subsidiaire, si la demande de révocation de la clôture était rejetée,

écarter des débats les conclusions d'appelants n°4 notifiées par la société Garage CLB le 17 mai 2024 par RPVA étant tardives,

écarter des débats les pièces n°34 et 35 par la société Garage CLB communiquées le 17 mai 2024 étant tardives,

dire que l'audience de plaidoiries fixée le 29 mai 2024 à 14 heures est maintenue.

Soulignant que les dernières conclusions et pièces de la société Garage CLB ont été déposées la veille d'un week-end, et que le lundi suivant était férié, ils soutiennent, au visa de l'article 15 du code de procédure civile, que la société Garage CLB n'a pas transmis ses dernières conclusions et pièces dans un temps leur permettant d'en prendre utilement connaissance et d'y répliquer avant le prononcé de la clôture. Ils considèrent que le comportement de la société Garage CLB procède d'une stratégie dilatoire, qui l'a déjà conduite à déposer, le 15 janvier 2024, des conclusions d'appelante n°3 et d'incident alors que la clôture était fixée le 16 janvier 2024 et l'audience de plaidoiries le 28 janvier 2024. Faisant valoir qu'ils doivent pouvoir remettre à la cour des conclusions répondant aux derniers éléments transmis par les appelants, et ce d'autant plus que ces conclusions n°4 comportent une demande nouvelle (d'expertise) et de nouvelles pièces, ils estiment que le principe du contradictoire, dont la violation constitue une cause grave qui le permet, commande qu'une telle révocation soit prononcée.

A titre subsidiaire, les intimés sollicitent, en application de l'article 15 du code de procédure civile, le rejet des débats des conclusions n°4 et des pièces n°34 et 35 notifiées par l'appelante le 17 mai 2024, soit la veille de la clôture, alors qu'elles comportent de nouveaux éléments de fait et de droit, outre une nouvelle demande d'expertise. Ils n'ont en effet pas disposé du temps nécessaire pour en prendre connaissance et y apporter une réponse avant que la clôture ne soit prononcée.

La société appelante n'a pas déposé de conclusions en réponse aux incidents soulevés par ses adversaires.

Selon l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

Le dépôt de conclusions de dernière heure par l'appelante étant antérieur à la clôture, il ne peut constituer une cause grave qui se serait révélée postérieurement à celle-ci.

Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de révocation de la clôture.

Il est rappelé que les conclusions déposées et les pièces communiquées par les parties sont, par principe, recevables jusqu'à la clôture de l'instruction, par application de l'article 802 du code de procédure civile, et que restent recevables, même après la clôture, les conclusions aux fins de rejet des conclusions adverses, pour non respect du contradictoire.

Toutefois, des conclusions au fond déposées et des pièces communiquées avant l'ordonnance de clôture, mais peu de temps avant la date prévue pour celle-ci, peuvent être écartées des débats si elles contreviennent aux principes de la contradiction et du droit de chaque partie de pouvoir se défendre, consacrés par les articles 15 et 16 du code de procédure civile.

Les conclusions n°4 de l'appelante et les deux pièces litigieuses, mentionnées la première comme étant des 'dires de M. [B] (conseil technique de l'appelante et expert judiciaire)' et la seconde comme étant le 'référencement de M. [B] sur la liste des experts judiciaires près la cour d'appel de Paris', ont été notifiées le 17 mai 2024 à 10 heures 03.

Une nouvelle demande, visant à la désignation d'un expert, est formulée dans le dispositif de ces conclusions.

Le lundi 20 mai 2024 étant un jour férié, les intimés ne disposaient que de 24 heures pour répondre à cette nouvelle demande formulée devant la cour, et examiner l'avis technique produit à l'appui, ce qui ne constitue pas un délai utile suffisant.

Les intimés ayant déposé leurs conclusions n°3 le 2 mai 2024, l'appelante ne justifie pas en quoi, alors qu'elle savait depuis le 23 avril 2024 que la clôture devait intervenir le 21 mai 2024 à 10 heures, et l'audience de plaidoirie le 29 mai 2024, elle n'était pas en mesure de conclure en réponse à une date moins proche de celles prévues pour la clôture et les plaidoiries, dans un temps permettant à ses adversaires d'examiner utilement ses écritures et ses pièces.

Si les avis de M. [B] constituant la pièce n°35 de l'appelante datent des 15 et 16 mai 2024, la société Garage CLB ne justifie pas les avoir sollicité à une date qui rendait possible l'obtention d'une réponse dans un délai permettant le respect du principe de la contradiction : aucun élément ne permet de savoir à quel moment elle a interrogé M. [B].

Quant à sa demande d'expertise, il n'est pas non plus justifié qu'elle ne pouvait être formulée avant le 17 mai 2024, alors que l'appelante savait depuis le 7 mars 2024, date de l'ordonnance du conseiller de la mise en état rejetant sa demande d'expertise, qu'aucune mesure d'instruction ne serait ordonnée avant la clôture de la procédure.

Ceci alors que la clôture de la procédure - initialement prévue le 15 janvier 2024 à 10 heures - et l'audience de plaidoiries - initialement prévue le 28 février 2024 à 14 heures - avaient déjà été reportées une première fois, à la suite de la notification, par l'appelante, le 15 janvier 2024, à 23 heures 33, de nouvelles conclusions au fond, et à 23 heures 37, de conclusions d'incident aux fins d'expertise.

