CA Poitiers, 1re ch., 9 juillet 2024, n° 24/00079
POITIERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Selas MJE (ès qual.), BR Cars (Sté)
Défendeur :
Carslift (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monge
Conseillers :
M. Orsini, M. Maury
Avocats :
Me Froidefond, Me Bellet, Me Plasmans, Me Ngome Ebongue
EXPOSÉ :
La société Carslift, créée en juin 2012, exploite sous la marque 'Carslift' dont elle est titulaire, dans le cadre d'un réseau de concessionnaires exclusifs à cette enseigne, une activité d'entremise consistant à mettre en relation des vendeurs et des acheteurs de véhicules automobiles aux fins de transaction, ainsi qu'une activité directe d'achat et de vente de véhicules neufs et d'occasion.
[G] [T], mécanicien automobile de formation, qui souhaitait créer son entreprise dans le secteur du commerce automobile, est entré en relation avec la société Carslift au début de l'année 2018 en vue d'intégrer éventuellement son réseau de franchisés.
Tous deux ont signé le 22 février 2018 un protocole d'accord aux termes duquel la société Carslift réservait pour son agence 'Carslift' à créer dans le Bas Rhin le territoire de [Localité 9] à M. [T], qui lui a versé la somme de 8.100 euros.
M. [T] a constitué pour l'exercice de l'activité sous franchise la SARL BR Cars, dont il est le gérant, et qui a conclu le 7 novembre 2018 un contrat de franchise d'une durée de dix années avec la société Carslift.
La société Carslift a adressé en décembre 2018 puis en mars, juin et septembre 2019 des avertissements à la société BR Cars en lui reprochant des manquements qu'elle disait constater lors de ses contrôles périodiques.
Le 13 septembre 2019, la société Carslift a notifié à la SARL BR Cars la résolution de plein droit du contrat de franchise avec effet immédiat.
La société BR Cars a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 18 janvier 2021 de la chambre des procédures collectives du tribunal judiciaire de Strasbourg qui a désigné en qualité de liquidateur judiciaire la Selas MJE, avec mission à maître [N] [Z].
La société Carslift a déclaré au passif de la procédure collective de l'entreprise une créance de 6.228 euros.
Par acte signifié le 22 avril 2021, la Selas MJE ès qualités et Monsieur [G] [T] ont fait assigner la SAS Carslift devant le tribunal de commerce de La-Roche-sur-Yon pour voir au visa des articles 1112-1, 1130 et suivants, 1169, 1178, 1103, 1231-1, 1231-2 et 1240 du code civil et L.330-3 et R.330-1 du code de commerce
* à titre principal :
- prononcer la nullité du contrat de franchise conclu le 7 novembre 2018 et du contrat de réservation de zone conclu le 22 février 2018
- condamner en conséquence la société Carslift à payer
.132.971 euros à la société BR Cars représentée par son liquidateur judiciaire MJE
.142.617 euros à M. [G] [T]
* à titre subsidiaire :
- constater la mise en oeuvre de la responsabilité civile de la société Carslift
- condamner en conséquence la société Carslift à payer
.132.971 euros à la société BR Cars représentée par son liquidateur judiciaire MJE
.142.617 euros à M. [G] [T]
* en tout état de cause :
- condamner la société Carslift aux entiers dépens et à verser 10.000 euros à M. [T] en application de l'article 700 du code de procédure civile
Ils soutenaient à l'appui de cette action que les chiffres d'affaires visés dans le prévisionnel établi par Carslift avant la signature du contrat étaient inatteignables ; que la contrepartie que celle-ci devait fournir au franchisé s'était avérée inexistante ; qu'elle avait manqué à son obligation d'assistance, et fait preuve de déloyauté.
La société Carslift a conclu au rejet de ces demandes ; demandé à voir constater que BR Cars avait commis des fautes graves au regard de ses engagements de franchisée l'exposant à une résiliation du contrat à ses torts exclusifs ; et reconventionnellement sollicité la condamnation de la société MJE ès qualités de liquidateur judiciaire de BR Cars à lui payer :
.6.228 euros au titre des factures d'assistance demeurées impayées
.311,40 euros au titre des pénalités contractuelles de retard
.25.674,36 euros au titre de la pénalité stipulée à l'article 31 du contrat
.40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement
ainsi que 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les demandeurs ont maintenu leurs prétentions et sollicité la réduction à 2.278 euros de la somme revenant à la société Carslift.
Par jugement du 13 septembre 2022, le tribunal de commerce de La-Roche-sur-Yon a :
* dit M. [T] partiellement recevable à agir à l'encontre de la société Carslift mais mal fondé en ses prétentions, tout comme la société MJE ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BR Cars, sauf s'agissant de la réduction de la créance de la société Carslift par l'effet de la compensation
* débouté M. [T] et la société MJE ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BR Cars de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions
* dit et jugé la société Carslift partiellement bien fondée en ses demandes à l'encontre de la société MJE prise comme liquidateur judiciaire de la société BR Cars, et irrecevable et mal fondée à l'encontre de Monsieur [G] [T]
* fixé la créance de la société Carslift au passif de la société BR Cars en liquidation judiciaire à la somme de 4.278 euros
* débouté la société Carslift du surplus de ses demandes indemnitaires
* dit l'exécution provisoire de droit
* dit qu'il n'était pas inéquitable que chaque partie supporte ses frais irrépétibles
* condamné solidairement la société MJE ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BR Cars et Monsieur [G] [T] aux entiers dépens.
