CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 4 juillet 2024, n° 21/14741
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Udaf du Val de Marne (Sté), Le Temple d'Or (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Recoules
Conseillers :
Mme Leroy, Mme Lebée
Avocats :
Me Boccon Gibod, Me Forestier, Me Fourn, Me Ohana
FAITS ET PROCÉDURE
Par authentique du 15 mars 2012, Mme [C] [V], agissant en qualité d'usufruitière, Mme [D] [W] épouse [M], Mme [A] [W], M. [X] [W] et M. [U] [W], nus-propriétaires, venant aux droits de M. [G] [W], ont renouvelé le bail commercial consenti à la SARL Le Temple d'or portant sur les lots n° 16, n° 1 et n° 2 de l'immeuble édifié [Adresse 13] à [Localité 21], respectivement constitués d'un local situé au rez-de-chaussée avec droit aux WC situés dans la cour et de deux caves numérotées 1 et 2.
Ce bail a été conclu pour une durée de neuf années commençant rétroactivement à courir le 1er janvier 2010.
L'activité autorisée dans les lieux est l'exploitation d'un commerce de « bijouterie - horlogerie - téléphonie - cosmétiques - soins de beauté - parfumerie - articles de [Localité 19] à l'exclusion de tous textiles et vêtements - maroquinerie ». Les parties sont convenues du versement d'un loyer annuel en principal de 9.346,91 €.
Courant 2019, un différend s'est élevé entre les parties au sujet des conditions d'utilisation des lieux loués par la société Le Temple d'or.
Le 09 mai 2019, Mme [D] [W] épouse [M], M. [X] [W], M. [U] [W] et l'UDAF du Val-de-Marne ès-qualités de curateur de M. [U] [W] ont fait assigner la SARL Le Temple d'or devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un huissier de justice afin de constater l'occupation de la cave n° 3, l'affectation du sous-sol à usage d'habitation et l'existence d'une trémie reliant la boutique du rez-de-chaussée au sous-sol de l'immeuble. Mme [A] [W] est intervenue volontairement à l'instance.
Par ordonnance du 19 juillet 2019, le juge a fait droit à leur demande et a désigné M. [T] [O], huissier de justice, qui a dressé un procès-verbal de constat le 12 septembre 2019.
Le 12 juillet 2019, la SARL Le Temple d'or a fait signifier aux bailleurs une demande de renouvellement de bail à compter d'une date non précisée dans l'acte. Le 24 septembre 2019, les bailleurs ont fait signifier à la SARL Le Temple d'or un acte de refus de renouvellement de bail commercial avec effet au 31 mars 2020 pour motif grave et légitime avec refus de paiement d'une indemnité d'éviction. Aux termes de cet acte, il était fait grief à la locataire d'avoir refusé de laisser les bailleurs visiter les lieux, d'avoir modifié unilatéralement la destination des lieux loués en aménageant les caves 1 et 2 en les réunissant et d'avoir « capté » la cave n° 3 appartenant aux bailleurs sans l'autorisation de ces derniers. Par acte signifié aux bailleurs le 22 octobre 2019, la SARL Le Temple d'or a contesté le refus de versement de l'indemnité d'éviction qui lui était opposé.
Par acte des 06, 09, 19 et 31 décembre 2019, la SARL Le Temple d'or a fait assigner Mme [D] [W] épouse [M], Mme [A] [W], M. [X] [W], M. [U] [W] et l'UDAF du Val-de-Marne ès-qualités de curateur de M. [U] [W] devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement mixte du 23 juin 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
- dit que le bail commercial du 15 mars 2012 consenti à la SARL Le Temple d'or portant sur un local commercial au rez-de-chaussée et deux caves numérotées 1 et 2 dans un immeuble édifié [Adresse 13] à [Localité 20], a pris fin le 30 septembre 2019 à 24h00 par l'effet de la demande de renouvellement signifiée le 12 juillet 2019 ;
- dit que la SARL Le Temple d'or peut prétendre au paiement de l'indemnité d'éviction prévue par l'article L. 145-14 du code de commerce ;
- débouté Mme [D] [W] épouse [M], M. [X] [W], M. [U] [W], l'UDAF du Val-de-Marne ès-qualités de curateur de M. [U] [W] et Mme [A] [W] de leurs demandes d'expulsion de la SARL Le Temple d'or et de condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun ;
- enjoint à la SARL Le Temple d'or de procéder à ses frais, sous le contrôle de l'architecte des bailleurs dont elle supportera les honoraires, 1°) à la reconstruction du mur séparant les caves n° 1 et n° 2 mentionnées dans le bail susvisé, 2°) à la réouverture de la porte de l'une de ces deux caves ayant été obturée par la société Le Temple d'or, 3°) au retrait de l'évier installé dans le local commercial, 4°) au retrait du chauffe-eau installé dans l'une des deux caves susvisées, le tout dans le délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard passé ce délai, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois ;
- dit Mme [A] [W] recevable en sa demande de condamnation de la SARL Le Temple d'or à lui payer la somme de 2.270,40 € à titre de dommages et intérêts au titre des charges d'eau pour la période courant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2019 ;
- l'a déboutée de cette demande ;
- débouté Mme [A] [W] de sa demande de désignation d'un expert judiciaire pour estimer le préjudice subi par elle et le syndicat des copropriétaires au titre des charges d'eau pour la période courant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2019 ;
- débouté Mme [A] [W] de sa demande de condamnation de la SARL Le Temple d'or à lui payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
- avant dire droit, sur le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard ordonné une expertise et désigné en qualité d'expert Monsieur [P] [E] afin notamment de déterminer le montant de l'indemnité due par la société Le Temple d'or pour l'occupation des locaux, objets du bail, depuis le 1er octobre 2019 et jusque leur libération effective, et l'indemnité d'éviction qui lui est due ;
- fixé à la somme de 4.000 € la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par Mme [D] [W] épouse [M] et/ou M. [X] [W] et/ou M. [U] [W] et/ou l'UDAF du Val-de-Marne ès-qualités de curateur de M. [U] [W] et/ou Mme [A] [W] à la régie du tribunal judiciaire de Paris (tribunal de Paris, [Adresse 16], [Localité 22]) au plus tard le 1er septembre 2021, avec une copie de la décision ;
- dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;
- dit que le juge de la mise en état chargé de l'affaire est délégué au contrôle de cette expertise ;
- réservé les dépens et l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 27 juillet 2021, Mme [A] [W] a interjeté appel partiel du jugement.
