CA Colmar, 3e ch. A, 8 juillet 2024, n° 24/00292
COLMAR
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Époux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Fabreguettes
Conseillers :
Mme Deshayes, Mme Issenlor
Avocats :
Me Harter, Me Reins
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Selon contrat du 31 décembre 2006, Monsieur [J] [S] a donné à bail à Monsieur [L] [R] et Madame [N] [T] épouse [R] un logement situé [Adresse 1], moyennant paiement d'un loyer mensuel initial de 1 000 €.
Le 7 février 2022, Monsieur [J] [S] a fait délivrer à Monsieur et Madame [R] un commandement de payer un arriéré locatif de 3 000 €, visant la clause résolutoire du bail.
Par acte du 3 mai 2022, Monsieur [J] [S] a assigné Monsieur [L] [R] et Madame [N] [T] épouse [R] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse, aux fins de voir constater la résiliation du bail, ordonner l'expulsion des occupants sous astreinte et les voir condamner au paiement d'une indemnité d'occupation et de l'arriéré locatif.
Par acte du 2 août 2022, Madame [Y] [D], copropriétaire de l'immeuble, a été assignée en intervention forcée aux fins de lui voir déclarer la procédure opposable et les procédures ont été jointes.
Monsieur et Madame [R] ont fait voir qu'ils n'avaient jamais signé de contrat de bail ; que les demandeurs avaient souscrit un prêt au nom et pour leur compte et qu'eux-mêmes
en remboursaient les mensualités ; que le commandement de payer a été mis en 'uvre de mauvaise foi. Ils se sont prévalus d'une contre créance au titre de sommes réglées pour le compte de Madame [Y] [D], d'un apport consenti pour l'octroi du prêt et au titre de travaux effectués dans les lieux, de dettes remboursées pour les demandeurs ainsi qu'au titre d'un préjudice moral. Ils ont également sollicité des délais de paiement.
Par jugement du 31 août 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse a :
- constaté l'acquisition, au bénéfice de Madame [Y] [D] et de Monsieur [J] [S], de la clause résolutoire insérée au contrat de bail en date du 31 décembre 2006, portant sur le logement situé [Adresse 1] à [Localité 4] à compter du 8 avril 2022,
- dit que depuis cette date, Monsieur [L] [R] et Madame [N] [T] épouse [R] sont redevables d'une indemnité mensuelle d'occupation équivalente au montant mensuel du loyer et des charges,
- condamné solidairement Monsieur [L] [R] et Madame [N] [T] épouse [R] à payer à Madame [Y] [D] et Monsieur [J] [S] :
'la somme de 14 000 € à titre de loyer, charges et indemnités d'occupation, terme du mois de décembre 2022 inclus,
'les intérêts au taux légal afférents à cette somme à compter du commandement de payer à hauteur de la somme de 3 000 € et à compter de l'assignation en justice pour le surplus, en application de l'article 1131-7 du code civil,
'une indemnité mensuelle d'occupation équivalente au montant mensuel du loyer et des charges, soit 1 000 €, révisable selon les dispositions contractuelles à compter du 8 avril 2022 inclus jusqu'à la libération effective des lieux et remise des clés,
- rejeté la demande tendant à l'octroi de délais de paiement,
- ordonné, faute de départ volontaire, l'expulsion de Monsieur [L] [R] et de Madame [N] [T] épouse [R] et de leurs biens ainsi que celle de tout occupant de leur chef des lieux loués avec le concours éventuel de la force publique et d'un serrurier, en application des dispositions des articles L 411-1 et L 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- dit n'y avoir lieu à réduction des délais d'expulsion,
- condamné solidairement Monsieur [L] [R] et Madame [N] [T] épouse [R] à payer à Madame [Y] [D] et à Monsieur [J] [S] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement Madame [Y] [D] et Monsieur [J] [S] à verser la somme de 439,02 euros à Monsieur [L] [R] et Madame [N] [T] épouse [R],
- ordonné la compensation des créances,
- condamné solidairement Monsieur [L] [R] et Madame [N] [T] épouse [R] aux dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer et les frais de la notification au préfet,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- rappelé que le jugement est exécutoire par provision.
Monsieur [L] [R] et Madame [N] [T] épouse [R] ont interjeté appel de cette décision le 8 janvier 2024, intimant Madame [Y] [D].
L'affaire a été fixée à bref délai le 24 janvier 2024, conformément aux dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.