Pour statuer ainsi, la juridiction consulaire a retenu, en substance,
- que l'action de [G] [T] était recevable pour les préjudices qu'il alléguait subir personnellement en raison des fautes commises par Carslift dans l'exécution de son contrat avec BR Cars
- qu'il était en revanche irrecevable à agir au titre de la perte de son compte-courant d'associé, dont la perte constituait une fraction du préjudice collectif dont seul le liquidateur judiciaire était recevable à poursuivre l'indemnisation
- que le prévisionnel avait été établi par un expert-comptable mandaté par Carslift et rémunéré par celle-ci
- que BR Cars n'avait réalisé qu'un tiers environ du nombre de ventes de véhicules prévu au prévisionnel
- que les chiffres de ce prévisionnel paraissaient difficilement atteignables
- que pour autant, il n'était pas démontré que ce prévisionnel fût grossièrement erroné
- que la déconfiture de plusieurs autres franchisés du réseau ne constituait pas en soi une preuve de fautes ou de manquements du franchiseur envers la société BR Cars
- qu'il ressortait des productions et des propres explications des demandeurs que BR Cars avait fait preuve d'un suivi insuffisant des clients et des annonces ; qu'elle avait rencontré des problèmes de recrutement ; et que son gérant avait présenté des problèmes de santé
- qu'il n'était pas démontré de vice du consentement justifiant une nullité du contrat de franchise
- que le franchiseur justifiait de l'existence d'une réelle contrepartie fournie à BR Cars, avec une transmission d'un savoir-faire et la mise en place d'une assistance qui étaient réelles
- que les prétentions indemnitaires des demandeurs devaient être rejetées en l'absence de preuve d'un manquement ou d'une faute de la société Carslift -qu'aucune condamnation ne pouvait être formée contre la société en liquidation judiciaire
- que Carslift n'avait déclaré de créance entre les mains du liquidateur judiciaire qu'à hauteur d'une somme de 6.228 euros et ne pouvait solliciter la fixation d'une créance supérieure en application de l'article L.622-26 du code de commerce et en l'absence de relevé de forclusion
- que la créance de Carslift envers BR Cars n'était justifiée que pour 4.278 euros, sa prétention à obtenir 450 euros et 1.500 euros au titre des avertissements de classe 3 et de classe 5 n'étant pas fondée.
La société BR Cars et M. [G] [T] ont relevé appel le 15 octobre 2022.
La société Carslift a relevé appel le 21 octobre 2022.
Le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des deux instances puis, au reçu de conclusions de désistement de son appel par Carslift, a ordonné leur disjonction et constaté le désistement d'appel de la société Carslift par ordonnance du 9 février 2023 en indiquant que l'instance se poursuivait sur l'appel de BR Cars et de M. [T].
Par ordonnance du 12 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance en raison de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Carslift selon jugement du tribunal de commerce de La-Roche-sur-Yon du 26 juillet 2023, et le retrait du rôle a été ordonné.
L'affaire a été remise au rôle à la suite de l'appel en cause de la Selas MJE en qualité de mandataire au redressement judiciaire de la société BR Cars, faite par assignation délivrée le 22 décembre 2023.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :
* le 8 janvier 2024 par la société BR Cars représentée par son liquidateur judiciaire MJE et M. [T]
* le 15 mars 2024 par la SAS Carslift et son mandataire judiciaire la Selarl [E].
La société BR Cars représentée par son liquidateur judiciaire la Selas MJE, et M. [G] [T], demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé M. [T] recevable à agir en réparation de ses préjudices personnels, en ce qu'il a dit la société Carslift mal fondée en ses demandes contre M. [T] et en ce qu'il l'a déboutée du surplus de ses demandes indemnitaires, de l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau sur les chefs critiqués
¿ à titre principal :
- de prononcer la nullité du contrat de franchise conclu le 7 novembre 2018 et du contrat de réservation de zone conclu le 22 février 2018
- de fixer en conséquence au passif de la société Carslift les sommes suivantes :
.132.971 euros au profit de la société MJE ès qualités
.142.617 euros à M. [G] [T]
¿ à titre subsidiaire :
- de constater la mise en oeuvre de la responsabilité civile de la société Carslift
- de fixer en conséquence au passif de la société Carslift les sommes suivantes :
.132.971 euros au profit de la société MJE ès qualités
.142.617 euros à M. [G] [T]
¿ à titre extrêmement subsidiaire :
- de fixer au passif de la société Carslift les sommes suivantes :
.152.588 euros au profit de la société MJE ès qualités
.123.000 euros à M. [G] [T]
¿ en tout état de cause :
- débouter la société Carslift de toutes ses demandes, aussi irrecevables que mal fondées
- réduire la demande indemnitaire de Carslift à 2.468,39 euros
- fixer au passif de Carslift, outre aux entiers frais et dépens, une somme globale de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [T] et de la Selas MJE ès qualités.
