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Décisions

CA Riom, 1re ch., 9 juillet 2024, n° 23/01784

RIOM

Arrêt

Autre

CA Riom n° 23/01784

9 juillet 2024

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 09 juillet 2024

N° RG 23/01784 - N° Portalis DBVU-V-B7H-GC42

- DA- Arrêt n° 313

S.A.S. DENTIGEST / S.C.A. GALIMMO

Ordonnance de Référé, origine Président du Tribunal Judiciaire de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 07 Novembre 2023, enregistrée sous le n° 23/00691

Arrêt rendu le MARDI NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

S.A.S. DENTIGEST

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Maître Eric KOTARSKI de la SELARL CABINET ERIC KOTARSKI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Pauline ICARD de la SELARL PEYRONNET AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

S.C.A. GALIMMO

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Maître Jean-Paul GUINOT, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND et par Maître Dominique COHEN-TRUMER, avocat au barreau de PARIS

Timbre fiscal acquitté

INTIMEE

DÉBATS :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 mai 2024, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. ACQUARONE, rapporteur.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 09 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

I. Procédure

Suivant bail commercial renouvelé le 27 décembre 2021 la SAS DENTIGEST est locataire de la SCA GALIMMO pour un local situé dans un centre commercial à [Localité 7] (Puy-de-Dôme).

Une clause résolutoire inscrite dans le bail prévoit la résolution de plein droit de celui-ci à défaut de paiement du loyer et des charges.

Le 5 septembre 2023 la SCA GALIMMO a assigné la SAS DENTIGEST devant le juge des référés au tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand afin de voir constater le jeu de la clause résolutoire ; ordonner l'expulsion du locataire et condamner celui-ci à lui payer à titre provisionnel la somme de 65 589,68 EUR TTC.

La SAS DENTIGEST ne comparaissait pas devant le juge des référés.

À l'issue des débats, par ordonnance du 7 novembre 2023 le juge des référés au tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a rendu la décision suivante :

« Le Juge des référés, statuant après débats en audience publique et en premier ressort, par ordonnance réputée contradictoire prononcée par mise à disposition au greffe,

AU PRINCIPAL, renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu'elles en aviseront,

AU PROVISOIRE,

CONSTATE la résiliation à la date du 26 mai 2023 du bail liant la SCA GALIMMO à la SAS DENTIGEST,

En conséquence, DIT que la SAS DENTIGEST sera tenue d'évacuer le local portant le nº 121 appartenant à la SCA GALIMMO situé [Adresse 1] à [Localité 7] (63),

ORDONNE à défaut de départ volontaire, incluant la restitution des clefs, son expulsion ainsi que celle de tout occupant de son chef, si besoin est avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, dans les formes et délais prévus par les articles L. 431-1 et suivants et R. 411-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution, et conformément à l'article L. 433-1 du même Code, à procéder à l'enlèvement de tous les biens mobiliers garnissant les lieux loués et à les faire entreposer dans tel local de son choix aux frais et périls de la partie expulsée,

CONDAMNE la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO une indemnité d'occupation correspondant au dernier état du loyer à hauteur de QUATRE MILLE CENT QUATRE-VINGT-SEPT EUROS ET CINQUANTE CENTIMES (4.187,50 €) par mois, à compter du 1er octobre 2023 et jusqu'à son départ effectif des lieux ainsi que celui de tout occupant de son chef, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

CONDAMNE la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO, à titre provisionnel, la somme de SOIXANTE-DEUX MILLE CINQ CENT TREIZE EUROS ET SOIXANTE ET ONZE CENTIMES (62 513,71 €) au titre de l'arriéré des loyers et des charges arrêté au 19 juillet 2023 avec intérêts au taux légal, comprenant le coût de l'acte et l'émolument proportionnel suivant commandement de payer du 25 avril 2023,

DIT que le dépôt de garantie resta acquis à la SCA GALIMMO,

REJETTE toutes demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO la somme de SEPT CENTS EUROS (700 €) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS DENTIGEST aux entiers dépens, comprenant les frais de délivrance de la présente assignation, de la notification éventuelle à créanciers inscrits et de la signification la présente ordonnance,

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire. »

***

La SAS DENTIGEST a fait appel de cette décision le 27 novembre 2023, précisant :

