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Décisions

CA Poitiers, 1re ch., 9 juillet 2024, n° 24/00965

POITIERS

Arrêt

Autre

CA Poitiers n° 24/00965

9 juillet 2024

ARRET N°289

N° RG 24/00965 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HAX2

[E]

[N]

C/

[S]

Loi n° 77-1468 du30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire

Le à

Le à

Le à

Copie gratuite délivrée

Le à

Le à

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 09 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00965 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HAX2

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 26 mars 2024 rendue par le Président du TJ de SAINTES.

APPELANTS :

Monsieur [R] [E]

né le 13 Février 1945 à [Localité 10] (63)

[Adresse 7]

[Localité 3]

Madame [H] [N] épouse [E]

née le 17 Novembre 1946 à [Localité 10] (63)

[Adresse 7]

[Localité 3]

ayant tous les deux pour avocat Me Christel BOLOLANIK de la SELARL C&BOLEX AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMEE :

Madame [F] [S] épouse [A]

née le 16 Janvier 1964 à [Localité 9]

[Adresse 8]

[Localité 2]

ayant pour avocat postulant Me Magalie ROUGIER de la SCP ROUGIER VIENNOIS FERNANDES, avocat au barreau de SAINTES et pour avocat plaidant Me Julia SOURD, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 17 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

À compter du mois de février 2017 M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E], propriétaires d'une parcelle située [Adresse 6] comprenant une maison ancienne et un garage indépendant, ont entrepris de démolir le garage pour édifier une maison d'habitation avec garage et piscine sur cette portion de parcelle, qui jouxte celle appartenant à Mme [F] [S] épouse [A].

Un bornage amiable réalisé le 9 juin 2017 a toutefois mis en évidence que le mur réalisé par les époux [E] empiétait de 6 centimètres sur la propriété de Mme [A].

Par actes signifiés le 21 septembre 2017, Mme [A] a fait assigner en référé les époux [E] aux fins d'expertise judiciaire, qui a été ordonnée le 21 novembre 2017 au contradictoire des constructeurs et de leurs assureurs également appelés à la cause, et confiée à M. [L], ultérieurement remplacé par M. [U].

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 29 juin 2020.

Par actes délivrés le 6 octobre 2020, Mme [A] a fait assigner les époux [E] devant le tribunal judiciaire de SAINTES pour obtenir la condamnation de ces derniers à faire cesser l'empiétement du garage sur sa propriété et à remettre son terrain dans son état d'origine conformément aux règles de l'art.

Par jugement en date du 17 mars 2023 le tribunal judiciaire de SAINTES a, entre autres dispositions, condamné les époux [E] à procéder à la démolition de l'ouvrage édifié sur leur parcelle située commune de [Localité 3] cadastrée section BK n°[Cadastre 4] devenue BK n°[Cadastre 1] empiétant en surface comme en sous-sol sur la parcelle cadastrée section BK n°[Cadastre 5] appartenant à Mme [F] [A], dans le délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant 4 mois passé ce délai.

Par acte signifié le 31 octobre 2023, les époux [E] ont fait assigner Mme [A] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de SAINTES pour :

- être autorisés à faire accéder des professionnels qualifiés, la société LFB BÂTI PLUS ou toute autre entreprise mandatée par eux, à pénétrer sur la parcelle de Mme [A], pour une durée d'une semaine, afin de pouvoir effectuer les travaux de suppression de l'empiétement auxquels ils ont été condamnés par le jugement du 17 mars 2023 et procéder à l'enduisage du mur du garage objet de l'empiétement,

- être autorisés à faire accéder la. société LFB BÂTI PLUS, ou toute autre entreprise mandatée par eux, aux fins de poser un échafaudage le long du mur du garage empiétant sur la parcelle de Mme [A] cadastrée section BK n°[Cadastre 5],

- entendre dire que l'autorisation d'une semaine pourra être prolongée en cas d'intempéries empêchant la réalisation des travaux,

-. entendre dire qu'ils informeront par tous moyens Mme [A] des dates d'intervention de l'entreprise huit jours avant son intervention,

- entendre désigner Maître [D], commissaire de justice, pour réaliser un procès-verbal de constat avant travaux et après travaux,

- entendre condamner Mme [A] à leur verser la somme de 300 € pour chaque refus

d'accès à sa propriété qu'elle opposerait,

- entendre débouter Mme [A] de ses demandes contraires,

- entendre condamner Mme [A] au paiement d'une somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Mme [A] sollicitait que le juge des référés :