Mme [D] [M], M. [X] [W], M. [U] [W] et l'organisme UDAF du Val de Marne ont constitué avocat, mais n'ont pas conclu.
M. [U] [W] est décédé le 18 novembre 2021.
Par ordonnance du 26 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance.
Par conclusions déposées le 27 janvier 2022, la SARL Le Temple d'or a interjeté appel incident partiel du jugement.
Le même jour, elle a déposé des conclusions d'incident aux fins de radiation.
Par actes des 24 et 25 février 2022 et 19 janvier 2024, la SARL Le Temple d'or a fait assigner en intervention forcée Mme [Y] [S], ayant droit de M. [U] [W], laquelle n'a pas constitué avocat.
Par ordonnance du 31 août 2022, le conseiller de la mise en état a dit que la demande de radiation de l'affaire du rôle de la Cour pour défaut de consignation d'une provision à valoir sur la rémunération de l'expert désigné par le jugement était irrecevable.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 06 mars 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les conclusions déposées le 04 mars 2024, par lesquelles Mme [A] [W], appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel et y faisant droit :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- « dit que le bail commercial du 15 mars 2012 consenti à la SARL Le Temple d'or portant sur un local commercial au rez-de-chaussée et deux caves numérotées 1 et 2 dans un immeuble édifié [Adresse 13] à [Localité 21], a pris fin le 30 septembre 2019 à 24h00 par l'effet de la demande de renouvellement signifiée le 12 juillet 2019 »,
- « dit que la SARL Le Temple d'or peut prétendre au paiement de l'indemnité d'éviction prévue par l'article L. 145-14 du code de commerce »,
- « débouté Mme [D] [W] épouse [M], M. [X] [W], M. [U] [W], l'UDAF du Val-de-Marne ès-qualités de curateur de M. [U] [W] et Mme [A] [W] de leurs demandes d'expulsion de la SARL Le Temple d'or et de condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun »,
- débouté Mme [A] [W] de sa demande de condamnation de la SARL Le Temple d'or à lui payer la somme de 2.270,40 € à titre de dommages et intérêts au titre des charges d'eau pour la période courant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2019,
- débouté Mme [A] [W] de sa demande de désignation d'un expert judiciaire pour estimer le préjudice subi par elle et le syndicat des copropriétaires au titre des charges d'eau pour la période courant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2019 »,
- « débouté Mme [A] [W] de sa demande de condamnation de la SARL Le Temple d'or à lui payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral »,
- « Avant dire droit, sur le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard, ordonné une expertise et désigné en qualité d'expert Monsieur [P] [E] et fixé à la somme de 4.000 € la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par Mme [D] [W] épouse [M] et/ou M. [X] [W] et/ou M. [U] [W] et/ou l'UDAF du Val-de-Marne ès-qualités de curateur de M. [U] [W] et/ou Mme [A] [W] à la régie du tribunal judiciaire de Paris ;
- « ordonné l'exécution provisoire de la présence décision ».
Et statuant à nouveau,
- déclarer que la SARL Le Temple d'or a adopté un comportement fautif en violation avec les termes du bail commercial, notamment par la réalisation de travaux irréversibles sans autorisation du bailleur ;
- en conséquence, déclarer que le refus de renouvellement du bail commercial des Consorts [W] repose sur des motifs graves et légitimes opposés à la SARL Le Temple d'or ;
- déclarer que le refus de renouvellement du bail commercial sans indemnité d'éviction est opposable à la SARL Le Temple d'or ;
- fixer le terme du bail au 31 mars 2020 ;
- dire qu'au-delà du 31 mars 2020, la SARL Le Temple d'or sera tenue d'une indemnité d'occupation mensuelle équivalente au montant du loyer, dont elle était antérieurement redevable ;
- En conséquence, condamner la SARL Le Temple d'or à payer à Madame [A] [W] la somme de 17.545,04 €, somme à parfaire, au titre de l'indemnité d'occupation mensuelle arrêtée au 31 octobre 2021 ;
- ordonner l'expulsion de la SARL Le Temple d'or ou de tout occupant de son chef des lieux loués avec au besoin avec le concours de la force publique ;
- condamner la SARL Le Temple d'or à payer à Madame [A] [W] la somme de 567,60 €, au titre des charges d'eau indûment supportés pour la période allant du 1er Janvier 2004 au 31 décembre 2019 et correspondant à son préjudice personnel évalué à 1'4 du préjudice global.