« Objet/Portée de l'appel : Constate la résiliation à la date du 26 mai 2023 du bail liant la SCA GALIMMO à la SAS DENTIGEST, En conséquence, dit que la SAS DENTIGEST sera tenue d'évacuer le local portant le nº 121 appartenant à la SCA GALIMMO situé [Adresse 1] à [Localité 7] (63), Ordonne, à défaut de départ volontaire, incluant la restitution des clés, son expulsion ainsi que celle de tout occupant de son chef, si besoin est avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, dans les formes et délais prévus par les articles L. 431-1 et suivants et R. 411-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution, et conformément à l'article L. 433-1 du même Code, à procéder à l'enlèvement de tous les biens mobiliers garnissant les lieux loués et à les faire entreposer dans tels locaux de son choix aux frais et péril de la partie expulsée, Condamne la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO une indemnité d'occupation correspondant au dernier état du loyer à hauteur de quatre mille cent quatre-vingt-sept euros et cinquante centimes (4187,50 €) par mois, à compter du 1er octobre 2023 et jusqu'à son départ effectif des lieux ainsi que celui de tout occupant de son chef, outre intérêt au taux légal à compter de la présente décision, Condamne la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO, à titre provisionnel la somme de soixante-deux mille cinq cent treize euros et soixante et onze centimes (62 513,71 €) au titre de l'arriéré des loyers et des charges arrêté au 19 juillet 2023 avec intérêt au taux légal, comprenant le coût de l'acte et l'émolument proportionnel suivant commandement de payer du 25 avril 2023, Dit que le dépôt de garantie resta acquis à la SCA GALIMMO, Rejette toutes demandes plus amples ou contraires, Condamne la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO la somme de sept cents euros (700 €) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS DENTIGEST aux entiers dépens, comprenant les frais de délivrance de la présente assignation, de la notification éventuelle à créanciers inscrits et de la signification la présente ordonnance. »

Dans ses conclusions récapitulatives nº2 ensuite du 19 février 2024 la SAS DENTIGEST demande à la cour de :

« Vu les articles 1343-5 et 1719 du Code civil,

Vu les articles 695 et suivants, 700, 905-1 et 905-2 du Code de procédure civile,

Vu l'ordonnance du Juge des référés du Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand du 7 novembre 2023,

Vu les pièces,

Il est demandé à la Cour d'appel de Riom de :

À titre principal,

- CONSTATER que la SCA GALIMMO n'a pas remis à la société DENTIGEST les clés des locaux loués situés dans le Centre commercial [6] [Localité 7] sis [Adresse 1] à [Localité 7] ;

- CONSTATER que la SCA GALIMMO n'a pas rempli son obligation de délivrance à l'égard de la SAS DENTIGEST ;

En conséquence,

JUGER que la SAS DENTIGEST n'est redevable d'aucune somme à l'égard de la SCA GALIMMO ;

- CONDAMNER la SCA GALIMMO à rembourser à la SAS DENTIGEST la somme de 14 712,89 € correspondant à la saisie abusivement pratiquée par la SCA GALIMMO sur le compte bancaire de la SAS DENTIGEST le 10 novembre 2023 ;

À titre subsidiaire,

- CONSTATER que la SAS DENTIGEST reste à devoir à la SCA GALIMMO la somme de 30 242,01 € TTC au titre des loyers et charges afférents aux locaux loués situés dans le Centre commercial [6] [Localité 7] sis [Adresse 1] à [Localité 7] selon décompte arrêté le 19 juillet 2023 ;

- INFIRMER l'ordonnance du Juge des référés du Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand du 7 novembre 2023 en ce qu'elle a :

' CONDAMNÉ la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO, à titre provisionnel, la somme de 62.513,71 € au titre de l'arriéré des loyers et des charges arrêté au 19 juillet 2023 avec intérêts au taux légal, comprenant le coût de l'acte et l'émolument proportionnel suivant commandement de payer du 25 avril 2023, sans assortir cette condamnation de délais de paiement,

' DIT que le dépôt de garantie restera acquis à la SCA GALIMMO,

' DIT que la SAS DENTIGEST sera tenue d'évacuer le local portant le nº 121 appartenant à la SCA GALIMMO situé [Adresse 1] à [Localité 7] (63) ;