Dans ces conditions, la notification tardive de conclusions et pièces par l'appelante caractérise une atteinte aux droits de la défense et au principe de la contradiction, qui doit conduire à écarter des débats les dites conclusions et pièces.

Les conclusions au fond n°4 signifiées par les intimés le 23 mai 2024, après la clôture, étant irrecevables en application de l'article 802 du code de procédure civile, et les conclusions n°4 de l'appelante étant écartées comme dit ci-dessus, les dernières conclusions des parties qui saisissent la cour sont, pour l'appelante, celles du 15 janvier 2024 ( n°3) et pour les intimés, celles du 2 mai 2024 (n°3), et les pièces produites à l'appui celles qui sont visées dans ces conclusions.

Sur la demande de rejet de la pièce n° 25 de l'appelante

Les intimés entendent porter à l'attention du juge de l'exécution (sic) que les attestations produites par l'appelante ne respectent pas les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile. Ils sollicitent le rejet de la pièce n°25 de l'appelante, 'dont la teneur étonne', au motif qu'aucune pièce d'identité n'y est jointe et que cette attestation émane d'un prétendu 'commandant de police', dans des termes qui contreviennent au devoir de réserve.

L'appelante objecte que si l'attestation litigieuse ne réunit pas 'toutes les caractéristiques habituelles d'une attestation', elle peut toujours être considérée comme un élément de preuve parmi d'autres.

Il convient de rappeler que les règles édictées par l'article 202 du code de procédure civile, relatives à la forme des attestations en justice, ne sont pas prescrites à peine de nullité.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter l'attestation litigieuse au seul motif qu'elle ne répond pas aux prescriptions légales.

Par ailleurs, la présente cour n'est pas juge d'une éventuelle violation de son obligation de réserve par un fonctionnaire de police.

Aucune raison ne justifie de faire droit à la demande de rejet de la pièce litigieuse, dont il appartiendra toutefois à la cour d'apprécier la valeur probante, notamment à l'aune des observations de la partie intimée.

Sur la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire

Quant à la validité du commandement :

La société appelante soutient que le commandement de faire visant la clause résolutoire a été délivré de mauvaise foi par le bailleur. Ce qui emporte sa nullité, étant précisé que, pour la société appelante, 'le commandement n'est pas divisible, s'il est établi que l'une des injonctions formulées l'a été de mauvaise foi, il doit être annulé en son entier'. Elle considère, par ailleurs, que le tribunal a fait une interprétation extensive des clauses du bail, partie des injonctions qui lui ont été faites n'étant pas sanctionnées par la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire.

Les intimés contestent avoir fait preuve de mauvaise foi dans la délivrance du commandement. Ils considèrent que les injonctions contenues dans le dit commandement sont valides, et que les manquements reprochés aux termes de cet acte renvoient bien aux prévisions du bail.

La clause résolutoire, telle que celle prévue à l'article L.145-41 du code de commerce, ne pouvant être mise en 'uvre que pour un manquement à une stipulation expresse du bail, ce manquement doit être contractuellement sanctionné par la clause résolutoire et les conditions d'application d'une telle clause doivent être interprétées strictement.

Par ailleurs, la clause résolutoire doit être invoquée de bonne foi.

Le bail du 2 juin 2004comporte une clause résolutoire qui prévoit qu'à défaut de paiement à son échéance d'un seul terme de loyers et charges, en cas d'inexécution de l'une quelconque des conditions du bail, et un mois après un simple commandement de payer ou d'exécuter demeuré infructueux, le bail sera résilié de plein droit.

Le commandement de faire délivré le 25 mai 2020 enjoint à la société Garage CLB de transmettre aux consorts [O] :

le consentement écrit du bailleur préalable à la mise en oeuvre des travaux réalisés par le locataire au sein des locaux litigieux, ayant fait l'objet de la facture n°2019051 établie par la société ' L'Enveloppe Industriel' le 15 janvier 2019,

l'ensemble des justificatifs relatifs à la désignation de l'homme de l'art chargé d'assurer la surveillance de ces travaux ;

l'ensemble des justificatifs d'assurance des locaux conformément aux dispositions du bail pour les années 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020 ;

les actes de domiciliation des sociétés Transports Carioca, Plaine Monceau Automobile, Nicotax et Marnaise au sein des locaux commerciaux sis [Adresse 4], ainsi que l'ensemble des autorisations administratives et de la bailleresse relatives auxdites domiciliations.

En premier lieu, si l'article 'destination' du bail commercial du 2 juin 2004, dont se prévalent les intimés, prévoit que les biens loués sont exclusivement destinés à l'exploitation des activités commerciales de commerce de garage automobile et tout ce qui concerne l'industrie à l'exception des commerces existant déjà dans l'immeuble [Adresse 4] et [Adresse 1] à la date du changement de commerce, et qu'ils ne pourront être utilisés même partiellement, ou de façon temporaire, à un autre usage, cette stipulation n'interdit pas explicitement au locataire, sous peine de résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire, de simplement domicilier une société tierce dans les lieux loués.

De même, l'indication que le preneur doit faire son affaire personnelle de toute réclamation ayant trait à son activité afin que le bailleur ne puisse être recherché par quiconque à ce sujet n'implique pas l'obligation pour le locataire, à peine de résiliation du bail, de transmettre au bailleur, au surplus en dehors de toute recherche de la responsabilité de ce dernier, des justificatifs de l'obtention des autorisations administratives le cas échéant nécessaires.