- à défaut, désigner tel expert qu'il lui plaira avec pour mission d'estimer le préjudice subi par Madame [A] [W], au titre de l'eau consommée gratuitement de 2004 à nos jours.
- condamner la SARL Le Temple d'or à payer à Madame [A] [W] la somme de 50.000 €, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral subi ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a enjoint à la SARL Le Temple d'or de procéder à ses frais, sous le contrôle de l'architecte des bailleurs dont elle supportera les honoraires 1°) à la reconstruction du mur séparant les caves n° 1 et n° 2 mentionnées dans le bail susvisé, 2°) à la réouverture de la porte de l'une de ces deux caves ayant été obturée par la SARL Le Temple d'or, 3°) au retrait de l'évier installé dans le local commercial, 4°) au retrait du chauffe-eau installé dans l'une des deux caves susvisées, le tout dans le délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard passé ce délai, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois.
En toute hypothèse,
- condamner la SARL Le Temple d'or aux entiers dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
- débouter toutes demandes de toutes parties contraires au présent dispositif ;
- condamner la SARL Le Temple d'or à payer à Madame [A] [W] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dire que ceux d'appel seront recouvrés par Maître Matthieu Boccon Gibod, société LX Paris-Versailles-Reims conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 05 mars 2024, par lesquelles la SARL Le Temple d'or, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de :
- la dire et juger recevable et bien fondée en ses fins, demandes et conclusions et, y faisant droit ;
Vu les dispositions des articles L. 145-14 et L. 145-17 du code de commerce,
Vu les dispositions de l'article 1104 du code civil, 2224 du code civil,
Vu le jugement rendu en date du 23 juin 2021, la 18ème chambre 2ème section du tribunal judiciaire de Paris,
- débouter Madame [A] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- confirmer le jugement entrepris en date du 23 juin 2021 en ce qu'il a :
« dit que le bail commercial du 15 mars 2012 consenti à la société Le Temple d'or portant sur un local commercial au rez-de-chaussée et deux caves numérotées 1 et 2 dans un immeuble édifié [Adresse 13] à [Localité 21], a pris fin le 30 septembre 2019 à 24h00 par l'effet de la demande de renouvellement signifiée le 12 juillet 2019,
dit que la société Le Temple d'or peut prétendre au paiement de l'indemnité d'éviction prévue par l'article L. 145-14 du code de commerce,
débouté Mme [D] [W] épouse [M], M. [X] [W], M. [U] [W], l'UDAF du Val-de-Marne ès-qualités de curateur de M. [U] [W] et Mme [A] [W] de leurs demandes d'expulsion de la société Le Temple d'or et de condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun,
débouté Mme [A] [W] de sa demande de condamnation de la société Le Temple d'or à lui payer la somme de 2.270,40 euros à titre de dommages et intérêts au titre des charges d'eau pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2019,
débouté Mme [A] [W] de sa demande de désignation d'un expert judiciaire pour estimer le préjudice subi par elle et le syndicat des copropriétaires au titre des charges d'eau pour la période courant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2019,
débouté Mme [A] [W] de sa demande de condamnation de la société Le Temple d'or à lui payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
avant dire droit, sur le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard,
ordonné une expertise )et désigne en qualité d'expert :
Monsieur [P] [E] [Adresse 8] [Localité 10] [XXXXXXXX01]
[Courriel 17] avec mission habituelle
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
donné mission à l'expert d'apprécier l'indemnité d'occupation à compter du 1er octobre 2019
« enjoint à la société Le Temple d'or de procéder à ses frais sous le contrôle de l'architecte des bailleurs dont elle supportera les honoraires
. 10) A la reconstruction du mur séparant les caves n° 1 et n° 2 mentionnées dans le bail susvisé
. 11) A la réouverture de la porte de l'une de ces deux caves ayant été obturée par la société Le Temple d'or
. 12) Au retrait de l'évier installé dans l'une des deux caves susvisées, le tout dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois, »
« dit Mme [A] [W] recevable en sa demande de condamnation de la société Le Temple d'or à lui payer la somme de 2.270,40 euros à titre de dommages et intérêts au titre des charges d'eau pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2019 »
Sur ce,
- dire et juger que la mission de l'expert judiciaire désigné sera d'apprécier si l'éviction entraînera la perte du fonds ou son transfert, 3) de déterminer le montant de l'indemnité due par la SARL Le Temple d'or pour l'occupation des locaux, objets du bail, depuis le 1er avril 2020 et jusque leur libération effective,
- débouter Madame [A] [W] de sa demande de remise en état des locaux sous astreinte,
- dire et juger la demande de Madame [A] [W] concernant les charges d'eau pour la période du 1er janvier 2004 au 16 juin 2015 prescrite sur cette période, et par conséquent irrecevable,
À titre subsidiaire
- dire et juger que les motifs allégués dans le refus de renouvellement sont inexistants et que si, par extraordinaire, leur existence peut être établie, ils ne présentent aucun caractère de gravité et de légitimité justifiant qu'ils privent le locataire de l'indemnité d'éviction prévue par les textes,
- dire et juger que la SARL Le Temple d'or peut prétendre au paiement de l'indemnité d'éviction prévue par l'article L. 145-14 du code de commerce,
En tout état de cause :
- dire et juger que les dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise, seront à la charge des consorts [W], bailleurs indivis,
- condamner les défendeurs in solidum à payer à la SARL Le Temple d'or la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs conclusions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
1. Sur la demande au titre de l'indemnité d'éviction de la SARL Le Temple d'or
Aux termes de l'article L. 145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, il doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
L'article L. 145-17 du code de commerce dispose que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit de l'inexécution d'une obligation, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa.