Les appelants indiquent que M. [T] est entré en contact avec la société Carslift parce qu'il avait été séduit par les informations diffusées par celle-ci sur le retour sur investissement auquel pouvaient s'attendre ceux qui rejoignaient son réseau.
Ils soutiennent qu'en violation de la règle d'ordre public édictée aux articles L.330-3 et R.330-1 du code de commerce, c'est postérieurement à la signature d'un protocole et au versement à Carslift d'une somme de 8.100 euros aux fins de réservation d'une zone que M. [T] reçut le document d'information précontractuel ('DIP') prévu par la loi dite 'Doubin'.
Ils maintiennent que l'étude prévisionnelle sur la rentabilité future de l'agence qui a ensuite achevé de convaincre M. [T] de la rentabilité de l'affaire émanait d'un expert-comptable choisi et rémunéré par Carslift.
Ils relatent la signature du contrat de franchise par la société BR Cars créée par M. [T] pour les besoins de l'exploitation, et les désillusions rapidement rencontrées. Ils évoquent la déconfiture de nombreux franchisés du réseau à la même époque. Ils affirment que le concept même n'était pas rentable, et que les banquiers l'ont rapidement constaté, en refusant de prêter aux candidats qui les sollicitaient pour un emprunt en vue de rejoindre le réseau.
M. [T] indique que Carslift a fait preuve de déloyauté à son égard, en encaissant près d'un an après son émission un chèque bancaire tiré sur son compte personnel qu'il lui avait remis en garantie dans l'attente d'un virement opéré par la société BR Cars, que Carslift s'était engagée à ne pas mettre à l'encaissement, et qu'elle lui avait assuré avoir égaré lorsqu'il lui en avait demandé restitution.
Les appelants sollicitent l'annulation des contrats de franchise et de réservation, à titre principal pour vice du consentement en raison du caractère gravement mensonger des informations et de l'erreur provoquée sur la rentabilité de l'activité entreprise qui était déterminante du consentement de BR Cars, en soutenant que le prévisionnel était illusoire ; qu'il émanait d'un cabinet choisi et rémunéré par le franchiseur ; que malgré tous ses efforts, BR Cars n'a atteint que le quart des ventes annoncées ; que Carslift a dissimulé à M. [T] la déconfiture de très nombreux franchisés de son réseau ; que le manque de rentabilité était chronique, et inhérent au concept. Ils récusent les objections de l'intimée tirées des fautes et insuffisances de BR Cars, en faisant valoir que celle-ci avait obtenu un score de 81,5/100 lors du second contrôle périodique, et en affirmant que les mauvais scores ensuite attribués tenaient à une modification entre-temps intervenue des critères de notation, qui étaient devenus corrélés avec le nombre de vente réalisées. Ils précisent que c'est Carslift qui avait insisté pour que BR Cars s'installe dans ses locaux, qui s'avérèrent inadaptés.
À titre subsidiaire, les appelants sollicitent cette annulation pour absence de contrepartie à l'engagement de BR Cars, en soutenant que Carslift n'a apporté aucun savoir-faire ni avantage concurrentiel, les conseils prodigués n'ayant pas dépassé le simple bon-sens et la documentation technique fournie n'étant constituée que de généralités.
La société BR Cars sollicite en vertu de cette annulation une indemnité de 132.971 euros composée du montant des pertes subies, pour 32.971 euros, et de l'indemnisation à hauteur de 100.000 euros de la chance perdue d'avoir mieux investi ses fonds.
M. [T] réclame en réparation du préjudice personnel que lui ont causé les manquements de Carslift 5.000 euros au titre de la charge de devoir rembourser l'aide reçue d'Agefiph, 18.000 euros au titre d'une année sans rémunération et 100.000 euros au titre de la perte de chance d'avoir mieux investi son argent, soit 142.617 euros.
Pour le cas où la cour retiendrait comme le tribunal -ce qu'ils contestent- que la chance perdue de mieux investir ses fonds s'analyserait comme la perte du compte courant d'associé et constituerait un élément du passif dont seul le liquidateur judiciaire peut réclamer paiement, les appelants demandent alors subsidiairement à la cour d'allouer à ce titre 19.617 euros en sus à la société BR Cars soit 152.588 euros au total, et 123.000 euros à M. [T].
Pour le cas où la cour n'annulerait pas les contrats de franchise et de réservation, les appelants sollicitent les mêmes sommes, respectivement, de 132.971 et 142.617 euros, sur le fondement de la responsabilité délictuelle de la société Carslift, en soutenant qu'elle a commis des fautes à leur préjudice en transmettant dans la phase précontractuelle un prévisionnel exagérément optimiste et en promettant un savoir-faire qu'elle ne possédait pas, ainsi qu'en faisant preuve de déloyauté à l'égard de M. [T].