- déboute les époux [E] de l'intégralité de leurs demandés,

- juge qu'elle n'a jamais refusé une intervention ponctuelle sur sa propriété à la condition de travaux conformes au rapport d'expertise et selon un planning communiqué,

- juge que les travaux conformes au rapport d'expertise imposent la pose de bornes de limites de propriété et prévoient la suppression de l'empiétement en sous-sol de 20 centimètres ;

- condamne les époux [E] à lui communiquer le plan d'exécution des travaux réparatoires et le calendrier et à lui payer les sommes de :

5.000 € pour procédure abusive

5.000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice

2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Elle indiquait que l'entreprise LFB BÂTI PLUS avait commencé les travaux le 25 septembre 2023 en s'introduisant sur la propriété et en démontant ses claustras sans son autorisation.

M. [I] expert technique avait pu constater le caractère inapproprié des travaux entrepris et leur défaut de conformité aux préconisations de l'expert, basées sur un devis établi par la société Temsol.

Ils envisageaient en effet de faire procéder à un simple rabotage du mur porteur, procédé en totale contradiction avec le DTU et entraînant un risque d'effondrement de la construction des époux [E]

La réalisation des travaux préconisés par l'expert judiciaire ne requiert aucun passage sur sa propriété.

Il est nécessaire que M. et Mme [E] communiquent des plans d'exécution conformes au rapport d'expertise et aux règles de l'art, sans danger pour sa propriété, ainsi que le planning d'exécution.

- le devis de l'entreprise Concept Construction démontre qu' un bornage est nécessaire avant tout travaux ; il prévoit en outre la démolition du mur par l'intérieur du garage des époux [E], et le mail du cabinet MANSAUD en date du 16 janvier 2024 confirme qùe la réalisation des travaux de démolition depuis le fonds [E] est possible ; ce devis ne prévoit en revanche aucune suppression de l'empiétement par les fondations de 20 centimètres en sous-sol.

Les époux [E] tentent ainsi de faire réaliser des travaux à bas prix ne respectant pas le rapport d'expertise judiciaire ni les normes de construction, et n'hésitent pas à agir en justice pour obtenir l'autorisation de passer chez elle alors qu'ils n'y sont pas contraints.

Le caractère abusif de cette procédure est ainsi établi et justifie l'octroi de dommages et intérêts ;

Elle subit un préjudice du fait de la non-exécution des travaux et de la violation de son droit de propriété et est donc fondée à obtenir une provision de 5.000 € à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice.

Par ordonnance contradictoire en date du 26/03/2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de SAINTES a statué comme suit :

'REJETONS l'intégralité des demandes de M. [R] [E] et de Mme [H] [N] épouse [E],

CONDAMNONS M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] à communiquer à Mme [F] [A] le plan d'exécution des travaux relatifs à la suppression des ouvrages de surface et de sous-sol portant atteinte à la propriété de cette dernière,

CONDAMNONS M. [R] [E] à payer à Mme [F] [A] une provision de 500 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

DÉBOUTONS Mme [F] [A] du surplus de ses demandes,

CONDAMNONS IN SOLIDUM M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] aux dépens,

CONDAMNONS IN SOLIDUM M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] à payer à Mme [F] [A] une somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile'.

Le premier juge a notamment retenu que :

- il appartient aux époux [E], demandeurs au droit d'accès temporaire, de démontrer que les travaux envisagés sont nécessaires et qu'ils ne peuvent être réalisés qu'en passant sur le fonds contigu, sans que ce passage constitue une simple commodité.

- selon le jugement rendu, l'erreur d'implantation mise en évidence par le rapport d'expertise judiciaire est de 6 centimètres en surface et de 17 centimètres au niveau des fondations, et le rétablissement de Mme [A] dans son droit de propriété suppose la démolition partielle du garage, seule cette solution étant techniquement adaptée.

- l'expert judiciaire avait validé les travaux devisés par la société Temsol prévoyant notamment la découpe du plafond du garage avec étaiement de la charpente, le soutènement de la terrasse de Mme [A] sur la durée des travaux pour permettre le déblaiement jusqu'à l'arase de la fondation, ainsi que la démolition du mur mitoyen (soubassement et élévation) et de la partie de fondation dépassant sur le fonds [A] puis le remblaiement.