Il est de principe que le bailleur ne peut invoquer en cours de procédure d'autres motifs que ceux visés dans l'acte de refus de renouvellement, à moins que ceux-ci soient nés ou aient été découverts après la signification de l'acte.
Aux termes du jugement querellé, le premier juge a dit que la SARL Le Temple d'or pouvait prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction prévue à l'article L. 145-14 du code de commerce, après avoir relevé que :
- le refus de renouvellement de bail signifié à la SARL Le Temple d'or le 24 septembre 2019 rappelle à titre liminaire que la locataire est tenue, aux termes du bail, de respecter « certaines obligations dont, notamment, la destination des lieux, comme la visite des lieux par le bailleur au moins une fois par an, et ce en vertu de l'article 5 du contrat de bail » et lui fait grief d'avoir décidé « de son propre chef et sans le moindre accord en amont du bailleur, de modifier la destination des lieux loués en aménageant les caves 1 et 2 et en les annexant l'une à l'autre, et dont une des portes a été scellée sans le moindre accord », « capté la cave n° 3 appartenant à l'indivision [W] sans autorisation » et transformé « le tout (') en local d'habitation et en violation avec les termes du bail » ;
- Conformément au principe de l'immutabilité des motifs de refus, il convient, pour apprécier le droit à indemnité d'éviction du preneur, de se prononcer sur les seuls manquements susvisés figurant dans l'acte de refus de renouvellement, les autres griefs allégués par les bailleurs dans leurs écritures, notamment la création d'une trémie dans les lieux loués et l'installation d'un évier dans le local commercial, ne pouvant donc pas examinés à ce stade,
- Or, aucune mise en demeure conforme aux prescriptions de l'article L. 145-17 du code de commerce n'a été adressée à la SARL Le Temple d'or préalablement à la signification du refus de renouvellement, les bailleurs étant mal fondés à se prévaloir du fait que la locataire avait été préalablement mise en demeure de remédier à ses manquements par courrier de leur avocat du 8 mars 2019 ou du fait que l'assignation qui lui avait été signifiée le 09 mai 2019 en vue de sa comparution devant le juge des référés formulait d'ores et déjà ces griefs à son encontre, dans la mesure où la perte du droit à indemnité d'éviction constitue une sanction d'une extrême gravité qui justifie que l'attention du locataire soit spécialement attirée sur les conséquences de l'éventuelle persistance de l'infraction au-delà du délai d'un mois, de sorte que la mise en demeure par acte d'huissier exigée par l'article L. 145-17 du code de commerce ne saurait être remplacée par une simple mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception ou par un acte d'huissier d'une autre nature et signifié à d'autres fins ;
- Les bailleurs ne sauraient davantage soutenir que les manquements reprochés à la SARL Le Temple d'or présenteraient un caractère irréversible, de sorte que la signification d'une mise en demeure ne serait pas nécessaire, dès lors qu'aucun des griefs précités visés dans l'acte de refus de renouvellement n'était irréversible ; Aussi, les bailleurs ne pouvaient donc se dispenser de faire signifier à leur locataire une mise en demeure de remédier aux manquements allégués ;
- L'absence de mise en demeure laissant subsister le congé et le droit pour le preneur de bénéficier d'une indemnité d'éviction, conformément à l'article L. 145-28 du code de commerce, la SARL Le Temple d'or ne peut être obligée de quitter les lieux avant d'avoir perçu l'indemnité d'éviction à laquelle elle peut prétendre, justifiant de débouter les bailleurs de leurs demandes d'expulsion de la SARL Le Temple d'or et de condamnation de cette dernière à leur payer une indemnité d'occupation de droit commun.
Mme [A] [W] sollicite l'infirmation du jugement querellé de ce chef, et qu'il soit jugé que le congé délivré à la SARL Le Temple d'or repose sur des motifs graves et légitimes conduisant à priver le preneur du bénéfice des dispositions de l'article L. 145-14 et L. 145-28 du code de commerce.
Au soutien de ses prétentions, Mme [A] [W] fait valoir pour l'essentiel que la SARL Le Temple d'or aurait commis plusieurs manquements graves justifiant le non-renouvellement de son bail et la délivrance du congé par les bailleurs, sans indemnité d'éviction.
A ce titre, elle relève que la SARL Le Temple d'or aurait procédé à la réunification des caves 1 et 2, en violation manifeste des termes du bail et du règlement de copropriété, en totale contradiction avec ses déclarations devant un officier ministériel, en abattant pour ce faire un mur porteur sans qu'aucune autorité ne l'ait ni autorisée, ni validée, et ce, alors même que cette réunification avait pour conséquence de changer la destination des lieux loués, la SARL Le Temple d'or ayant reconnu « avoir envisagé de faire installer un chauffe-eau dans les lieux loués mais n'ayant finalement pas mené à bien ce projet », de sorte qu'il est clair et non équivoque que la modification de la destination des caves 1 et 2 est parfaitement reconnue par la SARL Le Temple d'or.
Elle ajoute que la SARL Le Temple d'or aurait également procédé à la captation sans droit ni titre de la cave n° 3 appartenant aux bailleurs mais non incluse dans l'assiette du bail.