La SAS Carslift et son mandataire judiciaire la Selarl [E] demandent à la cour :
- de décerner acte à la Selarl [E] prise en la personne de maître [K] [E] de son intervention
- de déclarer la société BR Cars représentée par son liquidateur judiciaire MJE et M. [T] mal fondés en leur appel et les en débouter
En conséquence :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement
- d'enjoindre conséquemment à la Selas MJE prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société BR Cars de restituer sans délai à la société Carslift l'enseigne et tous les autres signes distinctifs de la franchise Carslift ainsi que tous les documents portant sur lesdites marques et enseignes en bon état d'entretien, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir
- de condamner la société BR Cars représentée par son liquidateur judiciaire MJE et M. [T] aux entiers dépens et à lui payer ès qualités 3.500 en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les intimés arguent d'irrecevabilité les demandes formées par M. [T] au motif que la société BR Cars, en liquidation judiciaire, est légalement dessaisie de l'administration et de la disposition de ses biens en application de l'article L.641-9 I du code de commerce, que ses droits et actions sont exercés par le liquidateur, et que si M. [T] est certes habile à arguer d'un préjudice qui lui serait personnel, encore faut-il qu'il s'agisse d'un préjudice distinct de celui subi par l'entreprise, ce qui n'est pas le cas.
Ils approuvent le rejet des demandes formulées par M. [T] en affirmant que celui-ci ne prouve pas subir de préjudice en raison d'une faute de la société Carslift.
Ils contestent tout vice du consentement lors de la conclusion des contrats de réservation et de franchise, en faisant valoir que les comptes prévisionnels litigieux ont été établis à la demande de la société BR Cars, par un expert-comptable professionnel assermenté que Carslift n'a fait que lui présenter mais qui a oeuvré pour le compte du franchisé et a été rémunéré par celui-ci. Ils récusent toute paternité de Carslift dans ce document. Ils ajoutent que la fourniture de comptes prévisionnels ne fait pas partie des obligations légales précontractuelles du franchiseur, et que s'il en est fourni, c'est à titre indicatif, sans valeur d'engagement contractuel, pour éclairer le candidat sur la rentabilité moyenne d'une franchise.Ils ajoutent qu'il peut d'autant moins être argué d'un caractère grossièrement erroné des comptes prévisionnels que leur auteur alertait le candidat sur leur nature incertaine. Ils avancent que ce prévisionnel ne dispensait pas le franchisé d'établir lui-même son propre prévisionnel en y intégrant ses propres informations.
Ils font valoir que l'écart entre les résultats de BR Cars et les chiffres du prévisionnel ne peut par lui-même être regardé comme la preuve de l'absence de sincérité ou de fiabilité de cette étude.
Ils justifient par le secret des affaires le refus de Carslift de communiquer les résultats des franchisés de son réseau, et indiquent qu'elle a fourni les documents requis par la loi et publie ses comptes.
Ils contestent toute tromperie de la part de Carslift.
Ils soutiennent que les propres turpitudes de la société BR Cars suffisent à elles seules à expliquer les difficultés qu'elle a rencontrées, faisant valoir que les divers contrôle du franchiseur ont d'emblée révélé que M. [T] n'appliquait pas le concept de Carslift ; que les locaux n'étaient pas agencés conformément aux concepts de la franchise ; qu'ils étaient mal tenus ; que la franchise ne tenait aucun livre de police ; qu'elle ne disposait d'aucun site internet ; que la gestion des annonces et référencements était insuffisante. Ils indiquent que M. [T] a lui-même admis avoir rencontré des problèmes de santé, et des difficultés pour recruter des collaborateurs.
Ils affirment que Carslift avait bien fourni à BR Cars une contrepartie effective, constituée à travers de multiples formations et la remise d'un livre du savoir-faire d'un ensemble d'informations pratiques, substantielles, résultant de son expérience et testées par elle depuis des années constituant la transmission d'un véritable savoir-faire.
Ils soutiennent que Carslift était en droit de prononcer la résiliation du contrat de franchise compte-tenu de la persistance des manquements du franchisé malgré plusieurs avertissements. Ils réclament au liquidateur judiciaire la restitution immédiate de l'enseigne et des autres signes distinctifs apposés sur les locaux de BR Cars, ainsi que de tous documents et signes distinctifs.
Ils sollicitent la confirmation du jugement qui a fixé à 4.278 euros la créance invoquée reconventionnellement par la société Carslift.
L'ordonnance de clôture est en date du 18 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La procédure est régulière le liquidateur judiciaire de la société BR Cars et le mandataire au redressement judiciaire de la société Carslift étant dans la cause, et chaque partie justifiant avoir déclaré au passif de la procédure collective de l'autre la créance qu'elle invoque.
* sur la recevabilité à agir, déniée, de M. [T]
M. [T] est recevable à agir, comme partie au contrat de réservation.
Il l'est comme victime d'une déloyauté qu'il attribue à la société Carslift.