' CONDAMNÉ la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO une indemnité d'occupation correspondant au dernier état du loyer à hauteur de 4.187,50 € par mois, à compter du 1er octobre 2023 et jusqu'à son départ effectif des lieux ainsi que celui de tout occupant de son chef,

' CONDAMNÉ la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO la somme de 700 € en application dos dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

' CONDAMNÉ la SAS DENTIGEST aux entiers dépens,

CONFIRMER l'ordonnance du Juge des référés du Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand du 7 novembre 2023 en ce qu'elle a :

' CONSTATÉ la résiliation à la date du 26 mai 2023 du bail liant la SCA GALIMMO à la SAS DENTIGEST,

' JUGÉ qu'il n'y avait pas lieu de faire application de la clause pénale.

Et, statuant à nouveau :

À titre principal,

- JUGER que la SCA GALIMMO n'a pas rempli son obligation de délivrance à l'égard de la SAS DENTIGEST ;

- JUGER que la SAS DENTIGEST n'est redevable d'aucune somme à l'égard de la SCA GALIMMO.

- CONDAMNER la SCA GALIMMO à rembourser à la SAS DENTIGEST la somme de 14 712,89 € correspondant à la saisie abusivement pratiquée par la SCA GALIMMO sur le compte bancaire de la SAS DENTIGEST le 10 novembre 2023.

À titre subsidiaire,

- JUGER que la SAS DENTIGEST reste à devoir à la SCA GALIMMO à titre provisionnel, la somme de 30 242,01 € TTC au titre de l'arriéré des loyers et des charges arrêté au 19 juillet 2023 ;

- AUTORISER la SAS DENTIGEST à s'acquitter de la somme de 30 242,01 € TTC en 24 échéances à compter de la décision à intervenir ;

- CONDAMNER la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO une indemnité d'occupation correspondant au dernier état du loyer à hauteur de 4.187,50 € par mois, à compter du 1er octobre 2023 et jusqu'à son départ effectif des lieux ainsi que celui de tout occupant de son chef,

En tout état de cause,

- CONDAMNER la SCA GALIMMO à verser à la SAS DENTIGEST la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et autoriser Maître Eric Kotarski à les recouvrer conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER la SCA GALIMMO aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- DÉBOUTER la SCA GALIMMO de ses demandes, fins et conclusions. »

***

Dans des conclusions du 27 mai 2024 la SCA GALIMMO demande pour sa part à la cour de :

« Vu les pièces visées,

Vu l'article 1103 du Code civil,

Vu l'article 835 du Code de procédure civile,

Il est demandé à la Cour de confirmer l'Ordonnance rendue le 7 novembre 2023 par le Juge des référés de RIOM en ce qu'elle a :

« CONSTATE la résiliation à la date du 26 mai 2023 du bail liant la SCA GALIMMO à la SAS DENTIGEST,

En conséquence, DIT que la SAS DENTIGEST sera tenue d'évacuer le local portant le n°l21 appartenant à la SCA GALIMMO situé [Adresse 1] à [Localité 7] (63),

ORDONNE à défaut de départ volontaire, incluant la restitution des clefs, son expulsion ainsi que celle de tout occupant de son chef, si besoin est avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, dans les formes et délais prévus par les articles L. 431-1 et suivants et R. 411-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution, et conformément à l'article L. 433-1 du même Code, à procéder à l'enlèvement de tous les biens mobiliers garnissant les lieux loués et à les faire entreposer dans tel local de son choix aux frais et périls de la partie expulsée,

DIT que le dépôt de garantie resta acquis à la SCA GALIMMO,

CONDAMNE la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO la somme de SEPT CENTS EUROS (700 €) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS DENTIGEST aux entiers dépens, comprenant les frais de délivrance de la présente assignation, de la notification éventuelle à créanciers inscrits et de la signification la présente ordonnance,

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire. »

D'infirmer l'Ordonnance en ce qu'elle a :

« CONDAMNE la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO une indemnité d'occupation correspondant au dernier état du loyer à hauteur de QUATRE MILLE CENT QUATRE-VINGT-SEPT EUROS ET CINQUANTE CENTIMES (4.187,50 €) par mois, à compter du 1er octobre 2023 et jusqu'à son départ effectif des lieux ainsi que celui de tout occupant de son chef, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

