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Décisions

CA Poitiers, 1re ch., 9 juillet 2024, n° 24/00526

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Hyppolite Bayard (SC)

Défendeur :

Sci du Nord (SARL), Pba - Petit Bouchon Authentique (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monge

Conseillers :

M. Orsini, M. Maury

Avocats :

Me Musereau, Me Viel, Me Brugiere

CA Poitiers n° 24/00526

8 juillet 2024

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La S.C.I. DU NORD est propriétaire d'un ensemble immobilier situé sur la commune de [Localité 28] et cadastré section AT numéro [Cadastre 16].

La S.C.I. DE L'OUEST est propriétaire de l'ensemble immobilier contigu sur la parcelle cadastrée section AT numéro [Cadastre 18].

La SCCV HIPPOLYTE BAYARD est également propriétaire d'un ensemble immobilier situé sur la commune de [Localité 28] et cadastré section AT numéros [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 17] et [Cadastre 19].

La S.C.I. DU NORD et la S.C.I. DE L'OUEST ont consenti, aux termes d'un acte authentique du 25 juillet 2007, un bail à construction à la S.A.R.L. FONCIERE COURTEPAILLE portant sur les parcelles AT [Cadastre 16] et AT [Cadastre 18], pour une durée de 45 ans à compter du 9 juillet 2007 et moyennant un loyer annuel de 52.000 euros HT pour la première année et de 54.000 euros HT pour les années suivantes, réévalué chaque année en fonction de la variation de l'indice national du coût de la construction.

Un avenant au bail a été établi le 1er octobre 2019 substituant un autre preneur en la personne de la SASU PBA-PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE et moyennant un nouveau loyer annuel de 18.000 euros la première année, 32.000 euros la deuxième année et 42.000 euros la troisième année.

Par arrêté du maire de [Localité 28] du 29 juin 2023, un permis de construire a été accordé à la SCCV HIPPOLYTE BAYARD.

Un procès-verbal de constat réalisé par la SCP SIXDERNIER-PAREYRE le 2 octobre 2023 fait état du début des travaux de démolition.

Un deuxième procès-verbal de constat réalisé par la SCP SIXDERNIER-PAREYRE le 6 décembre 2023 fait état de la présence d'un véhicule de type rouleau compresseur sur le chantier litigieux. Il constate des vibrations à l'intérieur du restaurant situé sur la parcelle de la S.C.I. DU NORD dès que cet engin se déplace et réalise sa compression. Il est mentionné « un phénomène Ide vibrations assez important ». Par ailleurs, il a été constaté que l'emprise du chantier rend inopérant voire supprime le droit de passage dont bénéficie la parcelle AT [Cadastre 16].

Un troisième procès-verbal de constat réalisé par la SCP SIXDERNIER-PAREYRE les 26 janvier, 1er et 5 février 2024 fait état de la présence active d'engins et de personnels sur le chantier.

Par requête adressée au président du tribunal judiciaire de Poitiers en date du 1er décembre 2023, ce dernier a été saisi d'une demande d'autorisation d'assignation à date et heure fixée, ce qui a été accordé par ordonnance du 4 décembre 2023.

Par acte de commissaire de justice signifié à personne se disant habilitée le 5 décembre 2023, la SASU PBA-PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE et la S.C.I. DU NORD ont assigné la SCCV HIPPOLYTE BAYARD devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers.

Par ordonnance du 24 janvier 2024, le juge des référés a rouvert les débats aux fins que la défenderesse produise aux débats l'acte notarié passé le 16 novembre 2023 portant sur la vente des parcelles cadastrées section AT numéros [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 17] et [Cadastre 19], que la demanderesse produise l'acte de propriété de la parcelle cadastrée section AT numéro [Cadastre 18] et que les parties présentent leurs observations s'agissant de la question relative aux dispositions de l'article 694 du code civil concernant la survivance d'une servitude entre deux fonds appartenant au même propriétaire.

A titre conservatoire, il a été ordonné, jusqu'au prononcé de la décision définitive au titre du présent litige, la suspension des travaux objet du permis de construire accordé suivant arrêté du maire de [Localité 28] du 29 juin 2023 à la SCCV HIPPOLYTE BAYARD, sous astreinte provisoire de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance, que le juge des référés se réservait de liquider.

Selon leurs dernières conclusions, la SASU PBA-PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE et la S.C.I. DU NORD sollicitaient de les voir dire recevables et bien fondées en leurs demandes, fins et conclusions. Elles demandent qu'il soit constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite lié à la violation de l'assiette d'une servitude conventionnelle de passage.