Il l'est aussi, sur un fondement quasi-délictuel, en réparation d'un préjudice personnel que lui aurait causé la société Carslift dans le cadre de la formation et/ou de l'exécution du contrat de franchise qu'elle a conclu avec la société BR Cars, la question de savoir s'il rapporte la preuve de la faute qu'il impute à la société Carslift, et si le préjudice qu'il allègue est, à le supposer établi, distinct de celui subi par BR Cars, relèvant de l'examen du fond du litige et non de l'appréciation de la recevabilité de la prétention.
Ainsi que l'ont pertinemment retenu les premiers juges, la perte par M. [T] de son compte-courant d'associé de la SARL BR Cars ne constitue par un préjudice personnel déconnecté d'une perte qui affecterait l'actif social, puisque le compte- courant d'associé constitue une dette de la société et que le préjudice subi par l'associé du fait de sa perte n'est qu'une fraction du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers de l'entreprise, dont seul le liquidateur est recevable à demander réparation.
M. [T] serait ainsi irrecevable à réclamer lui-même paiement de son compte-courant, ce qu'il ne fait pas explicitement.
Il est en revanche recevable à réclamer à la société Carslift des dommages et intérêts réparant la perte de chance d'avoir mieux investi ses fonds personnels que dans la société BR Cars aujourd'hui en liquidation judiciaire.
* sur la demande d'annulation des contrats de réservation et de franchise
L'article L.330-3 du code de commerce dispose :
Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.
Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat, ainsi que le champ des exclusivités.
Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné, ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproque des parties en cas de dédit.
Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent.
¿ l'annulation du contrat de réservation
Le document d'information précontractuel établi par la société Carslift à l'intention de M. [T] est daté du 2 mars 2018, et lui a été transmis à cette date (pièces 2-2 et 2-5 des appelants).
Antérieurement à la fourniture de ce document, la société Carslift avait conclu avec M. [T] un 'protocole d'accord' en date du 22 février 2018 aux termes duquel :
'La SAS Carslift déclare accepter la somme de 8.100 euros TTC (huit mille cent euros toutes taxes comprises), et ce, en réservation du territoire de [Localité 9] spécifié sur le DIP et en annexe au contrat de franchise.
Le franchiseur s'engage à considérer cette réservation non acquise, celle-ci s'annulant en cas de non-obtention par M. [T] des prêts sollicités pour l'établissement de sa Franchise et sous justificatif de ce dernier point.
En situation d'acceptation des prêts sollicités, la réservation financière ci-dessus chiffrée, deviendra acquise par le franchiseur.'
Les appelantes sont fondées à soutenir que la conclusion de cette convention avec M. [T] avant que le document d'information précontractuelle lui ait été fourni, et la perception par la société Carslift de celui-ci à titre de réservation avant sa fourniture, contreviennent aux dispositions des articles L.330-3 et R.330-1 du code de commerce.
En application de ces textes, la nullité sollicitée du contrat de réservation sera prononcée.
Cette annulation impliquant la remise des parties à ce protocole d'accord dans l'état où elles se trouvaient avant d'avoir contracté, la société Carslift doit restituer à M. [T] la somme de 8.100 euros qu'il lui a versée en exécution de cette convention sur ses fonds personnels, la société BR Cars non encore constituée à cette date, n'étant pas partie au contrat.
Cette créance de M. [T] à l'encontre de la SARL Carslift sera fixée au passif de son redressement judiciaire.
¿ l'annulation du contrat de franchise
Il ne saurait être déduit du seul manquement du franchiseur à son obligation d'information précontractuelle que le franchisé n'a pu s'engager en connaissance de cause (cf Cass. Com. 25.03.2014 P n°12-29675).
Ainsi, l'annulation du contrat de réservation, et plus généralement la méconnaissance avérée de la société Carslift de ses obligations précontractuelles, n'impliquent pas par elles-mêmes la nullité du contrat de franchise.
La société BR Cars représentée par son liquidateur judiciaire argue du caractère gravement mensonger des informations fournies dans le DIP et d'une erreur provoquée sur la rentabilité de l'activité entreprise qui était déterminante de son consentement.
Le document fourni le 2 mars 2018 par la société Carslift (pièce 2-2 des appelantes) contient les informations prescrites par l'article R.330-1 du code de commerce.
Ses énonciations renseignaient M. [T] au sens de l'article L.330-3 dudit code sur, notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise Carslift, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat, ainsi que le champ des exclusivités.
Il y trouvait, clairement, l'information que la société Carslift ne s'était engagée dans cette activité de franchiseur que depuis quelques années ; qu'elle avait un capital social modeste de 8.000 euros ; des résultats très modestes de 3.800 euros, et un réseau limité à deux ou trois franchisés en activité, les autres étant en cours de constitution (cf pages 1 ; 26).
Les appelants ne sont pas fondés à reprocher à la société Carslift d'avoir dissimulé à M. [T], et à la société BR Cars qu'il a constituée pour souscrire à la franchise la déconfiture de nombreux franchisés, alors qu'il ressort de leurs propres productions (ainsi leur pièce n°14 en sa page 3, non contredite) que ces déconfitures sont toutes survenues postérieurement à la fourniture du DIP, et quasiment toutes en 2019, 2020 et 2021 soit postérieurement au contrat de franchise.