CONDAMNE la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO, à titre provisionnel, la somme de SOIXANTE-DEUX MILLE CINQ CENT TREIZE EUROS ET SOIXANTE ET ONZE CENTIMES (62.513,71 €) au titre de l'arriéré des loyers et des charges arrêté au 19 juillet 2023 avec intérêts au taux légal, comprenant le coût de l'acte et l'émolument proportionnel suivant commandement de payer du 25 avril 2023,

REJETTE toutes demandes plus amples ou contraires, »

Et, statuant à nouveau :

- Débouter la société DENTIGEST de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO une indemnité d'occupation mensuelle correspondant au dernier état du loyer majoré de 50 %, augmenté des charges, taxes et accessoires prévues au bail et TVA en sus, à compter du 26 mai 2023 et jusqu'à son départ effectif des lieux ainsi que celui de tout occupant de son chef, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- Condamner la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO, à titre provisionnel, la somme de 124 674,77 € au titre de l'arriéré des loyers et des charges arrêté au 27 mai 2024 avec intérêts au taux légal, comprenant le coût de l'acte et l'émolument proportionnel suivant commandement de payer du 25 avril 2023 ;

- Condamner la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO une somme correspondant à 10 % des sommes dues au titre des pénalités de retard contractuelles ;

- Déclarer mal fondée la demande de délais ;

- Subsidiairement et dans l'hypothèse où des délais étaient accordés, dire que les sommes qui seront versées par la société DENTIGEST s'imputeront en priorité sur les loyers, charges et accessoires courants, puis sur les termes venus à échéance postérieurement à la délivrance du commandement de payer, l'arriéré dû au titre du commandement de payer n'étant apuré qu'en outre ;

- Dans cette hypothèse, dire que faute par la société DENTIGEST de respecter les délais accordés, et de régler, dans le même temps, les loyers, charges et accessoires courants, les termes échus postérieurement au commandement de payer, et l'arriéré, l'intégralité des sommes dues deviendra immédiatement exigible ;

- Condamner la société DENTIGEST à payer à la société GALIMMO la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société DENTIGEST en tous les dépens, en ce compris les frais de délivrance de la présente assignation, de la notification éventuelle à créanciers inscrits et de la signification de l'ordonnance à intervenir. »

***

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu'en première instance.

L'affaire, instruite selon les modalités de l'article 905 du code de procédure civile, est venue devant la cour à son audience du jeudi 30 mai 2024.

II. Motifs

À titre liminaire la cour rappelle que s'agissant de l'appel d'une ordonnance de référé, il ne peut en toute hypothèse être alloué que des provisions, et sous la condition qu'elles ne puissent être considérées comme sérieusement contestables, dans leur principe et leur montant ; la liquidation définitive des intérêts financiers en jeu ne relevant que de la compétence du seul juge du fond éventuellement saisi.

La question de la résiliation du bail à la date du 26 mai 2023 n'est plus en débat devant la cour puisque les deux parties s'accordent pour solliciter la confirmation sur ce point de la décision du juge des référés.

Pour sa défense contre la demande en paiement de loyers, la SAS DENTIGEST soutient essentiellement qu'elle n'a jamais disposé des clés lui permettant d'accéder au local loué au sein d'un centre commercial.

Or, la SCA GALIMMO produit à son dossier l'état des lieux d'entrée en date du 15 décembre 2022, (pièce nº 5), signé par les deux parties, d'où il résulte qu'un jeu de clés a bien été remis au locataire. L'appelante conteste ce document et en produit un autre (pièce nº 11) sur lequel aucune mention ne figure dans la case « clefs remises (accès local) ».

Cependant, le document produit par la SAS DENTIGEST est incomplet puisqu'il ne comporte que la deuxième page de l'état des lieux. En outre, ce document n'est pas exactement identique dans sa rédaction, à celui versé par la SCA GALIMMO : en comparant les deux on voit nettement que les mentions manuscrites, même si elles reproduisent les mêmes relevés de compteurs, ne sont pas tracées de la même manière. Il s'agit donc de deux documents différents, de sorte que la SAS DENTIGEST ne peut pas sérieusement mettre en doute l'authenticité de la pièce nº 5 produite par l'intimée.