Comme l'a à raison retenu le tribunal, aucune clause du bail n'impose au preneur de solliciter les autorisations administratives nécessaires à l'activité de domiciliation et de régulariser des actes de domiciliation, et il n'est pas non plus établi que les autorisations de domiciliation accordées par le bailleur auraient été soumises à l'accomplissement de telles formalités.

Ainsi, le fait, pour la société Garage CLB, de ne pas transmettre au bailleur d'actes de domiciliation des sociétés Transports Carioca, Plaine Monceau Automobile, Nicotax et Marnaise au sein des locaux commerciaux sis [Adresse 4], ainsi que l'ensemble des autorisations administratives et de la bailleresse relatives auxdites domiciliations, n'est pas susceptible d'être sanctionné par la mise en oeuvre de la clause résolutoire.

Pour autant, le seul fait, pour les consorts [O], d'avoir enjoint à leur locataire de produire ces éléments sous peine de résiliation de plein droit du bail, ne suffit pas à faire la démonstration, qui incombe à l'appelante, étant rappelé que la mauvaise foi ne se présume pas, que, ce faisant, les consorts [O] ont agi de mauvaise foi. Et ce même si Mme [G], par l'intermédiaire de son mandataire, avait autorisé en son temps la domiciliation des 4 sociétés en cause.

En deuxième lieu, le bail énonce que le preneur fera assurer pendant tout le cours du bail son mobilier personnel et commercial, ses matériels et marchandises, contre l'incendie, les risques professionnels de son commerce, les risques locatifs, les dégâts des eaux et le recours des voisins et justifiera de l'acquis des primes à toute réquisition du bailleur.

Dans ces conditions, et comme l'a à raison retenu le tribunal, les consorts [O] étaient fondés à réclamer à la locataire, sous peine de résiliation de plein droit du bail par l'effet de la clause résolutoire prévue au dit bail, la transmission des justificatifs d'assurance des locaux. Contrairement à ce que soutient la société appelante, à savoir que le défaut de production des attestations d'assurance n'est pas expressément sanctionné, le visa, au contrat de bail, de l'obligation de justifier, si le bailleur le demande, de l'acquis des primes renvoie bien à la justification d'une assurance effectivement en cours, via, le cas échéant, la production d'une attestation de l'assureur.

Là encore, l'appelante, qui procède par affirmation, ne fait pas la preuve que l'injonction du bailleur aurait été faite de mauvaise foi.

En troisième lieu, le bail liant les parties stipule que le preneur ne pourra faire dans les lieux loués aucun changement de distribution, aucune démolition, aucun travaux de construction, aucun percement de murs, cloisons ou planchers sans le consentement écrit du bailleur, et que dans tous les cas, les travaux devront être surveillés par l'homme de l'art désigné par le bailleur dont les honoraires seront à la charge du preneur.

Pour retenir comme il l'a fait, et contrairement à ce que soutenait celle-ci, que les travaux réalisés par la société Garage CLB, consistant dans la pose d'une surtoiture, faisaient partie de ceux qui étaient soumis à l'autorisation du bailleur, et devaient être suivis par un architecte désigné par ce dernier conformément aux termes du bail, le tribunal a considéré que le terme de construction renvoyait à l'édification d'un bâtiment nouveau ou à l'extension d'un bâtiment existant, laquelle consiste en tout agrandissement d'un bâtiment existant d'un volume inférieur à celui-ci et présentant un lien physique et fonctionnel avec lui, l'extension pouvant être horizontale ou verticale, et que constitue une extension et donc une construction la pose de la surtoiture en cause, qui a eu pour effet de rehausser la toiture, comme l'indique l'attestation d'ouvrage établie par la société L'Enveloppe Industriel qui a réalisé les travaux.

Si la société Garage CLB fait valoir en substance, à l'appui de sa contestation, qu'elle n'a pas apporté de modification à l'immeuble, que la pose d'une surtoiture, pour laquelle elle s'est contentée de mettre en oeuvre la solution qui lui a été préconisée par la société L'Enveloppe Industriel, spécialisée dans les travaux de maçonnerie générale, n'était que transitoire, dans l'attente d'une meilleure alternative et de travaux définitifs, que les travaux effectués ne relèvent pas des travaux de construction, mais de travaux d'entretien du toit ou de réparation ordinaires, ou encore de travaux conservatoires, et que le tribunal s'est trompé en considérant que le rehaussement engendré par la surtoiture suffisait à qualifier cette dernière de construction alors que la surtoiture en cause ne constitue pas une extension ni un rehaussement dans le sens entendu en matière de construction, et qu'elle pouvait être enlevée à tout moment, elle ne produit pas d'élément objectif susceptible de remettre en cause la pertinence de l'analyse faite par les premiers juges.

Ainsi, aucun élément tangible n'est versé aux débats permettant de la suivre dans son argumentation selon laquelle les travaux confiés à la société L'Enveloppe Industriel n'étaient que provisoires et conservatoires, pour pallier l'urgence de la situation, parce qu'elle n'avait pas les moyens d'effectuer les travaux de remplacement de la toiture arrêtés en 2015, l'indemnisation de l'ordre de 90 000 euros octroyée par la cour d'appel pour ce faire étant manifestement sous-évaluée, les travaux nécessaires s'avérant en réalité beaucoup plus onéreux en raison d'une problématique de traitement de l'amiante incorrectement identifiée.