En conséquence, elles sollicitaient la suspension immédiate des travaux objet du permis de construction numéro PC 86062 23 X0001 délivré par le maire de la commune de [Localité 28] le 29 juin 2023 à la SCCV HIPPOLYTE BAYARD et que cette suspension soit assortie d'une astreinte fixée à 1.500 euros par jour à compter de la date de l'ordonnance à intervenir. Elles demandaient enfin que la liquidation de l'astreinte soit réservée et que la défenderesse soit condamnée à leur verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, la SCCV HIPPOLYTE BAYARD sollicitait de voir déclarer irrecevable l'action des demanderesses faute d'intérêt légitime mais également de qualité à agir. En toute hypothèse, elle demandait de constater l'absence de recours de nature administrative contre l'arrêté accordant permis de construire, l'extinction des servitudes fondant la demande, l'incompétence de la juridiction des référés pour statuer sur la demande, l'absence de trouble manifestement illicite et le caractère mal fondé de la demande.

Elle concluait au rejet de la demande tendant à voir ordonner la suspension des travaux initiés en exécution de l'arrêté accordant permis de construire du 29 juin 2023 et sollicitait leur condamnation à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par ordonnance de référé contradictoire en date du 21/02/2024, juge du tribunal judiciaire de POITIERS a statué comme suit :

'Vu l'article 835 du code de procédure civile,

Rejetons l'exception d'irrecevabilité tirée du défaut d'intérêt et de qualité à agir des demanderesses ;

Ordonnons la suspension des travaux objets du permis de construction numéro PC 86062 23 X0001 délivré par le maire de la commune de [Localité 28] le 29 juin 2023 à la SCCV HIPPOLYTE BAYARD, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance,

Ordonnons la liquidation de l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 24 janvier 2024,

Condamnons de ce chef la SCCV HIPPOLYTE BAYARD à payer la somme de 16.500 euros à la S.C.I. DU NORD et à la SASU PBA-PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE,

Condamnons la SCCV HIPPOLYTE BAYARD à payer à la SASU PBA-PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE et à la S.C.I. DIT NORD la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire par provision de plein droit.

Rappelons qu'il sera procédé à la signification de la présente ordonnance par la partie la plus diligente.

Condamnons la SCCV HIPPOLYTE BAYARD aux dépens'.

Le premier juge a notamment retenu que :

- sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir,

les demanderesses agissent sur le fondement du trouble manifestement illicite tiré du non-respect des règles relatives à la servitude de passage litigieuse. La première, en qualité de propriétaire, dispose sans conteste d'un intérêt à agir. La seconde, en qualité de preneuse, dispose d'un droit de jouissance paisible des lieux loués de sorte qu'elle justifie également d'un intérêt à agir.

- sur l'existence d'un trouble manifestement illicite, la confusion des deux fonds entraînant extinction de la servitude n'est pas nécessairement définitive puisqu'au cas où la confusion cesse, la servitude revit. Tel est le cas, en revanche, si on peut relever l'existence d'un signe apparent de servitude entre les deux fonds, au sens de l'article 694 du code civil.

- bien que la servitude dont il est fait état dans le bail à construire soit éteinte, le fait que la S.C.I. DE L'OUEST et la S.C.I. DU NORD procèdent à son rappel dans un acte authentique ne peut pas constituer à lui seul un signe apparent de l'existence de cette servitude. En effet, il n'apparaît pas matériellement à partir de cette date que la servitude est toujours bel et bien appliquée alors même que la S.C.I. DU NORD est encore propriétaire de la parcelle [Cadastre 17].

La constitution par cet acte du 3 février 2014 d'une servitude accessoire à celle constituée en 2004, au demeurant rappelée dans ledit acte, et destinée précisément à en permettre l'exécution constitue un acte de volonté de maintenir au profit de la parcelle [Cadastre 16] la servitude sur la parcelle [Cadastre 17] cédée, ce qui permet de la faire exister au sens de l'article 694 précité.

- selon acte notarié en date du 16 novembre 2023 produit aux débats à la suite de leur réouverture, la SCCV HIPPOLYTE BAYARD a procédé au rachat des parcelles cadastrées section AT numéros [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 17] et [Cadastre 19] auprès de la S.A. IMMOBILIERE EUROPÉENNE DES MOUSQUETAIRES. tout en présentant un paragraphe intitulé « CONSTITUTION DE SERVITUDES » constituant une servitude de non aedificandi sur les parcelles AT [Cadastre 12] et [Cadastre 17] au profit de la parcelle AT [Cadastre 16] pour préserver l'exécution des servitudes issues des actes notariés des 26 et 30 juillet 2004 rappelées en fin d'acte.