Or les époux [E] ne démontrent aucunement que la réalisation de ces travaux de suppression de l'empiétement aérien et souterrain rende indispensable une intervention sur le terrain de Mme [A].

- M. [E] et le cabinet MANSAUD, maître d'oeuvre, ont à l'inverse évoqué par 2 mails la réalisation de travaux à partir du seul fonds [E].

- les travaux de finition et d'enduit du mur du garage que les époux [E] viendraient à reconstruire ne relèvent nullement de l'exécution de la décision du 17 mars 2023, qui porte uniquement sur la suppression de l'empiétement.

- il n'y a pas lieu d'ordonner les mesures sollicitées visant à permettre aux époux [E] de faire accéder toute entreprise de leur choix au fonds de Mme [A] sous peine d'astreinte.

- sur les demandes reconventionnelles, la demande de pose de borne est dépourvue de tout fondement juridique voire même d'objet dans la mesure où l'article 646 du code de procédure civile dispose que tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës à frais communs.

- Mme [A] est légitime à solliciter le'plan d'exécution des travaux réparatoires, qui lui permettra de s'assurer de la bonne exécution du jugement du 17 mars 2023.

- en l'absence de nécessité pour les entreprises de passer sur sa propriété, sa demande de communication du calendrier des travaux apparaît dénuée d'utilité.

- il n'y a pas abus de procédure.

- au vu du procès-verbal de constat établi par un commissaire de justice le 25 septembre 2023, il apparaît qu'en l'absence de Mme [A] et sans l'autorisation de cette dernière, M. [E] a introduit sur la propriété de l'intéressée des artisans qui ont procédé au démontage de claustras.

Cette intrusion en méconnaissance du droit de propriété constitue une faute obligeant M. [E] à réparation. Une provision de 500 € sera accordée à Mme [A] à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

LA COUR

Vu l'appel limité en date du 17/04/2024 interjeté par M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E], en ce que le juge des référés a ainsi statué :

'- Rejetons l'intégralité des demandes de M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E],

- Condamnons M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] à communiquer à Mme [F] [A] le plan d'exécution des travaux relatifs à la suppression des ouvrages de surface et de sous-sol portant atteinte à la propriété de cette dernière,

- Condamnons M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] à payer à Mme [F] [A] une provision de 500 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

- Condamnons in solidum M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] aux dépens,

- Condamnons in solidum M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] à payer à Mme [F] [A] une somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 13/05/2024, M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] ont présenté les demandes suivantes :

'Vu les articles 501, 834 et 808 du code de procédure civile,

Vu le jugement du tribunal judiciaire de SAINTES du 17 mars 2023,

Vu les pièces versées aux débats,

JUGER M. et Mme [E] recevables et bien fondés en leur appel ;

Y faisant droit,

REFORMER en conséquence l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a:

Rejeté l'intégralite' des demandes de M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E],

Condamné M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] a' communiquer a' Mme [F] [A] le plan d'exe'cution des travaux relatifs a' la suppression des ouvrages de surface et de sous-sol portant atteinte à la propriété de cette dernière,

Condamné M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] a' payer a' Mme [F] [A] une provision de 500 € a' valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

Condamné in solidum M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] aux dépens,

Condamné in solidum M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] a' payer a' Mme [F] [A] une somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Statuant de nouveau,

AUTORISER M. et Mme [E] à faire accéder à toute entreprise de professionnels qualifiés mandatée par eux, à pénétrer sur la parcelle de Mme [A], pour une durée d'un mois, afin de pouvoir effectuer les travaux de suppression de l'empiétement selon jugement du tribunal judiciaire de SAINTES du 17 mars 2023.

JUGER que l'autorisation d'accès d'une durée d'un mois pourra être prolongée en cas d'intempéries empêchant la réalisation des travaux.

JUGER que M. et Mme [E] informeront par tous moyens Mme [A] des dates d'intervention de l'entreprise au plus tard huit jours avant son intervention.

DESIGNER Maître [D], Commissaire de Justice à [Localité 11], pour réaliser un procès-verbal de constat avant travaux et après travaux.

DÉBOUTER Mme [A] de toutes ses demandes contraires.

DEBOUTER Madame [A] de l'ensemble de ses demandes de provisions à valoir sur l'indemnisation d'un quelconque préjudice;

DEBOUTER Madame [A] de l'ensemble de ses demandes fondées sur la procédure abusive.

CONDAMNER Madame [A] à payer à M. et Madame [E], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3.500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

CONDAMNER Madame [A] aux entiers dépens de première instance et d'appel'.