Le DIP fourni le 2 mars 2018 contenait une étude du marché de l'intermédiation en vente d'automobiles dans l'agglomération strasbourgeoise (cf pages 16 à 25) dont il n'est pas démontré, ni même réellement prétendu, qu'elle aurait été inexacte.
L'étude prévisionnelle sur cinq exercices d'avril 2018 à mars 2023, quand bien même elle aurait été en définitive facturée à la société BR Cars, émanait certes de l'expert comptable du franchiseur, mais c'est ce qui était prévu au DIP qui énonce que 'les comptes prévisionnels permettant au candidat franchisé d'apprécier la rentabilité moyenne d'une exploitation seront fournis par le cabinet comptable du franchiseur, à titre purement indicatif', et qui apparaissait déjà sur le site internet de Carslift, dont les appelants indiquent que la consultation avait attiré M. [T], où il était écrit (cf pièce n°2-4) que 'le candidat bénéficiera d'un prévisionnel établi par notre cabinet d'expertise comptable qui est à votre disposition'.
Il n'est pas démontré que les chiffres d'affaires et résultats de ce prévisionnel, fondé sur la vente de dix véhicules par mois, étaient manifestement irréalistes pour une agence d'un gérant et deux collaborateurs couvrant l'agglomération de [Localité 9], soit plus de 800.000 habitants, avec peu de concurrence établie et plus de 2.000 offres de vente de véhicules automobiles diffusées sur le principal site d'annonces entre particuliers auquel le concept de Carslift disait vouloir coller en proposant une plus grande sécurité pour l'acheteur et le vendeur.
La circonstance que nombre de franchisés Carslift aient été placés en procédure collective dans les années suivantes n'établit pas, par lui-même, que le concept du franchiseur n'était pas rentable ni ses objectifs atteignables.
Il n'est pas fourni d'éléments d'appréciation relativement au prévisionnel de ces franchisés, et aux causes de leur déconfiture, les pièces 8-1 à 8-19 produites à ce titre par les appelantes ne renseignant pas à cet égard.
La circonstance que la société Carslift a obtenu d'un établissement financier le concours bancaire qu'elle sollicitait, et que M. [T] ait reçu de l'Agefiph l'aide à la création d'entreprise qu'il sollicitait (cf pièces n°3-4 et 3-5 des appelants), pour l'un et l'autre nécessairement après étude de son projet par ces professionnels qu'ils sont, ne milite pas en faveur d'un caractère grossièrement erroné du prévisionnel de l'entreprise.
S'agissant du grief formulé contre l'intimée par les appelants de ne pas avoir déconseillé à M. [T] le local où il établit l'entreprise BR Cars, il se heurte au constat que ce choix était l'affaire du franchisé ; que M. [T], résidant en Alsace, connaissait le secteur, que Carslift, établie en Vendée, ne connaissait pas quant à elle et sur lequel elle n'avait pas de recherche particulière à diligenter ; et que ce local est qualifié dans le dossier Agefiph de 'perle rare', trouvé après 6 mois de recherches, avec sa situation au Nord de l'agglomération strasbourgeoise où peu de concurrents étaient établis, avec un bâtiment spacieux, situé à proximité immédiate d'une route fort fréquentée, et dans un secteur géographique attractif (cf pièce n°3).
Les appelants fondent aussi leur demande d'annulation sur l'absence de contrepartie fournie par le franchiseur aux redevances dues par le franchisé, et plus généralement sur le grief d'absence de savoir-faire et d'assistance fournis par la société Carslift.
Il n'en est pas justifié autrement que par voie d'affirmation, alors que les productions démontrent que le franchiseur mettait à la disposition du franchisé sa marque; qu'il lui prodiguait durant 5 à 7 jours par an une formation commerciale, une formation au suivi téléphonique des clients et partenaires et une formation au suivi numérique ; qu'il l'assistait pour la mise en place d'un système informatique, logistique et d'assistance ; qu'il mettait à sa disposition des documents et logiciels de gestion (commerciale, stock, comptabilité, paie) ainsi que le MEG ('Mon expert en gestion'), des outils (contrat, assurance, papier à en-tête) ; qu'il fournissait les premières voitures à exposer ; qu'il apportait son référencement de centaines de véhicules ; qu'il assurait un suivi physique par une visite de l'agence tous les 45 jours assortie d'observations, d'analyses des performances et de conseils ; et qu'il réunissait une fois par an l'ensemble de ses franchisés pour échanger, ces éléments ne relevant pas comme prétendu de simples conseils de bon sens et étant de nature à permettre à un franchisé dépourvu de toute expérience et de toute formation comme la SARL BR Cars et son dirigeant, de prendre en main un tel commerce en mettant en oeuvre des techniques et des savoirs qu'ils n'auraient pu découvrir qu'à la suite de recherches personnelles longues et incertaines.