- aussi bien l'acte notarié du 3 février 2014 que l'acte notarié du 16 novembre 2023 font donc état de l'existence d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée section AT numéro [Cadastre 17] au profit de la parcelle cadastrée section AT numéro [Cadastre 16], cette existence résultant de la volonté expresse, donc évidente, de la S.C.I. DU NORD constituant ainsi une exception à l'extinction de principe de l'article 705 précité.

- sur le trouble manifestement illicite, il apparaît, au regard des plans du permis de construire (pièce des demanderesses n°5), que l'assiette de la servitude litigieuse va être transportée dans un endroit différent à celui primitivement assigné, que l'état des lieux va être changé, qu'il est ainsi déjà provisoirement transformé par l'effet des travaux, le passage vers le restaurant étant bloqué et le parking qui y était situé devant étant déplacé sur le côté du restaurant.

La SCCV HIPPOLYTE BAYARD ne rapporte pas la preuve que l'assiette primitive de la servitude était devenue plus onéreuse ou qu'elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses.

L'équivalence dans la commodité d'exercice du droit de passage et de stationnement, voire un surcroît de commodité, sont insuffisants à justifier le déplacement de l'assiette de la servitude, étant par ailleurs rappelé que cette modification ne peut pas s'opérer de manière unilatérale par le propriétaire du fonds servant

- la réalisation des travaux litigieux implique une modification de l'assiette de la servitude de passage et de stationnement de manière unilatérale, sans présentation du projet de déplacement préalable et sans que soit justifiée de manière évidente la nécessité au regard de l'exigence de l'article 701 en terme de charge financière, et est constitutive d'un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser par des mesures de remise en état.

- la suspension des travaux sera donc ordonnée sous astreinte

- sur le non-respect de la suspension des travaux assorti d'une astreinte provisoire, les demanderesses versent aux débats un procès-verbal de constat en date des 26 janvier, 1er et 5 février 2024 faisant état de la présence active d'engins et de personnels sur le chantier.

La SCCV HIPPOLYTE BAYARD n'a pas respecté la suspension des travaux ordonnée et il convient de procéder à la liquidation de l'astreinte.

Entre la date de signification de l'ordonnance, 25 janvier, et le 5 février 2024, il s'est écoulé 11 jours et la SCCV HYPPOLITE BAYARD sera condamnée à payer la somme de 16.500 euros au titre de la liquidation de l'astreinte

LA COUR

Vu l'appel en date du 01/03/2024 interjeté par la société SCCV HYPPOLITE BAYARD

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 24/05/2024, la société SCCV HYPPOLITE BAYARD a présenté les demandes suivantes :

'Vu les dispositions de l'article 835 du code de procédure civile

Vu les dispositions de l'article 701 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats

Déclarer la société HIPPOLYTE BAYARD recevable et bien fondée en son appel.

Réformer & Infirmer l'ordonnance entreprise du 21 février 2024 en toutes ses dispositions.

Constatant l'absence à la cause de la S.C.I. DE L'OUEST,

Déclarer irrecevable l'action des sociétés PBA et S.C.I. DU NORD faute d'intérêt légitime, mais également de qualité à agir,

En toutes hypothèses,

Débouter purement et simplement les sociétés PBA ' PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE et S.C.I. DU NORD de toutes leurs demandes, fins et prétentions.

Condamner les sociétés PBA et S.C.I. DU NORD à verser, chacune, à la SCCV HIPPOLYTE BAYARD une somme de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE, outre aux dépens'.

A l'appui de ses prétentions, la société SCCV HYPPOLITE BAYARD soutient notamment que :

- la SCCV HIPPOLYTE BAYARD est une société qui a pour activité l'acquisition de terrains à bâtir et elle a envisagé la création d'un ensemble commercial comportant 5 cellules commerciales sur 9 parcelles situées sur la commune de [Localité 28].

- elle a déposé un permis de construire, le 23 décembre 2022, enregistré par les services de la Mairie le 4 janvier 2023, qui après une instruction particulièrement minutieuse et un avis favorable de la CDAC du 25 avril 2023 (pièce 9), a fait l'objet d'un arrêté accordant permis de construire du 29 juin 2023 n°PC 86062 23 X0001.