A l'appui de leurs prétentions, M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] soutiennent notamment que:

- sur la demande des époux [E] à être autorisés à faire accéder des professionnels qualifiés à pénétrer sur la parcelle de Mme [A] pour effectuer les travaux de suppression d'empiétement, d'une part, les mails des 25 septembre 2023 et 16 janvier 2024 n'ont aucunement évoqué la réalisation de travaux à partir du seul fonds [E], le cabinet d'architecture MANSAUD fait bien état de la nécessité d'obtenir l'accord de Mme [A] pour réaliser l'ensemble des travaux, d'autre part le devis TEMSOL du 3 juin 2020, retenu et validé par l'expert judiciaire dans le cadre de la suppression de l'empiétement, fait expressément état de la nécessité d'un « accord écrit du voisin pour intervention sur sa propriété.

- l'entreprise doit pouvoir réaliser le travail dans les règles de l'art, tel qu'elle l'entend et toutes les entreprises sollicitées pour procéder aux travaux de suppression d'empiétement ont conditionné leur intervention à un accord écrit de la propriétaire de la parcelle voisine.

- l'intervention de la société LFB BATIPLUS n'est plus envisagée à ce jour, le tribunal de commerce de POITIERS ayant prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire le 26 mars 2024.

- contactée par les époux [E] pour actualiser son devis et préciser ses conditions d'intervention, la société TEMSOL, dans l'attente de l'autorisation expresse d'accéder à la parcelle voisine, a transmis un plan d'exécution des travaux

- son plan matérialise la nécessité de pouvoir accéder à la parcelle de Mme [A] sur une bande jouxtant le mur litigieux sur une largeur de 1,50 m, durant toute la durée des travaux, soit a minima un mois, ce pour assurer la parfaite sécurité du chantier.

- à défaut de pouvoir obtenir amiablement l'accord de Mme [A], les époux [E] n'ont eu d'autre choix que de solliciter une autorisation judiciaire et il y a lieu à infirmation de l'ordonnance rendue sur ce point.

- l'ordonnance entreprise sera réformée et Mme [A] déboutée de toutes ses demandes de provisions à valoir sur son préjudice allégué ainsi que de toutes ses demandes indemnitaires sur le fondement de la procédure abusive

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 10/06/2024, Mme [F] [S] épouse [A], a présenté diverses demandes :

'CONFIRMER L'ORDONNANCE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINTESN en ce qu'elle a ainsi statué :

'REJETONS l'intégralité des demandes de M. [R] [E] et de Mme [H] [N] épouse [E],

CONDAMNONS M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] à communiquer à Mme [F] [A] le plan d'exécution des travaux relatifs à la suppression des ouvrages de surface et de sous-sol portant atteinte à la propriété de cette dernière,

CONDAMNONS M. [R] [E] à payer à Mme [F] [A] une provision de 500 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

DÉBOUTONS Mme [F] [A] du surplus de ses demandes,

CONDAMNONS IN SOLIDUM M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] aux dépens,

CONDAMNONS IN SOLIDUM M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E] à payer à Mme [F] [A] une somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile'

DEBOUTER M. et Mme [E] de l'intégralité de leurs demandes.

JUGER que Mme [A] n'a jamais refusé une intervention ponctuelle sur sa propriété à la condition de travaux conformes au rapport d'expertise et selon un planning communiqué.

JUGER que les travaux conformes au rapport d'expertise imposent la pose de bornes de limites de propriété

JUGER que les travaux conformes au rapport d'expertise prévoient notamment une suppression de l'empiétement en sous sol de 20 cm.

A TITRE RECONVENTIONNEL :

CONDAMNER monsieur [R] [E] et madame [H] [N] épouse [E] à payer à madame [F] [A] une provision de 5000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;

CONDAMNER monsieur [R] [E] et madame [H] [N] épouse [E] à payer à madame [F] [A] la somme de 5000 euros pour procédure abusive ;

CONDAMNER les consorts [E] en leur qualité d'appelants aux entiers

dépens de l'instance conformément à l'article 696 du code de procédure civile,

CONDAMNER les consorts [E] à la somme de 4000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile'.

A l'appui de ses prétentions, Mme [F] [S] épouse [A] soutient notamment que :

- il y a lieu de confirmer l'ordonnance du tribunal de SAINTES en ce qu'elle a débouté les époux [E] de leurs demandes à faire accéder toute entreprise de professionnels qualifiés, mandatée par eux, à pénétrer sur sa parcelle.

