CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 4 juillet 2024, n° 24/00401
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Syndicat des Copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse (Sté)
Défendeur :
Optm (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Recoules
Conseillers :
Mme Leroy, Mme Lebée
Avocats :
Me Boccon Gibod, Me Ranchon, Me Cheviller, Me Guillemain
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM), est propriétaire de locaux situés au 56ème étage de la Tour Maine Montparnasse, dans lesquels elle exerce une activité de commerciale de restauration.
Afin d'optimiser les modalités d'exploitation de ses lots, la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) a souhaité bénéficier de plusieurs espaces des parties communes de la Tour Montparnasse. C'est ainsi que plusieurs conventions lui ont été consenties par le syndicat des copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse sis [Adresse 2] à [Localité 3].
Par acte sous-seing privé du 10 novembre 2011 intitulé « Convention d'autorisation d'occupation temporaire », le syndicat des copropriétaires a «autorisé» dans l'article 1 « désignation » du contrat, la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) à « organiser des visites de la terrasse située au 59ème étage de la Tour » pour une durée de neuf années commençant à courir le 1er avril 2011 pour se terminer le 31 mars 2020, moyennant une redevance égale à 10 % des droits d'entrée hors taxes de la terrasse, avec un minimum de 40.000 € par an hors taxes.
Deux autres conventions ont été signées par les parties, portant sur un des halls du rez-de-chaussée et sur une partie commune extérieure afin de faciliter l'accès à la clientèle, respectivement intitulées « Convention Billetterie » et « Convention Cheminement ».
Courant 2015, des travaux de restructuration de la Tour ont été décidés, nécessitant d'être réalisés en site inoccupé. C'est dans ce contexte qu'une assemblée générale des copropriétaires du 08 septembre 2020, aux termes d'une résolution n° 10, a décidé de prononcer la résiliation de la convention Terrasse pour l'échéance du 31 mars 2023.
Par acte d'huissier du 27 novembre 2020, la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) a assigné le syndicat des copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse sis [Adresse 2] à [Localité 3] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins notamment de voir constater la nullité de la résolution n° 10 du 8 septembre 2020, procédure enregistrée sous le numéro RG 20/11961.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 02 décembre 2020, le syndic a donné congé à la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) de la convention « Terrasse », à effet au 31 mars 2023.
Par acte d'huissier du 26 janvier 2021, la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) a fait assigner le syndicat des copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse sis [Adresse 2] à [Localité 3] devant le tribunal judiciaire de Paris, sur le fondement des articles L. 145-1 et suivants, R. 145-1 et suivants et D. 145-12 à D. 145-19 et D. 145-34 du code de commerce, et sur le fondement de l'article 12 du code de procédure civile aux fins de voir dire et juger que la Convention Terrasse renouvelée constitue un bail commercial.
Par ordonnance du 31 mars 2022, le juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer pour la procédure enregistrée sous le n° RG 20/11961, dans l'attente du jugement de la présente procédure statuant sur la requalification en bail commercial de la « Convention Terrasse ».
Par ordonnance du 12 décembre 2023, le juge de la mise en état a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription présentée par le syndicat des copropriétaires s'agissant de la demande en requalification en bail commercial de la « convention d'autorisation d'occupation temporaire » du 1er avril 2011 ;
- dit n'y avoir lieu à se prononcer sur les autres demandes ne relevant pas du pouvoir du juge de la mise en état ;
- dit n'y avoir lieu à une application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réservé les dépens.
Par déclaration du 14 décembre 2023, le syndicat des copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse sis [Adresse 2] à[Localité 3]) a interjeté appel partiel de l'ordonnance.