Surtout, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte des productions, et des propres indications du gérant de la SARL BR Cars, que celle-ci a dès le début de son activité substantiellement manqué à ses obligations dans l'exploitation de la franchise, comme il ressort des résultats péjoratifs de tous les contrôles périodiques qu'elle a subis dès son lancement, assortis d'avertissements puis de mises en garde et enfin de mises en demeure, recensant sa défaillance dans la présentation de ses locaux, la mise en ligne des annonces, la tenue de ses dossiers de vente comme de son livre de police.
Les appelants objectent sans pertinence que Carslift aurait modifié ses critères d'appréciation , et que les mauvaises notations de BR Cars tiendraient seulement à ce que le franchiseur aurait introduit des critères tenant au respect des résultats prévisionnels, alors qu'il s'agit d'un critère essentiel d'appréciation de l'activité du franchisé et que son absence des premiers contrôles pratiqués en décembre 2018 puis en février 2019 s'expliquait seulement parce que l'activité était trop récente pour comptabiliser déjà les ventes réalisées.
La société BR Cars a adressé le 16 septembre 2019 sous la plume de son gérant [G] [T] un courrier au franchiseur à la suite de sa mise en demeure de se conformer enfin à ses obligations contractuelles, dans lequel elle reconnaît expressément, et de façon circonstanciée, ses manquements au contrat de franchise (cf pièce des appelantes n°5-4-1) et notamment :
- des problèmes de propreté et d'attractivité des locaux
- l'absence de mise en place d'un site internet, dix mois après l'ouverture
- un problème d'identification sur Facebook
- l'absence de l'enseigne 'Carslift', dix mois après le commencement de son exploitation
- un problème d'acheminement de son courrier
- l'absence de distribution des documents publicitaires prévus
- des problèmes récurrents de recrutement ayant fait que M. [T] était seul à l'agence
- un défaut de tenue du livre de police jusqu'à récemment
- une mauvaise évaluation des premiers véhicules proposés
- des problèmes personnels de santé du gérant, l'empêchant de se rendre aux formations
dispensées par le franchiseur.
Elle y reconnaissait aussi un mauvais choix de l'implantation géographique.
Il ressort de ces éléments, analyses et considérations, que la société BR Cars représentée par son liquidateur judiciaire, et M. [G] [T], ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, de l'une ou l'autre des causes d'annulation du contrat de franchise qu'ils invoquent, ni plus généralement que le consentement du franchisé ait été altéré, ou son appréciation faussée.
Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de prétention.
* sur l'action subsidiaire en responsabilité
Les appelants recherchent subsidiairement la responsabilité de la société Carslift pour le préjudice qu'elle leur aurait causé.
¿ la responsabilité de Carslift recherchée par le franchisé
S'agissant de la société BR Cars, les fautes, contractuelles, qu'elle impute au franchiseur sont tirées des mêmes griefs qu'elle invoquait à titre principal à l'appui de sa demande d'annulation du contrat de franchise.
Elle impute ainsi à faute à la société Carslift de lui avoir transmis une étude exagérément optimiste et aux données irréalistes, sans l'établir ainsi qu'il a été dit.
Elle prétend que le prévisionnel établi par l'expert-comptable du franchiseur formulait des perspectives de résultat irréalistes, sans en rapporter la preuve ainsi qu'il vient d'être jugé.
Elle affirme que le franchiseur ne lui a transmis aucun savoir-faire, alors qu'il vient d'être dit que Carslift apportait au franchisé un réel savoir-faire, et que la société BR Cars est elle-même à l'origine de sa mauvaise ou sous-utilisation.
La société BR Cars a été déboutée à bon droit de cette demande subsidiaire.
¿ la responsabilité de Carslift recherchée par M. [T]
En tant qu'il argue des mêmes fautes de la société Carslift que celles invoquées par la société BR Cars représentée par son liquidateur judiciaire, M. [T] n'est pas fondé en son action indemnitaire.
M. [T] invoque en outre une faute distincte commise par la société Carslift directement à son égard, au titre de sa mise à l'encaissement d'un chèque bancaire qu'elle lui avait demandé de lui remettre à titre de garantie.