Il n'est en effet produit aucune pièce attestant qu'entre le 18 mai 2016 ( date à laquelle il est certain que le règlement de la condamnation prononcée à l'encontre de Mme [G] était effectif) et le 18 juin 2018 ( date du devis de la société L'Enveloppe Industriel que produit l'appelante), la société Garage CLB aurait tenté d'effectuer les travaux de remplacement préconisés par l'expert et entérinés par la cour, et qu'il lui aurait été opposé que leur exécution n'était pas possible avec la somme de 90 000 euros TTC allouée.

Etant observé, au demeurant, que la somme de 89 389,04 euros TTC allouée par l'arrêt du 12 mai 2015 était exactement celle que demandait la société Garage CLB à la cour d'appel, en s'appuyant sur le rapport d'expertise de M. [S] et sur un devis qu'elle lui avait elle-même transmis, en sorte qu'elle n'est pas fondée à reprocher quoi que ce soit au bailleur à cet égard.

La pièce la plus ancienne qui évoque une difficulté à 'rester dans l'enveloppe financière' allouée par la cour est l'avis établi par M. [B] à destination du Garage CLB le 11 mai 2019. Soit postérieurement à la réalisation des travaux en cause, qui ont été réceptionnés le 15 janvier 2019 au vu du procès-verbal produit par l'appelante.

La société appelante n'apporte par ailleurs aucun avis technique venant contredire l'analyse qu'a faite le tribunal, ainsi que le relèvent les consorts [O] qui par ailleurs soulignent avec pertinence que les travaux effectués sans autorisation préalable du bailleur constituaient des travaux soumis à une autorisation de la mairie de [Localité 9], qui a été accordée le 25 octobre 2018.

Si c'est en vain que les consorts [O] contestent les motifs du jugement en ce qu'il n'a pas retenu que les murs des locaux loués avaient fait l'objet d'un percement sans l'autorisation du bailleur, faute de produire des éléments probants à l'appui, leur affirmation selon laquelle des percements ont 'forcément' ou 'en toute logique' été nécessaires pour procéder aux travaux ne constituant pas la preuve de ce qu'ils avancent, la cour retient, comme l'a fait à raison le tribunal avant elle, et pour des motifs qu'elle approuve, que les travaux réalisés par la société L'Enveloppe Industriel à la demande de la société Garage CLB étaient bien soumis à l'autorisation de son bailleur, et à la surveillance d'un homme de l'art.

Les consorts [O] étaient dès lors fondés à enjoindre à la société Garage CLB de justifier du consentement écrit du bailleur préalable à la mise en oeuvre des travaux réalisés par le locataire au sein des locaux litigieux, ayant fait l'objet de la facture n°2019051 établie par la société L'Enveloppe Industriel le 15 janvier 2019, et de produire les justificatifs relatifs à la désignation de l'homme de l'art chargé d'assurer la surveillance de ces travaux.

Et là encore, la société appelante ne fait pas la preuve que la délivrance d'un commandement visant cette obligation procéderait d'une mauvaise foi du bailleur.

Il convient en effet de rappeler que la délivrance d'un commandement préalable reste nécessaire même lorsque la violation de la stipulation sanctionnée par la clause résolutoire n'est pas susceptible de régularisation rétroactive.

Le commandement n'ayant pas été délivré de mauvaise foi, et visant l'exécution de 3 obligations prévues au bail et sanctionnées par la résiliation de plein droit de celui-ci, par application de la clause résolutoire qui y figure, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il déboute la société Garage CLB de sa demande d'annulation du dit commandement.

Quant à l'acquisition de la clause résolutoire :

A l'appui de sa demande d'infirmation, la société Garage CLB fait valoir qu'il n'y a pas de manquement suffisamment grave du preneur permettant de retenir que la clause résolutoire est acquise. Selon elle, une clause résolutoire est une simple prérogative contractuelle qui peut, lorsque le locataire est de bonne foi, être neutralisée, selon l'appréciation du juge. Et en l'occurrence, le fait qu'elle n'ait pas demandé l'autorisation expresse à son bailleur pour procéder à des travaux conservatoires qui étaient nécessaires ne constitue pas un manquement suffisamment grave à ses obligations contractuelles. Puisque le premier devis retenu en 2015 était insuffisant, faute, notamment, de traiter la problématique 'amiante' de manière suffisante, dès lors que les travaux pérennes peuvent parfaitement intervenir encore aujourd'hui, et qu'un programme pertinent a été établi par M. [B] pour ce faire, elle considère qu'elle n'a pas violé les stipulations du contrat de bail d'une manière qui l'expose à la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire.

A titre subsidiaire, la société appelante demande à la cour de retenir qu'elle a respecté toutes les injonctions qui lui avaient été faites.