Par conclusions déposées le 4 mars 2024, la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) a interjeté appel incident partiel de l'ordonnance.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 avril 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les conclusions déposées le 15 avril 2024, par lesquelles le syndicat des copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse sis [Adresse 2] à [Localité 3], appelant à titre principal et intimé à titre incident, demande à la Cour de :
- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par le Syndicat des Copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse sis [Adresse 2] à [Localité 5] pris en la personne de son syndic la société Esset ;
Y faisant droit
- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état rendue par le tribunal judiciaire de Paris en date du 12 décembre 2023 en ce qu'elle a :
* rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription présentée par le Syndicat des Copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse s'agissant de la demande en requalification en bail commercial de la « convention d'autorisation d'occupation temporaire » du 1er avril 2011 ;
* dit n'y avoir lieu à une application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
* réservé les dépens ;
* renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état électronique du 29 février 2024 pour conclusions au fond du défendeur ;
- Y faisant droit et statuant à nouveau :
- accueillir la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) ;
En conséquence,
- prononcer la prescription des actions introduites par la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) en requalification en baux commerciaux :
* de la convention d'autorisation d'occupation temporaire de la terrasse Hélicoptère au 59ème étage de la Tour Montparnasse en date du 10 novembre 2011,
* de la convention d'occupation temporaire de la billetterie en date du 21/05/1976 et ses 13 avenants,
* du bail portant sur des locaux à usage de réserve situés au 4ème sous-sol de la Tour Montparnasse en date du 11 octobre 2011,
* de la convention portant sur un cheminement extérieur en date du 30 juin 1989 et son avenant du 31 août 1995,
- déclarer irrecevables les demandes, fins et prétentions de la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) ;
En tout état de cause
- débouter la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires au présent dispositif ;
- condamner la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) à verser au Syndicat des Copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse, la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner OPTM aux entiers dépens.
Vu les conclusions déposées le 23 avril 2024, par lesquelles la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM), intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la cour de :
- confirmer la décision déférée en ce que le syndicat des copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse sis [Adresse 2] à [Localité 3] a été débouté de sa prétention tendant à faire juger prescrite la prétention de la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) en reconnaissance de la soumission aux articles L. 145-1 et suivants du code de commerce de la convention du 11 novembre 2011, renouvelée le 1er avril 2020, dès lors que le point de départ de la prescription invoquée par le syndicat est le 1er avril 2020, date du bail renouvelé d'une part, et que la saisine du tribunal par le Syndicat est intervenue le 16 janvier 2021, soit avant le 31 mars 2022 d'autre part.
Subsidiairement,
- écarter la demande du syndicat des copropriétaires en l'absence d'une prescription biennale applicable à la convention dès lors que le syndicat a exclu l'application de l'article L. 145-60 du code de commerce, disposition qui n'est pas d'ordre public, l'action de la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) dans ces conditions n'étant soumise qu'à une prescription quinquennale à compter de la résiliation alléguée par le syndicat,
Et s'il n'y avait pas lieu à confirmation de la prescription,
- accueillir la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) en son appel incident.
- juger imprescriptibles les prétentions de la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) développées devant la formation collégiale, à savoir qu'elle bénéficie de la propriété commerciale en l'état d'un bail renouvelé le 1er avril 2020, nécessairement aux mêmes charges, clauses et conditions dès lors :
1) que sont non écrites les clauses 2.2, 3.1, 3.2, 5.2 et 5.3 de la convention du 10 novembre 2011 d'une durée de neuf années, s'agissant de renonciations à se prévaloir des droits au renouvellement tels qu'ils résultent de l'application des dispositions des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce,
2) qu'en conséquence, la convention du 10 novembre 2011, renouvelée le 1er avril 2020, présente toutes les caractéristiques d'un bail commercial quant aux charges, clauses et conditions qui y sont stipulées,
3) que le syndicat ne saurait nier que l'assiette des locaux a fait l'objet, a fortiori depuis 2011, d'une exploitation commerciale constante, autorisée par la Préfecture, qu'il s'agisse d'une exploitation commune avec celle du 56ème étage ou d'exploitation portant exclusivement sur l'assiette des locaux donnés à bail,
4) qu'il est avéré dans ces conditions, au titre des lieux donnés à bail au 59ème étage par le syndicat, que la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) bénéficie de la propriété commerciale et que le renouvellement à effet du 1er avril 2020 a une durée de neuf années ;
- juger en effet qu'aucun moyen de prescription, en l'état des dispositions sur le réputé non écrit, ne saurait être opposé à la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM), le réputé non écrit rendant les actions de la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) imprescriptibles, sauf à renvoyer le débat sur le réputé non écrit devant la formation collégiale de la 18e chambre du tribunal judiciaire de Paris demeurant saisie sous le numéro de RG 21/01227,
En toute hypothèse,
- débouter le syndicat des copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- le condamner à payer à la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) la somme de 6.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens.