- les 9 parcelles précitées avaient antérieurement été acquises par L'IMMOBILIERE EUROPÉENNE DES MOUSQUETAIRES, de la S.C.I. DU NORD, par acte au rapport de Maître [I] [F], notaire à [Localité 31], en date du 3 février 2014

- la S.C.I. DU NORD est demeurée propriétaire de la parcelle cadastrée section AT n°[Cadastre 16].

- la S.C.I. DE L'OUEST quant à elle - qui n'est pas partie à la procédure -, était propriétaire des parcelles anciennement cadastrées AT [Cadastre 21] et [Cadastre 22].

La parcelle [Cadastre 21] aurait été divisée en deux parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 7].

La parcelle [Cadastre 22] a été divisée en deux parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9]. La parcelle [Cadastre 9] a été divisée en deux parcelles, créant notamment la parcelle [Cadastre 18].

- cette parcelle [Cadastre 18] est constitutive de partie de l'assiette du bail à construction, dont le cocontractant serait désormais la Société PBA ' PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE.

- sur les parcelles objet du bail à construction, ce bail à construction a été signé, non pas seulement entre la S.C.I. DU NORD et la Société FONCIERE COURTEPAILLE, mais entre

d'une part le bailleur constitué des sociétés : S.C.I. DU NORD et S.C.I. DE L'OUEST,

d'autre part, de la société FONCIERE COURTEPAILLE.

En effet, l'assiette du bail est constituée des parcelles :

[Cadastre 16], propriété de la S.C.I. DU NORD

[Cadastre 18], propriété de la S.C.I. DE L'OUEST, et qui n'est pas demanderesse à la procédure.

- aux termes du bail notarié du 25 juillet 2007, il était rappelé l'existence de plusieurs servitudes créées par actes au rapport de maître [W] [Z], notaire à [Localité 31], en date des 26 et 30 juillet 2004.

- cet acte était créateur des servitudes entre les différentes parcelles et leurs parkings, propriétés respectives des sociétés S.C.I. DU NORD, S.C.I. DE L'OUEST et JEUNE AVAILLE.

- la Société PBA ' PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE serait le nouveau cocontractant des S.C.I. DU NORD et DE L'OUEST au titre du bail à construction dont l'assiette n'est pas indiquée.

- la société PBA ' PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE est, quant à elle, une société qui a une activité de restauration traditionnelle, dont un restaurant « [29] » sur les parcelles cadastrées section AT n°[Cadastre 16] et [Cadastre 18], et le 'café du [30] sur une parcelle autre [Cadastre 15].

- la juridiction des référés a excédé sa compétence, l'analyse des données du litige relevant indéniablement de la juridiction statuant au fond.

Le principe même du prétendu trouble manifestement excessif imposait à la juridiction saisie de porter des appréciations sur des points de droit qui excédaient les pouvoirs du juge des référés, soit, l'existence de la servitude invoquée, son assiette, et l'existence même du trouble invoqué.

- il a porté une appréciation sur les divisions successives des parcelles, alors que les procès-verbaux du cadastre n'étaient pas versés aux débats, sur l'extinction de la servitude par réunion des fonds, et sa prétendue renaissance.

- l'appréciation du trouble illicite impliquait l'analyse de l'existence de la servitude,

et des conditions posées par l'article 701 du code civil, qui relèvent de l'appréciation des seuls juges du fond s'agissant de déterminer si la nouvelle assiette proposée présente les mêmes commodités que l'assiette actuelle.

- il y a lieu à infirmation de l'ordonnance.

- sur l'absence de qualité et d'intérêt légitime à agir des requérantes, c'est à tort que le juge des référés a considéré que l'absence à la cause de la S.C.I. DE L'OUEST était indifférente quant à la recevabilité et au bien-fondé de l'action, alors qu'elle est propriétaire de la parcelle cadastrée [Cadastre 18], partie de l'assiette du bail à construction, et constitue le bailleur avec la S.C.I. du NORD. Le bailleur est en effet bien constitué des deux S.C.I.

- la violation d'une servitude ne saurait être invoquée par une seule des deux sociétés constituant le bailleur, et un « preneur » dont la qualité n'est pas établie, faute d'acte. La juridiction ne peut statuer sur les demandes des requérantes, au nombre desquels ne figure pas la S.C.I. DE L'OUEST.

- la S.C.I. DU NORD ne justifie pas, par ailleurs, d'un intérêt légitime à agir. Il en est de même de la société PBA.

- l'action de la société PBA ' PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE est en réalité fondée sur un motif totalement illégitime relatif à l'exploitation de son second établissement de restauration. Elle dispose d'une zone de parking après démolition de la station service sur la parcelle [Cadastre 12].