On ne peut que s'étonner par ailleurs d'une situation dans laquelle SAS DENTIGEST, bien que titulaire d'un bail concernant un local clairement identifié n'ait jamais protesté contre l'absence de remise des clés lui permettant d'y accéder. Elle ne justifie en effet d'aucune réclamation en ce sens depuis l'état des lieux du 15 décembre 2022, en conséquence de quoi sa contestation tardive, dans le cadre de la présente procédure, manque singulièrement de crédibilité.

En outre, de manière assez surprenante, alors qu'elle se plaint de n'avoir jamais reçu les clés du local loué, et n'avoir jamais pu commencer la moindre exploitation, la SAS DENTIGEST a néanmoins expressément acquiescé le 5 décembre 2023 à une saisie conservatoire de la somme de 14 712,89 EUR, réalisée à la requête de la SCA GALIMMO le 10 novembre 2023, pour le motif clairement énoncé : « Loyers et charges selon décompte joint ». D'évidence cet acquiescement est incompatible avec l'argumentation consistant à dire qu'aucun loyer n'est dû étant donné l'impossibilité d'utiliser le local objet du bail.

La SCA GALIMMO allègue par ailleurs deux lettres RAR des 16 janviers 2023 et 27 octobre 2023, où elle presse la SAS DENTIGEST de lui fournir au plus vite la demande d'autorisation d'exploitation de l'agence régionale de santé. Cependant, les accusés de réception de ces lettres ne sont pas produits au dossier, alors que la SAS DENTIGEST plaide n'avoir jamais été mise en demeure, moyennant quoi ces éléments de preuve ne peuvent pas être retenus.

Mais quoi qu'il en soit de ces deux lettres RAR, les autres éléments ci-dessus développés ne permettent pas de sérieusement considérer que la SAS DENTIGEST n'a jamais disposé des clés lui permettant d'occuper le logement loué.

La SAS DENTIGEST soutient encore que le bailleur n'a pas respecté ses obligations quant à la date de mise à disposition du local loué. Selon les conditions particulières du bail signé le 27 décembre 2021 « la date prévisionnelle de mise à disposition du local interviendra au plus tard le 15 avril 2022. » L'alinéa suivant prévoit cependant que le bailleur aura la faculté « de proroger de six mois la date prévisionnelle de mise à disposition du local, sous réserve d'en informer le preneur avant le 15 janvier 2022, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception », soit par conséquent jusqu'au 15 octobre 2022.

Il n'est pas contesté que l'état des lieux d'entrée a été réalisé contradictoirement le 15 décembre 2022, c'est-à-dire deux mois après la date butoir du 15 octobre. Cependant, pas plus que les précédents, cet argument n'est de nature à exonérer la SAS DENTIGEST de son obligation de payer les loyers à bonne date. En effet, l'état des lieux d'entrée a été signé par le preneur à la date du 15 décembre 2022, sans aucune protestation de sa part, moyennant quoi il s'en déduit, comme à bon droit plaidé par la SCA GALIMMO, que les parties avaient entendu « par consentement mutuel, procéder à la livraison du local en date du 15 décembre 2022, date de prise d'effet du bail » (conclusions page 11).

La SAS DENTIGEST ne peut donc pas sérieusement soutenir, devant le juge des référés, ne rien devoir au titre des loyers résultant du bail signé le 27 décembre 2021, ayant pris effet au 15 décembre 2022, date d'entrée du locataire dans les lieux.

Concernant les provisions sollicitées par la SCA GALIMMO, le juge des référés lui a alloué la somme de 62 513,71 EUR, arrêtée au 19 juillet 2023, avec intérêts, outre une indemnité d'occupation de 4187,50 EUR par mois à compter du 1er octobre 2023 jusqu'au départ effectif des lieux de la SAS DENTIGEST. Dans ses écritures, à titre subsidiaire, celle-ci estime rester devoir au bailleur la somme de 30 242,01 EUR au titre de l'arriéré des loyers et des charges au 19 juillet 2023. Dans le dernier état de ses écritures du 27 mai 2024, la SCA GALIMMO réclame la somme actualisée de 124 674,77 EUR au titre du loyer et des charges au 27 mai 2024, avec intérêts. Elle réclame également diverses autres sommes : indemnité d'occupation mensuelle majorée de 50 % et de la TVA, et 10 % des sommes dues au titre des pénalités de retard contractuelles.

