Décisions
Cass. soc., 10 juillet 2024, n° 22-24.499
COUR DE CASSATION
Autre
Rejet
SOC.
CL6
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 juillet 2024
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 790 F-D
Pourvoi n° J 22-24.499
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024
1°/ M. [G] [Z], domicilié [Adresse 7],
2°/ Mme [I] [U], domiciliée [Adresse 5],
3°/ M. [K] [M], domicilié [Adresse 6],
4°/ M. [V] [C], domicilié [Adresse 3],
5°/ M. [B] [T], domicilié [Adresse 8],
6°/ M. [N] [O], domicilié [Adresse 2],
7°/ le syndicat CGT Carrefour [Localité 9], dont le siège est [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° J 22-24.499 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-2), dans le litige les opposant à la société Carrefour hypermarchés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de MM. [Z], [M], [T], [O], [C], Mme [U] et du syndicat CGT Carrefour [Localité 9], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Carrefour hypermarchés, après débats en l'audience publique du 12 juin 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à MM. [Z], [M], [T], [O] et Mme [U] du désistement de leur pourvoi.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 octobre 2022), statuant en matière de référé, la société Carrefour hypermarchés (la société) exploite plusieurs établissements, dont le magasin Carrefour de [Localité 10] et celui d'[Localité 9]. A partir du 17 avril 2021, à l'annonce d'un projet de mise en location gérance du magasin de [Localité 10], un certain nombre de salariés de la société, dont M. [C], ont exercé à plusieurs reprises leur droit de grève dans ce magasin.
3. Par ordonnance du 15 juin 2021, le juge des référés a notamment fait interdiction à ces salariés, et à toute personne prenant part au mouvement actuel ou agissant de concert avec eux, d'entraver par quelque moyen que ce soit, même partiellement, l'ensemble des accès du magasin Carrefour [Localité 10], sous astreinte.
4. Le 7 juillet 2021, à l'appel de la fédération CGT commerces et services, une action a été menée par des grévistes au sein du magasin Carrefour d'[Localité 9].
5. Par actes d'huissier en date du 9 juillet 2021, la société a assigné M. [Z], M. [C], M. [M], M. [T], M. [O], Mme [U] et le syndicat CGT Carrefour [Localité 9] devant le président du tribunal judiciaire en demandant qu'il soit mis fin aux actions commises par ces personnes s'accompagnant de blocages du magasin en ordonnant, notamment, les mêmes mesures pour le magasin Carrefour d'[Localité 9] que celles résultant de l'ordonnance en date du 15 juin 2021 concernant le magasin Carrefour de [Localité 10].
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, et sur les deuxième et troisième moyens
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
7. M. [C] et le syndicat CGT Carrefour [Localité 9] font grief à l'arrêt de leur faire interdiction d'entraver, par quelque moyen que ce soit, même partiellement, l'ensemble des accès au magasin Carrefour [Localité 9] et notamment les accès clients, la ligne de caisse, les caisses libre-service, les accès à la galerie marchande, les accès parking et plus généralement de tous accès permettant aux clients, au personnel, aux fournisseurs, aux prestataires ainsi qu'à tous véhicules d'accéder au magasin Carrefour [Localité 9] et d'en sortir, le tout sous astreinte, alors :
« 1°/ que le droit de grève constitue une liberté fondamentale ; que les pouvoirs du juge des référés en matière de dommage imminent consécutif à l'exercice du droit de grève ne comportent pas celui d'interdire, sans limitation dans le temps, à un représentant syndical et à un syndicat d'entraver, même partiellement, par quelque moyen que ce soit, l'ensemble des accès des locaux de l'entreprise ; qu'en prescrivant une telle mesure générale à l'encontre du représentant syndical et du syndicat concernant l'accès au magasin de Carrefour [Localité 9] en vue de prévenir un dommage imminent consécutif à l'exercice du droit de grève, la cour d'appel a violé l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946, l'article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 835 du code de procédure civile ;
2°/ que le droit de grève constitue une liberté fondamentale ; que le juge des référés ne peut prendre des mesures conservatoires en restreignant l'exercice que si elles sont strictement proportionnées aux nécessités de protéger la liberté du travail, la liberté d'aller et venir et la liberté d'entreprendre ; qu'en interdisant, sans limitation de durée, au représentant syndical et au syndicat d'entraver, par quelque moyen que ce soit, même partiellement, l'ensemble des accès au magasin Carrefour [Localité 9], sans vérifier, comme elle y était invitée, que cette mesure générale était strictement proportionnée aux nécessités de protéger la liberté du travail, la liberté d'aller et venir et la liberté d'entreprendre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946, de l'article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 1121-1 du code du travail, et de l'article 835 du code de procédure civile ;