Par écritures notifiées le 26 février 2024, Monsieur [L] [R] et Madame [N] [T] épouse [R] ont conclu ainsi qu'il suit :
- juger l'appel formé par Monsieur et Madame [R] à l'encontre du jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse du 31 août 2023 recevable et bien fondé,
- y faire droit,
En conséquence :
- infirmer le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse du 31 août 2023 s'agissant notamment de la résolution du contrat de bail, de la condamnation des époux [R] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation, d'un arriéré de loyer, charges et d'indemnité d'occupation, des intérêts sur cette somme, en ce qu'il a ordonné
leur expulsion, en ce qu'il a rejeté leur demande tendant à l'octroi de délais de paiement et en ce qui les a condamnés au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens, en ce qu'il a rejeté leur demande reconventionnelle,
Statuant à nouveau,
- juger que les demandes de Monsieur [J] [S] et de Madame [Y] [D] sont irrecevables, subsidiairement mal fondées,
- juger que le contrat de bail produit par Monsieur [J] [S] et Madame [Y] [D] est un faux,
- juger que le commandement de payer visant la clause résolutoire est nul,
- débouter Monsieur [J] [S] et Madame [Y] [D] de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner Monsieur [J] [S] et Madame [Y] [D] au paiement de la somme de 48 942,11 € au titre de l'apport et des travaux réalisés dans la maison,
- condamner Monsieur [J] [S] et Madame [Y] [D] au paiement de la somme de 6 000 € en réparation du préjudice moral subi par Monsieur et Madame [R],
- condamner Monsieur [J] [S] et Madame [Y] [D] à payer aux époux [R] les sommes de 2 456,82 € et 350 € augmentées des intérêts au taux légal au titre du remboursement des dettes,
- subsidiairement, suspendre les effets de la clause résolutoire et accorder aux époux [R] les plus larges délais de paiement et d'évacuation,
- en tout état de cause, condamner les intimés aux entiers frais et dépens des deux instances ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par écritures notifiées le 29 mai 2024, Madame [Y] [D] a conclu ainsi qu'il suit :
Eu égard à l'indivisibilité du litige,
A titre principal :
- déclarer l'appel irrecevable, le rejeter,
- dire que l'unicité de l'appel à l'égard de Madame [Y] [D] et de Monsieur [J] [S] dans la procédure 23/03456 induit l'irrecevabilité du présent appel,
- constater que le présent appel des époux [R] est irrecevable, à tout le moins caduc, Madame la présidente de chambre étant saisie de ce chef et que par suite le jugement du 31 août 2023 du juge du contentieux de la protection de Mulhouse est définitif,
- déclarer irrecevable l'appel formé par les appelants dans la procédure RG 24/00292,
Subsidiairement,
- déclarer l'appel des consorts [R] mal fondé, le rejeter,
- déclarer les demandes des appelants irrecevables, en tout cas mal fondées,
- débouter les appelants de toutes leurs demandes,
- déclarer les demandes de la concluante recevables et bien fondées,
- faire droit aux demandes de la concluante,
- corrélativement, confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- condamner les appelants à verser à la concluante la somme de 1 000 € pour procédure abusive et résistance abusive des appelants,
- condamner les appelants à payer à la concluante les entiers frais et dépens de première instance et d'appel,
- condamner les appelants à verser à Maître Raphaël Reins, conseil de la concluante, la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 2° du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
Par ordonnance du 27 mai 2024 du président de la chambre, Madame [Y] [D] a été déboutée de sa demande sur incident tendant à voir déclarer l'appel irrecevable et a été condamnée aux dépens de la procédure sur incident.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel :
Pour soutenir que l'appel est irrecevable, Madame [Y] [D] fait valoir que les consorts [R] ont formé un premier appel à l'encontre du jugement rendu le 31 août 2023 par le juge des contentieux de la protection de Mulhouse, l'intimant ainsi que
Monsieur [J] [S], cette procédure ayant été enregistré sous le numéro RG 23/03456 ; que cette déclaration d'appel a été frappée de caducité ; que les appelants sont dès lors irrecevables à régulariser une deuxième déclaration d'appel à son encontre.
Aux termes de leurs écritures déposées devant la cour, Monsieur et Madame [R] n'ont fait valoir aucun moyen relativement à la recevabilité de leur appel.
L'article 911-1 du code de procédure civile dispose en son alinéa 3 que la partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l'appel a été déclaré irrecevable n'est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie.
Il résulte des pièces produites que par déclaration d'appel numéro 23/02242 en date du 21 septembre 2023, Monsieur et Madame [R] ont interjeté appel du jugement du 31 août 2023, intimant Monsieur [J] [S] et Madame [Y] [D] ; que par ordonnance du 22 novembre 2023, la déclaration d'appel des consorts [R] a été déclarée caduque en ce qu'elle est dirigée contre Madame [Y] [D], en ce qu'elle n'a pas été signifiée par les appelants à l'intimée dans le délai de dix jours qui était ouvert à ces derniers à compter du 4 octobre 2023 ; que par ordonnance du 12 mars 2024, l'appel dirigé contre Monsieur [J] [S] a été déclaré caduc.
La caducité de la déclaration d'appel formé contre Madame [Y] [D] le 21 septembre 2023 pour manquement aux dispositions de l'article 905-1 du code de procédure civile, prononcée antérieurement au deuxième appel rend, par application des dispositions légales précitées, irrecevable la déclaration d'appel portant sur la même décision, formée à l'encontre de Madame [Y] [D] par les consorts [R] par déclaration du 8 janvier 2024, de sorte qu'il sera fait droit à la demande de l'intimée tendant à voir déclarer l'appel irrecevable.
Bien que leur recours soit irrecevable, il n'est pas démontré que les consorts [R] aient agi de mauvaise foi ou avec une légèreté blâmable, de sorte que leur droit de former appel n'a pas dégénéré en abus.
La demande formée par Madame [D] en dommages et intérêt pour procédure abusive sera en conséquence rejetée.
Sur les frais et dépens :
Succombant en la procédure, Monsieur et Madame [R] seront condamnés aux dépens de l'instance, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et seront déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du même code.
Il sera alloué à l'intimée une somme de 1 200 € au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
DECLARE irrecevable l'appel formé par Madame [N] [T] épouse [R] et Monsieur [L] [R] contre Madame [Y] [D],
REJETTE la demande de Madame [Y] [D] en dommages et intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNE Madame [N] [T] épouse [R] et Monsieur [L] [R] à verser à Maître Raphaël Reins, conseil de Madame [Y] [D], la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 2° du code de procédure civile,
DEBOUTE Madame [N] [T] épouse [R] et Monsieur [L] [R] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Madame [N] [T] épouse [R] et Monsieur [L] [R] aux dépens de l'instance d'appel.