- la demande se limite à la suspension des travaux sine die, sans poursuite d'un autre objectif.

- sur le caractère non-établi et/ou éteint des servitudes fondant la demande, si les sociétés PBA et S.C.I. DU NORD entendaient fonder leur action sur des actes créateurs de servitudes en date des 26 et 30 juillet 2004, ces deux actes n'avaient pas été versés aux débats.

Seuls étaient versés l'acte du 3 février 2014 et le bail notarié du 25 juillet 2007.

Les requérantes ont, dans un second temps, versé sans aucunement les expliciter, aux débats l'acte notarié des 26 et 30 juillet 2004.

- si l'acte authentique d'acquisition par la SCCV HYPPOLITE contient le « rappel » de servitudes, il n'établit pas que ces servitudes seraient toujours existantes, les servitudes créées par le bailleur, S.C.I. DU NORD et S.C.I. DE L'OUEST ne s'entendent que prise en considération de toutes les parcelles assiette du bail à construction, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

- sur l'absence de trouble manifestement illicite, le trouble manifestement excessif serait généré, non pas par la violation de l'assiette d'une servitude conventionnelle de passage, mais par un exercice plus incommode de la servitude.

- « l'exercice » plus incommode n'est aucunement établi par les sociétés PBA et S.C.I. DU NORD, soit une diminution de l'usage, ou la pénalisation du fond dominant.

- l'article 701 du code civil n'exige pas l'accord préalable du propriétaire du fonds dominant.

- la SCCV HIPPOLYTE BAYARD n'a fait qu'appliquer le dernier alinéa de cet article, qui permet au propriétaire du fonds assujetti, ne pouvant faire des réparations avantageuses, d'offrir un endroit aussi commode, sans que le propriétaire du fonds dominant puisse le refuser.

La SCCV HIPPOLYTE BAYARD était confronté à une assignation primitive qui l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses

En outre, la modification de l'assiette de la servitude n'emporte pas dégradation de ses conditions d'exercice, au contraire. Elle ne va pas aboutir à la restriction de son usage, alors qu'est prévue la multiplication des accès..

- il résulte des plans versés aux débats qu'il n'existe aucune délimitation du stationnement sur site, les places situées en face du restaurant n'étant aucunement séparées des autres, par une clôture.

- il n'est pas établi que le projet ' va avoir pour conséquence directe de réduire la possibilité d'user des places de stationnement par le fond dominant' et il n'est pas démontré de trouble manifestement illicite.

- l'analyse du plan annexé aux actes de 2004 révèle que les stationnements étaient mutualisés.

- seul est versé aux débats le bail à construction initial, à l'exclusion du bail notarié et/ou de l'avenant notarié qui aurait dû être signé entre les sociétés S.C.I. DU NORD, S.C.I. DE L'OUEST, bailleur et PBA, preneur.

- « l'exercice » futur plus incommode invoqué n'est aucunement établi par les sociétés PBA et S.C.I. DU NORD.

- la société HIPPOLYTE BAYARD a, parallèlement à la procédure d'appel, déposé une demande de permis de construire modificatif, le 22 mars 2024, modifiant les plans du projet en déplaçant les deux cellules situées sur l'assiette de la servitude revendiquée par les intimées, de sorte que tout trouble manifestement illicite qui serait retenu aurait indéniablement cessé, les travaux étant réalisés en exécution de cette demande modificative.

Sur l'assiette revendiquée par les intimées ne figure aucune construction, mais seulement une plate-forme qui a vocation à constituer le parking

- c'est à tort que le juge des référés a retenu que la SCCV HIPPOLYTE BAYARD n'avait pas respecté la suspension des travaux ordonnée et a procédé à la liquidation de l'astreinte provisoire

Le nécessaire avait été réalisé et il a pu être constaté par commissaire de justice le 26 janvier 2024 que l'activité de la société PBA ' PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE n'était aucunement pénalisé, le parking provisoire réalisé étant utilisé. La présence d'engin et de personnel sur le chantier était justifiée par la nécessité d'achever le parking provisoire.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 24/05/2024, la société S.C.I. DU NORD et la société S.A.R.L. PBA - PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE ont présenté les demandes suivantes :

'Vu l'article 835 du code de procédure civile ;

Vu les articles 637 et suivants du code civil ;

Vu les articles L 251-1 et R 251-1 du code de la construction et de l'habitation;

Débouter la SCCV HIPPOLYTE BAYARD de son appel le jugeant mal fondé;

Dire recevable et bien la S.C.I. DU NORD et la SAS PBA-LE PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE en leurs demandes fins et conclusions.

