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Décisions

CA Grenoble, 1re ch., 9 juillet 2024, n° 24/00063

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 24/00063

9 juillet 2024

N° RG 24/00063

N° Portalis DBVM-V-B7I-MCKK

C1

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL COUTTON GERENTE LIBER MAGNAN

Me Bernard BOULLOUD

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 09 JUILLET 2024

Appel d'une ordonnance de référé (N° RG 23/01198)

rendue par le Président du Tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 07 décembre 2023

suivant déclaration d'appel du 22 décembre 2023

APPELANTS :

M. [W] [P]

né le 29 mai 1985 à [Localité 12] (Bosnie-Herzégovine)

[Adresse 5]

[Localité 4]

Mme [M] [C] épouse [P]

née le 09 mai 1987 à [Localité 10] (Bosnie-Herzégovine)

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentés par Me François-Xavier LIBER-MAGNAN de la SELARL COUTTON GERENTE LIBER MAGNAN, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMES :

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège situé :

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Bernard BOULLOUD, avocat au barreau de GRENOBLE

M. [X] [L]

né le 12 août 1988 à [Localité 6]

[Adresse 9]

[Localité 6]

non représenté

S.E.L.A.R.L. [D] [B] dont le siège social est situé [Adresse 2], représentée par Me [D] [B], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL FES (FRANCE ECO SOLAIRE) dont le siège social était situé [Adresse 8], selon jugement du 13 juillet 2021 du Tribunal de Commerce de Lyon

non représentée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller

Mme Véronique Lamoine, conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 mai 2024, Madame Lamoine conseiller chargé du rapport, assistée de Anne Burel, greffier, a entendu seule les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 905 du Code de Procédure Civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

*****

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTION DES PARTIES

Selon bon de commande en date du 21 mai 2020, M. [W] [P] a commandé à l'EURL France ECO SOLAIRE dirigée par M. [X] [L], la fourniture et la pose d'une pompe à chaleur, d'une VMC double flux et de panneaux photovoltaïque pour équiper leur maison située [Adresse 5], pour un prix total de 37 900 €, travaux financés par un emprunt souscrit le même jour auprès de la société BNP Paribas Personal Finance sous l'enseigne "CETELEM".

Les panneaux photovoltaïques et la pompe à chaleur ont été posés, et Mme [M] [C] épouse [P] a signé le 28 mai 2020 une attestation de fourniture au vu de laquelle les fonds ont été débloqués par le prêteur au profit de l'entreprise installatrice.

Le 10 août 2020, l'EURL France ECO SOLAIRE a adressé un courriel à Mme [P] lui indiquant que la "mise en service a(vait) été demandée ce jour" et que le "service planning Enedis (prendrait) contact" avec elle dans les prochains jours.

Le 13 juillet 2021, l'EURL France ECO SOLAIRE a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon qui a désigné le 3 août 2021 la SELARL [D] [B] en qualité de liquidateur.

Par actes en dates des 26, 28, 29 juin, et 6 juillet 2023, les époux [P], faisant valoir que la VMC était manquante, que le panneau photovoltaïque n'avait pas été correctement installé et que les démarches nécessaires à la revente de l'électricité, déléguées à l'installateur, n'avaient pas été menées à bien par ce dernier, ont assigné la SELARL [D] [B] ès qualités, M. [X] [L], la SA BNP PERSONAL FINANCE, et la société de droit anglais QBE INSURANCE EUROPE Ltd, cette dernière en qualité d'assureur de l'EURL France ECO SOLAIRE, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de GRENOBLE afin de voir ordonner une expertise pour vérifier si les installations commandées ont été entièrement installées, et si elles fonctionnent conformément à la commande.

La société de droit belge QBE EUROPE SA/NV est intervenue volontairement à l'instance comme venant aux droits et obligations de la société QBE INSURANCE EUROPE Ltd. Elle a demandé à titre principal sa mise hors de cause, en faisant valoir que les effets de la police d'assurance souscrite par l'EURL France ECO SOLAIRE avaient été suspendus à compter du 23 mars 2020 pour défaut de paiement des primes avec annonce d'une résiliation au 3 avril 2020 à défaut de règlement.

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a demandé qu'il lui soit donné acte :

de ce qu'elle formulait les plus expresses protestations et réserves quant à son éventuelle responsabilité,

de ce qu'elle ne s'opposait pas à la mesure d'expertise technique telle que sollicitée par les époux [P].

Par ordonnance du 7 décembre 2023, le juge des référés a :

dit n'y avoir lieu à statuer en référé sur la demande d'expertise,

condamné les époux [P] aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 22 décembre 2023, les époux [P] ont interjeté appel de cette ordonnance.

Les 19 et 26 janvier 2024, les avocats des parties ont été avisés que l'affaire était fixée à plaider à l'audience du 14 mai 2024 en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

Par uniques conclusions transmises par RPVA le 9 février 2024, et signifiées par acte de commissaire de justice aux parties non comparantes, les époux [P] demandent à cette cour la réformation de l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté leur demande d'expertise, et la désignation d'un expert aux fins de vérifier la conformité et le bon fonctionnement des installations mises en place, selon une mission pour le détail de laquelle il est renvoyé à leurs conclusions.

Ils demandent encore que les dépens soient réservés.