Concernant le montant des loyers en retard, la SCA GALIMMO verse à son dossier un décompte actualisé à la date du 27 mai 2024, pour 124 674,77 EUR. Ce décompte prend en considération les sommes dues depuis le 19 janvier 2023 au titre des loyers et des charges, ainsi que la provision sur les taxes foncières et la TVA sur les charges. On voit également apparaître à la date du 25 mai 2023 une ligne intitulée « clause pénale 10 % » pour 3075,97 EUR.

Ce décompte intègre en outre des sommes relatives à des travaux de rénovation, pour au total : 2590 EUR le 15 juillet 2023 + 2590 EUR le 15 septembre 2023 + 2590 EUR le 15 novembre 2023 = 7770 EUR. La SCA GALIMMO produit à ce titre divers documents relatifs à la gestion de la copropriété, ainsi qu'une facture du 8 janvier 2024. La SAS DENTIGEST soutient néanmoins que les termes « rénovation 2023 » dans le décompte ne permettent pas « d'identifier les travaux soi-disant réalisés et de justifier du bien-fondé du montant réclamé », outre que « le bail commercial ne prévoit pas de provision pour travaux » (conclusions page 16). En l'état de ces éléments incertains, nécessitant des interprétations qui échappent à la compétence du juge des référés, il convient de faire droit à la demande de la SAS DENTIGEST sollicitant le retrait à ce titre de la somme de 3108 EUR (conclusions page 16).

Par ailleurs, la SCA GALIMMO justifie avoir acquiescé le 5 décembre 2023 à une saisie conservatoire des créances réalisée le 10 novembre 2023 à la requête de la SCA GALIMMO, pour la somme de 14 712,89 EUR. Conformément par conséquent à la demande justifiée de l'appelante, la somme totale réclamée par le bailleur doit être diminuée de ce montant.

La SAS DENTIGEST demande également que la somme de 227,12 EUR au titre des frais de commandement de payer du 25 avril 2023 soit déduite du décompte général des sommes dues, pour être intégrée à l'article 700 du code de procédure civile. Dans ses conclusions page 13 la SCA GALIMMO « n'entend pas s'y opposer ». Ce montant sera donc déduit.

La SAS DENTIGEST conteste également les sommes facturées au titre de la taxe foncière et des charges pour le troisième trimestre 2023, soutenant que le bail ne contient aucune possibilité d'augmentation par rapport au montant initialement fixé, et réclame par conséquent la déduction de la somme de 996 EUR. Le bailleur allègue le vote du budget de la copropriété pour l'année 2023, s'estimant « en conséquence fondée à réévaluer les provisions sur charges appelées au titre de l'année 2023 ». Il plaide également que la taxe foncière est justifiée pour les années 2022 et 2023. Le montant annuel et provisionnel des charges et taxes foncières, tel que fixé par la clause particulière A 4 du bail (page 20), prévoit les sommes de 14 271 EUR pour les charges, et 3417 EUR pour l'impôt foncier. L'argumentation de la SCA GALIMMO supposerait d'aller plus avant dans l'interprétation de cet acte, ce qui qui échappe à la compétence du juge des référés. Il sera donc fait droit à la demande de la SAS DENTIGEST concernant le retrait de la somme de 996 EUR, étant rappelé qu'il s'agit de provisions et non du calcul définitif des sommes dues.

La SAS DENTIGEST réclame encore la déduction de la somme de 12 562,50 EUR représentant le dépôt de garantie, « compte tenu de l'absence de remise des clés des locaux loués et de l'absence d'exploitation des locaux loués (conclusions page 17). Cependant, son argumentation concernant l'absence de remise des clés ayant été ci-dessus rejetée, sa contestation consécutive au titre du dépôt de garantie ne saurait prospérer. En outre, dans la mesure où elle ne conteste pas la résiliation du bail, et en considération du montant total de la créance dont la SCA GALIMMO peut valablement, au stade du référé, se prétendre titulaire à titre provisionnel, il y a lieu de confirmer la décision de ce chef. L'appelante soutient par ailleurs que ce montant représente une clause pénale d'un montant manifestement excessif (conclusions pages 17 et 18). Or cette question, qui nécessite une interprétation du contrat, ne relève pas du juge des référés. Le montant du dépôt de garantie peut donc être considéré, en tant que tel, comme acquis à titre provisionnel à la SCA GALIMMO, l'ordonnance étant confirmée de ce chef.