Constater l'existence d'un trouble manifestement illicite lié à la violation de l'assietted'une servitude conventionnelle de passage ;

En conséquence,

Confirmer la suspension immédiate des travaux objet du permis de construire numéro PC 86062 23 X0001 délivrée par le maire de la commune de [Localité 28] le 29 juin 2023 à la SCCV HIPPOLYTE BAYARD ;

Confirmer l'astreinte fixée à 1 500 € par jour à compter de la date de l'ordonnance à intervenir ;

Y ajoutant,

Condamner la SCCV HIPPOLYTE BAYARD à payer à la S.C.I. DU NORD et la SAS PBA-LE PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile'.

A l'appui de leurs prétentions, la société S.C.I. DU NORD et la société S.A.R.L. PBA - PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE soutiennent notamment que :

- l'ensemble immobilier appartenant à la S.C.I. du Nord et donné à bail à construction, est contigu à diverses parcelles grevées de servitudes de passage au bénéfice de la propriété de la S.C.I. DU NORD.

En effet, par acte constitutif de servitude en date du 26/30 juillet 2004 plusieurs servitudes de passage notamment à usage de stationnement ont été créées au bénéfice du fonds dominant appartenant à la S.C.I. DU NORD et objet du bail à construction. En raison de la disparition du précédent preneur, un avenant au bail à construction du 25 juillet 2007 a été établi le 01 octobre 2009 lui substituant un autre preneur en la personne de la société PBA-PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE.

La SCCV HIPPOLYTE BAYARD s'est rendue maître des parcelles contigües à la propriété de la S.C.I. DU NORD et plus précisément du fonds servant.

- la consultation des plans de permis de construire, et leur comparaison avec les plans annexés à l'acte constitutif de servitude du 26/30 juillet 2004 permettent de constater que l'assiette de la servitude dont bénéficie le fonds dominant appartenant à la S.C.I. DU NORD va être modifié et ses conditions d'exercice dégradées.

- la S.C.I. DU NORD a qualité à agir et intérêt à agir avec son preneur au motif qu'en vertu du bail à construction conclu entre elle et la société PBA, le bailleur conserve la propriété du fond et doit laisser à son preneur la jouissance paisible du bien.

- fondant sa décision sur l'existence de deux actes notariés du 3 février 2014 et du 16 novembre 2023, le juge des référés a relevé sans excéder ses pouvoirs l'existence d'une servitude conventionnelle et son opposabilité à la SCCV HIPPOLYTE BAYARD, celui-ci a pu fonder sa décision puisqu'il a ainsi écarté toute contestation sérieuse quant à l'existence même de ladite servitude.

Il est compétent pour prononcer l'interruption immédiate de travaux autorisés ainsi que la remise en état des lieux dans leur état antérieur.

- le trouble par modification de l'assiette de la servitude est bien actuel.

- les servitudes résultant des actes notariés des 26 et 30 juillet 2004 n'ont plus aucune existence juridique, la S.C.I. DU NORD ayant au cours des années acheté certaines parcelles à la S.C.I. JEUNE AVAILLE (section AT n°[Cadastre 27] devenue AT n°[Cadastre 10] et [Cadastre 11]) ou à la S.C.I. DE L'OUEST, la S.C.I. DU NORD réunissant ainsi en une seule main les fonds dominants et les fonds servants.

- plus particulièrement concernant la parcelle cadastrée section AT n° [Cadastre 18] dont le juge des référés sollicite la production du titre de propriété, elle est toujours la propriété de la S.C.I. DE L'OUEST.

- sur la création de servitudes conventionnelles dans le bail à construction du 25 juillet 2007, 3 servitudes ont été créées, servitude d'accès aux parcelles AT [Cadastre 16]/[Cadastre 18], supportée par le fonds servant AT [Cadastre 12], servitude d'espace vert et servitude de stationnement au profit des parcelles AT [Cadastre 16]/[Cadastre 18], supportée par le fonds servant AT [Cadastre 17].

- elles ont été matérialisées par un plan annexé au bail à construction, plan qui sera repris en annexe 11 de l'acte de vente des parcelles à l'IMMOBILIERE EUROPÉENNE DES MOUSQUETAIRES le 03 février 2014.

- sur le principe de fixité de l'assiette des servitudes conventionnelles, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode. Il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée

- la SCCV HIPPOLYTE BAYARD remet en cause l'existence d'un trouble manifestement illicite tiré du déplacement de l'assiette de la servitude conventionnelle.