Mme [A] [W] souligne qu'il appartenait à la SARL Le Temple d'or de ne procéder à aucun changement de distribution dans les termes de l'article 5, aucun percement, aucune modification sans accord écrit et exprès du bailleur et observe que la SARL Le Temple d'or a gardé le silence à la mise en demeure de Me [B] adressée le 08 mars 2019 et qu'aux termes du procès-verbal de constat du 19 juillet 2019, il ressortait la réalisation de travaux en violation du règlement de copropriété, des termes du bail et des articles L. 145-17 et 18 du code de commerce.
Elle ajoute que c'est à partir du procès-verbal non-contradictoire réalisé le 6 mai 2009 à la demande de cette société, qu'il est apparu et a été constaté que des toilettes suspendues avaient été installées dans les caves en sous-sol à l'aplomb du fonds de commerce Temple d'or, et ce, en violation avec les termes du bail et au mépris de l'accord écrit de l'indivision, la SARL Le Temple d'or étant l'autrice d'un aveu judiciaire dans le cadre de ses conclusions devant le tribunal judiciaire de Paris en date du 23 juin 2021, aux termes desquelles, cette société a reconnu pour la première fois en contradiction avec ses précédentes déclarations dans les termes du procès-verbal de Maître [O], que les caves 1 et 2 avaient été unifiées de son propre chef sans le moindre accord que ce soit de la copropriété ou des bailleurs.
Mme [A] [W] argue enfin qu'aucune mise en demeure préalable n'était nécessaire en présence d'infractions irréversibles qui ne peuvent pas être réparées, ce dont s'est prévalu l'indivision [W] pour refuser le renouvellement du bail commercial de la SARL Le Temple d'or, sans sommation préalable.
A ce titre, Mme [A] [W] souligne qu'aux termes du bail, M. [I] de la SARL Le Temple d'or avait d'ores et déjà connaissance de la fragilité des caves, compte tenu du problème d'étanchéité dont le cédant précédent était à l'origine, les travaux de démolition dont la SARL Le Temple d'or est à l'origine étant irréversibles au motif que des travaux de démolition qui auraient dû être réalisés sous la surveillance d'un architecte et qui ne l'avaient pas été, ne sauraient être reconstruits avec l'accord d'un architecte qui interviendrait a posteriori, contraignant ainsi l'indivision [W] le 24 septembre 2019 à refuser la demande de renouvellement de bail commercial sollicitée le 25 juin 2019 par la SARL Le Temple d'or, en se prévalant de 3 infractions irréversibles à savoir la modification de la destination des lieux loués en annexant les caves n°s 1 et 2 l'une à l'autre, dont une porte avait été scellée sans le moindre accord du bailleur, la captation de la cave n° 3 sans autorisation et la transformation des caves en habitation.
Mme [A] [W] relève enfin qu'aux termes de l'article 1353 du code civil, il appartient à la SARL Le Temple d'or de démontrer objectivement en quoi elle aurait été dispensée de l'accord des bailleurs, comme de la surveillance de l'architecte de l'immeuble.
La SARL Le Temple d'or s'oppose à ces demandes et sollicite la confirmation du jugement querellé de ce chef, en excipant principalement, sur le fondement de l'article L. 145-17 du code de commerce, de l'absence de grief à caractère irréversible ou instantané à son encontre, la demande de remise en état, par courrier du 08 mars 2019, démontrant à l'inverse qu'il s'agit d'une situation réversible, de sorte qu'il suffisait aux bailleurs de mettre en demeure le locataire de remettre en état les lieux en rétablissant la cloison entre les deux caves louées et de permettre la réouverture de la porte de la première cave, et enfin, de retirer le bâti support pour que l'état antérieur soit rétabli.
Or, il ressort du procès-verbal de constat du 12 septembre 2019 que la boutique est exploitée conformément à sa destination contractuelle, qu'il n'y a pas de trémie reliant le rez-de-chaussée et le sous-sol, que les seules caves occupées par le locataire sont la cave 1 et la cave 2, qui ont été reliées et qui sont à usage de réserves.
La SARL Le Temple d'or souligne qu'en présence d'infraction ni irréversible, ni instantanée, et en tout état de cause contestée par la locataire, le bailleur ne pouvait pas s'abstenir de délivrer antérieurement au refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction la mise en demeure prévue par les textes, cette mise en demeure ne pouvant résulter que d'un acte d'huissier ouvrant au locataire un délai d'un mois pour faire cesser l'infraction reprochée et l'absence de mise en demeure préalable laissant subsister le congé et le droit pour le preneur de bénéficier d'une indemnité d'éviction.
Elle observe que la nullité d'une mise en demeure qui n'est pas constatée par huissier est de plein droit prononcée sans avoir besoin d'établir l'existence d'un préjudice causé au locataire.
La SARL Le Temple d'or excipe par ailleurs de l'absence de griefs fondés dans l'acte de refus de renouvellement, la destination des lieux n'ayant pas été modifiée, les travaux ayant été autorisés, la preuve de l'occupation de la cave 3 n'étant pas rapportée et la concluante n'ayant jamais refusé au bailleur de visiter les lieux, la preuve de ce refus n'étant pas rapportée.
Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué.
En effet, en examinant les seuls griefs invoqués par les bailleurs dans leur refus de renouvellement du bail, à savoir d'avoir « de son propre chef et sans le moindre accord en amont du bailleur, modifié la destination des lieux loués en aménageant les caves 1 et 2 et en les annexant l'une à l'autre, et dont une des portes a été scellée sans le moindre accord », « capté la cave n° 3 appartenant à l'indivision [W] sans autorisation » et transformé « le tout (') en local d'habitation et en violation avec les termes du bail », et en constatant que les bailleurs n'avaient pas délivré de mise en demeure conforme aux prescriptions de l'article L. 145-17 du code de commerce à la SARL Le Temple d'or préalablement à la signification du refus de renouvellement et comportant ces griefs, alors que ces derniers, par leur nature et leur ampleur, ne s'analysaient pas en des infractions irréversibles, le premier juge en a justement déduit que le congé subsistait ainsi que le droit pour le preneur de bénéficier d'une indemnité d'éviction, conformément à l'article L.145-28 du code de commerce.
Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a dit que le bail liant les parties avait pris fin le 30 septembre 2019 à 24h00 par l'effet de la demande de renouvellement signifiée le 12 juillet 2019, dès lors qu'en application de l'article L. 145-12 du code de commerce, le nouveau bail prend effet à compter de l'expiration du bail précédent, ou, le cas échéant, de sa prolongation, cette dernière date étant soit celle pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande.
Or, la SARL Le Temple d'Or ayant formé sa demande de renouvellement du bail par acte d'huissier du 12 juillet 2019, le bail a donc pris fin le 30 septembre 2019 à 24h00.
Le bail a donc pris fin à cette date, et les parties seront déboutées de leurs demandes contraires.
2) Sur la demande d'expulsion de la SARL Le Temple d'or
Aux termes de l'article L. 145-28 du code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation.
Le premier juge doit être approuvé d'avoir débouté Mme [A] [W] et Mme [D] [M], M. [X] [W], M. [U] [W] et l'organisme UDAF du Val de Marne de leur demande d'expulsion de la SARL Le Temple d'or, dès lors que cette dernière peut prétendre au versement d'une indemnité d'éviction, qui lui offre en corollaire un droit au maintien dans les lieux jusqu'au versement de ladite indemnité.
Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef, et Mme [A] [W] déboutée de sa demande tendant à l'expulsion de la SARL Le Temple d'or.
3) Sur la demande de désignation d'expert afin d'apprécier l'indemnité d'éviction et l'indemnité mensuelle d'occupation à la charge de la SARL Le Temple d'or
Aux termes de l'article L. 145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
Aux termes du jugement querellé, le premier juge a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [E], avec pour mission de rechercher, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l'état des locaux, tous éléments permettant d'une part de déterminer l'indemnité d'éviction dans le cas d'une perte de fonds ou d'un transfert de fonds, et d'autre part d'apprécier si l'éviction entraînera la perte du fonds ou son transfert, et de déterminer le montant de l'indemnité due par la SARL Le Temple d'or pour l'occupation des locaux, objets du bail, depuis le 1er octobre 2019 et jusque leur libération effective, après avoir relevé que le tribunal ne disposait pas d'éléments lui permettant de fixer le montant de l'indemnité d'éviction due.
Si Mme [A] [W] sollicite l'infirmation du jugement de ce chef, le présent arrêt reconnaissant le droit à indemnité d'éviction au bénéfice de la SARL Le Temple d'or, et en l'absence d'éléments permettant d'en apprécier le montant, le premier juge sera approuvé d'avoir ordonné une telle mesure.
En l'état de la confirmation du jugement sur la date de résiliation du bail, au 30 septembre 2019 à 24h00, il convient de confirmer la mission de l'expert tendant notamment à déterminer le montant de l'indemnité due par la SARL Le Temple d'or pour l'occupation des locaux, objets du bail, depuis le 1er octobre 2019 et jusque leur libération effective, la SARL Le Temple d'or étant déboutée de sa demande contraire.
4) Sur l'indemnité d'occupation
Aux termes du jugement querellé, le premier juge a débouté les bailleurs de leur demande de condamnation de la SARL Le Temple d'or au paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun, conformément aux dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce.
La cour renvoie à la motivation du jugement entrepris qu'elle adopte.
La mesure d'expertise ayant vocation à permettre d'apprécier le montant de l'indemnité d'occupation ainsi à la charge de la SARL Le Temple d'or, Mme [A] [W] sera par conséquent déboutée de sa demande de condamnation de la SARL Le Temple d'or à lui verser la somme de 17.545,04 € arrêtée au 31 octobre 2021, cette demande en paiement d'un arriéré étant prématurée.
5) Sur la demande en remboursement de charges d'eau formée par Mme [A] [W]
Aux termes du jugement querellé, le premier juge a débouté Mme [A] [W] de sa demande de condamnation de la SARL Le Temple d'or à lui verser la somme de 2.270,40 € à titre de dommages-intérêts au titre des charges d'eau pour la période courant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2019, et de sa demande de désignation d'un expert judiciaire pour estimer le préjudice subi par elle et le syndicat des copropriétaires au titre des charges d'eau pour la même période, après avoir considéré que :
- il se déduit de l'invocation de l'article 1104 du code civil par Mme [A] [W] que celle-ci fonde sa demande indemnitaire à l'encontre de la SARL Le Temple d'or sur les dispositions de l'ancien article 1147 du code civil, qui dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part,
- la faute alléguée par Mme [A] [W] consistant dans le fait, pour la SARL Le Temple d'or, d'avoir fait supporter aux bailleurs une consommation d'eau résultant de la création à leur insu d'un évier et d'un chauffe-eau, la SARL Le Temple d'or ne démontre pas que plus de cinq années se sont écoulées entre le jour où Mme [A] [W] a dû ou aurait dû connaître ce manquement au bail et le jour où elle a formé sa demande indemnitaire pour la première fois devant ce tribunal, de sorte que la fin de non-recevoir tirée de la prescription sera rejetée,
- si Mme [A] [W] produit un courrier du 11 mai 2020 émanant de l'administrateur de biens des bailleurs, qui indique que « les charges d'eau froide pour le local commercial du TEMPLE D'OR des lots 001, 002 et 016 s'élève à 141,90 € par an soit un total de 2270,40 € pour la période du 01/01/2004 au 31/12/2019 », cette seule pièce, que n'accompagne aucun justificatif comptable, est insuffisante à établir le quantum du préjudice allégué et se trouve également dépourvue de pertinence pour déterminer le préjudice personnel dont Mme [A] [W] sollicite l'indemnisation, à l'inverse des autres membres de l'indivision qui n'ont saisi le tribunal d'aucune demande à ce titre,
- Mme [A] [W] ne rapportant pas la preuve qu'elle serait dans l'incapacité de démontrer l'existence de son préjudice allégué de 2.270,40 € sans recourir à une mesure d'instruction confiée à un expert judiciaire, qui n'a pas vocation à pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve de ses dires, elle sera également déboutée de sa demande d'expertise.