Le décompte actualisé produit par la SCA GALIMMO contient également, à la date du 25 mai 2023 une « clause pénale 10 % » pour la somme de 3075,97 EUR. À juste titre le juge des référés a considéré dans ses motifs qu'en l'absence d'éléments permettant d'apprécier les relations entre les parties il n'y a pas lieu de faire application de cette clause pénale. La cour adopte cette position, et retranchera par conséquent le montant de 3075,97 EUR. Pour les mêmes motifs, il convient également, au stade du référé et à titre provisionnel, de rejeter la demande générale d'application d'une pénalité contractuelle de retard de 10 % calculée sur toutes les sommes dues.

Concernant l'indemnité d'occupation, le bail fixe le montant du loyer à la somme annuelle forfaitaire et globale de 50 250 EUR hors-taxes et hors charge, soit un montant mensuel de 4187,50 EUR. C'est donc sur cette base, exactement retenue par le premier juge, que l'indemnité mensuelle d'occupation de la SAS DENTIGEST sera calculée, à titre provisionnel, à compter du 1er juin 2024. La majoration de 50 % sollicitée par le bailleur nécessite une interprétation du contrat qui ne relève pas du juge des référés.

En considération de son plus récent décompte du 27 mai 2024, il est donc dû à la SCA GALIMMO, à titre provisionnel : 124 674,77 - 3108 - 14 712,89 - 227,12 - 996 - 3075,97 = 102 554,79 EUR.

La SAS DENTIGEST sollicite des délais de paiement auquel la SCA GALIMMO s'oppose. Or il apparaît, au vu du décompte du 27 mai 2024, qu'en réalité la SAS DENTIGEST n'a jamais payé le moindre loyer après sa prise de possession des lieux au mois de décembre 2022, moyennant quoi il n'est pas possible de la considérer comme débiteur de bonne foi, et sa demande de délais sera donc rejetée.

1500 EUR sont justes pour l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS DENTIGEST supportera les dépens de première instance et d'appel, comprenant notamment les frais de délivrance de l'assignation en référé et de la signification de l'ordonnance du juge des référés. Il n'y a pas lieu cependant de faire droit à la demande de la SCA GALIMMO consistant à dire que ces dépens comprendront « la notification éventuelle à créanciers inscrits ».

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme l'ordonnance uniquement en ce que le juge des référés :

CONDAMNE la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO une indemnité d'occupation correspondant au dernier état du loyer à hauteur de QUATRE MILLE CENT QUATRE-VINGT-SEPT EUROS ET CINQUANTE CENTIMES (4.187,50 €) par mois, à compter du 1er octobre 2023

Et :

CONDAMNE la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO, à titre provisionnel, la somme de SOIXANTE-DEUX MILLE CINQ CENT TREIZE EUROS ET SOIXANTE ET ONZE CENTIMES (62 513,71 €) au titre de l'arriéré des loyers et des charges arrêté au 19 juillet 2023

Et :

CONDAMNE la SAS DENTIGEST aux entiers dépens, comprenant ['] la notification éventuelle à créanciers inscrits ['],

Statuant à nouveau de ces trois chefs :

' Fixe l'indemnité d'occupation à la somme de 4187,50 EUR à compter du 1er juin 2024 ;

' Condamne la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO à titre provisionnel la somme de 102 554,79 EUR au titre de l'arriéré des loyers et des charges arrêté au 27 mai 2024 ;

' Rejette la demande de la SCA GALIMMO tendant à voir juger que les dépens comprendront « la notification éventuelle à créanciers inscrits » ;

Condamne la SAS DENTIGEST à payer à la SCA GALIMMO la somme de 1500 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS DENTIGEST aux dépens de première instance et d'appel, comprenant notamment les frais de délivrance de l'assignation en référé et de la signification de l'ordonnance du juge des référés ;

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Le greffier Le président