Les intimés font valoir, à l'appui de la confirmation du jugement attaqué, que la société Garage CLB a reconnu ne pas avoir sollicité, ni a fortiori obtenu, l'autorisation du bailleur pour réaliser les travaux litigieux, qui n'ont pas non plus été surveillés par l'homme de l'art, et que ni Mme [G] ni ses successeurs n'ont été préalablement informés de ces travaux ni n'ont jamais donné leur accord, pas plus qu'ils n'ont pu les faire suivre par un homme de l'art. Comme l'a retenu le tribunal, l'absence d'autorisation du bailleur ne peut être compensée par une prétendue autorisation judiciaire, puisque les travaux réalisés ne sont pas ceux visés par l'arrêt du 12 mai 2015. La société appelante n'a pas non plus satisfait au commandement s'agissant de la transmission des justificatifs d'assurance des locaux conformément aux stipulations du bail, leur permettant de s'assurer que l'ensemble des risques prévus au contrat étaient bien couverts. Les attestations produites sont en effet très peu détaillées, et ne permettent pas de vérifier si l'ensemble des risques expressément énumérés par le contrat de bail sont couverts.

En application de l'article L.145-41 du code de commerce, à défaut pour le preneur d'avoir régularisé sa situation dans le délai d'un mois suivant la délivrance d'un commandement d'exécuter ses obligations, visant la clause résolutoire, celle-ci est acquise de plein droit.

La mauvaise foi du bailleur étant écartée, le juge ne peut que constater la résiliation du bail, et ce quelle que soit la gravité du manquement.

Il n'y a donc pas lieu de suivre l'appelante dans son argumentation liée à l'insuffisante gravité des manquements qui lui sont reprochés ; il doit seulement être recherché si elle a exécuté les termes du commandement dans le délai dont elle disposait, à savoir un mois.

A titre liminaire, bien que les intimés fassent mention, dans leurs écritures, de 'l'inexécution des travaux entérinés judiciairement sur demande de la société locataire' comme étant constitutive d'une violation par le preneur de ses obligations contractuelles, sanctionnée par l'application de la clause résolutoire du bail commercial, le commandement du 25 mai 2020 susvisé ne comporte aucune injonction à cet égard, en sorte que l'inexécution par l'appelante des travaux visés par l'arrêt du 12 mai 2015, pour lesquels des sommes lui ont été réglées par le bailleur, à l'époque Mme [G], ne peut produire aucune conséquence s'agissant de la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire.

Comme déjà dit ci-dessus, le bail comporte une obligation pour le preneur de justifier qu'il est effectivement assuré, à toute réquisition de son bailleur.

Le tribunal, après avoir fait le constat que la société Garage CLB avait, dans le délai d'un mois du commandement qui lui avait été délivré le 25 mai 2020, transmis aux consorts [O] des attestations d'assurance relatives aux locaux en cause, pour les années 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020, a considéré que l'obligation n'était pas remplie, au motif que les dites attestations étaient imprécises et ne permettaient pas de confirmer que tous les risques prévus au bail sont couverts.

Cependant, il ressort de l'examen par la cour des attestations produites ( en pièce n°13) que celles-ci se réfèrent toutes au même contrat, référencé n°129723311, et qu'il est indiqué, notamment dans l'attestation établie le 8 janvier 2020, que le risque couvert par ce contrat est garanti tant pour le contenu que pour les responsabilités locatives pouvant incomber à la société Garage CLB, notamment vis à vis du propriétaire des locaux, ce dont il se déduit que les risques visés par le contrat de bail sont effectivement garantis, observation faite que les intimés ne font pas la démonstration contraire.

Dès lors, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la société Garage CLB a satisfait au commandement visant la clause résolutoire s'agissant de l'obligation de justifier d'une assurance effective.

S'agissant de l'injonction afférente à la réalisation de travaux soumis à autorisation du bailleur, la société Garage CLB ne conteste pas utilement le constat qu'ont fait les premiers juges, au vu notamment du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 11 octobre 2019, de la facture établie par la société L'Enveloppe Industriel, et de l'avis daté du 11 mai 2019 de M. [B], architecte, à l'attention de la société appelante, qu'elle a fait réaliser des travaux de pose d'une surtoiture, sur une partie des locaux loués, pour un montant de 30 457,92 euros, et que les travaux réalisés ne sont pas ceux pour l'exécution desquels elle s'est vu octroyer, conformément à sa demande et à l'appui d'un devis produit par ses soins, la somme de 89 389,04 euros TTC déjà évoquée ci-dessus, mais constituent des travaux distincts.

La société appelante n'a justifié, dans le délai d'un mois imparti par le commandement, ni de ce qu'elle avait obtenu le consentement écrit du bailleur, ni de que ces travaux avaient été réalisés sous la surveillance d'un homme de l'art désigné par ce dernier.

Dans ces conditions, le jugement doit être approuvé en ce qu'il a considéré que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire du bail étaient bien réunies.

Quant à l'octroi de délais :

Faisant valoir que les travaux de réfection de la toiture peuvent toujours être réalisés et considérant que la sanction prononcée par les premiers juges est excessivement sévère, la société Garage CLB demande à la cour de suspendre les effets de la clause résolutoire, et de lui octroyer rétroactivement des délais pour exécuter les travaux complets de réfection de la toiture, pour lesquels elle dispose d'un plan arrêté par M. [B], pour un montant total de 412 000 euros TTC.

Elle insiste sur les conséquences sociales et économiques délétères qu'une expulsion serait susceptible d'entraîner, et sur le fait que, durant ses 10 années d'occupation des locaux pris à bail, elle a toujours réglé régulièrement les loyers dus.