Mme [A] [W], laquelle sollicite l'infirmation du jugement attaqué et la condamnation de la SARL Le Temple d'or à lui verser à ce titre la somme de 567,60 € correspondant au quart des charges d'eau du local, fait valoir principalement que dans le bail commercial, il est clairement stipulé dans la désignation des lieux loués qu'aucun point d'eau, aucun évier dans la boutique comme dans l'arrière-boutique n'existait.
Or, par procès-verbal de constat établi le 6 mai 2019, Me [F], huissier de justice, a constaté la présence dans le bureau d'un évier, puis le procès-verbal dressé par Me [O] le 12 septembre 2019, a établi la présence d'un évier à l'arrière-boutique, ce que non seulement le bail ne mentionne pas mais que les propriétaires ignoraient purement et simplement.
Or, l'indivision étant constituée de 4 membres, Mme [A] [W] est bien fondée à solliciter la réparation de son préjudice financier personnel à hauteur de ¿ des consommations d'eau.
La SARL Le Temple d'or sollicite l'infirmation du jugement entrepris de ce chef, en soulevant à titre principal la prescription de cette demande, ce qui la rend irrecevable.
Au cas d'espèce, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties. D'une part, c'est à bon droit que le premier juge a déclaré la demande d'indemnisation de Mme [A] [W] recevable car non prescrite. D'autre part, en relevant que seule était versée aux débats une simple attestation d'un administrateur de bien sans aucune pièce justificative, le premier juge a pertinemment considéré que la preuve d'un préjudice personnel n'était pas rapportée et a débouté Mme [W].
Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions.
6) Sur les demandes de remise en état des lieux sous astreinte
Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au présent litige dès lors qu'il concerne un contrat conclu avant le 1er octobre 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Aux termes du jugement attaqué, le premier juge a enjoint à la SARL Le Temple d'or sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de trois mois à compter de la signification du jugement, de faire réaliser à ses frais, sous le contrôle de l'architecte des bailleurs dont elle supportera les honoraires, la reconstruction du mur séparant les caves n° 1 et n° 2 mentionnées dans le bail susvisé, la réouverture de la porte de l'une de ces deux caves ayant été obturée par la SARL Le Temple d'or, le retrait de l'évier installé dans le local commercial, et le retrait du chauffe-eau installé dans l'une des deux caves susvisées, après avoir relevé que :
- l'article 6 E, « Changements-Embellissements » du bail du 15 mars 2012 stipule que « le preneur pourra aménager la disposition intérieure des locaux à ses frais mais il ne pourra faire aucune démolition aux constructions ou changement de distribution ou percement de mur ou de voûtes, aucune construction sans autorisation expresse préalable et écrite du bailleur. Si l'autorisation est accordée, les travaux devront être effectués sous la responsabilité du preneur et sous la surveillance de l'architecte du bailleur, dont les honoraires seront à la charge du preneur »,
- s'il n'est produit aucun état des lieux d'entrée, la SARL Le Temple d'or ne conteste pas avoir supprimé le mur séparant les caves n° 1 et n° 2, ce que confirment au demeurant les constatations effectuées le 12 septembre 2019 par l'huissier de justice désigné par le juge des référés du président de ce tribunal, ni avoir obturé par du plâtre la porte de l'une des deux caves qu'elle a réunies, et ce, sans avoir sollicité l'autorisation préalable des bailleurs, pourtant requise s'agissant d'une démolition et d'un changement de distribution visés par les stipulations précitées,
- il ressort du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 6 mai 2019 dressé dans les lieux loués à la requête des bailleurs que le local commercial situé au rez-de-chaussée comporte, dans l'arrière-boutique, un bureau avec évier dont l'existence n'est toutefois pas mentionnée par le bail, qui, s'agissant du lot n° 16, stipule que celui-ci est constitué d'« un local situé au rez-de-chaussée du bâtiment D, 1ère porte à droite dans le hall d'entrée, comprenant : boutique, arrière-boutique et chambre froide. Droit aux water-closet situés dans la cour », le fait qu'une chambre froide soit mentionnée dans le bail n'impliquant pas, pour le preneur, l'autorisation de créer une cuisine, même de dimension réduite, qui constitue une installation distincte,
- s'agissant du chauffe-eau, les bailleurs versent aux débats un courrier de M. [N], artisan, daté du 17 juillet 2019, aux termes duquel ce dernier explique qu'à l'occasion d'une intervention dans les caves de l'immeuble effectuée à la demande de Mme [A] [W], il a « vu une grosse chaudière murale chauffe-eau (') dans la cave numéro 2 (') branchée sur l'eau et l'électricité du couloir commun des caves », la présence de cet équipement étant confirmée par l'huissier de justice désigné par le juge des référés, qui dans son procès-verbal du 12 septembre 2019, relève la présence d'un chauffe-eau, non branché selon la SARL Le Temple d'or ; or, l'installation d'un chauffe-eau dans un local à usage de cave et son raccordement aux canalisations communes nécessitaient une autorisation préalable des bailleurs dont il est constant qu'elle n'a pas été sollicitée par la preneuse.