Or, en comparant le plan de la servitude annexé à l'acte constitutif de servitude en date du 26/30 juillet 2004 à celui du permis de construire obtenu par la SCCV HIPPOLYTE BAYARD, l'assiette de la servitude va être transportée, l'état des lieux changé, plus précisément l'exercice de la servitude s'effectuera dans un endroit différent de celui primitivement assigné générant par ailleurs une diminution de l'usage rendant ainsi l'exercice de la servitude plus incommode, une partie d'assiette se trouvant reportée pour déplacer la forme du parking à l'horizontale.

En outre, le projet porté par la SCCV HIPPOLYTE BAYARD a vocation à la création de 4 espaces commerciaux dont les entrées et les sorties se feront directement sur le nouveau parking créé, de sorte qu'outre les exploitants et leur personnel, les clients de ces différents espaces commerciaux viendront se stationner.

Là où le fonds dominant actuel bénéficie d'une servitude de stationnement sur une parcelle bien délimitée ayant une assiette claire affectant ainsi l'usage de places de stationnement au bénéfice du propriétaire, le projet aboutit à noyer les places de stationnement prévues dans un ensemble plus grand et à usage multiple rendant naturellement plus incommode l'exercice de la servitude.

Il est clair que la mutualisation de ce nouveau parking au profit de plusieurs espaces commerciaux, va avoir pour conséquence directe de réduire la possibilité d'user des places de stationnement par le fonds dominant.

- la modification sans autorisation préalable du propriétaire du fonds dominant, de l'assiette de la servitude conventionnelle dont bénéficie sa propriété, constitue à n'en pas douter un trouble manifestement illicite. En tout état de cause, la gêne occasionnée par cette modification est réelle.

- il a été constaté l'engagement des travaux nécessaires à la réalisation du projet.

- malgré la suspension des travaux sous astreinte permettant de garantir l'efficacité de la décision rendue, la SCCV HIPPOLYTE BAYARD fait litière de la décision de justice et poursuit éhontément sa construction.

- la dépose d'une demande de permis de construire modificatif ne peut pas constituer un argument valable pour obtenir l'arrêt de l'astreinte puisque cette demande ne vaut pas garantie de l'obtenir.

Le projet ne permet pas la circulation des poids lourds nécessaires à la desserte du restaurant

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture est en date du 27/05/2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action :

L'article 122 du code de procédure civile dispose : ' constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.

L'article 31 du même code dispose que : ' l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé'.

L'article 32 du même code dispose : 'Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir'.

En l'espèce, la SCCV HIPPOLYTE BAYARD a envisagé la création d'un ensemble commercial comportant 5 cellules commerciales sur les parcelles suivantes situées sur la Commune de [Localité 28], cadastrées : AT [Cadastre 2], [Cadastre 3],[Cadastre 4],[Cadastre 5],[Cadastre 12],[Cadastre 13],[Cadastre 17] et [Cadastre 19].

La S.C.I. DU NORD est demeurée propriétaire de la parcelle cadastrée section AT n°[Cadastre 16] et la S.C.I. de l'OUEST de la parcelle n°[Cadastre 18].

Par acte notarié des 26 et 30 juillet 2004, des servitudes de passage réciproques ont été instituées entre les parcelles, 3 servitudes ont été créées, servitude d'accès aux parcelles AT [Cadastre 16]/[Cadastre 18], supportée par le fonds servant AT [Cadastre 12], servitude d'espace vert et servitude de stationnement au profit des parcelles AT [Cadastre 16]/[Cadastre 18], supportée par le fonds servant AT [Cadastre 17].

- elles ont été matérialisées par un plan annexé au bail à construction, plan qui sera repris en annexe 11 de l'acte de vente des parcelles à l'IMMOBILIERE EUROPÉENNE DES MOUSQUETAIRES le 03 février 2014

Par acte notarié du 25 juillet 2007, la S.C.I. DU NORD et la SC1 DE L'OUEST ont consenti un bail à construire à la S.A.R.L. FONCIERE COURTEPAILLE portant sur les parcelles cadastrées section AT numéros [Cadastre 16] et [Cadastre 18], tout en procédant au rappel de l'existence des servitudes consenties en 2004

La S.A.R.L. PBA-PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE a qualité de preneuse du bail à construire, conclu avec la S.C.I. DU NORD et la S.C.I. de l'OUEST sur les parcelles cadastrées section AT numéros [Cadastre 16] et [Cadastre 18] selon avenant au bail en date du 1er. octobre 2019.