3°/ en tout état de cause, que le dommage imminent est celui qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer ; qu'en retenant l'existence d'un dommage imminent consécutif à l'exercice du droit de grève justifiant d'ordonner une mesure générale d'interdiction d'entraver, même partiellement, par quelque moyen que ce soit, l'ensemble des accès du magasin sur la seule base des événements survenus le 7 juillet 2021 ayant consisté en des actions de blocage d'une durée de deux heures et des propos de deux représentants syndicaux diffusés sur le compte Facebook du syndicat appelant à la poursuite du mouvement de grève et ne contenant aucune incitation à commettre des actes illicites, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé l'alinéa 7 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, l'article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les articles 10 et 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 835 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte des conclusions des salariés devant la cour d'appel que ceux-ci n'invoquaient ni l'article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ni l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le moyen, en ce qu'il invoque l'exigence d'un contrôle de proportionnalité au regard de ces deux textes est nouveau et, mélangé de fait et de droit, irrecevable.
9. Aux termes de l'alinéa 7 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.
10. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2141-4 du code du travail, l'exercice du droit syndical est reconnu dans toutes les entreprises dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution de la République, en particulier de la liberté individuelle du travail.
11. D'abord, l'arrêt constate qu'il ressort du procès-verbal dressé le 7 juillet 2021 que, de 9h30 à 11h30, le personnel gréviste, au nombre de quarante environ, pour la plupart vêtu soit de chasubles au nom de la CGT, soit de tee-shirts identiques de couleur noire avec des adhésifs comportant le sigle de la CGT, a bloqué à l'aide de chariots la sortie des caisses du magasin, en ne laissant que quelques caisses à disposition des clients encore présents dans le magasin, ainsi que l'entrée principale de l'hypermarché de manière à en interdire l'accès aux clients, tout en dissuadant ceux qui tentaient de forcer le passage, et a placé des cagettes en bois devant l'entrée générale du magasin, faisant rebrousser chemin à la plupart des clients, de sorte que le personnel gréviste avait, par ses actions de blocage, porté atteinte à la liberté d'aller et venir des clients. La cour d'appel qui a ainsi fait ressortir l'existence d'une atteinte à la liberté du travail et à la liberté d'entreprendre a pu en déduire l'existence d'un trouble manifestement illicite.
12. Ensuite, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, ayant constaté que le syndicat CGT Carrefour [Localité 9] avait relayé la grève du 7 juillet 2021 sur son compte Facebook en insistant sur les actions de blocage du magasin et que plusieurs représentants de ce syndicat, malgré les décisions de justice ordonnant des mesures afin de faire cesser les agissements illicites commis au sein du magasin Carrefour de [Localité 10], avaient appelé à la poursuite de telles actions au sein des magasins Carrefour, en a déduit l'existence d'un dommage imminent.
13. Enfin, ayant retenu qu'il n'y avait pas lieu d'étendre les mesures qu'elle ordonnait à toute personne prenant part au mouvement ou agissant de concert avec les salariés visés par l'assignation en référé, ces mesures ne pouvant concerner que des personnes identifiées ayant effectivement pris part aux actions de blocage du 7 juillet 2021, ni de faire interdiction à ces salariés de pénétrer dans le magasin Carrefour d'[Localité 9] ou dans sa galerie marchande et de s'y maintenir dans des conditions étrangères à l'exercice de leur activité salariée au sein de l'entreprise, ces mesures étant disproportionnées par rapport au but recherché, à savoir empêcher les débordements constatés le 7 juillet 2021 lors de l'exercice futur, par les salariés visés par l'assignation, de leur droit de grève, la cour d'appel, sans avoir à limiter dans le temps les mesures qu'elle ordonnait, les mesures prises en référé étant provisoires par nature et n'ayant pas autorité de chose jugée au principal, n'encourt pas les griefs du moyen.