Les intimés s'opposent à cette demande, au motif que, comme l'a dit le tribunal, l'inexécution de ses obligations contractuelles par le preneur est définitive et qu'il ne peut y être remédié. Ils ajoutent que le preneur ne démontre pas qu'il satisfait désormais à ses obligations, qu'ils doutent fortement de sa bonne foi et de sa volonté effective de réaliser les travaux qui sont désormais à sa charge en vertu de l'arrêt du 12 mai 2015, et alors pourtant qu'il avait fait valoir lors des opérations d'expertise qu'il était urgent d'y procéder, et qu'en conséquence, ils entendent conduire à son terme son expulsion, pour pouvoir procéder eux-mêmes aux travaux nécessaires. La société Garage CLB, qui se dit dans une situation financière saine et solide, pourra aisément selon eux trouver un autre local commercial pour poursuivre son activité, alors qu'eux mêmes, simples particuliers, ne peuvent supporter plus longtemps une atteinte à leur droit de propriété, manifestement disproportionnée au regard des facultés respectives des parties. En outre, alors qu'elle a déjà bénéficié d'un délai de fait de plus d'une année pour quitter les lieux, elle ne justifie d'aucune recherche de nouveaux locaux. Enfin, la société Garage CLB exagère les conséquences d'une expulsion, étant observé qu'elle a déjà changé de lieu d'exploitation depuis sa création, sans pour autant tomber en liquidation judiciaire.

En vertu de l'article L.145-41 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

La résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire est due, en l'espèce, à la réalisation, par le locataire, de travaux de construction sans l'autorisation écrite ( ou même verbale) du bailleur, et sans surveillance par un homme de l'art désigné par celui-ci.

L'inexécution par la société Garage CLB des travaux entérinés en 2015 n'étant pas reprochée aux termes du commandement de faire visant la clause résolutoire, et n'étant la raison pour laquelle cette clause a joué, il ne peut y avoir de suspension des effets de la clause résolutoire en contrepartie de l'exécution des dits travaux dans un délai de deux ans.

Comme l'a à bon droit retenu le tribunal, l'inexécution de ses obligations contractuelles par le preneur est définitive, et il ne peut y être remédié s'agissant de l'absence d'autorisation du bailleur avant la réalisation de travaux de construction, et de l'absence de suivi de ces travaux par un architecte.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il déboute la société Garage CLB de sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire et d'octroi de délais, et constate l'acquisition de plein droit de la dite clause à la date du 25 juin 2020.

Quant aux conséquences de la résiliation du bail :

En suite du constat de la résiliation du bail, le tribunal a :

prononcé la caducité du bail portant sur les locaux sis [Adresse 1] à [Localité 9] ( 92), également au 25 juin 2020, en retenant que les parties avaient entendu lier le bail portant sur ces locaux à celui portant sur les locaux sis [Adresse 4],

ordonné la libération par la société Garage CLB des locaux dont elle était locataire,

autorisé son expulsion à défaut de départ volontaire,

condamné la société Garage CLB au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle pour chacun de ces locaux.

La société Garage CLB sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la caducité du contrat de bail portant sur les locaux sis [Adresse 1], mais sans présenter aucun moyen de fait ou de droit à l'appui de sa demande, en sorte que la cour n'a pas à l'examiner. Pour le surplus, elle ne critique pas utilement la décision des premiers juges.

Les consorts [O] demandent quant à eux la confirmation du jugement en ses dispositions susvisées, excepté en ce qu'il les a déboutés de leur demande tendant au prononcé d'une astreinte assortissant l'expulsion, considérant qu'il s'agit de la seule manière de contraindre la société Garage CLB à exécuter la décision, puisqu'en dépit du jugement de première instance exécutoire de plein droit, d'une décision du premier président de la cour rejetant sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire, et d'une décision du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre rejetant sa demande de délais, elle n'a toujours pas quitté les lieux, y compris depuis la délivrance d'un commandement en ce sens le 3 avril 2023.

S'agissant de l'astreinte, seul point sur lequel il revient à la cour de statuer, il sera, en premier lieu, fait observer qu'elle ne peut pas assortir une mesure d'expulsion, puisque la mise en oeuvre d'une telle mesure relève du bailleur, mais uniquement l'obligation de quitter les lieux qui est faite à l'occupant devenu sans droit ni titre.

En toute hypothèse, le prononcé d'une astreinte n'est pas nécessaire, puisque comme le souligne la société Garage CLB, les consorts [O] ont la possibilité de recourir à l'exécution forcée pour obtenir son départ des lieux.

La demande d'astreinte sera, en conséquence, rejetée, et il sera sur ce point ajouté au jugement, le tribunal n'ayant pas spécialement statué sur cette prétention.

Sur la demande d'indemnité de relocation

Appelants incidents sur ce point, les consorts [O], visant l'article 1760 du code civil, font valoir à l'appui de leur demande que la résiliation du bail est imputable à la locataire, qui n'a jamais fait remplacer la toiture des locaux et a ainsi gravement mis en péril leur structure, qu'ils vont du fait de sa carence devoir procéder eux-mêmes à une réfection intégrale de la toiture, qui les empêchera de relouer les locaux pendant les travaux, dont la durée ne sera pas inférieure à 6 mois et qui nécessiteront que les locaux soient vides, compte tenu de l'ampleur des dégâts et de la surface de la toiture à changer et au regard de considérations tenant à la sécurité des occupants, notamment au regard du traitement de la problématique de l'amiante.

La société Garage CLB ne fait valoir aucun moyen utile en réponse.