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs conclusions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
1. Sur la recevabilité de l'action en requalification en bail commercial de la convention intitulée « convention d'autorisation d'occupation temporaire » du 1er avril 2011
Aux termes de l'article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ;
(') 6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
Selon l'article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article L. 145-60 du code de commerce dispose que toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans.
Aux termes de l'ordonnance querellée, le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription présentée par le syndicat des copropriétaires s'agissant de la demande en requalification en bail commercial de la « convention d'autorisation d'occupation temporaire » du 1er avril 2011, après avoir considéré que :
- aux termes de l'article 2. DUREE de la convention intitulée « convention d'occupation temporaire», dite «Convention Terrasse», la durée contractuelle commence à courir le 1er avril 2011 pour se terminer le 31 mars 2020, les dispositions 2.2 de la clause précitée disposant par ailleurs que « la convention se renouvellera par tacite reconduction, par période de trois ans, sauf dénonciation donnée par l'une des parties à la présente convention, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, six mois au moins avant la fin de la convention en cours. »,
- s'il ressort des pièces produites qu'une lettre avec accusé de réception, ayant pour objet la résiliation de la convention d'autorisation temporaire a été envoyée le 2 décembre 2020 à la société OPTM pour une résiliation à effet au 31 mars 2023, il est constant que ladite convention a été actualisée par les parties par un contrat prenant effet au 1er avril 2011, et s'est terminé le 31 mars 2020, sans qu'aucune lettre de congé n'ait été adressée selon les modalités de l'article 2.2 de la convention d'autorisation précaire par le syndicat des copropriétaires, de sorte qu'un renouvellement de la convention s'est opéré par tacite reconduction à compter du 1er avril 2020 pour une durée de trois ans, selon les mêmes conditions et pour les mêmes locaux, au bénéfice de la société OPTM, qui s'est maintenue dans les lieux,
- Or, le point de départ de la prescription biennale pour une action en requalification en bail commercial fondée sur l'article L. 145-60 du code de commerce, commence à compter de la date de conclusion du contrat à requalifier en présence de contrats successivement renouvelés, et non de la convention initiale,
- De ce fait, l'action en requalification de la convention intitulée « convention d'autorisation d'occupation temporaire » concernant la terrasse se prescrit par deux ans à compter du 1er avril 2020, date de son renouvellement, soit jusqu'au 1er avril 2022, et l'assignation de la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) devant le tribunal judiciaire ayant été délivrée le 26 janvier 2021, l'action en requalification en bail commercial était donc recevable sur le fondement de l'article L. 145-60 du code de commerce.
Le syndicat des copropriétaires, lequel sollicite l'infirmation de l'ordonnance de ce chef et la prescription de l'action introduite par la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) en requalification en bail commercial de la convention d'autorisation d'occupation temporaire de la terrasse hélicoptère au 59e étage de la Tour Montparnasse en date du 10 novembre 2011, fait valoir pour l'essentiel, sur le fondement de l'article L. 145-60 du code de commerce, que le premier juge se serait contenté d'assimiler l'hypothèse de la reconduction tacite de la Convention Terrasse à celle des « contrats successivement renouvelés » alors qu'en matière d'action en requalification en bail commercial, il n'existerait aucune jurisprudence de la Cour de cassation qui aurait jugé que le point de départ de l'action en requalification d'un contrat renouvelé par tacite reconduction court à compter de la date de prise d'effet de la reconduction dès l'instant qu'elle est visée expressément dans la demande de celui qui cherche à obtenir la requalification, l'arrêt du 25 mai 2023 ne venant pas poser de principe nouveau, sa transposition de l'arrêt du 25 mai 2023 aboutissant « à la reconnaissance d'un droit d'action quasi-imprescriptible et imprescriptible puisque dès lors la même solution devrait être appliquée à des contrats d'une durée de deux ans ou moins » qui « viderait de sens » les articles 2250 et 2251 du code civil contribuant ainsi à favoriser l'insécurité juridique, contrevenant encore à la hiérarchie des normes en violant les objectifs poursuivis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en matière de sécurité juridique.
Il ajoute qu'en l'absence de tout contrat conclu entre les parties, la Convention Terrasse n'a pas été formellement renouvelée de sorte que le point de départ de l'action en requalification est la date du dernier contrat conclu soit à compter du 10 novembre 2011, de sorte que la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) disposait d'un délai expirant au 9 novembre 2013 pour agir. Or, l'action en requalification ayant été introduite le 26 janvier 2021, soit plus de 8 ans après l'expiration du délai de prescription, l'action en nullité de l'assemblée générale du 8 novembre 2020 ayant voté le principe de la résiliation de la convention d'occupation précaire ne pouvant s'analyser en une cause interruptive de prescription, ladite action portant exclusivement sur la nullité d'une résolution d'assemblée générale, l'action en requalification serait prescrite.
La SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) sollicite quant à elle la confirmation de l'ordonnance entreprise en arguant principalement que le renouvellement de la convention litigieuse est avéré à la date du 02 avril 2020 ; que le bail à échéance du 31 mars 2020, renouvelé à cette date, n'a pas pour point de départ la date du renouvellement au 1er avril 2020 pour cause de tacite reconduction, mais celle du 1er novembre 2011, date de la prise d'effet du bail signé le 10 novembre 2011.
Elle ajoute que les parties sont convenues d'un renouvellement, étant précisé que les termes « tacite reconduction » ne modifient pas l'existence du renouvellement dès lors que celui-ci est acquis « sauf dénonciation donnée par l'une des parties » et que la lecture de l'arrêt du 25 mai 2023, quelles qu'en soient les interprétations données par quelque auteur, est édifiante puisqu'existait dans cette hypothèse une continuité de conventions, la première en date du 9 novembre 2009, la dernière à effet du 1er novembre 2014, de sorte que la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) bénéficie de contrats successifs temporaires, étant précisé qu'elle a toujours occupé les locaux, bénéficié de renouvellements ou contrats successifs, de sorte qu'elle est fondée à exciper du renouvellement à effet du 1er avril 2020, date à compter de laquelle le délai biennal de prescription a pu courir.
Elle relève qu'il est difficile de prétendre que la sécurité juridique n'a pas été respectée dès lors que les termes de l'ordonnance font une application exacte des règles propres à la prescription, et confirment, au-delà de la tendance jurisprudentielle, la volonté du législateur de s'orienter vers des actions imprescriptibles ainsi que l'atteste la modification de l'article L. 145-15 du code de commerce substituant le « réputé non écrit » à la sanction de nullité, de sorte que la saisine du tribunal par elle étant intervenue le 26 janvier 2021, le délai de prescription expirant le 31 mars 2022 ne pouvait être déclaré acquis.
Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué, sans dénaturation des faits qui lui étaient soumis, ni contradiction de motifs.
En effet, si l'article 2 de la convention litigieuse instaure une durée initiale du contrat à compter du 1er avril 2011 jusqu'au 31 mars 2020, il prévoit également un renouvellement « par tacite reconduction, par période de trois ans, sauf dénonciation donnée par l'une des parties à la présente convention, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, six mois au moins avant la fin de la convention en cours ».
En application de cette disposition contractuelle, le premier juge en a exactement déduit que « le contrat d'autorisation d'occupation temporaire », arrivé à échéance au 31 mars 2020, avait fait l'objet d'un renouvellement par tacite reconduction à compter du 1er avril 2020, faute de dénonciation dans les conditions prévues par l'article 2 dudit contrat, et avait donné lieu à la naissance d'un nouveau contrat entre les parties.
Or, le délai de prescription biennale applicable à l'action en requalification d'un contrat de bail commercial courant, en présence d'une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée, le juge de la mise en état en a exactement déduit que le point de départ du délai de prescription de l'action en requalification dudit contrat par la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) était le 1er avril 2020, et expirait au 1er avril 2022, et que la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) ayant introduit son action par assignation délivrée le 26 janvier 2021, son action n'était dès lors pas atteinte par la prescription.