14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [C] et le syndicat CGT Carrefour [Localité 9] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
CL6
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 juillet 2024
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 790 F-D
Pourvoi n° J 22-24.499
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024
1°/ M. [G] [Z], domicilié [Adresse 7],
2°/ Mme [I] [U], domiciliée [Adresse 5],
3°/ M. [K] [M], domicilié [Adresse 6],
4°/ M. [V] [C], domicilié [Adresse 3],
5°/ M. [B] [T], domicilié [Adresse 8],
6°/ M. [N] [O], domicilié [Adresse 2],
7°/ le syndicat CGT Carrefour [Localité 9], dont le siège est [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° J 22-24.499 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-2), dans le litige les opposant à la société Carrefour hypermarchés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de MM. [Z], [M], [T], [O], [C], Mme [U] et du syndicat CGT Carrefour [Localité 9], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Carrefour hypermarchés, après débats en l'audience publique du 12 juin 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à MM. [Z], [M], [T], [O] et Mme [U] du désistement de leur pourvoi.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 octobre 2022), statuant en matière de référé, la société Carrefour hypermarchés (la société) exploite plusieurs établissements, dont le magasin Carrefour de [Localité 10] et celui d'[Localité 9]. A partir du 17 avril 2021, à l'annonce d'un projet de mise en location gérance du magasin de [Localité 10], un certain nombre de salariés de la société, dont M. [C], ont exercé à plusieurs reprises leur droit de grève dans ce magasin.
3. Par ordonnance du 15 juin 2021, le juge des référés a notamment fait interdiction à ces salariés, et à toute personne prenant part au mouvement actuel ou agissant de concert avec eux, d'entraver par quelque moyen que ce soit, même partiellement, l'ensemble des accès du magasin Carrefour [Localité 10], sous astreinte.
4. Le 7 juillet 2021, à l'appel de la fédération CGT commerces et services, une action a été menée par des grévistes au sein du magasin Carrefour d'[Localité 9].
5. Par actes d'huissier en date du 9 juillet 2021, la société a assigné M. [Z], M. [C], M. [M], M. [T], M. [O], Mme [U] et le syndicat CGT Carrefour [Localité 9] devant le président du tribunal judiciaire en demandant qu'il soit mis fin aux actions commises par ces personnes s'accompagnant de blocages du magasin en ordonnant, notamment, les mêmes mesures pour le magasin Carrefour d'[Localité 9] que celles résultant de l'ordonnance en date du 15 juin 2021 concernant le magasin Carrefour de [Localité 10].
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, et sur les deuxième et troisième moyens
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
7. M. [C] et le syndicat CGT Carrefour [Localité 9] font grief à l'arrêt de leur faire interdiction d'entraver, par quelque moyen que ce soit, même partiellement, l'ensemble des accès au magasin Carrefour [Localité 9] et notamment les accès clients, la ligne de caisse, les caisses libre-service, les accès à la galerie marchande, les accès parking et plus généralement de tous accès permettant aux clients, au personnel, aux fournisseurs, aux prestataires ainsi qu'à tous véhicules d'accéder au magasin Carrefour [Localité 9] et d'en sortir, le tout sous astreinte, alors :
« 1°/ que le droit de grève constitue une liberté fondamentale ; que les pouvoirs du juge des référés en matière de dommage imminent consécutif à l'exercice du droit de grève ne comportent pas celui d'interdire, sans limitation dans le temps, à un représentant syndical et à un syndicat d'entraver, même partiellement, par quelque moyen que ce soit, l'ensemble des accès des locaux de l'entreprise ; qu'en prescrivant une telle mesure générale à l'encontre du représentant syndical et du syndicat concernant l'accès au magasin de Carrefour [Localité 9] en vue de prévenir un dommage imminent consécutif à l'exercice du droit de grève, la cour d'appel a violé l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946, l'article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 835 du code de procédure civile ;
2°/ que le droit de grève constitue une liberté fondamentale ; que le juge des référés ne peut prendre des mesures conservatoires en restreignant l'exercice que si elles sont strictement proportionnées aux nécessités de protéger la liberté du travail, la liberté d'aller et venir et la liberté d'entreprendre ; qu'en interdisant, sans limitation de durée, au représentant syndical et au syndicat d'entraver, par quelque moyen que ce soit, même partiellement, l'ensemble des accès au magasin Carrefour [Localité 9], sans vérifier, comme elle y était invitée, que cette mesure générale était strictement proportionnée aux nécessités de protéger la liberté du travail, la liberté d'aller et venir et la liberté d'entreprendre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946, de l'article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 1121-1 du code du travail, et de l'article 835 du code de procédure civile ;