Le tribunal a rejeté la demande des consorts [O] en retenant que si la résiliation et la caducité des baux étaient imputables au preneur, les consorts [O] ne démontraient pas que les travaux à effectuer étaient de nature à les empêcher de relouer les locaux, ni la durée de cet empêchement.

Cette preuve n'est pas plus rapportée en cause d'appel, étant observé que si le devis de la société CLV Couverture que produisent les consorts [O] comporte bien un poste 'dépose tôle amiante', il ne contient aucune information notamment sur la durée de l'opération, et aucun élément d'ordre technique n'est produit, qui permette de conforter l'affirmation des consorts [O] quant à la durée prétendue des travaux, et à la nécessité que les locaux soient entièrement vides.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande.

Sur les demandes en paiement au titre de la réfection de la toiture

Poursuivant l'infirmation de la condamnation prononcée à son encontre en première instance, la société Garage CLB considère qu'on ne peut pas lui reprocher d'avoir laissé les locaux se dégrader, comme l'a retenu le tribunal, puisqu'elle a justement réalisé des travaux provisoires de réfection de la toiture, à titre conservatoire, pour pallier l'urgence de la situation, même si elle ne disposait pas des sommes suffisantes pour exécuter les travaux de remplacement de la toiture. Les travaux arrêtés en 2015 ont été manifestement sous-évalués, le désamiantage du bâtiment n'ayant pas été pris en compte, alors qu'il coûte à lui seul plus de 200 000 euros. La société Garage CLB critique, par ailleurs, le devis présenté par ses adversaires, qui a été établi de façon non contradictoire, sans maître d'oeuvre, et qui ne correspond pas à la réalité des travaux à effectuer, et considère qu'il ne peut fonder aucune condamnation, et a fortiori aucune demande d'indexation. Enfin, elle estime incohérent que les consorts [O] récoltent le fruit des travaux de surtoiture qu'elle a réalisés, pour une somme avoisinant 30 000 euros, ainsi que des dommages et intérêts au titre de la réfection de la toiture, qui ne sera évidemment pas réalisée par leurs soins.

En sus de l'infirmation du jugement en ce qu'il la condamne, la société Garage CLB réclame, à hauteur d'appel, une somme de 412 000 euros TTC pour pouvoir effectuer la réparation pérenne de la toiture.

Les consorts [O] considèrent que la société Garage CLB a commis une faute au sens de l'article 1240 du code civil en ne faisant pas réaliser la réfection intégrale de la toiture des locaux loués, faute qui leur cause un préjudice puisqu'ils ne peuvent relouer les locaux en l'état, et se voient contraints de faire procéder eux-mêmes aux travaux que la société aurait dû entreprendre il y a près de 9 ans, et ce alors que leur coût a augmenté, ainsi qu'ils en justifient, et que la toiture s'est nécessairement dégradée, étant ajouté que l'augmentation du coût des travaux n'est pas due, contrairement à ce que prétend la société Garage CLB, au fait que le devis initial ne prenait pas en compte la purge de l'amiante, cette problématique ayant bien été prise en compte dans le devis de 2012.

Sans qu'il soit nécessaire de discuter plus avant, il convient, tout d'abord, de confirmer le rejet de la demande en paiement de la société Garage CLB au titre de la réfection de la toiture, portée à la somme de 412 000 euros TTC en cause d'appel en considération d'évaluation et devis proposés par M. [B], architecte, dès lors que comme l'a à raison retenu le tribunal, les baux sont pour l'un résilié et pour l'autre caduc. Etant relevé, à titre incident, que la société Garage CLB a omis de déduire du montant de sa demande la somme de près de 60 000 euros dont elle dispose déjà, puisqu'elle a perçu de Mme [G] 89 389,04 euros en 2016, dont elle n'a 'dépensé' qu'un tiers pour ses travaux de surtoiture.

Pour la condamner comme il l'a fait à payer aux consorts [O] des dommages et intérêts au titre du coût de la réfection de la toiture, sur la base d'un devis établi par une société CLV le 29 septembre 2021, et sur le fondement de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, le tribunal a considéré que la société Garage CLB avait commis une faute en s'abstenant, durant plusieurs années, de faire remplacer la toiture des locaux sis [Adresse 4]. Il a relevé, à cet égard, que la société Garage CLB avait obtenu la condamnation du bailleur à lui verser la somme de 88 312,64 euros [ en réalité 89 389,04 euros TTC] correspondant au coût de la réfection de la toiture, et qu'alors qu'elle avait effectivement reçu cette somme, elle n'avait pas fait réaliser les travaux ayant fondé la condamnation du bailleur, laissant ainsi les locaux se dégrader, et ce alors même que lesdits travaux auraient dû être effectués rapidement, peu important que la cour n'ait fixé aucun délai, le rapport d'expertise, cité par la cour dans son arrêt, mentionnant que la couverture doit être remplacée 'au plus vite avant qu'une infiltration n'atteigne l'installation électrique', et la société Garage CLB ayant elle-même insisté sur l'urgence à faire réaliser ces travaux dans l'assignation en référé qu'elle a fait délivrer au bailleur le 26 octobre 2012, au motif que la situation portait atteinte à la totalité de la solidité de la structure de l'immeuble, lequel menaçait de s'écrouler à tout instant. Il a estimé que la société Garage CLB ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité en invoquant une prétendue problématique d'amiante, dès lors que celle-ci avait déjà été identifiée avant que la cour d'appel ne statue aux termes de son arrêt du 12 mai 2015. Il a retenu que la faute de la société Garage CLB causait un préjudice aux consorts [O], qui étaient contraints de faire procéder à la réfection de la toiture, alors même que la somme correspondant à leur coût, telle qu'évaluée en 2015, avait été versée au preneur, et alors même que ce coût avait augmenté depuis 2015, non seulement en raison de l'augmentation de l'indice du coût de la construction, mais également en raison du durcissement des règles d'intervention sur les produits contenant de l'amiante, comme relevé par M. [B] dans son courrier du 11 mai 2019.