Si le syndicat des copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse sis [Adresse 2] à [Localité 3] invoque l'insécurité juridique résultant d'une telle solution, en violation de la convention européenne des droits de l'homme, la cour rappelle que cette solution résulte d'une simple application des règles de prescription, exclusive de toute insécurité juridique.
En conséquence, l'ordonnance querellée sera confirmée de ce chef.
2) Sur la recevabilité des demandes de requalification des conventions d'occupation temporaire de la billetterie, de la réserve située au 4e sous-sol et de la convention portant sur un cheminement extérieur
Aux termes de l'ordonnance entreprise, le juge de la mise en état a dit n'y avoir lieu à se prononcer sur les autres demandes ne relevant pas du pouvoir du juge de la mise en état, après avoir considéré que :
- S'agissant des demandes soulevées par le syndicat des copropriétaires visant à déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de requalification des conventions intitulées « Convention Billetterie », « Bail Vestiaire » et « Convention Cheminement », le tribunal n'étant saisi, au fond, dans le cadre de la présente instance, que d'une demande visant à la requalification en bail commercial de la convention intitulée « Terrasse », il n'appartenait dès lors pas au juge de la mise en état de statuer sur des demandes d'irrecevabilité d'actions en requalification visant d'autres conventions existantes entre les parties ;
- il ne ressort pas plus des pouvoirs du juge de la mise en état de juger que ces conventions représenteraient des conventions accessoires à la Convention « Terrasse », ce qui est soutenu par la société OPTM en l'espèce,
- le juge de la mise en état n'a pas davantage le pouvoir, d'une part, de constater que la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) bénéficie de la propriété commerciale, d'autre part, de déclarer non-écrites les clauses 2.2, 3.1, 3.2, 5.2 et 5.3 de la convention « Terrasse » du 10 novembre 2011, ces questions relevant de la compétence du tribunal à qui il appartient d'analyser le bien-fondé en tranchant une question de fond.
Le syndicat des copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse sis [Adresse 2] à [Localité 3] sollicite l'infirmation de l'ordonnance querellée de ce chef, et que soit prononcée la prescription des actions introduites par la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) en requalification en baux commerciaux de la « convention d'occupation temporaire billetterie » du 21 mai 1976 et de ses avenants, de la convention portant sur les locaux à usage de réserve situés au 4e sous-sol et de la convention portant sur un cheminement extérieur en date du 30 juin 1989 et de son avenant du 31 août 1995, en faisant valoir pour l'essentiel que ces demandes de requalification sont tout aussi prescrites, s'agissant de la Convention Billetterie, depuis le 31 décembre 1990, la dernière convention datant du 1er janvier 1989, s'agissant du Bail Vestiaire, que la demande est prescrite depuis le 10 octobre 2013, le contrat ayant été signé le 11 octobre 2011 et s'agissant de la Convention Cheminement, que la demande est prescrite depuis le 23 juin 1997, le dernier avenant de renouvellement de l'autorisation ayant pris effet le 22 juin 1995.
Il ajoute s'agissant des demandes de la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) tendant à voir juger imprescriptibles ses prétentions et déclarées non écrites les clauses 2.2, 3.1, 3.2, 5.2 et 5.3 de la convention du 10 novembre 2011, que le juge de la mise en état a rappelé à bon droit qu'il n'avait pas le pouvoir, d'une part, de constater la propriété commerciale de la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM), d'autre part, de déclarer non-écrites les clauses 2.2, 3.1, 3.2, 5.2 et 5.3 de la convention « Terrasse » du 10 novembre 2011, la jurisprudence constante considérant que « l'article L. 145-15 du code de commerce réputant non écrites certaines clauses d'un bail, n'est pas applicable à une demande en requalification d'un contrat en bail commercial ».