En leur qualité respective la première de propriétaire et la seconde de locataire investi du droit de jouissance, des parcelles bénéficiant de la servitude qu'elles affirment troublée par les travaux, la S.C.I. DU NORD et la S.A.R.L. PBA-PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE ont qualité et intérêt à exercer l'action et leur recevabilité, telle que retenue par le juge des référés, sera confirmée.

Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite :

L'article 835 du code de procédure civile dispose que : "le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire."

Le juge des référés peut ainsi intervenir même en présence d'une contestation sérieuse pour ordonner les mesures qui s'imposent lorsqu'il constate l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage sur le point de survenir.

Le trouble manifestement illicite peut se définir comme toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Il procède de la méconnaissance d'un droit, d'un titre ou, corrélativement, d'une interdiction les protégeant.

En l'espèce, le premier juge a relevé que tant l'acte notarié du 3 février 2014 que l'acte notarié du 16 novembre 2023 font état de l'existence d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée section AT numéro [Cadastre 17] au profit de la parcelle cadastrée section AT numéro [Cadastre 16], cette existence résultant de la volonté expresse, donc évidente, de la S.C.I. DU NORD constituant ainsi une exception à l'extinction de principe de l'article 705 du code civil.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, c'est ainsi pertinemment que le juge des référés a retenu que ce qui était non sérieusement contestable était l'existence de la servitude dont les demanderesses se prévalent, tandis que l'appréciation de la prétendue disparition de cette servitude invoquée devant lui, et contestée, échappait quant à elle à son pouvoir.

Dans ces conditions, les mesures conservatoires ou de remise en état prescrites par l'article 835 du code de procédure civile peuvent effectivement être ordonnées en présence de telles contestations.

Il ressort des plans annexés aux actes notariés des 26 et 30 juillet 2004 et de ceux du permis de construire accordé, et il n'est en réalité pas discuté par l'appelante, que l'assiette de la servitude litigieuse va être transportée dans un endroit différent de celui primitivement assigné et que l'état des lieux va être modifié.

Il apparaît en l'état que les travaux autorisés mais, comme toujours, sous réserve du droit des tiers - ont effectivement débuté, impliquant une importante perturbation dans l'exercice de la servitude constituée depuis 2004.

Ces travaux ont pour effet de supprimer les places de stationnement essentiellement utilisables aujourd'hui en vertu de la servitude par la clientèle et le personnel du restaurant exploité par la S.A.R.L. PBA-PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE sur le fonds de la SCI DU NORD -laquelle ne dispose pas de possibilité de stationnement d'un autre côté- et ils pour objet de déplacer la servitude sur un autre fonds, où elle s'exercerait désormais sur un espace indifférencié beaucoup plus vaste et bien davantage voué à être utilisé par des personnes n'étant pas clients ou employés du restaurant.

Il appartiendra au juge du fond éventuellement saisi d'apprécier si la servitude existe toujours ou si la commodité de son usage est modifiée, mais le juge des référés a justement constaté en l'état l'existence d'un trouble manifestement illicite et la nécessité de le faire cesser.

La demande de permis de construire modificatif dont l'appelante se prévaut pour contester l'ordonnance n'est que déposée, et n'est pas de nature à remettre en cause la nécessité de faire cesser le trouble existant du fait des travaux d'ores et déjà engagés.

En conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné la suspension sous astreinte des travaux poursuivis dans le cadre du permis de construction numéro PC 86062 23 X0001 délivré par le maire de la commune de [Localité 28] le 29 juin 2023 à la SCCV HIPPOLYTE BAYARD.

Il y a lieu au surplus de confirmer la liquidation de l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 24 janvier 2024, telle que décidée par le premier juge, au regard de la poursuite des travaux engagés sans qu'il soit justifié d'une négociation préalable, cette poursuite étant suffisamment constatée par plusieurs constats les 26 janvier et 1er et 5 février 2024.

Sur les dépens :

Les chefs de décision de l'ordonnance afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés, et seront confirmés.

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge in solidum de la SCCV HIPPOLYTE BAYARD.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable de condamner la SCCV HIPPOLYTE BAYARD à verser à la S.C.I. DU NORD et à la S.A.R.L. PBA-PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE la somme unique fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

CONFIRME l'ordonnance entreprise.

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

CONDAMNE la SCCV HIPPOLYTE BAYARD à verser à la S.C.I. DU NORD et à la S.A.R.L. PBA-PETIT BOUCHON AUTHENTIQUE, ensemble, la somme unique de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

CONDAMNE la SCCV HIPPOLYTE BAYARD aux dépens d'appel.