- Mme [A] ne s'est jamais opposée à l'occupation ponctuelle de sa propriété dans le cadre de travaux respectant les règles de l'art et le rapport d'expertise judiciaire, selon un planning communiqué par avance.

- les documents nécessaires à la réalisation des travaux ne sont toujours pas communiqués.

- l'expert amiable de Mme [A] a indiqué : 'le maitre d'oeuvre prévoit la démolition du mur par l'intérieur du garage [E] ce qui a toujours été envisagé d'origine par l'expert, c'est une bonne nouvelle, qui permet d'oublier cet étrange idée de rognage de mur de 6 cm coté [A]'.

- les accès limités dans le temps sont toujours acceptés par Mme [A], mais avec des communications de protocole conforme quant au rapport d'expertise judiciaire, et avec pour rappel la pose de bornes obligatoires.

- il y a donc lieu à communication du plan d'exécution des travaux relatifs à la suppression des ouvrages de surface et de sous-sol portant atteinte à la propriété de cette dernière, par confirmation de l'ordonnance.

- les consorts [E] devaient « procéder à la démolition de l'ouvrage édifié (...) dans le délai de 6 mois à compter de la signification », laquelle a eu lieu le 7 avril 2023 aux époux [E], les travaux auraient dû à minima débuter dans ce délai de 6 mois, soit avant le 7/10/2023 si ce n'est être achevés à cette date.

Les travaux n'ont commencé que le 25/09/2023 en violation non seulement des règles de l'art mais aussi de la décision judiciaire.

- depuis le 7/10/2023, l'astreinte est due.

- M. et Mme [A] n'ont toujours pas saisi de juridiction pour liquider l'astreinte et tentent de faire face à la mauvaise foi adverse avec comme seul objectif la réalisation des travaux et la réparation du préjudice subi

Alors que l'astreinte pouvant être liquidée prévue à raison de 50 euros par jours sur 4 mois s'élève à un montant total d'environ 6000 €, il est donc demandé à la cour de réformer l'ordonnance du tribunal judiciaire de SAINTES en ce qu'elle a limité l'indemnisation du préjudice de Mme [A] a la somme de 500 €, la somme de 5000 € étant demandée.

- en outre, une condamnation de 5 000 € de dommages et intérêt pour procédure abusive est demandée à l'encontre de M. [R] [E] et Mme [H] [N] épouse [E].

Il convient de se référer aux écritures de M. et Mme [E] parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 17/06/2024.

À l'audience, la cour a autorisé les plaideurs à lui adresser sous huit jours une note en délibéré contradictoire mais il n'en a pas été déposé dans le délai indiqué.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande principale d'autorisation de M. et Mme [E] à faire accéder à toute entreprise de professionnels qualifiés mandatée par eux, à pénétrer sur la parcelle de Mme [A], pour une durée d'un mois, afin de pouvoir effectuer les travaux de suppression de l'empiétement .

L'article 834 du code de procédure civile dispose que : Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend."

L'article 835 du code de procédure civile dispose que : "le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire."

Selon jugement du 17 mars 2023, le tribunal judiciaire de SAINTES a condamné M. et Mme [E] à procéder à la démolition de l'ouvrage empiétant en surface comme en sous-sol sur la propriété de Mme [A] et à remettre son terrain dans son état d'origine conformément aux règles de l'art, cela sous astreinte.

Comme retenu par le premier juge, l'erreur d'implantation mise en évidence par le rapport d'expertise judiciaire est de 6 centimètres en surface et de 17 centimètres au niveau des fondations, et le rétablissement de Mme [A] dans son droit de propriété suppose la démolition partielle du garage.

Il apparaît que l'expert judiciaire avait validé les travaux devisés par la société Temsol, celle-ci prévoyant notamment la découpe du plafond du garage avec étaiement de la charpente, le soutènement de la terrasse de Mme [A] sur la durée des travaux pour permettre le déblaiement jusqu'à l'arase de la fondation, ainsi que la démolition du mur mitoyen (soubassement et élévation) et de la partie de fondation dépassant sur le fonds [A] puis le remblaiement.

Le plan d'exécution des travaux élaboré le 07/05/2024 par la société TEMSOL, contactée par M. et Mme [E], semble retenir la nécessité d'un accès à la parcelle de Mme [A], sur une bande jouxtant le mur litigieux sur une largeur de 1,50 m, durant toute la durée des travaux, soit a minima un mois.