De fait, il ressort des productions que M. [G] [T] a remis à sa demande à la société Carslift un chèque n°16705 090017 047808140 41 27 0000116 de 16.560 euros tiré sur son compte personnel à la Caisse d'Épargne d'Alsace à titre de 'caution' ou 'garantie', dans l'attente que le franchiseur reçoive cette somme, correspondant au droit d'entrée du franchisé, de la société BR Cars, alors juste en cours de constitution et qui ne disposait pas encore d'un compte bancaire ; qu'il était convenu entre les parties que ce chèque était remis à titre de garantie mais ne devait pas être encaissé ; que postérieurement à la remise de cette formule, la somme de 16.650 euros a été créditée sur le compte de la société Carslift depuis le compte entre-temps ouvert par la société BR Cars ; que la société Carslift n'a pas pour autant restitué à M. [T] ce chèque dont sa possession était devenue sans objet ; qu'elle n'a pas donné suite à sa demande de restitution formulée en mars 2019, puis lui a affirmé qu'il avait été 'détruit par nos services' lorsqu'il lui en a à nouveau réclamé la restitution, le 11 juillet 2019 ; que M. [T] a été informé par sa banque le 28 septembre 2019 que ce chèque venait d'être mis à l'encaissement par la société Carslift la veille, 27 septembre ; qu'en l'absence de provision suffisante, il a été rejeté ; et qu'en réponse aux mises en demeure réitérées du conseil de M. [T] de restituer ce chèque ou d'attester auprès de la banque de sa destruction afin de pouvoir obtenir la levée de l'interdiction bancaire qui avait été émise de ce fait contre le tireur, le conseil de la société Carslift a fini par répondre que celle-ci avait 'dû se résoudre à (le) présenter à l'encaissement, faute pour M. [T] d'honorer ses engagements dans les délais convenus après la régularisation du contrat de franchise' (cf pièces n°5-9 à 5-12 et 6-1 à 6-4).
Il résulte de ces éléments que la société Carslift a indûment réclamé à M. [T] la remise d'un chèque en garantie de sa créance contre une autre personne juridique en s'engageant à ne pas le mettre à l'encaissement ; qu'elle a mensongèrement prétendu l'avoir détruit lorsqu'il lui en a réclamé restitution; qu'elle l'a mis à l'encaissement pour obtenir paiement d'une créance alors qu'il s'agissait d'une créance qu'elle estimait détenir non pas contre M. [T] personnellement mais, en vertu du contrat de franchise conclu avec BR Cars, contre cette société.
Il s'agit d'autant de fautes qui engagent sa responsabilité envers M. [T], auquel elle sera tenue de verser en réparation de son préjudice moral et matériel la somme de 5.000 euros, qui sera fixée au passif de son redressement judiciaire.
* sur la résiliation du contrat et ses conséquences
Au vu des manquements graves et réitérés aux obligations du contrat de franchise objectivés par divers contrôles assortis de mises en garde puis de mises en demeure restées sans grand effet, la société Carslift était en droit de notifier à la société BR Cars la résiliation à ses torts du contrat.
C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont chiffré, par voie de fixation au passif de la liquidation judiciaire, à la somme de 4.278 euros la créance de la SARL Carslift envers la SARL BR Cars au titre de factures et redevances en souffrance, dans la limite de sa déclaration de créance, et le jugement sera confirmé de ce chef.
* sur la demande reconventionnelle en restitution d'enseigne et matériel par Carslift
Le contrat de franchise étant résilié aux torts du franchisé, la SARL Carslift est fondée à réclamer à la liquidation judiciaire, sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte à ce titre, la restitution de l'enseigne et des signes distinctifs à sa marque qu'elle détiendrait encore, le liquidateur judiciaire ne formulant aucune contestation sur ce chef de prétention.
* sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
La société BR Cars, représentée par son liquidateur judiciaire, succombe en son action principale en annulation du contrat de franchise comme en sa prétention subsidiaire à dommages et intérêts.
Elle a été condamnée à bon droit aux dépens de première instance, sans indemnité de procédure, et elle supportera les dépens d'appel, sans indemnité de procédure.
M. [G] [T] obtient, par infirmation, l'annulation aux torts de Carslift du contrat de réservation, la restitution de la somme versée en exécution du protocole annulé, ainsi que des dommages et intérêts en réparation de la faute délictuelle de l'intimée dont il a été victime.
La société Carslift lui versera à titre personnel une indemnité de procédure de 4.000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il déboute M. [G] [T] de l'ensemble de ses prétentions et sauf en ce qu'il le condamne aux dépens
statuant à nouveau de ces chefs :
ANNULE en application des articles L.330-3 et R.330-1 du code de commerce le protocole d'accord conclu le 22 février 2018 entre la société Carslift et M. [G] [T]
FIXE à 8.100 euros au passif de la SARL Carslift, à titre chirographaire, la créance de M. [G] [T] en restitution de la somme versée à titre de réservation en vertu de cette convention nulle
DIT que la SARL Carslift a commis une faute au préjudice de M. [T] en lui ayant demandé, en lui ayant mensongèrement annoncé la destruction, et en ayant mis à l'encaissement, le chèque bancaire de 16.560 euros tiré sur la Caisse d'Épargne d'Alsace
FIXE à 5.000 euros au passif de la SARL Carslift, à titre chirographaire, la créance de dommages et intérêts de M. [G] [T] en réparation du préjudice consécutif à ces fautes
ajoutant :
ENJOINT au liquidateur judiciaire de la SARL BR Cars de restituer à la société Carslift l'enseigne et des signes distinctifs à sa marque qu'elle détiendrait encore
REJETTE toutes demandes autres ou contraires
CONDAMNE la SARL BR Cars, représentée par son liquidateur judiciaire, aux dépens d'appel
DÉBOUTE la société Carslift de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société Carslift à payer à M. [G] [T] la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
ACCORDE à la Selarl AE Avocats le bénéfice de la faculté prévue à l'article 699 du code de procédure civile.