A titre subsidiaire, le syndicat des copropriétaires soutient que le caractère précaire de l'occupation est caractérisé en ce que l'objet de la Convention Terrasse porte sur une partie commune de la copropriété de la Tour Maine Montparnasse et que le montant de la redevance est « modique », de sorte que la suppression de la Terrasse dans le cadre de l'exploitation de la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) ne serait pas de nature à compromettre l'exploitation de son fonds, et que la billetterie et le vestiaire du 4e sous-sol ne sauraient être assimilés à des locaux accessoires indispensables à l'exploitation du fonds et ne pourraient relever en ce sens du champ d'application du statut des baux commerciaux.
La SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) sollicite également l'infirmation de l'ordonnance de ce chef, en arguant principalement que le juge n'est pas tenu par la qualification de l'acte donnée par les parties.
Or, l'acte conclu ne s'analyserait pas en une convention d'autorisation d'occupation temporaire dès lors que la concluante a pris les lieux dans l'état où il se trouvaient, a été chargée d'assurer les aménagements et a fait face à des clauses propres aux baux commerciaux, de sorte que les clauses des articles 3.1, 3.2, 5.2, 5.3 de la convention du 10 février 2011 (pièce 1), renouvelée le 1er avril 2020, ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement et doivent être déclarées non écrites sur le fondement de l'article L. 145-15 du code de commerce, tout comme l'article 2.2 de la convention doit être réputé non écrit pour exprimer une durée de renouvellement de trois années au lieu de celle d'ordre public de neuf années conformément à l'article L. 145-12 du même code.
Elle ajoute que l'application de l'article 6-1 de la loi du 18 juin 2014 n° 2014-626 portant modification de l'article L. 145-15 s'appliquerait aux instances en cours ainsi que la Cour de cassation a pu le juger et qu'à supposer que la cour estime que la question du réputé non écrit qui permet de conclure au caractère imprescriptible des actions menées par la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) relèverait de la formation collégiale, il y aurait lieu de renvoyer devant la formation collégiale le débat sur la fin de non-recevoir tirée précisément du caractère non écrit de certaines dispositions du bail soumis à l'appréciation de la Cour.
Enfin, la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) observe que la stabilité et le caractère permanent de son occupation ne sont nullement discutables, et que l'exploitation par la concluante ne dépend que de OPTM, laquelle bénéficie de conditions de circulation entre le 56ème étage et la terrasse autonomes, reconnues et opposables au Syndicat, lesquelles sont connues et agréées par la Préfecture, ce que révèle la lecture du cahier des charges 2018.
Au cas d'espèce, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le juge de la mise en état, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, en tirant les conséquence de l'étendue de la saisine du tribunal, laquelle a encadré l'étendue de sa propre saisine, en l'empêchant de statuer sur la recevabilité d'une action en requalification de trois conventions « billetterie », « bail vestiaire » et « convention cheminement » dont le tribunal n'était pas saisi au fond par les parties.
De même, s'agissant des prétentions de la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) quant à l'imprescriptibilité de ses prétentions visant à savoir si elle bénéficie de la propriété commerciale, et à la nature réputée non écrite des clauses litigieuses, ces questions ne relèvent à l'évidence pas de la compétence du juge de la mise en état, régie par les articles 789 et suivants du code de procédure civile, dans la mesure où elles nécessitent de voir tranchées des questions de fond, notamment relatives à la propriété commerciale et à la nature accessoire à la convention « autorisation d'occupation temporaire de la terrasse » des trois conventions litigieuses « billetterie », « bail vestiaire » et « convention cheminement ».
Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions.
3) Sur les demandes accessoires
Le syndicat des copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse sis [Adresse 2] à [Localité 3] succombant, supportera les entiers dépens d'appel. Les dépens de première instance resteront répartis ainsi que décidé par le premier juge.
En outre, le syndicat des copropriétaires sera débouté de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné de ce chef à verser à la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) la somme de 6.000 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, après débats en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris rendue le 12 décembre 2023 sous le n° RG 21/01227 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs autres demandes
Déboute le syndicat des copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse sis [Adresse 2] à [Localité 3] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse sis [Adresse 2] à [Localité 3] à verser à la SAS Observatoire Panoramique de la Tour Montparnasse (OPTM) la somme de 6.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de la Tour Maine Montparnasse sis [Adresse 2] à [Localité 3] aux entiers dépens d'appel.