La société Garage CLB n'apporte à la cour aucun élément permettant de remettre en cause la pertinence des motifs retenus par les premiers juges, pour statuer comme ils l'ont fait.

Comme il l'a été dit ci-dessus, elle ne justifie pas avoir, à la réception des fonds versés par Mme [G], tenté d'entreprendre les travaux prescrits par le rapport d'expertise de M. [S], sur la base d'un devis qu'elle avait elle-même produit, et dont elle avait demandé à la cour d'appel d'entériner les conclusions, et avoir été contrainte d'y renoncer en raison de l'insuffisance du montant alloué par la cour.

Il est relevé que la pose de la surtoiture est intervenue plus de deux ans après le versement des fonds par Mme [G], le devis de la société L'Enveloppe Industriel étant daté du 18 juin 2018. Soit deux années pendant lesquelles l'immeuble n'a pu que se dégrader compte tenu de ce qu'indiquait l'expert et la société Garage CLB.

La société Garage CLB ne remet pas efficacement en cause le devis établi par la société CLV le 29 septembre 2021, sur lequel s'est appuyé le tribunal, ni celui produit à hauteur d'appel, et établi par cette même société le 5 septembre 2023, pour actualisation du montant des travaux : elle se borne en effet à une contestation d'ordre général, sans étayer utilement sa critique poste par poste.

Et surtout, elle ne peut pas sérieusement conclure au rejet de la demande des consorts [O], qui porte sur un montant total de 160'377,27 euros, alors qu'elle soutient dans le même temps que le coût des travaux en cause s'élève à 412 000 euros TTC.

Comme le rappellent les intimés, les travaux de réfection totale de la toiture qui sont à entreprendre sont différents de ceux réalisés par la société Garage CLB, et les travaux effectués par celle-ci n'ont été réalisés que sur une portion limitée de la toiture du garage, en sorte qu'il n'est pas démontré que les bailleurs en tirent un quelconque profit. Etant ajouté qu'ils n'ont été entrepris que plus de deux ans après que la société Garage CLB a reçu les fonds destinés à la réalisation des travaux de réfection.

Le jugement doit donc être confirmé, en ce qu'il a condamné la société Garage CLB à indemniser les bailleurs à hauteur de la somme de 122 698,95 euros, et il est alloué, à hauteur d'appel, une somme supplémentaire de 37 678,22 euros, le préjudice du bailleur s'établissant, au jour où la cour statue, à la somme de 160'377,27 euros TTC.

Il n'y a pas lieu d'infirmer le jugement, qui n'a pas spécialement statué sur la demande des consorts [O], s'agissant de l'indexation de la somme de 122 698,95 euros qui leur a été accordée.

Et à hauteur d'appel, étant rappelé que les sommes allouées à titre de dommages et intérêts sont conformément à l'article 1231-7 du code civil, productives d'intérêts au taux légal à compter de la décision qui les ordonne, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'indexation visant la somme de 37 678,22 euros que la société Garage CLB sera condamnée à régler, en sus, aux intimés.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Garage CLB qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Sa condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile prononcée par le tribunal est confirmée, et, au titre de la procédure d'appel, au cours de laquelle, comme le rappellent les consorts [O], un incident a opposé les parties devant le conseiller de la mise en état, la société Garage CLB sera condamnée à régler une somme supplémentaire de 12 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Déboute Mme [N] [O], M. [H] [O] et Mme [R] [C] de leur demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;

Ecarte des débats les conclusions n°4 de la société Garage CLB, notifiées le 17 mai 2024, et ses pièces n°34 et n°35 ;

Dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats la pièce n° 25 communiquée par la société Garage CLB ;

CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre ;

Y ajoutant,

Rejette la demande d'astreinte assortissant la décision d'expulsion ;

Déboute la société Garage CLB de sa demande de paiement d'une somme de 412 000 euros TTC destinée à la réalisation des travaux de toiture ;

Condamne la société Garage CLB à payer à Mme [N] [O], M. [H] [O] et Mme [R] [C], agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'héritiers de M. [V] [O], une somme supplémentaire de 37 678,32 euros (TTC) à titre de dommages et intérêts ;

Déboute Mme [N] [O], M. [H] [O] et Mme [R] [C], agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'héritiers de M. [V] [O] de leur demande d'indexation des dommages et intérêts sur l'indice du coût de la construction ;

Condamne la société Garage CLB à payer à Mme [N] [O], M. [H] [O] et Mme [R] [C], agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'héritiers de M. [V] [O], une somme de 12 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

Déboute la société Garage CLB de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société Garage CLB aux dépens, avec faculté de recouvrement direct par Maître Julie Gourion-Richard, avocat au barreau de Versailles, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.