3°/ en tout état de cause, que le dommage imminent est celui qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer ; qu'en retenant l'existence d'un dommage imminent consécutif à l'exercice du droit de grève justifiant d'ordonner une mesure générale d'interdiction d'entraver, même partiellement, par quelque moyen que ce soit, l'ensemble des accès du magasin sur la seule base des événements survenus le 7 juillet 2021 ayant consisté en des actions de blocage d'une durée de deux heures et des propos de deux représentants syndicaux diffusés sur le compte Facebook du syndicat appelant à la poursuite du mouvement de grève et ne contenant aucune incitation à commettre des actes illicites, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé l'alinéa 7 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, l'article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les articles 10 et 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 835 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte des conclusions des salariés devant la cour d'appel que ceux-ci n'invoquaient ni l'article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ni l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le moyen, en ce qu'il invoque l'exigence d'un contrôle de proportionnalité au regard de ces deux textes est nouveau et, mélangé de fait et de droit, irrecevable.
9. Aux termes de l'alinéa 7 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.
10. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2141-4 du code du travail, l'exercice du droit syndical est reconnu dans toutes les entreprises dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution de la République, en particulier de la liberté individuelle du travail.
11. D'abord, l'arrêt constate qu'il ressort du procès-verbal dressé le 7 juillet 2021 que, de 9h30 à 11h30, le personnel gréviste, au nombre de quarante environ, pour la plupart vêtu soit de chasubles au nom de la CGT, soit de tee-shirts identiques de couleur noire avec des adhésifs comportant le sigle de la CGT, a bloqué à l'aide de chariots la sortie des caisses du magasin, en ne laissant que quelques caisses à disposition des clients encore présents dans le magasin, ainsi que l'entrée principale de l'hypermarché de manière à en interdire l'accès aux clients, tout en dissuadant ceux qui tentaient de forcer le passage, et a placé des cagettes en bois devant l'entrée générale du magasin, faisant rebrousser chemin à la plupart des clients, de sorte que le personnel gréviste avait, par ses actions de blocage, porté atteinte à la liberté d'aller et venir des clients. La cour d'appel qui a ainsi fait ressortir l'existence d'une atteinte à la liberté du travail et à la liberté d'entreprendre a pu en déduire l'existence d'un trouble manifestement illicite.
12. Ensuite, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, ayant constaté que le syndicat CGT Carrefour [Localité 9] avait relayé la grève du 7 juillet 2021 sur son compte Facebook en insistant sur les actions de blocage du magasin et que plusieurs représentants de ce syndicat, malgré les décisions de justice ordonnant des mesures afin de faire cesser les agissements illicites commis au sein du magasin Carrefour de [Localité 10], avaient appelé à la poursuite de telles actions au sein des magasins Carrefour, en a déduit l'existence d'un dommage imminent.
13. Enfin, ayant retenu qu'il n'y avait pas lieu d'étendre les mesures qu'elle ordonnait à toute personne prenant part au mouvement ou agissant de concert avec les salariés visés par l'assignation en référé, ces mesures ne pouvant concerner que des personnes identifiées ayant effectivement pris part aux actions de blocage du 7 juillet 2021, ni de faire interdiction à ces salariés de pénétrer dans le magasin Carrefour d'[Localité 9] ou dans sa galerie marchande et de s'y maintenir dans des conditions étrangères à l'exercice de leur activité salariée au sein de l'entreprise, ces mesures étant disproportionnées par rapport au but recherché, à savoir empêcher les débordements constatés le 7 juillet 2021 lors de l'exercice futur, par les salariés visés par l'assignation, de leur droit de grève, la cour d'appel, sans avoir à limiter dans le temps les mesures qu'elle ordonnait, les mesures prises en référé étant provisoires par nature et n'ayant pas autorité de chose jugée au principal, n'encourt pas les griefs du moyen.
14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [C] et le syndicat CGT Carrefour [Localité 9] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.