Mme [A] avait communiqué en première instance un avis technique de M. [Z], ingénieur expert près la cour d'appel de Reims, estimant que le mode opératoire défini par la société TEMSOL pour supprimer l'empiétement et validé par l'expert judiciaire ne crée aucune obligation pour les époux [E] de pénétrer chez elle.

Toutefois, Mme [A] ne verse pas au débat d'éléments de nature à contredire le bien fondé du plan de travaux élaboré par la société TEMSOL, dont le précédent devis a été retenu par l'expert judiciaire.

Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit désormais à la demande d'autorisation soutenue par M. et Mme [E], par infirmation de l'ordonnance entreprise sur ce point.

Il appartiendra comme d'usage à M. et Mme [E] d'informer par LRAR Mme [A] des dates d'intervention de l'entreprise de son choix, cela au plus tard 7 jours avant son intervention, sans qu'il y ait lieu de prévoir en l'état une situation de report pour intempérie.

Maître [D], commissaire de justice à [Localité 11], sera désigné aux frais des époux [E] pour réaliser un procès-verbal de constat avant travaux et après travaux.

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a condamné M. [R] [E] et de Mme [H] [N] épousé [E] à communiquer à Mme [F] [A] le plan d'exécution des travaux relatifs à la suppression des ouvrages de surface et de sous-sol portant atteinte à la propriété de cette dernière.

Sur la demande de provision :

Il a pu être retenu par le premier juge au regard du procès-verbal de constat établi par un commissaire dé justice le 25 septembre 2023, non réfuté, qu'en l'absence de Mme [A] et sans l'autorisation de cette dernière, M. [E] avait permis l'introduction sur la propriété sa voisine des artisans qui ont procédé au démontage de claustras.

Ce comportement fautif a généré un préjudice justifiant l'allocation d'une somme provisionnelle de 500 €, par confirmation de l'ordonnance entreprise sur ce point.

Sur l'abus de procédure :

Il y a lieu de rechercher l'existence d'éléments faisant apparaître non seulement le caractère infondé mais encore abusif de la procédure engagée, caractérisant des circonstances de natures à faire dégénérer en faute l'exercice du droit d'agir en justice.

En l'espèce il n'est pas démontré un abus du droit d'ester en justice, ni du droit d'appel, M. et Mme [E] n'ayant pas fait dégénérer en abus leur droit de soumettre leurs prétentions à examen de justice.

La demande de dommages et intérêts formée à ce titre par Mme [A] sera en conséquence rejetée.

La cour n'est pas saisie par le dispositif des conclusions de Mme [A] d'une demande de liquidation d'astreinte et n'a donc pas à statuer sur ce point.

Sur les dépens :

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d'appel seront fixés à la charge de Mme [F] [S] épouse [A].

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel, l'ordonnance étant infirmée sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et en dernier ressort,

INFIRME l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a :

- condamné M. [R] [E] et de Mme [H] [N] épousé [E] à communiquer à Mme [F] [A] le plan d'exécution des travaux relatifs à la suppression des ouvrages de surface et de sous-sol portant atteinte à la propriété de cette dernière,

- condamné M. [R] [E] à payer à Mme [F] [A] une provision de 500 à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

Statuant à nouveau

ENJOINT à Mme [F] [S] épouse [A] de permettre à M. [R] [E] et de Mme [H] [N] épousé [E] de faire accéder toute entreprise de professionnels qualifiés mandatée par eux, à sa parcelle, pour une durée d'un mois, afin de pouvoir effectuer les travaux de suppression de l'empiétement selon jugement du tribunal judiciaire de SAINTES du 17 mars 2023, dans le respect de ce jugement.

FAIT OBLIGATION à M. et Mme [E] d'informer par LRAR Mme [A] des dates d'intervention de l'entreprise au plus tard 7 jours avant son intervention, le délai d'intervention de 1 mois courant à compter de la date de début signifiée à Mme [A].

DÉSIGNE Maître [D], commissaire de justice à [Localité 11], pour réaliser un procès-verbal de constat avant travaux et après travaux.

PRÉCISE qu'il instrumentera aux frais des époux [E]

Y ajoutant,

DÉBOUTE Mme [F] [S] épouse [A] de sa demande formée au titre de l'abus de procédure.

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.

CONDAMNE Mme [F] [S] épouse [A] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,