Si Mme [A] [W] sollicite la confirmation du jugement de ce chef, en excipant d'une modification par la preneuse des lieux loués en cours de bail sans accord express, préalable et écrit des bailleurs, la SARL Le Temple d'or en sollicite quant à elle l'infirmation et le débouté de Mme [A] [W] en ses demandes de remise en état des locaux sous astreinte, en faisant valoir pour l'essentiel que les dispositions du bail autorisent tous aménagements intérieurs, de sorte que les travaux litigieux ne sont pas interdits et que l'évier litigieux ne constitue ni une infraction, ni une faute du locataire.
Elle souligne par ailleurs que le chauffe-eau est resté à l'état de projet et que la présence d'une trémie n'a pas été constatée.
Au cas d'espèce, après avoir relevé que la SARL Le Temple d'or ne conteste pas avoir supprimé le mur de séparation des caves n° 1 et n° 2, avoir obturé par du plâtre la porte de l'une des caves ainsi réunies, travaux qui, par leur nature et leur effet, dépassaient ainsi de simples travaux d'aménagement intérieurs en conduisant à une démolition d'un mur et à un changement de distribution au sein des lieux loués, le premier juge en a exactement déduit que conformément aux dispositions de l'article 6 E du contrat liant les parties, la réalisation de tels travaux était subordonnée à l'accord préalable du bailleur et à la surveillance de l'architecte du bailleur, et qu'une remise en l'état des lieux sous astreinte était ainsi fondée.
De même, déduisant de la lecture comparée du contrat de bail litigieux et du procès-verbal de constat d'huissier du 6 mai 2019 que l'évier situé au rez-de-chaussée du local loué n'était pas mentionné dans le bail et que son existence constatée en cours de bail induisait ainsi la réalisation par la SARL Le Temple d'or de travaux de percement de murs pour l'installation et le raccordement de cet élément sanitaire, allant au-delà de simples travaux d'aménagement intérieurs, le premier juge a pu à bon droit conclure que, faute d'avoir été préalablement autorisée par les bailleurs et conduite sous la surveillance de leur architecte, la pose de cet évier était contraire aux dispositions du bail et justifiait la remise en état des lieux, sous astreinte.
Enfin, si la SARL Le Temple d'or soutient que le chauffe-eau serait resté à l'état de simple projet, son existence au sein des deux caves réunies est néanmoins attestée tant le 17 juillet 2019 par un artisan mandaté par les bailleurs que par un constat d'huissier du 12 septembre 2019, alors que le contrat de bail ne faisait nullement mention de cet équipement, induisant ainsi nécessairement la réalisation par la SARL Le Temple d'or de travaux de pose dépassant de simples travaux d'aménagement intérieur, puisqu'impliquant des travaux de percement du mur pour l'y fixer, et pour le raccorder au réseau d'eau, et ce, sans que la SARL Le Temple d'or ne justifie de l'accord préalable des bailleurs et de la surveillance desdits travaux par leur architecte, en contravention aux dispositions du bail, et ce, indépendamment de la question du branchement dudit chauffe-eau, indifférente à la caractérisation du manquement du preneur.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la réalisation des travaux visés sous astreinte.
7) Sur les demandes d'indemnisation de Mme [A] [W] au titre de son préjudice moral
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a débouté Mme [A] [W] de sa demande d'indemnisation à hauteur de 50.000 € aux motifs qu'elle ne rapportait pas la preuve d'un préjudice moral justifiant l'allocation de dommages-intérêts.
Mme [A] [W] conteste ce chef du jugement et maintient en cause d'appel sa demande d'indemnisation en soutenant que, particulièrement active pour préserver les intérêts de l'indivision [W] et éviter la dépréciation des biens immobiliers hérités de ses parents, elle a ainsi consacré le temps et la disponibilité nécessaires pour pouvoir obtenir l'accord de tous les co-indivisaires, peu ou prou déjà en vacances, aux fins de faire délivrer l'acte de refus de renouvellement du bail commercial en temps utile, ses initiatives, sa disponibilité et ses contraintes techniques, compte tenu de son éloignement géographique aux États-Unis, justifiant la réparation de son préjudice moral.
La SARL Le Temple d'or s'oppose à cette demande, en l'absence de preuve.
Au cas d'espèce, les moyens soutenus par l'appelante ne font que réitérer sans justification complémentaire utile ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, la seule disponibilité et l'éloignement de l'appelante étant insuffisants à justifier de la réalité d'un préjudice moral.
Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef
8) Sur les demandes accessoires
Mme [A] [W] succombant en son appel sera par conséquent condamnée aux entiers dépens d'appel. Les dépens de première instance resteront répartis ainsi que décidé par le premier juge.
L'équité commande néanmoins de débouter les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, et de confirmer les dispositions du jugement querellé de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu le 23 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Paris sous le n° RG 20/818 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [A] [W] aux entiers dépens d'appel.