Ils font valoir, pour l'essentiel :

que la VMC n'a jamais été installée,

que les panneaux photovoltaïques n'ont pas été correctement installés,

que les démarches nécessaires à la revente de l'électricité n'ont pas été réalisées par l'installateur,

que la garantie décennale annoncée par l'installateur dans les documents contractuels s'est révélée par la suite inexistante comme ayant été suspendue puis interrompue pour défaut de paiement des primes,

qu'ils ont déposé plainte contre l'EURL France ECO SOLAIRE et ses anciens dirigeants, par courrier de leur conseil en date du 21 juin 2023 ce dont ils justifient en cause d'appel, pour escroquerie en ce que, notamment, lorsque la commande a été signée, l'installateur n'ignorait pas que la couverture de sa garantie décennale était suspendue suite à la mise en demeure de son assureur.

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, par uniques conclusions transmises et notifiées le 14 février 2024, demande à titre principal la confirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et, à titre subsidiaire, qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle formule les plus expresses protestations et réserves quant à son éventuelle responsabilité dans ce dossier, qui n'est en l'état nullement démontrée.

Elle demande encore condamnation des époux [P] aux dépens et à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SELARL [D] [B] ès qualités, ainsi que M. [L], régulièrement assignés par acte délivré autrement qu'à sa personne pour le second, n'ont pas constitué avocat. Il y a lieu de statuer par défaut en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 9 avril 2024.

MOTIFS

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile :

"S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé."

En l'espèce, les époux [P], soutiennent :

que la VMC commandée à l'EURL France ECO SOLAIRE n'a pas été livrée ni installée, la véracité de cette allégation ressortant, a priori, de l'attestation de livraison signée du client qui mentionne seulement, au titre des "biens ou prestations de services" : "PV + PAC", abréviations pouvant se comprendre comme "photovoltaïque et pompe à chaleur", sans mention de la VMC,

que les panneaux photovoltaïques n'ont pas été installés correctement et que leur raccordement au réseau pour revente d'électricité n'a pas été menée à bien par l'installateur.

Ils établissent encore, par les pièces qu'ils produisent :

avoir déposé plainte le 22 juin 2023 contre l'installateur France ECO SOLAIRE notamment pour leur avoir caché qu'il ne disposait plus, lors de la commande, d'une assurance couvrant les conséquences de sa responsabilité décennale,

que M. [L], dernier gérant de l'EURL France ECO SOLAIRE placée en liquidation judiciaire seulement un an et deux mois après la commande en l'espèce, a été aussi le dirigeant d'une SAS [L] PRODUCTION SOLAR dont l'activité déclarée n'a durée que six mois durant l'année 2018, ainsi que le liquidateur d'une société MB SOLAIRE.

Ils justifient, en cela, d'un intérêt légitime à voir ordonner une expertise, au contradictoire du liquidateur de l'entreprise installatrice ainsi que de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE qui a financé l'installation, à l'effet de vérifier si les installations commandées ont été entièrement et correctement mises en oeuvre, et si les panneaux photovoltaïques permettent la production d'électricité et sa revente à l'organisme distributeur.

Il y a donc lieu, par voie d'infirmation de l'ordonnance déférée, d'ordonner l'expertise sollicitée avec la mission et sous les modalités qui seront précisées au dispositif du présent arrêt, aux frais avancés des époux [P].

Il y a lieu, faisant application des dispositions de l'article 964-2 du code de procédure civile, de dire que l'expertise se déroulera sous le contrôle du juge chargé de contrôler les mesures d'instruction du tribunal judiciaire de GRENOBLE, juridiction dont émane l'ordonnance infirmée sur ce point.

Sur les demandes accessoires

La demande formée devant le juge des référés tendant seulement à voir ordonner une expertise, les intimés ne peuvent être considéré comme partie perdante, et il y a lieu de laisser à la charge des époux [P] les dépens de première instance et d'appel qui doivent être liquidés par la juridiction saisie en application des dispositions de l'article 491 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt de défaut,

Confirme l'ordonnance déférée seulement en ce qu'elle a condamné les époux [P] aux dépens.

L'infirme pour le surplus, et statuant de nouveau :

Ordonne une expertise et désigne pour y procéder :

M. [T] [O]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 3]

avec pour mission de :

prendre connaissance du dossier et de tous documents utiles recueillis auprès des parties ;

se rendre sur place, visiter les lieux et procéder à la constatation des désordres, non finitions et défauts de conformité allégués ;

vérifier, en particulier, si la VMC double flux commandée a été installée, et si les panneaux photovoltaïques installés fonctionnent et permettent la revente d'électricité,

dans la négative, en rechercher la cause ;

décrire et évaluer le coût des travaux nécessaires pour y remédier ;

donner un avis sur l'existence des préjudices et proposer une évaluation de leurs montants ;

adresser aux parties et à leurs conseils un projet de rapport, leur donner un délai aux parties pour présenter leurs observations sous forme de dire, et y répondre dans son rapport définitif.

Fixe à 4 000 € la provision sur la rémunération de l'expert que les époux [P] devront consigner à la régie du tribunal judiciaire de Grenoble avant le 15 octobre 2024.

Rappelle qu'à défaut de consignation dans le délai, la décision ordonnant l'expertise est caduque.

Dit que l'expertise se déroulera sous le contrôle du Magistrat chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Grenoble en application des dispositions de l'article 964-2 du code de procédure civile.

Dit que l'expert devra adresser aux parties et déposer au greffe des expertises du tribunal judiciaire de Grenoble le rapport définitif de ses opérations avant le 30 mars 2025.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne les époux [P] aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE